La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Nous commençons par une question du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Éric Straumann.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, que je ne vois pas pour l’instant.
Le 18 octobre dernier, en répondant à une question de notre collègue Patrick Hetzel, vous avez clamé qu’il n’y a pas de peuple alsacien. Rarement l’Alsace s’est sentie aussi méprisée et humiliée.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Votre fusion des régions, qui maintient la Corse et la Bretagne dans ses contours, est vécue comme une énorme injustice en Alsace.
De l’avis de tous les observateurs, la gauche alsacienne va vivre le 22 mars prochain un retour de bâton qui se traduira par un désastre électoral sans précédent pour le Parti socialiste.
Malheureusement, la colère froide des Alsaciens risque de profiter à une formation jacobine d’extrême droite, volontairement absente de ce débat. Et je comprends, monsieur le Premier ministre votre peur du FN : qui sème le vent récolte la tempête !
Ces élections départementales se déroulent dans un cadre surréaliste, puisque la question des compétences varie au gré des humeurs de votre majorité. Les routes départementales, qui devaient être gérées par les méga-régions, vont revenir dans le giron des conseils départementaux.
Depuis la mise en place de la taxe poids lourds en Allemagne en 2005, l’axe Strasbourg-Colmar-Mulhouse est encombré par des poids lourds étrangers qui utilisent gratuitement notre réseau. L’abandon de l’écotaxe laisse entier ce problème.
À onze jours des élections départementales, vous préférez annoncer la fermeture de Fessenheim pour endormir vos alliés écologistes, plutôt que de régler de vrais problèmes.
Aussi, monsieur le Premier ministre ma question est simple,…
Merci, monsieur Straumann.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, il y a plusieurs questions dans votre question ; je vais essayer de répondre au mieux.
Concernant le « peuple alsacien », le « peuple corse » ou le « peuple breton », tout a été tranché depuis longtemps : il y a un peuple français,
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP
tout comme il y a une Constitution et une carte des régions.
Lors de l’élaboration de cette carte, on avait discuté avec l’ensemble des élus d’Alsace et deux ou trois élus de Lorraine de la possibilité de garder un rassemblement de deux départements, ce qui relève de la seule responsabilité des Alsaciens.
Concernant les routes, elles sont de compétence départementale à la suite de l’accord intervenu d’abord au Sénat, puis à l’Assemblée – je rappelle que vous n’avez pas voté cette disposition hier. Bref, les routes restent au département.
En revanche, parce que des routes importantes traversent plusieurs départements et qu’elles sont des liens importants au niveau régional, nous avons proposé que, dans le schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire figurent, si les régions le veulent, des axes régionaux que les régions pourraient être appelées à financer.
S’agissant de la perte liée à l’abandon de l’écotaxe dont vous parlez, ce que nous pouvons tous regretter pour le budget de la France, celle-ci a été générée par Marc Le Fur, entre autres, lequel avait peut-être omis le fait qu’il s’agissait d’une taxe pour la France entière et non pas pour une seule région, la région de l’ouest.
Si, tous ensemble, nous parlions de l’intérêt général, nous ne serions pas devant cette difficulté.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guillaume Garot, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, chacun sait qu’il n’y a pas de recette miracle contre le chômage. Les Français sont très lucides : ils savent qu’on ne sortira pas du jour au lendemain d’une crise qui dure depuis des années, mais ils attendent des résultats concrets à tous les efforts qu’ils ont consentis.
Depuis bientôt trois ans, la gauche a mené des réformes absolument nécessaires pour réduire les charges des entreprises et lever les verrous à la croissance, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – et la loi activité, pour rendre plus efficace l’action des régions, avec la réforme territoriale, et pour engager la transition énergétique, levier puissant pour gagner en emplois et en pouvoir d’achat. C’est avec la même volonté que nous avons rétabli la retraite à 60 ans pour ceux qui avaient commencé à travailler tôt et que nous avons créé le compte pénibilité et le compte formation, pour faire reculer les injustices et les inégalités.
Alors, aujourd’hui, pas d’angélisme, mais du réalisme. Pas d’optimisme forcé, mais pas non plus de pessimisme systématique.
Les divers indicateurs, depuis le début de l’année, sont meilleurs en ce qui concerne la consommation, le chômage et le carnet de commandes des entreprises, mais beaucoup de Français s’interrogent : est-ce passager ou durable ?
Monsieur le ministre des finances, comment comptez-vous agir pour accélérer et amplifier ces signaux et redonner ainsi aux Français espoir et confiance ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur le député Garot, depuis le début de l’année, en effet, un certain nombre de signaux, qui sont le reflet d’une réalité, sont meilleurs. Vous avez cité la consommation des Français, qui est repartie à la hausse, soutenue en particulier par la très faible inflation – et même par l’absence totale d’inflation, avec par exemple la baisse du prix du pétrole. Vous avez signalé aussi que les envies d’investissement des entreprises étaient de nouveau à la hausse, alors que les investissements n’ont cessé de baisser depuis plusieurs années – bien avant 2012, la chute de l’investissement privé a marqué l’économie française et donné du retard à notre économie et à nos entreprises.
Un certain nombre d’autres signaux montrent un peu plus de « confiance » – comme on dit – dans notre économie. À quoi cela est-il dû ? D’abord, à un contexte international bien meilleur.
La France a souhaité l’année dernière que la valeur de l’euro soit plus en adéquation avec sa valeur réelle : c’est le cas aujourd’hui.
La France a souhaité l’année dernière – le Premier ministre l’avait dit dans son discours d’investiture – que les taux d’intérêt continuent à baisser pour permettre de financer l’économie, les entreprises, les investissements et les ménages qui veulent acheter un appartement ou construire une maison : ces taux d’intérêt sont aujourd’hui extrêmement bas.
La France a souhaité qu’au niveau européen – car c’est aussi cela, l’inflexion nécessaire de la politique européenne –, des projets d’investissement soient portés par l’Europe : c’est le plan Juncker de 315 milliards d’euros.
La France a souhaité aussi que, tout en continuant à diminuer nos déficits, notre trajectoire de diminution des déficits soit plus en adéquation avec cette croissance nécessaire.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est cela qui crée ce contexte.
Il faut maintenant confirmer, il faut amplifier, il faut observer. Je ne veux pas annoncer, je veux pouvoir commander un résultat meilleur.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Il y a quatre ans, jour pour jour, débutait à Fukushima la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Depuis cette date, plus personne ne peut ignorer l’horreur de l’accident nucléaire. Elle soumet des dizaines de milliers de Japonais à un interminable calvaire. Depuis cette date, l’Autorité de sûreté nucléaire reconnaît qu’un accident nucléaire majeur est possible en France. Depuis cette date, l’industrie nucléaire est profondément déstabilisée, de nombreux pays se sont désengagés et le business model nucléaire s’est écroulé. L’état de quasi-faillite d’Areva en est la conséquence directe. Il met en danger des dizaines de milliers de salariés et des dizaines de sites.
Il met aussi en danger la sûreté des installations, déjà pointée du doigt par l’ASN suite aux stress tests post-Fukushima, et qui ne saurait en aucune façon être la variable d’ajustement du Meccano industriel envisagé pour l’entreprise.
Mais au moment de faire des choix cruciaux, nous pensons surtout qu’il ne faut pas se tromper de diagnostic. Il y a certes eu des erreurs industrielles, sur lesquelles la vérité devra être faite, notamment l’incroyable prétention de certains dirigeants et la désinformation de l’autorité de tutelle, mais la crise d’Areva n’est que la partie émergée de l’iceberg pour une filière qui affronte enfin la vérité des prix. Grand carénage, déchets, démantèlement, EPR, assurances : partout, les coûts explosent. Et que dire quand EDF perd 3 % en Bourse au seul motif qu’est évoquée une fusion avec Areva ? Visiblement, le nucléaire, « ça a eu payé », mais aujourd’hui, ça coûte !
Madame la ministre de l’écologie, Areva ne doit pas entraîner EDF dans sa chute. Pouvez-vous nous confirmer que l’État compte jouer pleinement son rôle d’État stratège et donner pour feuille de route à ses entreprises publiques la transition énergétique, la réduction du nucléaire à 50 % en 2025 et la priorité aux filières d’avenir que sont la maîtrise de l’énergie, les énergies renouvelables et le démantèlement nucléaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le député, je voudrais d’abord rappeler que nous avons passé de nombreuses heures dans cet hémicycle à discuter de l’avenir du système énergétique français, que nous avons tous tenu des propos très responsables et qu’il convient de continuer à le faire à l’égard d’une filière industrielle qui se positionne sur les marchés mondiaux et qui, aujourd’hui, a besoin d’être encouragée dans toutes ses composantes. Je rappelle en effet qu’EDF, comme Areva et le Commissariat à l’énergie atomique, s’engage non seulement dans l’énergie nucléaire, mais également dans les énergies alternatives et renouvelables.
La sûreté nucléaire est une priorité du Gouvernement et vous êtes bien placé pour savoir, puisque vous avez assisté à ces débats, que nous venons de renforcer les moyens de l’Autorité de sûreté nucléaire et sommes en train de définir le nouveau modèle énergétique français, et que la programmation pluriannuelle de l’énergie, à laquelle le Parlement sera associé, permettra de définir la place de toutes les énergies sans les opposer les unes aux autres, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler.
Par conséquent, il faut nous garder de toute idéologie dans ce domaine, être rationnels et penser aussi aux milliers d’emplois de cette filière,…
…et atteindre les objectifs fixés par la loi que vous avez votée et qui prévoit de ramener de 75 % à 50 % la part du nucléaire.
L’énergie nucléaire reste un des piliers de notre modèle énergétique français,…
…même si nous devons bien évidemment monter en puissance dans le domaine des économies d’énergie et des économies renouvelables. Le Gouvernement fait toute confiance à la nouvelle gouvernance tant d’EDF que d’Areva et du Commissariat à l’énergie atomique pour travailler à des convergences, à un redressement financier de ces entreprises et à un positionnement industriel offensif qui permettra de sauvegarder les emplois.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre ou à Mme la ministre de la santé.
La proposition de loi sur la fin de vie aborde cette zone d’ombre extrêmement sensible que certains considèrent comme « encore la vie » et d’autres comme « déjà la mort ».
Cette double interprétation, renforcée par l’introduction de la sédation profonde et continue jusqu’au décès, ainsi que la sérénité des débats que chacun appelle de ses voeux, exigent la plus grande clarté de votre gouvernement sur sa position et sur ses réelles intentions. Cela est d’autant plus important que, pour beaucoup d’entre nous, le suicide assisté est la ligne rouge que nous redoutons.
C’est la raison pour laquelle le groupe UDI attend de vous deux réponses claires et directes à deux questions.
Première question : quelle sera la position du Gouvernement sur l’amendement déposé par une centaine de députés du groupe SRC après l’article 3, visant à introduire l’assistance médicalisée active à mourir – autrement dit, le suicide assisté ?
