Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous avons eu en commission des débats que je qualifierai volontiers de dignes et apaisés, parce que le sujet le mérite. Le texte qui nous est proposé aujourd’hui respecte, à quelques détails près, l’architecture voulue par nos deux rapporteurs.
La proposition de loi que nous examinons serait la traduction fidèle de l’engagement no 21 du Président de la République visant à faire évoluer la loi de 2005 ? Certains le disent, d’autres le contestent. Doit-on se satisfaire du point d’équilibre trouvé dans l’article 3, lequel fera, à n’en pas douter, l’objet de longs débats ? Certains le pensent, d’autres pas. Je lui consacrerai mon intervention.
Mérite-t-il la place la place cardinale qu’on lui attribue ? Je le crois et je m’appuierai pour le démontrer sur la lecture de ses deuxième et troisième alinéas.
Un patient atteint d’une affection grave et incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme, qui présente une souffrance réfractaire à l’analgésie, peut demander, pour éviter toute souffrance et ne pas prolonger inutilement sa vie, la mise en oeuvre d’une sédation profonde et continue provoquant une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès, associée à une analgésie et à l’arrêt de l’ensemble des traitements de maintien en vie.
Notre lecture de cet article doit être particulièrement attentive car tous les mots comptent, y compris ceux qui apparaîtraient insuffisamment précis. La demande est désormais exprimée par le patient lui-même : c’est un changement radical, même si c’est de façon très encadrée.
Pour bien appréhender la sédation profonde et continue, il faut d’abord se rappeler la définition qu’en donne le groupe de travail « sédation en fin de vie » de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs. La sédation est définie comme la prescription d’agents psychotropes destinée à pallier chez un patient donné les symptômes réfractaires aux traitements standards. On parle de la sédation profonde comme d’un état d’inconscience et de la sédation continue comme d’une altération de la conscience maintenue jusqu’au moment du décès.
Si l’on considère que cette sédation telle que définie s’accompagne de l’arrêt des traitements – le troisième alinéa de l’article 2 qualifie à juste titre la nutrition et l’hydratation artificielles de traitements et non pas de soins – on prend pleinement conscience de la portée de cet article.
Certains, au nom de la liberté du patient de décider pour lui-même des conditions de sa fin de vie, trouvent que la proposition de loi ne remet pas en cause le statu quo et regrettent l’absence de l’euthanasie dite active et du suicide assisté. Les adversaires du texte, quant à eux, ont une lecture diamétralement opposée et dénoncent la porte ouverte à l’euthanasie. Ces positions sont l’une et l’autre respectables.
Avec plus d’une centaine de députés socialistes, avec nos amis écologistes et radicaux, j’ai cosigné un amendement qui nomme clairement les choses en parlant d’une « aide active à mourir ».
Tous les éléments que j’ai cités plus haut caractérisent cette réalité, mais sans le dire. On aide un patient qui sollicite un médecin, l’équipe soignante agit et le patient va mourir, d’épuisement, de mort naturelle liée à sa maladie ou du fait des thérapeutiques mises en oeuvre. Qui peut affirmer détenir la vérité ? Chaque histoire de fin de vie sera donc singulière, même si le cadre tracé est extrêmement strict.
Restent à mon avis deux interrogations qui méritent le débat. La première, c’est l’intentionnalité. Dans le texte, elle n’existe pas, les apparences sont sauves et le médecin, préservé. La clause de conscience s’applique donc de plein droit : elle n’a pas besoin d’être rappelée. Ma lecture est qu’il s’agit d’une pure fiction.
La seconde, c’est la durée de l’agonie. Selon le Comité consultatif national d’éthique, elle pourrait se prolonger de quelques heures à quinze jours. Je ne sais pas. C’est pourquoi je soutiens un amendement d’exception d’euthanasie pour tenter de répondre à des situations insupportables, notamment pour l’entourage.