Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question de la fin de la vie est éminemment personnelle. Elle renvoie chacun à son vécu et à celui de ses proches, à des histoires personnelles la plupart du temps douloureuses. Il n’y a pas de vérité absolue.
Nous légiférons pour les patients avant tout. Si, comme je l’espère, nous votons cette proposition de loi, nous leur ouvrirons des droits nouveaux. Ce point peut nous paraître à juste titre évident, mais ne banalisons pas l’évidence. Ouvrir des droits nouveaux est toujours un acte fort, qui mérite le respect. Je tenais à le dire ici avec solennité et fraternité.
Soyons réalistes : nos concitoyens souhaitent avant tout mourir dans l’apaisement, conformément à leur volonté, accompagnés jusqu’au bout, soulagés de leurs souffrances, et surtout en restant le plus possible maîtres de leur vie.
L’ouverture de ces droits nouveaux, qui revient aussi à « faire du droit », était devenue nécessaire, pour des raisons déjà parfaitement démontrées par les précédents orateurs : les effroyables inégalités qui existent entre les Français en fin de vie, à domicile, en établissement hospitalier ou en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les inégalités aussi selon les territoires, la cellule familiale et amicale et les moyens matériels, les inégalités enfin dans les pratiques médicales, les formations, la disponibilité des soignants.
Quels seront ces droits ? L’accès à une sédation en phase terminale ; le caractère contraignant des directives anticipées ; l’élargissement de l’accès aux soins palliatifs.
Le plus important à mon sens est d’offrir aux patients une palette de solutions de soins et de prises en charge de la fin de vie la plus large possible, pour que chaque cas, unique, trouve la solution la plus adaptée.
Dans cet éventail, une nouvelle possibilité est ouverte : la sédation profonde et continue jusqu’au décès associée à l’arrêt des traitements de maintien en vie, pour les personnes atteintes d’une affection grave et incurable dont le pronostic vital est engagé à court terme et qui ne veulent plus souffrir ni prolonger artificiellement leur vie.
Je sais que pour rédiger l’article 3, vous avez dû, messieurs les rapporteurs, soupeser chaque mot pour créer un équilibre subtil. Laissez-moi vous témoigner mon profond respect pour ce travail d’expertise et d’humanisme.
Ce dispositif n’est pas une aide active à mourir, il n’y a aucun geste visant à administrer la mort au patient. Il s’apparente plus à un droit à dormir avant de mourir pour ne pas souffrir, comme l’a souligné M. Leonetti, dans le respect du pacte de soin qui lie le patient et son médecin ou ses soignants. Je sais que beaucoup ici auraient souhaité aller plus loin encore. Je considère pour ma part que la solution retenue est respectueuse et bienveillante, et surtout consensuelle.
Ce droit s’accompagnera du respect pour chaque patient, et jusqu’au bout, de son autonomie de pensée, de parole, puisque sa vie n’a de sens que reliée au monde.
À côté de ce droit, le caractère contraignant des directives anticipées et la possibilité de nommer une personne de confiance sont deux avancées majeures. Il faudra s’assurer que les acteurs s’en saisissent – patients et, surtout, médecins.
Le médecin, et particulièrement le médecin traitant, se doit de prendre toute sa place, d’informer et de renseigner ses patients, qu’ils soient déjà atteints par la maladie ou en bonne santé. Je me réjouis que ce principe ait pu être voté en commission.
Enfin et surtout, ce texte aurait peu de sens si nous n’insistions pas, une nouvelle fois, sur l’importance du droit aux soins palliatifs. Je tiens ici à saluer ces services qui aident jusqu’au bout les malades à vivre aussi activement que possible et qui assurent les soins pour maintenir une certaine qualité à cette vie qui prend fin – en un mot : qui sauvegardent la dignité et soutiennent les entourages des patients.
Notre priorité est de faire cesser toutes ces situations d’indignité, d’isolement et de dénuement qui entourent trop souvent la fin de vie des malades. Ces derniers sont parfois également handicapés, souvent âgés, mais on oublie souvent qu’il y a aussi des personnes jeunes qui ont du mal à mourir. Pour cela, il est impératif de rendre réellement accessible ce droit aux soins palliatifs reconnu depuis quatorze ans, y compris à domicile. C’est la volonté de la grande majorité des malades, mais sa réalisation est loin d’être généralisée.
L’annonce récente par le Président de la République de la mise en place de modules d’enseignement spécifiques consacrés à l’accompagnement des malades dans les formations médicales et paramédicales est en ce sens une initiative salutaire, qu’il faudra garantir et amplifier. Je salue également l’ajout consistant à faire rédiger par les agences régionales de santé un bilan annuel de la politique de développement des soins palliatifs sur chaque territoire.
Ce texte a vocation à nous rassembler au-delà de nos postures politiques. La loi ouvre des droits et respecte la volonté et la dignité de chacun dans cette circonstance si intime qu’est la fin de sa vie. Elle réussit à concilier la compassion et la raison. En un mot, elle fait preuve d’une infinie sagesse, d’humanité et de progrès. Nous ne pouvons que nous en porter garants.