Seconde question : le texte qui nous est proposé est-il un objectif ou bien une étape dans un processus progressif d’adoption de l’euthanasie, conformément à l’esprit qui semble être celui de l’engagement no 21 du Président de la République ou de la proposition de loi que le Premier ministre avait présentée en 2009 ? Cette question est d’autant plus d’actualité que la ministre de la santé a annoncé hier, lors de la discussion générale, qu’un bilan annuel serait fait, qui pourrait introduire une étape supplémentaire après la proposition de loi que nous examinons.
C’est la raison pour laquelle je vous remercie de nous apporter clairement des précisions – est-ce un objectif, est-ce une étape, est-ce le marchepied pour un nouveau texte ? –, afin que les débats se tiennent dans la sérénité que chacun d’entre nous attend.
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, nous débattons actuellement d’une proposition de loi présentée par MM. Claeys et Leonetti sur la fin de vie. Son objectif est de répondre aux attentes et aux préoccupations d’un nombre important de nos concitoyens, qui veulent que leur parole soit entendue sur les conditions de leur fin de vie ; ils aspirent à une fin de vie digne et apaisée. Après un long débat, cette proposition de loi, que le Gouvernement soutient, apporte une réponse à ces attentes.
Il y a, dans cet hémicycle comme dans la société, des hommes et des femmes qui auraient souhaité que le droit n’évolue pas. Cette proposition de loi constitue une avancée importante pour mieux prendre en compte les préoccupations et les aspirations de nos concitoyens.
Et puis il y a aussi, dans cet hémicycle comme dans la société, des hommes et des femmes qui considèrent que cette proposition de loi ne va pas assez loin. Des amendements seront présentés ; diverses options sont d’ailleurs envisageables pour aller plus loin.
La position du Gouvernement et du Président de la République est que la proposition de loi qui est débattue constitue une avancée : c’est cette avancée qui permet de répondre sans brusquer la société. Le Gouvernement, tout en respectant les positions des uns et des autres, ne propose donc pas d’aller au-delà.
Peut-être, dans quelques années, d’autres parlementaires souhaiteront-ils faire progresser cette loi.
Exclamations sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.
Ce sera leur responsabilité, mais telle n’est pas la position du Gouvernement aujourd’hui.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à M. Denis Jacquat, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
L’épisode du recours à l’article 49, alinéa 3, a révélé au grand jour l’incapacité du Gouvernement à engager de vraies réformes. Vous n’avez pas été capable de soumettre au vote un texte de réformettes ; comment croire que vous nous proposerez des réformes structurelles d’ici à la fin du quinquennat ?
Alors que le taux de chômage atteint un niveau inégalé, que des emplois sont détruits tous les jours dans notre pays et que la précarité gagne du terrain, vous parlez de réformes comme s’il suffisait de claquer des doigts pour convaincre Bruxelles de nous octroyer des délais ! Or, monsieur le Premier ministre, il ne suffit pas de parler de réformes pour convaincre Bruxelles.
La reprise frémit partout en Europe et pourtant la France reste engluée dans une mauvaise conjoncture, car votre politique ne consiste qu’en d’incessants revirements, ce qui nuit à l’emploi et à la compétitivité. Vous réussissez la prouesse d’augmenter à la fois les impôts et les déficits. Plutôt que de construire la France de demain, le Gouvernement nous condamne à l’immobilisme et mène une politique qui assombrit les perspectives de la jeunesse.
Monsieur le Premier ministre, nous connaissons tous le programme des réformes : il faut réformer le marché du travail, il faut réformer le coût du travail, il faut réformer l’assurance chômage et la durée du travail, il faut engager une vraie réforme de l’État. Une fois n’est pas coutume, nous vous demandons d’écouter Pierre Moscovici,
Sourires
lequel a déclaré ce matin : « Nous attendons un plan de réformes détaillé, ambitieux ; en clair, que le Gouvernement français nous dise quelles réformes il va prendre, dans quels délais et sous quelle forme ».
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, s’il était si facile que cela de réformer la France – d’un claquement de doigt, pour reprendre votre expression –, vous l’auriez fait.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous l’auriez fait lorsque c’était absolument nécessaire. Vous auriez ainsi permis à la France de se moderniser en même temps que d’autres grands pays – en particulier l’Allemagne, à laquelle, à juste titre, vous nous comparez souvent –, ces grands partenaires étant aussi de grands concurrents.
La France doit aujourd’hui tout à la fois rétablir les finances – je ne vous rappelle pas dans quel état vous les avez laissées (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) –…
…et mener jusqu’au bout les réformes qui sont nécessaires – je viens de vous rappeler l’état de non-réforme dans lequel vous avez laissé la France.
La France doit diminuer les impôts et les cotisations qui pèsent sur le travail – oui, nous les diminuons ! – et qui, parfois, empêchent les embauches. Nous l’avons décidé et nous le faisons !
Vous évoquez avec raison l’Europe, monsieur Jacquat, notamment tel commissaire important, qui fait particulièrement bien son travail
Sourires
et qui nous incite à nous réformer.
Je vais vous dire ceci, monsieur Jacquat, et je suis persuadé que vous serez d’accord avec moi : la France a besoin de se réformer et se réforme, non pas parce qu’on le lui demande, encore moins parce qu’on l’exige, mais parce que c’est bon pour la France, pour notre France que nous aimons, que nous voulons réformer souverainement.
Nous avons décidé de la réformer, et vous la réformez ici même.
Le programme de réformes qui a déjà été adopté est immense, et il est considéré comme tel par nos partenaires européens – j’en sais quelque chose : je viens de passer deux jours à Bruxelles !
Nous allons continuer : c’est la loi Macron jusqu’au bout ! Puisqu’elle est si bonne, votez-la !
C’est la loi qui sera défendue par le ministre du travail sur la réforme du dialogue social – réforme que vous n’avez pas faite –, qui est nécessaire pour permettre aux entreprises de passer de neuf à dix ou de quarante-neuf à cinquante salariés ; c’est aussi la nécessité de discuter de nouveau de l’indemnisation du chômage.
Voilà les réformes qui sont devant nous ; voilà les réformes que l’Europe attend ; voilà les réformes que la France attend !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Erwann Binet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre de l’éducation nationale, depuis de nombreuses années, les avis et les rapports se rejoignent pour demander une profonde réforme du collège. En effet, le nombre d’élèves en difficulté à la fin de la troisième ne cesse d’augmenter depuis quinze ans. Entre 2000 et 2012, le nombre des élèves ayant des difficultés en compréhension de l’écrit a augmenté de 3,7 points ; le nombre de ceux rencontrant des difficultés en mathématiques s’est accru de six points. Le constat est le même en histoire-géographie et en langues vivantes.
Pire, l’organisation actuelle du collège alimente les difficultés. Douze pour cent des élèves entrant en sixième ne maîtrisent pas les compétences de base attendues en français ; ils sont le double à la sortie du collège. En mathématiques, 9 % ne maîtrisent pas les bases attendues en CM2 ; ils sont 13 % en troisième.
Les études montrent également que les collégiens disent s’ennuyer davantage que les écoliers, qu’ils sollicitent moins l’aide de leurs enseignants et qu’ils participent moins.
De surcroît, le fossé n’a jamais été aussi grand entre les bons élèves et ceux qui se trouvent en échec et les origines sociales pèsent plus que par le passé sur la réussite scolaire.
Il est nécessaire aujourd’hui de substituer au collège unique le collégien unique. Nous devons adapter le cadre général, aujourd’hui uniforme, à la singularité des élèves.
Nombre d’établissements s’engagent déjà dans cette voie. Les initiatives des enseignants pour accompagner chaque élève vers la réussite se multiplient. Vous proposez, madame la ministre, de laisser davantage de place à ces initiatives, de tenir compte des spécificités de chaque élève et de réformer à la fois les programmes, pour garantir la maîtrise des savoirs fondamentaux, et les méthodes d’apprentissage.
Madame la ministre, quelle nouvelle organisation engagerez-vous pour nos collèges et dans quelles conditions allez-vous la mettre en oeuvre ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député Binet, votre constat sombre et sans appel est assez unanimement partagé : le collège ne remplit pas suffisamment bien ses fonctions aujourd’hui pour toute une partie des élèves, auxquels on ne peut pas rester indifférent. On ne peut pas voir sans réagir les résultats se dégrader ces dernières années alors qu’ils s’améliorent dans les pays voisins.
Ce gouvernement a fait de l’éducation sa priorité. Après s’être attaqué à l’école primaire, qui est la base de tout, le temps est venu de réformer profondément le collège, et de le faire comme nous le faisons, de façon globale, en s’attaquant à la fois au fond, c’est-à-dire aux programmes, qui seront révisés pour la rentrée 2016, mais aussi aux pratiques pédagogiques – c’est l’objet de cette réforme – et à l’évaluation du brevet, qui sera également réformée.
Nous le ferons de façon pragmatique, vous l’avez dit, c’est-à-dire non pas en imposant un modèle théorique depuis la rue de Grenelle, mais en s’inspirant de tout ce qui a été inventé par les équipes enseignantes elles-mêmes sur le terrain et qui a rencontré le succès.
Le but est de faire en sorte que les enfants apprennent mieux pour réussir mieux, en acquérant ces fondamentaux que sont le français, les maths, l’histoire-géo, avec des programmes réformés pour hiérarchiser les priorités ; avec aussi une autre façon de travailler : l’interdisciplinarité. L’interdisciplinarité n’est pas un gros mot puisque cela veut dire permettre aux enfants de comprendre ce qu’ils sont en train d’apprendre en croisant les disciplines et en conduisant des projets en collectif. Un enfant qui ne comprend pas grand-chose aux mathématiques ou à la géographie, si on le fait travailler autour du changement climatique,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
autour d’un projet qui l’intéresse, il sera amené, sans doute, à comprendre le sens et l’utilité de ces connaissances.
Le deuxième point important de cette réforme, c’est l’accompagnement personnalisé. Chaque collégien étant unique, comme vous l’avez dit, il faut cesser de proposer exactement le même format à tous les collégiens et les aider à acquérir des méthodes de travail – trois heures y seront spécifiquement consacrées en sixième notamment. Enfin, tous les enseignants savent combien il est utile d’enseigner à de petits groupes, à de petits effectifs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Réforme du collège
La parole est à M. Patrick Hetzel, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Madame la ministre de l’éducation nationale, après une attaque en règle contre les universités vertueuses, auxquelles vous avez ponctionné plus d’une centaine de millions d’euros de trésorerie, voilà que vous vous attaquez – et c’est bien le mot : vous vous attaquez – au collège.
L’alpha et l’oméga de votre réforme, c’est l’interdisciplinarité : la belle affaire ! Tous les experts disent que l’interdisciplinarité est un objectif qui ne peut en aucun cas être atteint sans un préalable indispensable, que vous semblez ignorer superbement : la maîtrise des fondamentaux disciplinaires.
