Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cinq ans après la loi dite Leonetti, notre assemblée est appelée à élaborer une nouvelle loi. Ce n’est pas une nouveauté instituée par François Hollande, mais bien l’issue d’une réflexion conduite depuis des années.
Ce texte comporte trois aspects importants. D’abord, ne pas laisser souffrir un patient en fin de vie. Nous avions légiféré en 2005 afin de recommander la prescription de médicaments antalgiques. Même si ces médicaments accélèrent la mort, l’intentionnalité était de traiter la douleur, de la diminuer.
Qu’y a-t-il de plus dans le texte que nous examinons aujourd’hui ? En réalité, pas grand-chose, si ce n’est l’affirmation que les traitements sédatifs antalgiques, qui étaient prescrits, peuvent aller jusqu’à la sédation profonde ou « sédation terminale ». L’expression était déjà utilisée en 2005 ! Je le redis avec force, ces traitements de sédation étaient déjà administrés jusqu’à ce que la mort survienne. Ils l’accompagnaient, ils permettaient de l’attendre, l’accéléraient parfois. Ce texte apporte une précision sémantique. Dont acte.
Le deuxième axe est d’obtenir des Français des « directives anticipées ». Elles étaient déjà dictées dans la loi de 2005. Mais aujourd’hui, elles s’imposent aux médecins. Est-ce bien raisonnable ? Attention au suicide, ou plutôt aux tentatives de suicide ! Beaucoup d’entre elles sont des appels au secours, témoignant d’un mal essentiellement psychologique. Pourtant, ce patient arrivant aux urgences dans un état grave serait en fin de vie si rien n’était fait. En Belgique, les troubles psychologiques graves conduisant à des tentatives de suicide sont considérés comme des maladies graves pouvant justifier un « suicide assisté ». Que faire si cette personne a laissé des directives anticipées, qui s’imposent ? Faut-il l’aider à réaliser son suicide, ou la sauver ? C’est toute l’ambiguïté de cette nouvelle disposition.
Le refus de soins constitue le troisième point fort repris dans ce texte. Il fait déjà l’objet de l’article 1111-4 du code de la santé. Il s’agit du refus de soins. Il est naturel et constitue l’une des libertés du patient, à condition qu’il soit réservé aux patients en fin de vie et dont la mort est certaine. Il faut qu’il n’existe aucun traitement adapté qui pourrait le guérir ou le mettre en rémission sur un long terme. Nous savons tous que lors des traitements, parfois difficiles, de maladies graves pouvant néanmoins guérir, le malade flanche, cède et, las, peut refuser les soins. Je l’ai déjà dit : il faut refuser l’acharnement médical, sans espoir de guérison, mais être suffisamment persuasif lorsqu’il s’agit d’un acharnement thérapeutique, avec la guérison au bout du chemin. Mais c’est vrai, la volonté du malade doit être respectée ; la loi devient ici péremptoire et dangereuse, le dialogue entre le médecin et le malade peut en être biaisé. L’article équivalent de la loi de 2005 me semblait plus souple et plus clair.
Administration de traitements antalgiques, directives anticipées et refus de soin constituent les trois piliers de ce texte. Alors, pourquoi cette nouvelle proposition de loi ? Je n’ai pas de réponse satisfaisante.
Par contre, j’aurais aimé que la diffusion de l’information sur la loi de 2005 soit plus efficace et plus complète, que l’enseignement à destination des étudiants en médecine consacré à la fin de vie soit plus important et que la loi Leonetti leur soit davantage explicitée. Je prends acte de ce qu’a déclaré le Président de la République et de ce que vous-même avez dit, madame la ministre.
J’aurais aimé que les unités de fin de vie soient développées, en particulier les unités fixes. Elles sont si peu nombreuses que cela en est indécent. J’en profite pour dire ici toute l’admiration que je porte au personnel qui y travaille. Le nombre d’unités de fin de vie doit être multiplié, il manque 20 000 lits !
Au XXIe siècle, en 2015, les médecins, les scientifiques, les patients ont en leur possession le crayon pour dessiner l’enfant à naître. Avec l’euthanasie, nous maîtriserions la gomme pour effacer l’homme qui le déciderait. C’est pour cette raison que je suis très opposé à l’euthanasie et au suicide assisté. Mais ce texte n’en parle pas. C’est pourquoi je le voterai tel quel.