Intervention de Patrice Martin-Lalande

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 21h30
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Martin-Lalande :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, en France, faute d’un accès suffisant aux soins palliatifs et en dépit des progrès des dernières années, on continue trop souvent de « mal mourir ».

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, grâce au remarquable travail de MM. Alain Claeys et Jean Leonetti, a donc pour objet de compléter les acquis de la loi Leonetti du 22 avril 2005. Elle marque un progrès équilibré entre des avancées individuelles et des garanties contre d’éventuelles dérives, notamment le risque d’une euthanasie déguisée. Cependant, certaines conditions doivent encore être réunies pour réussir sa mise en oeuvre.

Il s’agit tout d’abord d’avancées individuelles. Deux nouveaux droits sont créés en faveur des malades en toute fin de vie : le droit d’accéder à la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsque le pronostic vital est engagé à court terme et le droit de voir ses directives anticipées devenir plus contraignantes pour l’équipe médicale, sous certaines conditions.

La reconnaissance de ces nouveaux droits parachève, selon l’exposé des motifs des rapporteurs, « cette longue marche vers une citoyenneté totale, y compris jusqu’au dernier instant de sa vie », marche entamée par la loi du 4 mars 2002 et celle du 22 avril 2005, que j’ai déjà évoquée.

Ces avancées répondent mieux aux préoccupations des acteurs de la fin de vie : le droit du malade à disposer de lui-même, alors qu’il est confronté à la question existentielle des conditions de sa fin de vie, est mieux préservé par la proposition de loi ; le soignant, confronté à la question éthique de sa pratique clinique, disposera quant à lui des outils et des consignes pour préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu’au décès du patient.

Ensuite, cette proposition de loi comporte des garanties contre d’éventuelles dérives. Non seulement elle exclut l’euthanasie, mais encore elle s’intègre pleinement dans la culture palliative issue des pratiques d’accompagnement et de soin. Le champ d’application de la sédation profonde et continue jusqu’au décès est limité. Celle-ci reste un traitement exceptionnel, réservé au malade atteint d’une maladie incurable, avec un pronostic vital engagé à court terme et souffrant de symptômes physiques ou psychologiques réfractaires, qui ne peuvent donc être soulagés autrement.

Ce traitement exceptionnel a vocation à soulager et non à tuer. Seul un soulagement de la souffrance est recherché, excluant donc la provocation intentionnelle de la mort. Il s’agit de dormir avant de mourir, pour reprendre l’expression employée par Jean Leonetti, et de dormir plutôt que de souffrir.

Le caractère contraignant des directives anticipées n’est pas absolu. Le médecin peut décider de ne pas les appliquer, en cas d’urgence vitale ou si elles sont manifestement inappropriées. Dans ce cas, il demande l’avis d’un autre médecin et doit motiver sa décision.

Plusieurs conditions me semblent devoir être réunies pour réussir la mise en oeuvre de ce texte. À la mi-février, j’ai organisé en Loir-et-Cher, avec Jean Leonetti, que je remercie encore d’être venu dans notre département, une concertation sur les enjeux législatifs de la fin de vie réunissant plus de 250 participants, d’abord dans un centre hospitalier, puis avec de nombreux membres de professions de santé. Les principales interrogations ont porté sur la culture et les moyens nécessaires pour permettre le développement des soins palliatifs, lesquels ne sont accessibles qu’à 20 % de ceux qui en ont besoin.

Je veux mentionner ces interrogations car elles sont importantes pour notre débat. Il faut espérer, madame la ministre, que le plan triennal dont vous avez annoncé les grandes lignes tout à l’heure, apportera les réponses indispensables.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour dégager les moyens budgétaires du développement des soins palliatifs ? Envisage-t-il, par exemple dans le cadre de la prochaine loi de santé, d’intégrer les actes d’accompagnement dans la tarification médicale de la politique de soin ?

Comment le Gouvernement compte-t-il mieux promouvoir la culture palliative hors de l’hôpital ? Prévoit-il d’inclure dans la formation des étudiants en médecine un enseignement obligatoire sur le traitement de la douleur, ainsi que de mettre en place une formation continue dédiée à ce sujet pour les médecins en exercice ? Envisage-t-il de développer la présence d’infirmiers palliatifs dans les EHPAD médicalisés ? Enfin, plus globalement, quand le Gouvernement fera-t-il de la culture palliative une cause nationale prioritaire ?

Pour conclure, je crois que cette proposition de loi apporte des réponses satisfaisantes à la lancinante question de l’amélioration des conditions de fin de vie et du droit de ne pas souffrir avant de mourir, tout en restant maître de la fin de sa vie. Un équilibre est trouvé entre les valeurs de liberté et les valeurs tout aussi fondamentales de protection des plus vulnérables, nul ne pouvant enlever la vie à un autre, comme l’a rappelé Jean Leonetti. Mais ce texte d’équilibre n’aura sa pleine efficacité, j’en suis convaincu, que si nous savons accomplir la véritable révolution culturelle du soin palliatif.

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