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Avant de prétendre accéder à l’interdisciplinarité, il faut s’assurer que les élèves maîtrisent les matières fondamentales telles que le français, les mathématiques ou encore l’histoire.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Promouvoir l’interdisciplinarité n’a de sens qu’une fois que les connaissances de base en ces matières sont acquises et parfaitement maîtrisées.
Voilà l’immense problème de votre réforme. En réduisant les heures consacrées à ces matières fondamentales, vous allez faire baisser le niveau des connaissances des collégiens.
« Scandaleux ! » sur les bancs du groupe UMP.
Ce que toutes les études internationales démontrent, vous semblez, vous, l’ignorer, madame la ministre. À aucun moment vous ne parlez de l’indispensable évaluation des élèves, seul outil permettant une véritable progression dans l’acquisition des savoirs.
Je suis très inquiet pour les jeunes collégiens. Le niveau va baisser et vous en serez responsable. Que comptez-vous faire concrètement pour que les collégiens maîtrisent parfaitement le socle commun de connaissances et de compétences ? Que comptez-vous faire pour qu’enfin le niveau des collégiens s’améliore plutôt que de baisser ?
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Je vous remercie, monsieur le député Hetzel, de m’avoir posé cette question, qui est pour moi l’occasion de réaffirmer le sens profond de cette réforme des collèges.
Vous l’avez reconnu vous-même : ces dix dernières années, le niveau des élèves dans les matières fondamentales – la maîtrise de l’écrit, la maîtrise de l’oral, les mathématiques ou l’histoire-géo – n’a cessé de se dégrader, et je ne vous parle même pas des langues vivantes.
Non, nous ne pouvons pas accepter cela, et c’est la raison pour laquelle cette réforme s’attaque au vrai sujet : comment faire mieux apprendre nos collégiens ?
Les disciplines sont préservées : la réforme ne porte atteinte à aucune des matières actuellement enseignées au collège. Mais nous développons, à côté de l’enseignement magistral, une autre façon d’enseigner les fondamentaux, de façon plus participative, qui éveille davantage l’intérêt des élèves,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
qui les fasse sortir de la passivité. Notre objectif, c’est que chaque élève sorte du collège unique – et je réaffirme l’ambition d’un collège qui s’adresse à toute une classe d’âge – en maîtrisant les compétences essentielles pour se projeter dans sa vie personnelle et professionnelle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Philippe Nilor, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Alfred Marie-Jeanne et Bruno Nestor Azerot, s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La récente tension au sein du pôle universitaire de Guadeloupe en témoigne : les menaces de démantèlement proférées dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi relatif à l’université des Antilles ont été mises à exécution.
Le mode opératoire est identique à celui qui a précédé l’amputation du pôle guyanais, avec une ministre ou un ex-ministre aux manettes qui manipule les chiffres, excite les syndicats et attise les rivalités pour provoquer l’éclatement.
Résultat : la répartition du budget, de l’ordre de 60 % pour la Guadeloupe et 40 % pour la Martinique, qui avait fait l’objet d’une large concertation et qui permettait aux deux pôles de vivre, est aujourd’hui dénoncée par un pôle guadeloupéen chauffé à blanc.
Reconnaissons que l’idée d’un ticket à trois, votée par le Sénat et validée par notre commission des affaires culturelles, est lumineuse, même si elle vient de la droite.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Elle favorise l’unité, la cohérence et l’apaisement au sein de l’université des Antilles. Je regrette qu’elle ait été rejetée en séance sous la pression du Gouvernement.
Pour ma part, je souhaite que le pôle guadeloupéen puisse fonctionner de manière optimale, mais pas au prix de l’asphyxie du pôle martiniquais. Je refuse d’opposer jeunesse guadeloupéenne et jeunesse martiniquaise, qui d’ailleurs, dans chacun des deux pôles, se respectent et s’apprécient.
Nos jeunes nourrissent l’espoir d’une université unie, attractive et dotée de moyens substantiels. Pas deux universités au rabais !
Madame la ministre, vous prônez par ailleurs le regroupement des universités pour les rendre plus performantes : pourquoi, alors, nous diviser ? Qu’entendez-vous faire pour que cette université conserve sa cohérence et son unité ? Soutiendrez-vous la gouvernance actuelle de l’université dans l’énorme chantier engagé pour la transparence des comptes et l’assainissement des pratiques ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, à la suite du protocole d’accord de fin de conflit qui a été signé – je vous le rappelle – le 11 novembre 2013, nous avons pris un décret, le 30 juillet 2014, qui a permis la création d’une université de plein exercice en Guyane. Je confirme donc à toute l’Assemblée que celle-ci est effective depuis le 1er janvier 2015 ; j’ai eu l’occasion de le constater par moi-même.
En complément, le Président de la République a signé une ordonnance, le 17 juillet 2014, qui réaffirme l’unité de l’université des Antilles. Comme vous, le Gouvernement est très attaché à cette unité. D’ailleurs, le contenu de cette ordonnance est très largement issu de la concertation avec les acteurs locaux qui a été conduite à l’époque, ainsi que de la communauté universitaire.
Cette ordonnance, que dit-elle exactement ? Elle réaffirme un principe de parité entre les pôles martiniquais et guadeloupéen, un principe de large autonomie pour chacun de ces pôles et un principe de présidence alternée.
Pendant les débats parlementaires, le Sénat a apporté des modifications à ces principes, en introduisant l’idée d’un ticket présidentiel concernant le président de l’université et les vice-présidents des pôles. Ce choix, je le dis clairement, va à l’encontre de l’accord politique comme de la volonté initiale du Gouvernement et des élus des collectivités concernées. Par ailleurs, cette solution comporte des risques de blocage importants. Le Gouvernement a donc présenté à l’Assemblée nationale un amendement qui a été adopté, pour revenir au texte initial, plus proche de notre objectif d’une université en concordance avec les réalités du terrain.
Monsieur le député, je peux vous rappeler et vous confirmer qu’une université constitue le meilleur investissement pour un territoire. Le Gouvernement prend ses responsabilités en la matière.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Édouard Courtial, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social.
Les conditions sont réunies pour que la conjoncture s’améliore, avec la faiblesse des taux d’intérêt, la baisse de l’euro et la chute des cours du pétrole. Pourtant, notre activité économique reste à l’arrêt. Croissance en berne, chômage en hausse, investissement au point mort : le moral des patrons est au plus bas, car ils sont confrontés au quotidien à la réalité de votre politique.
Un matraquage fiscal insoutenable, des charges qui augmentent, des promesses qui se résument à des déclarations d’intention… Vous avez une réponse toute faite : le pacte de responsabilité. Mais les chefs d’entreprise ne voient rien venir. Voilà la réalité !
Lundi, les artisans, commerçants, travailleurs indépendants, sont venus pousser un cri de colère – la colère de la France qui travaille et qui souffre. Les petits patrons sont étouffés par les contraintes, l’empilement des normes et l’inventivité de votre majorité qui n’est jamais à court d’idées quand il s’agit de complexifier : compte pénibilité, réforme de l’inspection du travail, création de taxes…
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Les TPE, les PME, les artisans et les commerçants, qui représentent 90 % des entreprises en France, étouffent sous les charges. Les dépôts de bilan des petites entreprises de proximité, qui jouent un rôle essentiel dans nos zones rurales, ont bondi de 18 % en 2014.
Hier, ici même, le secrétaire d’État chargé du budget a renvoyé la faute des dysfonctionnements du régime social des indépendants sur l’opposition, mais c’est vous qui êtes au pouvoir et qui avez l’obligation d’écouter ceux qui créent de l’emploi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Alors écoutez-les ! Ils font la richesse de la France.
Monsieur le ministre, il faut maintenant agir ! Quand allez-vous enfin alléger les charges des petites entreprises sans qui la reprise ne se fera pas ? Quand allez-vous enfin simplifier les normes et le droit du travail qui s’appliquent à elles et qui les étouffent ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le député, nous sommes partis d’un constat assez simple, en 2012 : pendant une dizaine d’années, les entreprises françaises ont perdu de leur compétitivité. Elles ont vu, petit à petit, leurs marges diminuer. Elles se sont donc trouvées dans l’incapacité d’investir suffisamment.
On peut dire que ce constat était juste : des pertes importantes dans l’industrie et une diminution de la part de l’industrie dans notre économie.
Le Gouvernement a donc pris un certain nombre de dispositions, que vous devriez saluer. Je veux parler ici du pacte de responsabilité et de solidarité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ce pacte consistait à redonner des marges de manoeuvre aux entreprises, pour leur permettre de préparer l’avenir – par la formation, par l’apprentissage –, mais également par l’investissement et donc, à terme, par l’emploi. Parallèlement, nous avons fait confiance au dialogue social. Tout ce que vous avez évoqué, c’est ce que vous-même et votre majorité aviez mis en place. Enfin ! Un peu de mémoire, tout de même !
Le RSI, en 2006, c’était vous ! Autant que je me souvienne, le compte pénibilité, c’est vous qui l’avez inventé en 2003, et vous savez très bien pourquoi cette réforme s’est continuée. Nous devons à la fois faire confiance au dialogue social pour assouplir les évolutions au sein de l’entreprise et prendre des décisions structurelles, comme nous venons de le faire avec le compte personnel de formation, pour préparer l’avenir en vue de la reprise économique.
Applaudissements plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Valérie Fourneyron, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Monsieur le ministre, le Mali est sous le choc, frappé deux fois en trois jours par le terrorisme le plus abject.
Le 7 mars dernier, cinq personnes ont été abattues dans l’attaque d’un bar-restaurant à Bamako. Trois Maliens, un Belge et un de nos compatriotes y ont perdu la vie. Clairement, c’était la communauté des expatriés qui était visée.
Le lendemain, c’est un camp de la mission des Nations unies pour la stabilisation du Mali qui a été visé à Kidal, dans le nord du pays. Un casque bleu est décédé mais, aussi, des civils, dont deux enfants.
Je veux exprimer ici toute notre solidarité avec les familles des victimes dans le deuil qui les frappe.
La France, plus que jamais, se tient aux côtés du Mali pour retrouver les auteurs de ces crimes et pour lutter contre le terrorisme djihadiste qui, sous toutes ses formes, gangrène la région.
Dans le cadre des opérations Serval, puis Barkhane, nos forces armées sont déjà mobilisées aux côtés des autorités maliennes, mais aussi mauritaniennes, nigériennes, tchadiennes et burkinabées pour apporter une réponse régionale et coordonnée aux défis sécuritaires et aux menaces de chaos que font peser les groupes armés terroristes en Afrique. Nous sommes aux avant-postes.
Dans ce contexte, l’accord de paix et de réconciliation paraphé à Alger le 1er mars dernier entre le Gouvernement malien et les groupes séparatistes du Nord-Mali représente un véritable espoir de sécurité et de stabilité durables pour toute la région. C’est pour cela que les terroristes n’en veulent pas.
