Intervention de Guillaume Bachelay

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 21h30
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Bachelay :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous sommes saisis relève de ce qu’il y a de plus profond dans l’humanité et dans le droit. Dans l’humanité, car la conscience et l’expérience de la finitude sont indissociables de notre condition. Dans le droit, car le devoir du législateur, en démocratie, est de combattre les inégalités – oui, le mal mourir est encore trop présent dans notre pays – et de répondre aux aspirations des citoyens pour qu’ils soient au coeur des décisions qui les concernent quant à la fin de vie, qu’ils souhaitent apaisée.

La question que nous abordons, à la fois universelle et individuelle, appelle humilité et volonté. L’une et l’autre commandent de rendre effectives et possibles les avancées réelles et les droits essentiels contenus dans le texte dont nous débattons.

Des travaux de grande qualité, denses et respectueux, en ont éclairé la rédaction. Je pense, pour m’en tenir aux plus récents, à l’avis du Comité consultatif national d’éthique de juin 2013 et, bien sûr, au rapport que nos collègues Claeys et Leonetti ont remis au Président de la République à la fin de l’année dernière.

Trois principes orientent la proposition de loi qui nous est présentée : garantir à chaque personne, lorsqu’elle achève sa vie, d’être entendue et de voir son choix jusqu’au bout respecté – c’est un principe de liberté. Veiller à ce que les personnes en fin de vie, quels que soient le territoire où elles résident, leurs ressources et l’affection dont elles souffrent, puissent accéder aux mêmes soins – c’est un principe d’égalité. Apaiser et épargner la souffrance physique et psychologique des personnes en fin de vie – c’est un principe de fraternité. Liberté, égalité, fraternité, disais-je : oui, ce texte s’inscrit dans ce qui fonde notre République.

Il constitue une réforme ambitieuse, en commençant par organiser mieux le recueil et la prise en compte des directives anticipées qui, alors qu’elles doivent exprimer la volonté de la personne quant à sa fin de vie, sont aujourd’hui, et c’est, comme l’ont souligné plusieurs de nos collègues, un euphémisme, peu connues, difficiles d’accès et mal appliquées.

Il est proposé qu’elles soient juridiquement contraignantes et qu’elles s’imposent au médecin en charge du patient. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle et dans le pays, à le demander de longue date. Elles seront « révisables et révocables à tout moment » et, si elles sont absentes, la volonté du patient pourra être portée par un proche qu’il aura préalablement désigné par écrit. Comme vous le rappeliez, madame la ministre, la Haute autorité de santé et le Conseil d’État fixeront un cadre à leur rédaction et l’accès à ces directives sera facilité par une mention inscrite sur la carte Vitale ou, car l’évolution des technologies le permet, par un registre national automatisé si l’amendement que défendra le Gouvernement est adopté. Les directives anticipées seront ainsi claires pour chacun, patients comme soignants. C’est un progrès majeur.

Autre avancée : l’affirmation de l’indispensable égalité face à la fin de vie. Comme l’a rappelé Alain Claeys en commission avec justesse et avec force, nous sommes profondément inégaux face à la mort. Ainsi, seulement 20 % des patients qui devraient bénéficier des soins palliatifs y ont effectivement accès. En son article 1er, le texte dispose que « toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée. Les professionnels de santé mettent en oeuvre tous les moyens à leur disposition pour satisfaire ce droit ».

Au cours de notre discussion, nous débattrons notamment d’un amendement du groupe SRC visant à assurer la remise au Parlement, chaque année, d’un rapport évaluant précisément l’application de la présente loi, ainsi que le développement et le déploiement des soins palliatifs dans notre pays.

En appui des changements législatifs, le chef de l’État a annoncé, pour conforter ce déploiement, un plan triennal, lancé dès cette année. Une place centrale doit être donnée à la formation des professionnels de santé en la matière, professionnels dont il faut du reste souligner encore une fois l’engagement dévoué.

Enfin, ce texte renforce le droit des malades à être entendus, avec le droit ouvert à la sédation profonde continue jusqu’au décès, prévu à l’article 3, comme cela a été rappelé au début de notre discussion. Cette sédation pourra également être mise en oeuvre dans le cas où une personne souhaite arrêter les traitements qui la maintiennent en vie, afin de ne pas prolonger artificiellement la vie d’un patient qui ne le souhaiterait pas face à une maladie incurable. Elle s’accompagnera du respect, jusqu’à la dernière heure, de l’autonomie de décision du patient, par le biais, s’il ne peut s’exprimer, de ses directives anticipées. C’est une évolution décisive pour les patients et pour les soignants.

Mes chers collègues, cette proposition de loi marque une avancée dans le droit de chacune et chacun à être écouté et bien accompagné à la fin de la vie. Le débat sur le sujet se prolongera nécessairement dans l’avenir mais nous avons, ensemble, avec ce texte, la possibilité de faire progresser les conditions de fin de vie de milliers de nos concitoyens. C’est le sens de la proposition de loi que nous examinons : une nouvelle avancée du droit, une exigence d’égalité, de solidarité et de citoyenneté.

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