Intervention de Alain Fauré

Séance en hémicycle du 10 mars 2015 à 21h30
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Fauré :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’histoire législative française montre que les lois sociétales exacerbent les passions, clivent souvent le pays le temps des discussions à l’Assemblée nationale. Ensuite, elles alimentent aussi des rancoeurs souvent contraires aux principes philosophiques et religieux de ceux qui les entretiennent.

Pourtant, au fil du temps, force est de constater qu’aucune de ces lois, comme celle autorisant l’IVG par exemple, n’ont été supprimées. Nous venons même, s’agissant de cette dernière, de la faire progresser, malgré des tentatives de remise en cause. Il faut être persévérant, écouter, expliquer sans relâche, discuter et remettre sans cesse son ouvrage sur le métier pour faire aboutir ce que l’on pensait ne jamais obtenir.

Ces lois exacerbent les passions et au final laissent peu de place à la raison. Dans ce texte sur la fin de vie, il ne faut pas que l’essentiel de la discussion se résume à opposer « subir » à « choisir ».

Nous devons partir du constat que les Français meurent trop souvent mal. Il existe encore des disparités importantes sur notre territoire, disparités imputables à de nombreuses causes : des moyens financiers limités, l’absence de formation des équipes soignantes, des inégalités sociales et le désarroi des familles.

La loi Leonetti de 2005 avait amélioré cette situation, mais pas suffisamment. C’est pour cela que le Président de la République avait proposé, dans son vingt-et-unième engagement, d’apporter une amélioration au droit de mourir sans souffrance et dans la dignité, tout en accordant des droits aux patients.

En premier lieu, ce texte donne au malade le droit de décider d’accepter ou non des soins pour le maintenir en vie. Le patient aura aussi la possibilité de demander l’enclenchement de la sédation profonde et continue pour accompagner l’arrêt des traitements jusqu’à son décès. Et si le malade n’est pas conscient, il aura pu désigner une personne de confiance dont le statut sera enfin reconnu et qui le représentera le moment venu.

Ce texte n’est pas celui que j’aurais voulu voir aboutir. Je me sentais plus proche de la proposition de loi Massonneau et, dans la discussion générale de la proposition Leonetti d’avril 2013, j’avais émis le souhait que nous allions jusqu’à reconnaître aux Français le droit de choisir le moment de leur mort lorsqu’ils sont atteints d’une maladie incurable.

Mais du chemin reste à parcourir : il faut former les équipes médicales, faire évoluer le droit français et bien sûr les mentalités. Personne ne détient la vérité dans ce domaine, je suis certain qu’elle se construit tous les jours.

Alors je soutiendrai cette proposition de loi, parce qu’elle permet une avancée importante pour les personnes en fin de vie atteintes d’une maladie incurable et dont le pronostic vital est engagé à court terme, qui ont la volonté d’éviter toute souffrance et de ne pas prolonger, selon elles, inutilement leur vie.

L’expérience de la vie, une forme de pragmatisme et la nécessité d’une décision apaisée me conduisent à préférer une amélioration de la situation plutôt qu’un entêtement à vouloir à tout prix obtenir ce que je souhaitais. Je laisserai mon égoïsme à la porte de l’hémicycle si cela peut permettre aux Français d’améliorer leurs conditions de mort, car c’est ce qu’ils souhaitent ardemment obtenir.

À ce stade, je formule deux voeux. Le premier est qu’au cours des discussions, nous puissions faire évoluer le texte et que, s’il n’y a pas de consensus, il soit adopté en l’état.

Le second tend à ce que cette fin de vie puisse être réétudiée assez rapidement, au cours de la prochaine législature, afin que les Français puissent avoir le choix de mourir librement, sans souffrance et dans la dignité.

Je remercie Alain Claeys et Jean Leonetti, qui ont réussi, avec l’aide de tous les groupes de travail, à rédiger un texte qui se rapproche des attentes des citoyens. Cette proposition de loi démontre aussi la capacité de la représentation nationale à faire fi des divergences inhérentes aux partis pour exprimer la volonté des Français dans ce domaine.

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