L’Algérie a été le médiateur de cet accord, la France et l’Union européenne en ont été les amis. En effet, ne nous y trompons pas : la sécurité de l’Afrique, c’est notre sécurité. Derrière les attaques sur le sol africain, la cible ultime des terroristes, c’est l’Europe.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire comment la France va s’investir pour assurer la signature et la réussite des accords d’Alger ? Pouvez-vous nous en rappeler les enjeux pour la sécurité et la démocratie ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.
Madame la députée, vous avez rappelé avec précision les circonstances dramatiques de ces derniers jours : huit morts dans deux attentats. Avec vous, je veux dire notre solidarité aux familles de toutes les victimes, et en particulier à celle de notre compatriote Fabien Guyomard.
L’enquête est en route et nous avons pris des dispositions afin de renforcer la sécurité, en particulier à Bamako.
Certes, nous ne savons pas encore qui sont exactement les auteurs de ces faits mais le sens de ces attaques est extrêmement clair : c’est précisément au moment où la paix est à portée de main que les terroristes veulent attaquer la paix.
Dès lors, pour répondre à votre question, le sens de notre action doit être extrêmement clair.
Voilà quelques jours, sous médiation algérienne, un texte de paix et de réconciliation a pu être mis au point après bien des efforts. La France appelle toutes les parties à le soutenir.
S’agissant du Gouvernement de Bamako, c’est fait. Reste à convaincre un certain nombre de groupes du Nord, ce à quoi nous nous employons.
La leçon de tout cela est très claire : c’est précisément au moment où la paix est à portée de main que les terroristes veulent la mettre à bas.
Eh bien, c’est à ce moment-là que la France doit soutenir cet accord de paix !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Dominique Orliac, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le ministre du travail et du dialogue social, les postiers n’ont plus aujourd’hui le sentiment d’avoir les moyens d’assurer un service public de qualité. Ils se sentent déconsidérés, et même abandonnés.
Nouvelle organisation du travail, réduction des marges de manoeuvres individuelles et collectives, tout cela engendre un mal-être au travail atteignant tous les niveaux opérationnels de l’entreprise.
La mise en oeuvre, ces dernières années, d’une commission du « Grand Dialogue » ne semble en rien avoir amélioré la situation.
Le département du Lot illustre parfaitement ce conflit.
Voilà quarante-deux jours que les postiers du centre de Gourdon sont en grève. Depuis longtemps en conflit avec leur direction, ils veulent dénoncer les dégradations de leurs conditions de travail.
Aucun accord n’a pu être trouvé jusqu’ici, malgré la nomination d’un médiateur. La situation devient dramatique.
Depuis plus de sept jours, certains d’entre eux ont commencé une grève de la faim et leur état de santé est préoccupant. Pour les avoir rencontrés, je peux vous affirmer qu’ils sont dans une situation d’intense détresse.
Ce conflit a trop duré. Il est inacceptable pour les salariés grévistes, pour les élus du territoire, pour les administrés qui, depuis plus d’un mois, ne bénéficient plus du service public postal comme ils le devraient.
Les particuliers, les entreprises, chacun est impacté par cette grève, qui doit trouver une issue rapide car la situation devient explosive sur le terrain.
Certes, l’État ne peut pas tout. Néanmoins, en tant qu’actionnaire majoritaire de La Poste, il doit prendre ses responsabilités. À Gourdon mais aussi ailleurs, la situation du groupe et de ses salariés mérite notre attention.
Par ailleurs, l’État, garant de la bonne marche des services publics, doit aussi s’inquiéter de la nécessité de maintenir un service public postal de qualité sur le territoire, assuré par des agents heureux et fiers d’exercer un métier conforme à l’idée qu’ils se font du service public.
Alors, monsieur le ministre, comptez-vous intervenir pour favoriser un dénouement rapide de ces crises qui se multiplient sur l’ensemble du territoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.
Madame la députée Dominique Orliac, je tiens à excuser Emmanuel Macron,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
qui aurait souhaité pouvoir vous répondre car, dans le cadre de son ministère, il suit ce dossier avec le directeur de La Poste.
Nous suivons en effet précisément les évolutions de la situation de la plate-forme de distribution du courrier de Gourdon.
Le préfet du Lot a nommé un médiateur le 20 février et les grévistes ont été reçus à la sous-préfecture le 6 mars.
À l’heure où je vous parle, seize des dix-huit points de discussion sont en cours de résolution, des accords complémentaires devant être trouvés dans les prochains jours.
La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi a également envoyé les propositions du médiateur aux différentes parties vendredi dernier. Elles ont huit jours pour se prononcer.
Des dispositifs ont bien entendu été mis en place entre-temps pour assurer la distribution locale du courrier à destination de nos concitoyens, bien sûr, mais des entreprises pour lesquelles cette distribution est indispensable à leur activité.
Le Gouvernement est sensible aux inquiétudes des personnels de La Poste, qui voient en effet l’organisation du travail évoluer et qui ont des craintes à ce propos.
C’est pourquoi, avec Philippe Wahl, nous avons souhaité mettre en place un dialogue social plus approfondi – car il faut quand même rappeler que les volumes de courrier ont baissé de 22 % entre 2008 et 2013.
Ces nécessaires réorganisations doivent être menées dans le cadre d’un dialogue social approfondi et en lien constant avec les élus locaux.
Concernant les deux postiers qui ont commencé une grève de la faim, nous suivons bien sûr l’évolution de leur état de santé avec le médecin du travail.
Je vous indique que nous aurons des réponses dans les prochains jours et nous ne manquerons pas, madame la députée, de vous en informer car il est nécessaire d’avoir un service public de qualité sur tous les territoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Le 14 février 2014, il y a un peu plus d’un an, le jeune Mathias Picard, malade de diabète et insulinodépendant, trouvait la mort. C’est bien sûr sa maladie qui l’a tué, mais certainement aussi le fait que, étant affilié à la Mutuelle des étudiants, anciennement Mutuelle nationale des étudiants de France, il a été confronté pendant de longs mois à des problèmes administratifs : pour que son parcours de santé soit suivi comme il le fallait, ce qui ne fut pas le cas, et pour que ses soins lui soient remboursés, ce qui ne fut pas davantage le cas. Quelques jours après sa réintégration dans le régime général, il décédait.
Ce que nous enseigne cet épisode tragique, madame la ministre, c’est que la Mutuelle des étudiants n’est absolument plus en mesure de garantir à ses adhérents, ni le remboursement des soins, ni le suivi médical, ni le fait qu’ils pourront bénéficier de toutes les thérapies dont ils ont besoin.
Ce que démontre cet épisode, c’est que cet organisme a failli à tous les niveaux – financier, administratif et sanitaire – et que des centaines, voire des milliers d’étudiants sont en danger, partout dans le pays.
Ce qu’enseigne cet épisode, madame la ministre, c’est que d’autres organismes de mutuelle étudiante qui, eux, organisent les soins et les prestations comme il le faut, risquent de devoir trouver d’autres régimes d’affiliation pour leurs adhérents, alors même qu’ils accomplissent particulièrement bien leur mission.
Madame la ministre, nous ne pouvons pas croire que la proximité entre la LMDE et le Parti socialiste vous ait conduits jusqu’ici à procrastiner, à repousser les mesures de régulation qu’il aurait fallu prendre.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ma question est simple : que comptez-vous faire pour que tous les étudiants de ce pays puissent bénéficier de la protection sanitaire à laquelle ils ont droit ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, vous évoquez un cas tragique : le décès d’un jeune homme. Nous compatissons évidemment à la douleur de sa famille. Mais je ne peux pas imaginer que vous fassiez le lien entre la situation d’un organisme de Sécurité sociale et le décès de ce jeune homme.
La Mutuelle des étudiants, à laquelle vous faites référence, connaît des dysfonctionnements.
« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.
Pas depuis quelques jours, pas depuis quelques mois, mais depuis des années ! Et les gouvernements que vous avez soutenus n’ont pas apporté de réponse à ces problèmes, que je sache !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons, à partir de l’année 2013, engagé une réorganisation, qui s’accélère aujourd’hui. Des discussions sont en cours, d’une part avec la Caisse nationale d’assurance maladie, à qui nous souhaitons que soient déléguées les activités de la LMDE relevant du régime obligatoire – et nous souhaitons que ce dossier aboutisse rapidement.
Par ailleurs, nous discutons actuellement avec différents organismes complémentaires pour leur confier la partie complémentaire aujourd’hui assurée par la LMDE.
Je tiens à rassurer les étudiants et à leur dire que, dans le cadre de la procédure de sauvegarde qui est actuellement engagée, leurs remboursements seront assurés et sont garantis. Je veux aussi rassurer les salariés de la LMDE, leur dire que nous sommes très attentifs à leur situation professionnelle et au fait qu’ils puissent être repris par les organismes avec lesquels nous discutons actuellement. Notre travail est engagé, nous prenons nos responsabilités, et je ne doute pas que vous saurez nous appuyer, le moment venu.
Applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Doucet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Le 20 janvier dernier, le Premier ministre, Manuel Valls, a qualifié d’apartheid territorial, social et ethnique la situation qui frappe un certain nombre de villes et de quartiers sur l’ensemble du territoire national.
Si les mots sont forts, ils sont néanmoins largement approuvés par les Français, car le constat est connu de tous, même quand une partie des élites politiques et sociales de ce pays ne veut pas le voir, ne veut pas le dire. Si les mots sont forts, c’est que la réalité qu’ils décrivent l’est tout autant : oui, il y a bien, dans ces quartiers devenus des ghettos, un dysfonctionnement majeur qui concerne l’une des trois valeurs de la devise républicaine – l’égalité.
Les Français attendent de nous que nous mettions en place l’égalité réelle pour tous, sur tout le territoire de la République.
Lutter efficacement contre les ghettos suppose d’ouvrir plusieurs fronts, mais il en est deux qui revêtent un caractère d’urgence : il s’agit de la construction de logement et de la mixité sociale.
Il y a, comme chacun sait, des communes délinquantes qui ne respectent pas le seuil de logements sociaux prévus par la loi SRU. De plus, un certain nombre de nouvelles majorités de droite, élues aux dernières élections municipales, ont stoppé la construction de 20 000 logements sociaux. Par ailleurs, l’État est schizophrène dans son action pour plus de mixité sociale. Il a investi, aux côtés des communes, des sommes importantes dans la rénovation urbaine. Mais, en appliquant la loi sur le droit au logement opposable – ou DALO –, dont les objectifs sont par ailleurs justes, l’État affecte des populations en difficulté sociale dans des quartiers déjà paupérisés.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures annoncées vendredi dernier par le Premier ministre concernant les communes délinquantes n’appliquant pas la loi SRU ? Pouvez-vous par ailleurs détailler les mesures relatives à l’application de la loi DALO et, plus largement, les mesures prises pour les quartiers relevant de la politique de la ville ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député, le comité interministériel à l’égalité et la citoyenneté du 6 décembre marque une rupture avec la manière dont la politique de la ville a été abordée jusqu’à présent – c’était la volonté du chef du Gouvernement.
Première rupture : nos réponses se déploient de manière cohérente, là où la ségrégation a lieu, en matière d’urbanisme, d’emploi, d’éducation et de santé.
Seconde rupture : c’est le retour de l’État. Mon histoire politique me porte naturellement vers la décentralisation, mais sur les sujets que vous avez évoqués, c’est à l’État de montrer son autorité et sa détermination.
Alors, oui, avec ma collègue Sylvia Pinel, nous allons demander aux préfets de se substituer aux élus locaux quand ceux-ci refusent manifestement de se mettre en règle avec la loi de la République sur le logement social.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
À l’inverse, nous nous opposerons à la concentration de pauvreté, en ne permettant plus la construction de logements sociaux dans les communes qui en comptent déjà plus de 50 %, et en diversifiant la production de ces logements.
Nous faciliterons, enfin, le relogement de personnes éligibles au DALO en dehors des quartiers de la politique de la ville.
Monsieur le député, la politique du peuplement est un levier majeur, mais nous agirons dans tous les autres domaines. Pour l’emploi, d’abord, en concentrant dans les quartiers les réponses en la matière, et en créant notamment un nouveau contrat financé à 45 % du SMIC pour les jeunes.
Pour la citoyenneté, ensuite, en mobilisant 100 millions d’euros – ceux qui avaient été supprimés par la majorité précédente – en direction du secteur associatif.
Monsieur le député, il s’agit là de choix politiques lourds et, n’en déplaise à Marine Le Pen, il faut effectivement donner plus à ceux qui ont moins. Cela s’appelle l’égalité ; cela s’appelle la République, et nous en sommes les défenseurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse au ministre de l’agriculture, et j’y associe mes collègues Thierry Benoit et Guénhaël Huet. En opposition au ministre du travail qui évoquait des « signaux de reprise », je peux vous dire que dans la Manche, les signaux ne sont pas vraiment à la reprise. Après Areva la semaine dernière, ce sont désormais les Abattoirs industriels de la Manche – AIM – et le site de Sainte-Cécile qui sont en alerte, en alerte rouge.
Plus de deux mois après le placement en redressement judiciaire d’AIM, l’inquiétude est en effet à son comble. Les repreneurs potentiels du site de Sainte-Cécile ont tour à tour jeté l’éponge. Ce week-end, le dernier entrepreneur en lice s’est totalement retiré. Monsieur le ministre, près de 400 emplois directs pourraient disparaître. Tout un territoire serait vraiment sinistré.
Les entreprises susceptibles de reprendre AIM ont besoin de garanties. Les collectivités locales – département et région – sont très actives sur le sujet, mais elles ne peuvent tout faire.
Si les entreprises d’abattage vont si mal, c’est qu’elles souffrent d’un énorme déficit de compétitivité face aux abattoirs allemands et espagnols notamment. En cause, bien sûr, les charges sociales qui, en France, sont lourdes, beaucoup trop lourdes. En cause également, en amont de la filière, la disparition des élevages porcins, qui aboutit à une réduction des volumes pour les abattoirs. Les producteurs de porc ont vu s’envoler les coûts de production. Et que dire des normes importantes qu’on leur impose, et qui requièrent de très lourds, de trop lourds investissements !
Les éleveurs sont en grande difficulté en amont, les abattoirs le sont forcément en aval. C’est aussi cette équation qu’il faut résoudre, cette difficulté structurelle de compétitivité qui décourage les repreneurs potentiels d’AIM. Monsieur le ministre, nous sommes tous mobilisés : les salariés, dont le sens des responsabilités leur a fait reprendre le travail, les industriels, les producteurs et bien sûr les élus. Cependant, pour AIM, ses 400 salariés et leurs familles, chaque minute compte.
Monsieur le ministre, l’État est-il à nos côtés, pouvons-nous compter sur lui, pouvons-nous compter sur vous, et comment ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le député, vous évoquez aujourd’hui la situation d’AIM. Cela fait plus de six mois – six mois ! – que nous travaillons pour trouver une solution de reprise.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Pour trouver une solution de reprise, il faut être capable de mettre d’accord l’ensemble des parties prenantes.
Vous avez évoqué des pistes d’investisseurs qui étaient disponibles. Trois ont été évoqués, trois fois il y a eu échec, parce qu’il n’y a pas eu d’accord suffisant pour garantir aux investisseurs qu’ils ne prenaient pas un risque trop grand en reprenant cet abattoir.
Trois pistes ont été évoquées, et nous les avons soutenues. Et je le dis ici à l’Assemblée nationale, les deux collectivités qui travaillent avec l’État, le conseil général et le conseil régional, sont à nos côtés, et ils sont de bords politiques différents. Donc, ne donnez pas à ce problème la connotation très politicienne que semblait comporter votre question.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
L’État est là pour l’intérêt général : 400 salariés, ça nous concerne ! La perspective de la reprise du travail est une bonne nouvelle, en particulier avec le projet de SCOP. Nous sommes en train de regarder la faisabilité de la mise en oeuvre de ce projet, et l’État sera là pour sauver les abattoirs AIM.
Je veux revenir sur la filière porcine. Savez-vous combien de porcs étaient produits en France en 2010 ?
25 millions. En 2012, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, la production était de 21 millions. Donc, la baisse de la production porcine, sans polémique, ne date pas d’aujourd’hui. C’est un processus qui s’est engagé il y a longtemps. Le crédit d’impôt compétitivité associé au pacte de responsabilité représente 19,7 millions d’euros pour abaisser les charges qui pèsent sur les abattoirs.
Ce que vous n’avez pas fait, nous l’avons mis en oeuvre.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le ministre de l’agriculture, je souhaite vous alerter sur l’ampleur de la crise que traverse la filière porcine.
Cette filière est fragilisée depuis 2008, notamment en raison de l’instabilité des prix des matières premières agricoles.
Je connais votre engagement en la matière, et votre volonté d’améliorer la compétitivité de cette filière. Malgré ces efforts, dans mon département des Côtes-d’Armor – mais il n’est pas le seul concerné –, plus de 150 exploitants sont dans des situations très préoccupantes, notamment en raison de l’embargo russe décrété il y a près d’un an.
Certains m’ont même annoncé qu’ils ne sont plus en capacité de régler les céréales pour leurs animaux.
Je me permets de rappeler que les prix actuels des carcasses de porcs payés aux producteurs sont largement en dessous des coûts de production.
Vous avez rencontré il y a moins d’un mois les représentants nationaux de la filière afin d’évoquer les objectifs à moyen et long terme pour parvenir à un meilleur équilibre dans la rémunération des producteurs. Il y a quelques semaines, vous avez mis en oeuvre les cellules de crise au niveau des préfectures pour examiner les besoins des exploitants en difficulté, et les aider à faire face.
De nombreuses mesures structurelles ont été prises depuis trois ans : la loi d’avenir pour l’agriculture ; la mise en oeuvre du pacte de responsabilité ; l’amélioration de l’étiquetage ou encore la diffusion d’un guide pratique des marchés publics.
Il faut que dans cette période difficile, chacun se mobilise pour que les prix soient en phase avec la réalité économique des exploitations, et je pense notamment aux grandes et moyennes surfaces. Aujourd’hui, les exploitants ont besoin d’une aide ponctuelle, et ceci est un cri de survie. Ils ont besoin aussi d’une vision à long terme sur l’avenir de leur profession.
Aussi, monsieur le ministre, je vous remercie de nous apporter des réponses face au grand désarroi de cette population.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Madame la députée, vous évoquez une situation qui a des rapports avec la question précédente, car la filière porcine a vu le niveau de sa production en France baisser, et les outils de transformation sont directement concernés. Je rappelle d’ailleurs qu’en Bretagne, dès notre arrivée, s’est posée la question des abattoirs GAD et de la Cecab, que nous avons été obligés de restructurer, contraints et forcés par la situation du porc dans son ensemble, en particulier en Bretagne. C’est le premier point.
Deuxième point, des éléments conjoncturels : oui, l’embargo russe pèse sur cette situation. Oui, la question de l’organisation, de la commercialisation, entre la production, l’abattage, la transformation et la distribution se pose également. Nous allons y travailler, comme j’ai eu l’occasion de le dire, avec les professionnels de la filière porcine.
Et puis l’actualité immédiate nous impose d’éviter que la concurrence sur les prix fasse baisser encore plus des prix qui sont déjà bas. Cela a fait l’objet d’une réunion avec la GMS en Bretagne, pour demander à tout le monde de faire preuve de responsabilité en ce moment. C’est aussi à l’État de se mobiliser au niveau des départements et des préfectures pour assurer l’aide financière immédiate nécessaire pour éviter que des producteurs finissent par ne pas pouvoir pérenniser leur activité en raison de la crise qu’ils connaissent dans le moment présent. C’est la mobilisation : nous sommes là, au niveau de chacun des départements, pour apporter des aides aux agriculteurs dans les domaines des cotisations sociales, sur la MSA, sur les allégements de charges. Les procédures sont en cours.
En même temps, il est nécessaire de réfléchir à l’avenir. L’avenir, c’est aussi une organisation et un débat avec l’ensemble de la profession porcine pour savoir comment valoriser la production française. L’étiquetage « Viandes de France » est un enjeu majeur, il se mettra en place pour la viande fraîche au 1er avril. Il faut continuer pour aller jusqu’au bout sur les produits transformés.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.
Le président de l’Assemblée nationale a été informé par le président du groupe RRDP que la proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité était retirée de l’ordre du jour de la journée réservée de demain.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, madame la présidente de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’amendement no 685 est un amendement de repli : il me paraît donc compliqué de le présenter maintenant. Il serait plus pertinent de le soutenir après la présentation des amendements identiques nos 560 , 683 et 824 .
Cela ne pose pas de problème, madame la députée. Je vous redonnerai la parole tout à l’heure.
Si je comprends bien, madame la présidente, le repli, c’est le suicide assisté !
Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement. J’aimerais qu’on nous explique les raisons pour lesquelles l’examen des amendements nous est imposé dans cet ordre. Pourquoi l’ordre normal est-il modifié ?
À défaut d’être d’accord avec l’amendement de notre collègue Massonneau, je comprends parfaitement son désarroi dans la mesure où le dépôt de cet amendement de repli répond à une logique tout à fait cohérente dans notre débat.
Madame la présidente, je vous remercie de veiller à ce que notre groupe ainsi que nos autres collègues puissent avoir une réponse à cette interrogation relative au bouleversement de l’ordre du jour.
Monsieur Poisson, l’examen prioritaire de ces six amendements a été annoncé hier par la présidence. Il fait suite à une demande de la commission et il est de droit.
Nous reprenons l’examen des amendements en discussion commune.
La parole est à M. Guy Delcourt, pour soutenir l’amendement no 404 .
Que dire après les interventions brillantes entendues lors de la discussion générale ? Les mots seraient superflus. Je souscris totalement aux interventions de Bernard Roman, Jean-Louis Touraine, Philip Cordery et bien d’autres s’agissant de la nécessité de faire évoluer la proposition de loi qui nous est soumise.
Comme de nombreux collègues, je tiens à remercier et à féliciter les deux rapporteurs.
Bien entendu, madame la ministre, je soutiens cette proposition de loi. Cependant, je veux vous faire part de mon engagement personnel dans un combat très ancien. Élu député de la République, j’ai toujours considéré que je représentais, comme la majorité des membres de notre assemblée, le peuple qui nous fait confiance. Aussi, il nous appartient non pas de faire partager nos convictions personnelles à l’excès, mais d’anticiper les souhaits de nos concitoyens. Nous devons reprendre l’habitude de leur faire confiance.
Pendant de nombreuses années, un travail associatif a été effectué sur les sujets de la fin de vie et de l’instauration d’un droit à mourir dans la dignité. Nos concitoyens sont à même de décider eux-mêmes ! Ce sujet a connu des avancées : je remercie à mon tour M. Leonetti pour la loi de 2005, et je salue le travail de M. Claeys qui s’est associé à M. Leonetti pour déposer cette proposition de loi. Cependant, nos concitoyens veulent que nous les laissions choisir, ce qui nécessite d’aller le plus loin possible dans le cadre de la présente proposition de loi, c’est-à-dire d’autoriser la sédation létale.
La parole est à M. Jean-Louis Touraine, pour soutenir l’amendement no 560 .
Chacun a parlé ici du « mal-mourir » qui existe malheureusement en France. Une évolution prochaine vers un « bien-mourir » suppose, outre le développement des soins palliatifs et le traitement de la douleur physique, deux choses essentielles : d’une part, une liberté de choix ; d’autre part, la possibilité de recourir à une assistance et une aide à mourir pour ceux qui le souhaitent.
Je le répète : l’aide à mourir est différente de l’euthanasie et du suicide assisté. Il y a des nuances entre toutes ces conditions. L’aide à mourir est définie conjointement par la personne malade qui la sollicite et par l’équipe médicale qui l’entoure. En revanche, l’euthanasie est effectuée par l’équipe médicale, et le suicide assisté par la personne seule.
L’aide à mourir représente, en définitive, une avancée modérée et raisonnable. Elle permet d’éviter les dangers quotidiens de la situation actuelle. Vous le savez : chaque année, en France, 4 000 aides à mourir sont effectuées dans l’illégalité, en catimini, sans contrôle et avec des risques d’abus ou d’excès.
Face à la question de la fin de vie, on observe parmi nous trois attitudes différentes. Toutes les trois sont dignes d’intérêt et de respect.
La première attitude est celle d’une minorité de députés formellement opposés à cette avancée. Ceux-ci refusent même les termes de la proposition de loi Claeys-Leonetti car ils considèrent qu’elle revient à instaurer une euthanasie déguisée – ils l’ont dit.
La deuxième attitude est celle de la majorité d’entre nous, qui pensons que cette évolution est inéluctable, nécessaire et souhaitable. Le droit octroyé ne sera pas forcément utilisé par tous, mais il doit pouvoir être invoqué. Cette opinion est celle de 96 % des Français,
« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP
qui demandent que ce droit existe, même si beaucoup ne sont pas forcément prêts à l’utiliser.
D’un côté, certains veulent que ce droit soit octroyé tout de suite, en 2015 ; de l’autre, certains suggèrent de reporter son instauration, de gagner du temps, de retarder ce progrès.
Mes chers collègues, ne nous contentons pas d’une politique des très petits pas. Je vous exhorte au courage : je vous propose de prendre aujourd’hui une décision qui, de toute façon, s’imposera à nous à un moment ou un autre.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Cela aura l’avantage de ne pas laisser un vide dans notre arsenal législatif. Ce vide est générateur de déviances et d’abus divers.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.
Messieurs les rapporteurs, vous avez intitulé votre texte : « proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ». C’est un bon début, mais allons jusqu’au bout ! Tel est l’objet de notre amendement no 683 , qui vise à instaurer, en plus de la sédation profonde et continue jusqu’à la mort, l’assistance médicalisée active à mourir,…
…afin que chacun et chacune puisse faire un choix libre et éclairé au regard de ses convictions.
Cet amendement vise à mettre fin à une hypocrisie. Aujourd’hui, nous le savons, l’aide active à mourir est pratiquée dans notre pays : il y a entre 2 000 et 4 000 cas par an. Cette pratique n’est pas encadrée, ce qui cause des inégalités considérables devant la fin de vie. D’autres inégalités tiennent aux ressources des patients : certaines personnes, parce qu’elles ont les moyens et connaissent les réseaux, peuvent aller à l’étranger pour bénéficier d’une aide active à mourir.
Cet amendement répond à une forte demande des Français. Certains d’entre eux voudraient choisir le moment de partir, et la manière. Notre amendement tend à encadrer et donc à protéger véritablement les patients, les familles, et les soignants, y compris celles et ceux qui refusent cette aide active à mourir. Ce serait une avancée sociétale majeure.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Oui, madame la présidente.
Notre groupe a déposé dès le début de la législature, en septembre 2012, une proposition de loi relative à l’assistance médicalisée pour une fin de vie dans la dignité. Le texte que proposent aujourd’hui MM. Claeys et Leonetti ne correspond pas à la même chose, puisqu’il s’agit d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès. Cette distinction est au fond assez artificielle ; elle est « poreuse », selon le professeur Sicard, car dans les deux cas il s’agit de conduire au décès le patient.
Je voudrais avancer un deuxième élément : comme il y a arrêt des traitements, notamment de l’hydratation et de l’alimentation artificielles, le patient risque d’avoir une agonie longue, lente et douloureuse.
Mais si, bien sûr : beaucoup de médecins le disent. Cette agonie comporte des phénomènes de faim et de soif, des phlébites, des escarres, des infections…
Troisième élément : comme les patients seront, en réalité, sous anesthésie, ils ne pourront pas communiquer avec leur famille. C’est pourquoi nous proposons – comme d’autres – une variété de moyens correspondant aux attentes et aux volontés des uns et des autres, afin que chacun puisse choisir sa manière de conclure sa vie : c’est la dernière liberté, l’ultime espace de dignité et d’autonomie. Nous voulons donc que la loi permette l’assistance active médicalisée à mourir.
Voilà pour l’amendement no 824 . L’amendement suivant, no 825, est en quelque sorte un amendement de repli. Il tend à proposer aux patients une alternative : ou bien la solution préconisée par les deux coauteurs de la proposition de loi, ou bien l’aide active à mourir.
Par ailleurs, madame la présidente, je demande un vote par scrutin public sur l’amendement no 824 .
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Sur les amendements identiques nos 560 , 683 et 824 , je suis déjà saisie par le groupe écologiste d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Alain Claeys, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission.
Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, si vous le permettez, en donnant l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune, je présenterai un raisonnement global.
« Nos concitoyens aspirent à une fin de vie paisible, digne et choisie. » Voilà comment débute l’exposé sommaire de l’amendement no 560 , cosigné par un certain nombre de mes collègues du groupe SRC. Je n’ai pas un mot à retrancher à cette phrase. Comme eux, j’ai fait le constat, tout au long de nos auditions, de ce que l’on appelle le « mal-mourir » en France. Comme eux, je dénonce l’inégalité flagrante des conditions de fin de vie entre les territoires ; entre les établissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes et les structures hospitalières ; et souvent, au sein même de celles-ci. Tout comme eux, je souhaite que l’autonomie de la personne soit respectée jusqu’au bout, et que les patients décèdent de façon apaisée, à l’abri de toute souffrance.
À partir d’un constat identique, et mû par une semblable volonté, je n’aboutis cependant pas à une réponse similaire. Notre réponse, vous le savez, est la sédation profonde et continue. Avant même d’aller plus loin, je veux répondre aux critiques que j’ai entendues à ce sujet. Elles concernent notamment le délai et l’arrêt de l’hydratation et de la nutrition artificielles. Sur ce dernier point, toute personne ayant accompagné jusqu’à son ultime moment un proche atteint d’une maladie grave et incurable sait que ce dernier cesse toute alimentation et toute hydratation au cours des derniers jours précédant son décès. C’est en ce sens qu’Axel Kahn peut parler de pratiques assimilables à de l’acharnement thérapeutique lorsque l’hydratation et la nutrition artificielles sont laissées en place pour des malades en fin de vie bénéficiant d’une sédation profonde et continue.
Quant au débat sur le délai au cours duquel survient le décès, il est pour moi sans objet. La question n’est en effet pas tant le nombre d’heures qui séparent le patient de sa fin de vie, mais la qualité de celles-ci. En plongeant le patient dans un sommeil très profond et continu, toute notion de souffrance, physique, psychique, psychologique est écartée.
Au-delà de ces questions, mes chers collègues, je voudrais revenir aux fondements même de ce à quoi nous croyons, vous comme moi. La liberté de décision jusqu’à l’ultime moment est garantie par la proposition de loi que Jean Leonetti et moi-même présentons. L’autonomie sera assurée par les directives anticipées, qui s’imposeront aux médecins. La parole du patient, même quand celui-ci est hors d’état de l’exprimer physiquement, sera ainsi entendue et respectée jusqu’au bout. L’autonomie sera encore accrue grâce au renforcement du statut de la personne de confiance qui, elle aussi, portera jusqu’à la fin la parole du patient empêché. L’autonomie sera enfin améliorée avec le droit, pour le malade, d’arrêter lorsqu’il le souhaite son traitement de maintien en vie, et de bénéficier alors d’une sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Mes chers collègues, la liberté dont nous parlons n’est pas une demande d’affranchissement de toute empathie. Souvenons-nous de ce que la commission dirigée par le professeur Sicard disait de l’euthanasie à la fin de l’année 2012 : elle « intériorise des représentations sociétales négatives d’un certain nombre de situations de vieillesse, de maladie et de handicap » et risque d’éloigner la médecine du « devoir universel d’humanité de soins et d’accompagnement ». Aucun de nous, je le sais, ne souhaite voir le soignant s’éloigner du soigné, et s’abstraire du nécessaire secours qu’il lui doit en se retranchant derrière une solution rapide et froidement définitive. Tous ici, nous sommes habités par cette exigence d’humanité qui doit accompagner le patient jusqu’à son ultime souffle. Là où l’euthanasie risque d’éloigner, l’accompagnement vers la sédation rapproche.
Nous le savons tous : comme le dit fort justement le président de l’Observatoire national de la fin de vie, le professeur Régis Aubry, la demande d’euthanasie est d’abord et avant tout un appel au secours. La réponse à cet appel au secours ne peut être un geste létal. La société a une obligation, dont elle ne peut se délier. Les conditions de fin de vie des Françaises et des Français doivent être au coeur des évolutions médicales. Il y a naturellement des peurs, des préventions : elles sont légitimes. Qui n’en aurait pas, face à la maladie et à ses conséquences, à savoir la perspective du handicap et de la dépendance ?
