J’insisterai d’ailleurs sur l’hospitalisation à domicile, un formidable outil pour accompagner les personnes jusqu’à la fin de leur vie puisque 81 % des Français veulent passer leurs derniers instants chez eux. Faisons-en une priorité nationale, décidons sans attendre des objectifs et donnons-nous les moyens de les atteindre, madame la ministre, car nous avons un grand défi à relever.
Le texte de 2005 mettait l’accent sur le devoir des médecins envers les malades et la présente proposition de loi donne aujourd’hui de nouveaux droits aux malades. Les professionnels de santé en sont les garants mais le périmètre de ces droits demeure toutefois incertain. Comment définir les mots « dignité » et « apaisement » ? Peuvent-ils tout justifier ? Certainement pas. Et dans quelles conditions ?
Quant aux directives anticipées, elles permettront au malade de préciser sa volonté sur sa fin de vie, prévoyant le cas où il ne serait plus capable de s’exprimer. Ce n’est donc plus un souhait, mais désormais une volonté contraignante pour le médecin. Encore faut-il que ces directives ne privent pas la personne d’une chance d’améliorer un jour son état de santé. Ne faudrait-il pas d’ailleurs leur fixer un temps de validité, afin que chacun soit obligé de se reposer au cours de sa vie un certain nombre de questions avant de renouveler sa volonté ? Je crois sur ce sujet beaucoup au pacte de confiance qui lie le médecin et le patient. Le dialogue et la concertation sont indispensables. J’attache aussi beaucoup d’importance au statut du témoignage de la personne de confiance et de la famille. La mort doit être un moment qu’il faut préparer, puis vivre et partager avec ses proches.
Vous créez un droit à la sédation profonde jusqu’au décès, avec pour but de soulager le malade en situation de souffrance insupportable, en phase avancée ou terminale. Une telle disposition appelle toutefois à la vigilance dans sa mise en oeuvre.
On peut aussi s’interroger sur l’article 3 du texte et cette phrase : « À la demande du patient (…) de ne pas prolonger inutilement sa vie ». Comment définir ce mot « inutilement » ? Comment juger si une vie est utile, et jusqu’où ? L’utilité d’une vie est-elle le critère de dignité de la vie humaine ?
On peut aussi s’interroger sur l’alimentation et l’hydratation, qui constituent dans ce texte un traitement. Un débat peut avoir lieu sur ce sujet.
Gardons, chers collègues, la volonté de respecter l’équilibre trouvé dans ce texte. N’allons pas vers une aide médicalisée active à mourir et regardons les dérives qui se produisent en Belgique et aux Pays-Bas. La promotion du suicide assisté comme de l’euthanasie n’est pas souhaitable. Elle introduirait une confusion dangereuse entre soigner et faire mourir, contraire à la déontologie médicale. Il deviendrait alors incohérent de réanimer dans les services d’urgence les personnes qui ont tenté de mettre fin à leur vie, et on pourrait craindre que cette évolution conduise à éliminer avec leur consentement les personnes les plus fragiles.
Notre responsabilité est extrême, chers collègues. Nous sommes tous marqués par la mort d’un proche, d’un ami, que nous avons accompagné. Il est légitime que nous ayons des visions différentes de la mort, mais restons fidèles aux valeurs que porte ce texte, celles qui peuvent réunir plutôt que diviser, en affirmant ce droit de dormir pour ne pas souffrir avant de mourir, et ce droit donné à chacun d’être respecté dans ses volontés.