Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 15h00
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous abordons avec ce texte un sujet délicat, qui exige avant tout que l’on respecte les convictions de chacun et que l’on évite les caricatures. Je pense que cela est possible, même si l’on entend en dehors de l’hémicycle des propos outranciers ou choquants. Faire rimer « euthanasie » avec « nazi » ou faire l’amalgame avec la peine de mort n’est d’aucune aide pour avancer concrètement !

Comme l’a dit Véronique Massonneau, nous respectons tous les points de vue et toutes les convictions, y compris la légitimité qu’ont les autorités religieuses à s’exprimer sur le sujet pour éclairer les Français, notamment celles et ceux qui se reconnaissent dans leurs croyances. Mais, dans notre République, il n’y aura jamais rien au-dessus de la loi des hommes, celle que nous débattons et votons ici, au Parlement.

La question du passage de la vie à la mort nous ramène à l’essentiel. Il faut donc rappeler que nous sommes tous des législateurs. Certes, il est difficile de s’abstraire de convictions philosophiques ou religieuses, mais également d’expériences personnelles. Beaucoup ont fait état de ces expériences, soit en tant que proches de personnes ayant connu une fin de vie plus ou moins digne, soit en tant que membres d’une profession médicale. Ceux de nos collègues qui sont médecins, en particulier, ont toute légitimité à s’exprimer. Pour autant, nous devons d’abord et avant tout rester des législateurs.

Je le dis d’autant plus tranquillement que je ne puis me référer pour ma part à aucune expérience personnelle et à aucune conviction religieuse en la matière. Je ne suis pas non plus un militant de l’euthanasie en tant que telle, pas plus pour moi que pour mes proches. En tant que législateur, en revanche, je revendique d’être un militant de la liberté de choix, et je ne poursuis qu’un seul but : ouvrir un droit pour celles et ceux qui le souhaitent.

Rien ne sera jamais imposé à personne. Arrêtons de laisser entendre que l’ouverture d’un droit pourrait se traduire par des euthanasies forcées ! La loi est justement là pour encadrer strictement toute euthanasie ou toute aide active à mourir.

C’est un texte assez particulier que nous examinons aujourd’hui, fruit du travail de deux de nos collègues appartenant l’un au groupe UMP, l’autre au groupe SRC. Il s’agit, selon les termes du Premier ministre, du « point de rencontre » entre deux points de vue, et non pas d’un compromis – même si lui-même affirme que les compromis permettent bien souvent d’avancer. Ces deux points de vue, soit dit en passant – et ce n’est nullement une critique ! –, étaient dès le départ relativement proches.

Le texte, donc, comporte des avancées, notamment s’agissant de la reconnaissance du point de vue du patient. Lors de la remise du rapport, le Président de la République a même indiqué que cette perspective devenait devenir prépondérante. Désormais, c’est le point de vue de la personne concernée qui doit s’imposer, y compris au corps médical. La reconnaissance des directives anticipées comme prépondérantes – « opposables », pour reprendre le terme employé par l’orateur précédent – est pour nous un point extrêmement important. Il faut que sa traduction législative soit aussi précise que possible.

Cela dit, la sédation profonde pose plusieurs problèmes. Si nous pouvons entendre le raisonnement de nombre de médecins qui accepteraient la sédation profonde alors qu’ils refuseraient l’euthanasie ou l’aide active à mourir, nous ne pouvons nous arrêter à ce point de vue. Aussi le groupe écologiste a-t-il déposé plusieurs amendements à ce sujet. Si une majorité se dégage dans notre Assemblée pour aller plus loin, faisons-le, car cela correspond au sentiment d’une très large majorité de nos concitoyens. Sinon, comme l’a dit le Premier ministre lors de la séance de questions d’actualité, cette loi ne sera qu’une étape, qui appellera à son tour une autre loi.

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