Là encore, à l’effroi d’une fin de vie faite de souffrance, répond le droit à la sédation suivi de l’arrêt de tout traitement. Le patient, pris en charge de la même façon sur tout le territoire, saura qu’une fin de vie apaisée lui est garantie. Chers collègues, c’est là, à mon sens, la principale force de notre texte. Comme l’a encore rappelé le Conseil national de l’ordre des médecins lors d’une récente réunion avec la commission des affaires sociales, la clause de conscience ne s’appliquera pas pour la sédation profonde et continue jusqu’au décès. À l’inverse, même les plus fervents partisans de l’euthanasie admettent qu’elle serait assortie d’une clause de conscience. La sédation profonde et continue jusqu’au décès sera donc appliquée par toutes les équipes médicales, en tous lieux du territoire national, à toute personne le demandant et remplissant les critères fixés par ce texte.
Si vous voulez, mes chers collègues, garantir l’autonomie du patient jusqu’à son dernier souffle,…
…si vous voulez lui permettre de s’épargner toute souffrance et de bénéficier d’une fin de vie apaisée, et ce sur l’ensemble du territoire, que ce soit dans une structure médicale ou à son domicile, alors je vous invite à soutenir la proposition de loi que Jean Leonetti et moi-même défendons. Je vous invite donc à retirer ces amendements, auxquels je suis obligé de donner un avis défavorable.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC, et sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Albert Camus est souvent cité à ce sujet ; permettez-moi de rappeler à nouveau sa formule célèbre : « mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. » Appelons donc les choses par leur nom : ce texte n’a pas pour objet d’autoriser l’euthanasie ni le suicide assisté. Comme l’a très bien dit Alain Claeys, il est évident que si cela avait été le cas, le Conseil de l’ordre aurait demandé une clause de conscience.
Il y a une différence entre dormir avant de mourir pour ne pas souffrir, et faire dormir avec des médicaments destinés à faire mourir. Je respecte toutes les opinions sur le fait d’autoriser ou non l’euthanasie. Chacun a des arguments, et ces arguments reposent tous sur des valeurs : les uns défendent la liberté et l’autonomie de la personne, les autres défendent la solidarité, la fraternité que l’on doit aux plus faibles. Ces conflits sont de nature éthique : ils n’opposent pas le bien au mal, ou la droite à la gauche, ou le progrès à la morale. C’est, au contraire, le bien contre le bien : voilà ce qu’est le conflit éthique, le débat de valeurs.
Je comprends donc très bien que certains d’entre vous soient favorables au suicide assisté ou à l’euthanasie. Nous avons nous-même travaillé sur ces sujets en essayant de garder l’esprit libre, pour examiner les différentes possibilités et leurs inconvénients. Lorsque l’on est en fin de vie, il n’y a pas de bonne solution, seulement de moins mauvaises que d’autres. Dans ce contexte, je vous le dis très clairement, vous ne pouvez pas faire accroire que ces amendements ne proposent qu’une petite modification. Ils feraient sortir ce texte de l’épure que nous avons dessinée avec Alain Claeys, et qui a été validée au plus haut sommet de l’État. Non, vous ne pouvez pas dire qu’au fond, avec l’adoption de ces amendements, cette proposition de loi resterait à peu près pareille !
Il existe une ligne jaune, qu’il ne faut pas franchir : donner la mort. Si ces amendements étaient adoptés, ce texte en serait tellement modifié qu’il ne serait plus le même. Dans ce cas, les rapporteurs ne pourraient pas continuer à le défendre.
Madame Massonneau, permettez-moi de vous dire amicalement que si l’Assemblée nationale était favorable à l’euthanasie et au suicide assisté, elle aurait adopté la proposition de loi que vous avez défendue il y a quelque temps. Elle n’a pas choisi de le faire : nous restons cohérents avec ce choix.
Monsieur Schwartzenberg, permettez-moi de vous dire tout aussi amicalement qu’il est faux de dire que l’arrêt des traitements de réanimation prolonge l’agonie :…
…c’est une erreur du point de vue de la médecine. Il est également faux de dire que les malades, même profondément endormis, ressentent la faim et la soif : c’est une erreur de raisonnement.
Que l’on soit pour ou contre l’euthanasie, ces affirmations sont fausses. Personne ne s’est plaint, au réveil d’une anesthésie générale, d’avoir eu faim ou soif, souffert d’une escarre ou d’une phlébite. Chacun d’entre nous a eu l’occasion de subir une anesthésie générale : la sédation est si profonde qu’elle annihile toute souffrance physique ou morale. Chacun sait que ce n’est pas en dormant profondément que l’on ressent des souffrances particulières.
Par ailleurs, il est faux de dire que la France est le seul pays où ont lieu des euthanasies clandestines – pardon de me répéter. Je vous invite à relire sur ce point le rapport de l’Institut national des études démographique – l’INED – et de l’Observatoire de la fin de vie – l’ONFV. De son côté, Didier Sicard indique – et je confirme ses données – qu’il y a trois fois plus d’euthanasies clandestines en Belgique qu’en France.
Que cela vous plaise ou non, monsieur le député, cette comparaison est fondée sur des enquêtes statistiques réalisées dans les deux pays et publiées par le gouvernement belge lui-même ! On ne peut pas l’accuser d’avoir publié des données servant son intérêt.
En toute connaissance de cause, on peut philosophiquement pencher pour une solution ou pour une autre, mais notre proposition de loi ne tend pas à l’euthanasie, masquée au non. Au contraire, elle vise très clairement à répondre à nos concitoyens qui souffrent pendant les derniers moments de leur vie et donc à résoudre le problème persistant du mal mourir. Nous avons aujourd’hui la possibilité de franchir enfin cette étape ensemble.
Enfin, je n’accepte pas non plus que l’évolution vers l’euthanasie et le suicide assisté soit considérée comme inéluctable. Plusieurs pays démocratiques qui nous sont proches – la Finlande, la Suède, la Norvège, l’Espagne, l’Italie, l’Angleterre et l’Allemagne – ont modifié leur législation en la matière. Or aucun d’entre eux n’a autorisé l’euthanasie ni le suicide assisté.
Certes, le Canada et trois États américains ont évolué en ce sens, mais ils ne représentent pas la majorité ! Puisque ce débat existe, acceptons-le, mais sous prétexte que nous allons de toute façon tous mourir un jour, les sociétés ne sont nullement obligées d’envisager de donner la mort aux plus vulnérables de leurs membres, qui sont les mourants.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, pour donner l’avis du Gouvernement.
Il s’agit d’un moment important dans l’examen de ce texte, car des réponses différentes sont apportées à un constat très largement partagé sur tous les bancs – sans l’être unanimement, si j’en crois certains propos entendus hier. Aujourd’hui, la société attend une meilleure prise en compte des derniers moments de la vie, même si l’on s’interroge sur ce que ceux-ci recouvrent : à partir de quand entre-t-on dans cette phase ultime, lorsqu’on est confronté à la maladie, à la souffrance et à l’impossibilité de se soigner et de guérir ?
La présente proposition de loi, présentée par Alain Claeys et Jean Leonetti, constitue une avancée très significative par rapport au droit actuel. Ce serait mentir que de prétendre qu’elle représente simplement un aménagement à la marge du droit existant car, pour la première fois, c’est la parole du patient qui est entendue, et non pas simplement la volonté du médecin ou du soignant. Plusieurs mesures, comme les directives anticipées ou la sédation terminale, représentent une avancée importante, peut-être majeure.
Les auteurs de ces amendements apportent des réponses différentes à ce constat partagé de la demande d’une meilleure prise en compte de la fin de vie. Certains plaident pour la reconnaissance de ce qu’on appelle le suicide assisté, dont on sait qu’il recouvre des réalités très différentes, par exemple en Suisse ou aux États-Unis. D’autres plaident pour l’euthanasie active.
Pour faire notre choix, nous avons, au fond, à nous prononcer sur deux questions : est-ce souhaitable ? Et est-ce aujourd’hui possible dans la société française ?
Le débat que nous menons porte d’abord sur le caractère souhaitable de ces propositions. Pour certains, elles le sont ; pour d’autres, non. Cette réponse relève de l’intime, des convictions personnelles. Il ne m’appartient pas de trancher ce débat, en tout cas pas dans ce lieu. Mais s’agissant de la deuxième question, sur la possibilité d’appliquer ces propositions dans l’état actuel de la société française, il nous revient de faire évoluer le droit d’une manière qui ne brusque pas cette dernière.
Ne nous y trompons pas : si une écrasante majorité – 90 % – de nos concitoyens disent souhaiter des nouvelles réponses à la fin de vie, les résultats sont plus nuancés lorsqu’on entre dans le détail des propositions ; ayons l’honnêteté de le reconnaître, quelles que soient nos convictions personnelles. Il n’y a pas 90 % de Français favorables à telle option ou à telle autre,…
…mais 90 % des Français en attente d’une évolution du droit. Dès lors, les questions posées par le Président de la République et le Gouvernement sont les suivantes : jusqu’où pouvons-nous aller sans brusquer la société française ? Jusqu’où pouvons-nous aller pour répondre aux attentes des Français sans provoquer de cassure ou de débats insurmontables ? À ces questions-là, le Comité consultatif national d’éthique a apporté une réponse. Dans son tout dernier rapport, il a souligné les points de consensus, les interrogations et les points de divergence.
Le point d’équilibre atteint par cette proposition de loi ne réconcilie pas des positions divergentes, mais il permet de répondre aux attentes de nos concitoyens de la manière la plus ambitieuse possible sans prendre le risque de brusquer une partie de la société. C’est parce que la proposition de loi d’Alain Claeys et de Jean Leonetti traduit cet équilibre que le Gouvernement la soutient et est défavorable aux amendements, s’ils n’étaient pas retirés. Dans le même temps, un jour peut-être – certains ont voulu m’interpeller de façon injustement polémique sur cette question –, la société et le droit évolueront.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Sur ce sujet, un peu de courtoisie devrait être de mise !
Aujourd’hui, nous proposons de faire évoluer les dispositions issues de la loi Leonetti, adoptée il y a dix ans. D’autres étapes viendront peut-être ; il appartiendra au législateur, à la société et au peuple français de se prononcer à ce moment-là. Je ne sais pas aujourd’hui s’il s’agit d’une dernière étape, ou si d’autres viendront. Certains souhaitent s’arrêter là, d’autres non. En tout cas, le Gouvernement souhaite aujourd’hui un rassemblement sur la proposition de loi défendue par les rapporteurs.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Je vous remercie beaucoup de la qualité de l’écoute. Nous allons essayer de la préserver car beaucoup d’orateurs demandent la parole sur ces amendements. Je vous demande donc de limiter vos interventions à deux minutes.
La parole est à M. Xavier Breton.
Ces amendements visent à légaliser ouvertement l’euthanasie et le suicide assisté. Ils franchissent donc de manière très claire la ligne jaune dont parlait Jean Leonetti. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de nous demander si celle-ci n’est pas même franchie par les dispositions de l’article 3 qui, notamment à l’alinéa 4, prévoit la sédation profonde et continue jusqu’au décès lorsqu’un patient atteint d’une affection grave et incurable décide d’arrêter un traitement. On pourra se demander si cela ne revient pas à autoriser l’euthanasie.
S’agissant des présents amendements, ils rompent clairement l’équilibre entre l’éthique de l’autonomie, qui consiste à prendre en compte les souhaits de chacun, et celle de la vulnérabilité, qui exige de prendre en compte les failles et les fragilités que chacun d’entre nous peut connaître. Quand l’autonomie et la liberté individuelle n’ont plus de limites, nos fragilités et nos vulnérabilités sont niées.
Enfin, nous attendons une réponse claire, madame la ministre, sur le refus de l’euthanasie. Elle contribuerait à mettre fin à l’ambiguïté qui caractérise ce texte. Nous savons, madame la ministre, que vous êtes personnellement favorable à l’euthanasie ; alors que vous étiez tous deux députés, vous avez cosigné avec le Premier ministre une proposition de loi visant à la légaliser. Vous comprendrez donc notre méfiance à vous voir soutenir ce texte, qui n’est pour vous qu’une étape. Nous souhaitons que vous nous disiez très clairement si vous êtes pour ou contre l’euthanasie.
Je n’ai entendu que des certitudes ; c’est bien ce qui m’inquiète, car je n’ai que des doutes, pour avoir été confronté très jeune, comme tous les collègues médecins, à des décisions prises en équipe mais qui, en définitive, reposent sur les épaules du praticien. Cette proposition de loi suscite une première interrogation en ce qu’elle transforme le médecin en exécutant – les propos de l’un des rapporteurs l’ont d’ailleurs confirmé. Nous avons prêté le serment d’Hippocrate, qui consiste avant tout à ne pas nuire. Les médecins font, en équipe et dans l’état de leurs connaissances, du mieux qu’ils peuvent pour leurs patients. Ils n’ont pas attendu la présente proposition de loi, ni les lois précédentes pour se poser toutes ces questions, madame la ministre !
La nuit dernière, nous avons vu que la question principale était l’inégalité d’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du territoire national, question à laquelle votre gouvernement n’a toujours pas répondu. Si les politiques publiques étaient bien ordonnancées, vous auriez commencé par y répondre avant de proposer une éventuelle loi.
J’entends les collègues qui poussent à l’hybris, c’est-à-dire à la liberté absolue de l’individu. Il suffit de relire Marc-Aurèle, qui relate l’histoire d’un Galate préférant se suicider plutôt que d’être réduit en esclavage. Ce type de suicide est parfaitement respectable, mais ce n’est pas celui que vous proposez !
Murmures sur les bancs du groupe RRDP.
Vous êtes en train de déposséder le soignant de sa responsabilité et de cette part d’ombre qu’il doit assumer pour l’ensemble de la société. Notre rapport à la mort change en fonction de nos cultures, de nos sociétés et du contexte historique. De grâce, ne touchez pas à l’équilibre, déjà très précaire, de la rédaction actuelle du texte !
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Le débat que nous menons fait honneur à l’Assemblée nationale, comme la présente proposition de loi ; chacun doit comprendre que nous essayons ensemble de trouver les meilleures solutions à cette fin de vie inéluctable, qui nous concerne tous. Chateaubriand, auteur du Génie du christianisme, a écrit que sa mère lui avait infligé la vie. La seule liberté de l’individu est, le cas échéant, de pouvoir avoir une prise sur sa mort.
Les amendements proposés, qui tendent à instaurer une assistance médicalisée active à mourir, ne remettent pas en cause les avancées de la sédation profonde et des soins palliatifs, que nous soutenons. Ils proposent un élément supplémentaire de liberté.
Un tel débat n’est pas polémique. Il est de la volonté de chacun de chercher ce qu’il croit être, en conscience, une avancée, en sachant que, dans ce domaine, bien rare est celui qui détient la vérité.
Et dès lors que nous parlons d’avancées, nous pouvons certainement aller encore plus loin, à condition de respecter l’éthique.
Que disent ces amendements ? Que le patient doit confirmer sa volonté de mourir ; qu’il peut, à tout moment, revenir sur sa demande. Il s’agit d’un droit nouveau, sans aucun caractère obligatoire. Chacun est libre de recourir ou non à cette possibilité, sans que ne soient hypothéquées les autres libertés acquises au patient. Je ne vois donc pas en quoi cette proposition pourrait être la source d’un clivage. Au contraire, il s’agit à mon sens un progrès.
Plusieurs raisons m’amènent à soutenir l’amendement no 560 présenté par Jean-Louis Touraine. En premier lieu, il ne dénature pas la proposition de loi telle qu’elle est rédigée (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP), mais offre seulement aux malades une option supplémentaire.
Les deux rapporteurs et la ministre l’ont dit, il y a plusieurs options et solutions pour terminer sa vie. Or seule l’une d’entre elles, la sédation profonde – dont je ne conteste pas l’intérêt – figure dans cette proposition de loi. Certains malades en fin de vie pourraient en préférer une autre, et c’est pour leur laisser une liberté de choix que nous proposons l’assistance médicalisée active à mourir.
En second lieu, l’amendement propose un cadre à cette forme d’assistance. Aujourd’hui, et cela a été dit, l’euthanasie existe : soit elle est pratiquée clandestinement, soit certains de nos compatriotes y ont recours à l’étranger. Et contrairement à ce que dit M. Leonetti, en Belgique, la légalisation de l’euthanasie a fait baisser le nombre d’euthanasies clandestines.
En effet, étant légale, l’euthanasie n’a, dans ce pays, plus lieu d’être pratiquée de façon clandestine. De même, rendre possible l’assistance médicalisée à mourir permettrait de mieux encadrer la prise en charge d’un patient désireux de partir au moment où il le souhaite.
En troisième lieu, il convient de prendre en compte les expériences réalisées, avec le soutien de la classe politique et de l’opinion publique, dans certains pays voisins tels que la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, d’autant qu’un bilan positif peut en être dressé.
On parle souvent des dérives constatées en Belgique. Mais pas une seule fois la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, qui est composée de personnalités pro- et anti-euthanasie, n’a transmis de signalement au Parquet, et ses rapports ont tous été adoptés à l’unanimité. Je pense donc que nous pouvons, aujourd’hui, aller de l’avant et proposer aux patients une options supplémentaire.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, RRDP et écologistes.
Les Français ont, c’est évident, peur de mal mourir. Mais ils ont de la mort une image souvent fausse : celle d’hommes et de femmes allongés sur un lit d’hôpital, bardés de tuyaux et souffrants. Pour mettre fin à la peur de mal mourir, il est donc fondamental de corriger cette image. Cela passe par le développement des unités de soins palliatifs.
Sur ce dernier point, comme M. Leonetti, je ne comprends pas très bien les propos de M. Schwartzenberg : quand un homme ou une femme souffre, le code de déontologie et le serment d’Hippocrate, tout autant que les lois de 1999, de 2002 et de 2005, obligent les médecins à soulager cette souffrance.
Et, quand on doit s’y employer, il arrive un moment où les doses d’antalgiques ou d’anesthésiques sont telles que la mort survient plus vite. L’intentionnalité est de faire disparaître la souffrance, ce que les médecins se trouvent dans l’obligation de faire. Il y va de leur devoir d’empathie.
Nous ne devons rien insérer de plus que ce qui figure dans la proposition de loi. Encore une fois, je suis très opposé à ce suicide assisté, qui constitue une mauvais réponse à une vraie question que se posent les Français sur le mal mourir.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons prévoit que tout malade en phase avancée a droit à une assistance médicale active à mourir. Cela a déjà été dit, mais je veux le rappeler, la sédation profonde consiste à injecter, par perfusion, un produit qui fait basculer le patient dans un état d’inconscience profond. Cette anesthésie se caractérise néanmoins par différents degrés. Or, dans la mesure où le texte prévoit qu’elle soit profonde, une interrogation demeure. En effet, je ne comprends pas bien comment cette sédation profonde peut garantir une meilleure prise en compte de la douleur et de la souffrance. En outre, elle ne permettra pas une mort digne et apaisée, puisqu’elle provoquera une dénutrition et une déshydratation et donc une agonie pendant un temps indéterminé.
Lors de mon intervention sur l’article premier, j’ai évoqué l’impérieuse nécessité de ne pas s’acharner. Je crois que ce rappel utile prend, à cet instant, tout son sens. La mise sous anesthésie générale est présentée comme un progrès par rapport à la situation actuelle dans laquelle le patient est régulièrement réveillé afin que l’on vérifie sa volonté de mourir. Pour autant, il n’existe dans le dispositif proposé aucune garantie de non-souffrance physique ou morale. Nous en sommes conscients car plusieurs personnes ont fait l’objet d’une attention particulière de la part des médias. Je pense au cas de Vincent Lambert, plongé en sédation pendant plus de trente jours. Dès lors, l’attente devient insupportable pour les familles qui voient le corps de leur proche évoluer et s’affaiblir dans une déchéance profonde. Ne voyez pas dans mes propos une quelconque volonté de polémiquer : bien au contraire, je souhaite m’assurer de notre cohérence alors que, dans le même temps, nous réaffirmons dans la proposition de loi notre volonté de rendre la fin de vie digne et apaisée. Je soutiens et partage l’opinion de M. Touraine.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.
Je soutiens également l’amendement de Jean-Louis Touraine, en disant qu’il formalise un nouveau droit, qui n’enlève rien à personne et dont peuvent bénéficier ceux qui le souhaitent. Car il faut être clair : l’obstination déraisonnable, associée à l’arrêt de tout traitement – et je ne parle pas seulement de nutrition et d’hydratation – pose une vraie question, celle de la qualification de tels actes. Je pense qu’ils s’apparentent déjà à une action létale qui ne dit pas son nom. C’est une réalité.
D’ailleurs, quand on lit attentivement l’avis du Comité consultatif national d’éthique, on se rend compte que, sur les trente-neuf membres qui le composent, huit, c’est-à-dire une minorité, se sont exprimés de façon assez différente sur deux sujets. Nous reviendrons tout à l’heure, au moment de l’examen de l’article 3, sur l’exception d’euthanasie ainsi que sur l’aide active à mourir, ce qui nous amènera à parler, pour l’essentiel, d’éthique. Michel Roux, président de section honoraire au Conseil d’État et membre du Comité, en a parlé le mieux : « L’éthique est d’abord un devoir de cohérence. La loi manque manifestement à cette obligation : on ne peut trouver aucune justification logique à la distinction qu’elle fait entre divers actes qui provoquent la mort, selon qu’elle les autorise ou qu’elle les interdit. