Intervention de Michel Liebgott

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 21h30
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Liebgott :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, nous abordons ce soir un phénomène universel, dans le sens où il advient à tous et en tout temps. C’est aussi un fait divers, on l’a encore constaté ce matin, qui, s’il se produit chaque jour, n’en reste pas moins à chaque fois une tragédie et une souffrance, pour les familles mais aussi pour ceux qui sont dans cette phase agonique, et c’est ce que nous voulons combattre ce soir.

Je voudrais tout d’abord vous remercier l’un et l’autre, messieurs les rapporteurs, vous qui, de sensibilités politiques différentes, avez su faire preuve d’une compréhension mutuelle assez rare pour être soulignée. C’est elle qui vous a permis de cheminer, sans fuir les peurs, les doutes, les passions, les questionnements philosophiques et spirituels. Vous avez su au contraire les confronter pour créer les conditions d’un dépassement nécessaire, alors que nous avions déjà légiféré sur cette question il y a quelques années.

L’enjeu est de poser des règles et des principes généraux qui permettent d’appréhender la dimension existentielle, singulière et unique de toute fin de vie.

Reconnaissons d’emblée les limites de l’exercice législatif, qui ne peut borner la multiplicité des situations, des émotions, des perceptions particulières de la souffrance, de la douleur et d’une finitude qui n’appartient qu’à nous.

Je ne reviendrai pas longuement sur les avancées contenues dans ce texte, et qui ont déjà été exposées : le droit à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, mais aussi des directives anticipées rendues plus contraignantes pour le médecin et encadrées. Surtout, il affirme la primauté de l’avis de la personne de confiance dans les cas où les patients ne sont plus conscients. Il est important en effet d’imaginer ce qui peut se passer dans des cas imprévus, dont l’actualité récente nous fournit des exemples – je pense notamment à l’accident survenu à un pilote automobile fameux. Nous avons tous en tête des exemples de personnes privées du jour au lendemain de toute possibilité d’exprimer la moindre volonté.

Ce texte est donc incontestablement une avancée par rapport à la loi de 2005, qui constituait déjà un progrès.

Nous ne pouvons pas pour autant nous satisfaire de la situation de notre pays en termes de mise en oeuvre de la législation existante, alors que 80 % de ceux qui devraient bénéficier de soins palliatifs n’y ont pas accès. C’est la raison pour laquelle je suis résolument et prioritairement favorable à la mise en oeuvre des droits existants, souvent inappliqués, au développement des équipes mobiles à l’hôpital, à domicile et dans le secteur sociomédical, ainsi qu’à la plus large formation des soignants, ce que le Gouvernement entend mettre en place dès 2015, à l’inverse de ce qu’a semblé dire l’orateur précédent.

Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie, le dit à sa manière : notre retard dans ce domaine est moins structurel que culturel. La France dispose d’un nombre suffisant d’infrastructures hospitalières – je crois que personne n’en doute dans cet hémicycle. Ce qui manque, c’est la compétence palliative, parce que les médecins n’y sont pas préparés et que notre société ne l’a peut-être pas encore acceptée.

Faisons en sorte d’appliquer les lois existantes, et continuons de progresser, même si cette proposition de loi n’épuise évidemment pas tous les sujets, et notamment la question du « mal mourir » ou celle de la mort dans la dignité. C’est sans doute une avancée trop timorée aux yeux de ceux qui, voyant plus loin et allant plus vite, préconisent une exception d’euthanasie ou l’aide active à mourir. Celle-ci est une étape supplémentaire, déjà franchie par des États plus avancés de ce point de vue, mais plus petits, dont les populations sont souvent plus attentives et plus structurées, et dont les équipements hospitaliers permettent de telles pratiques.

Je comprends ce point de vue, d’autant que mes convictions n’en sont pas très éloignées. Pourtant, si ce texte doit permettre de faire utilement un pas de plus, je voterai cette loi en l’état, avec ses insuffisances, avec ses espérances, avec le sens des valeurs humanistes et la clarté de ma conscience, avec discernement. Pas au-delà, pas en deçà, juste ce texte-là. Lao Tseu n’enseignait-il pas que « le but n’est pas seulement le but mais le chemin qui y conduit » ?

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