Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, messieurs les rapporteurs, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, comment aborder la fin de vie alors que chacun d’entre nous qui en parle ne l’a pas, par essence, vécue jusqu’au bout ? Mais nous en avons souvent fait l’expérience, aux côtés des proches, la redoutant pour eux comme pour nous-mêmes. C’est une expérience personnelle intime qui peut modifier notre regard et, en tant que parlementaires, nous devons la dépasser.
Les différentes représentations sociales et culturelles de la fin de vie montrent à quel point l’appréhension peut en être multiple et complexe. Elles traduisent notre conception de la vie et des valeurs qui sous-tendent notre société. Nous devons aborder ce sujet avec modestie, humilité, dans la complexité des différents parcours de vie, dans la diversité et surtout le respect des prises de position et des convictions des uns et des autres.
Nous n’avons pas à commenter, et encore moins à caricaturer, des positions qui peuvent nous paraître excessives ou timorées. Chaque avis mérite écoute et échanges. Je m’étonne cependant que certains considèrent que ce texte n’apporte rien alors qu’il contient au contraire des avancées indéniables, mais mesurées. Nous pouvons remercier les rapporteurs, car chaque terme a été pesé et soupesé.
Beaucoup de chemin a été parcouru depuis 1999, avec la loi de 2002, puis celle de 2005. Mais il demeure dans notre pays une insupportable distorsion entre les textes et la réalité, et le phénomène prend de l’ampleur : une personne sur trois, en France, traverse une fin de vie dans la souffrance et ne bénéficie d’aucun traitement sédatif ou antalgique.
Force est de reconnaître que les inégalités face à la fin de vie reflètent les inégalités sociales et les inégalités territoriales du pays. Chacun pressent bien qu’une nouvelle étape doit être franchie.
Devant cette situation, le Président de la République a fait le choix, que je salue, d’un débat approfondi et de la recherche d’un rassemblement sur un sujet pour lequel nos concitoyens attendent que nous mesurions nos propos et que nous ne donnions pas l’image d’une assemblée déchirée. Nous sommes, je le crois, à la hauteur de cette attente.
Je veux donc remercier nos deux collègues, Alain Claeys et Jean Leonetti, pour avoir recherché dans leur proposition les points d’équilibre et de rassemblement, sans avoir jamais renoncé à faire avancer l’égalité pour un droit à mourir dignement et avec la volonté de ne renoncer ni à leur personnalité ni à ce qu’ils sont.
Votre proposition de loi a plusieurs mérites et permet d’enregistrer deux avancées majeures. Elle place tout d’abord le patient au coeur du dispositif. Nos concitoyens, en effet, veulent être entendus, ils ne veulent pas souffrir, ils veulent une fin de vie apaisée. La proposition de loi avance sur ces trois points. Elle renforce la valeur des directives anticipées et la place de la personne de confiance, elle admet aussi une sédation profonde et continue jusqu’au décès, qui permet de soulager sans chercher à hâter la fin.
Cette disposition serait-elle une hypocrisie du législateur ou encore une fuite du soignant voulant éviter l’accompagnement du mourant ? Non bien sûr. Ce doit être le fruit d’une réflexion et d’une décision communes, et un aboutissement lorsque tous les traitements et les soins palliatifs ne peuvent plus soulager la douleur physique et la souffrance psychique, jugées insupportables. Le même droit est reconnu aux malades hors d’état de manifester leur volonté lorsqu’ils ont exprimé cette demande dans leurs directives anticipées.
Nos débats au cours de ces dernières semaines ont bien mis en évidence la nécessité de renforcer les soins palliatifs, tant au sein des établissements de santé et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – qu’à domicile, et de développer la formation des soignants. Sur ces deux sujets, madame la ministre, vous nous avez assurés de votre volonté d’avancer. Je suis donc certaine que vous serez attentive à nos amendements et je vous en remercie.
Les soins palliatifs sont là, bien sûr, pour soulager la souffrance, mais sont aussi pour les malades un changement de regard sur la dignité de leur propre fin. Chacun d’entre nous, sur ces sujets, s’exprimera en conscience. Chacun d’entre nous a le droit, et sans doute même le devoir, de douter. Il est normal que ce texte soit débattu. J’entends ceux qui voudraient que nous allions plus loin et, au nom de la liberté, demandent de choisir le moment où ils partiront, mais j’entends aussi ceux pour qui la liberté est de pouvoir changer d’avis, partir entourés d’affection, délivrés de la souffrance physique et qui souhaitent que la mort survienne sans que personne ne le décide à leur place, au moment où elle doit intervenir, sans intervention d’un tiers.
Le présent texte garantit la protection des plus fragiles, des plus vulnérables, et prévient tout risque d’excès dont on ne peut jamais dire à l’avance qu’il existe ou n’existerait pas.
Pour toutes ces raisons, je souscris à cette proposition de loi, en espérant que le débat nous permette encore de l’améliorer mais sans la dénaturer, parce que je crois qu’elle peut constituer le point de rassemblement que nous pouvons espérer et que nous devons rechercher sur un tel sujet.