Albert Camus est souvent cité à ce sujet ; permettez-moi de rappeler à nouveau sa formule célèbre : « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Appelons donc les choses par leur nom : ce texte n’a pas pour objet d’autoriser l’euthanasie ni le suicide assisté. Comme l’a très bien dit Alain Claeys, il est évident que si cela avait été le cas, le Conseil de l’ordre aurait demandé une clause de conscience.
Il y a une différence entre dormir avant de mourir pour ne pas souffrir, et faire dormir avec des médicaments destinés à faire mourir. Je respecte toutes les opinions sur le fait d’autoriser ou non l’euthanasie. Chacun a des arguments, et ces arguments reposent tous sur des valeurs : les uns défendent la liberté et l’autonomie de la personne, les autres défendent la solidarité, la fraternité que l’on doit aux plus faibles. Ces conflits sont de nature éthique : ils n’opposent pas le bien au mal, ou la droite à la gauche, ou le progrès à la morale. C’est, au contraire, le bien contre le bien : voilà ce qu’est le conflit éthique, le débat de valeurs.
Je comprends donc très bien que certains d’entre vous soient favorables au suicide assisté ou à l’euthanasie. Nous avons nous-même travaillé sur ces sujets en essayant de garder l’esprit libre, pour examiner les différentes possibilités et leurs inconvénients. Lorsque l’on est en fin de vie, il n’y a pas de bonne solution, seulement de moins mauvaises que d’autres. Dans ce contexte, je vous le dis très clairement, vous ne pouvez pas faire accroire que ces amendements ne proposent qu’une petite modification. Ils feraient sortir ce texte de l’épure que nous avons dessinée avec Alain Claeys, et qui a été validée au plus haut sommet de l’État. Non, vous ne pouvez pas dire qu’au fond, avec l’adoption de ces amendements, cette proposition de loi resterait à peu près pareille !
Il existe une ligne jaune, qu’il ne faut pas franchir : donner la mort. Si ces amendements étaient adoptés, ce texte en serait tellement modifié qu’il ne serait plus le même. Dans ce cas, les rapporteurs ne pourraient pas continuer à le défendre.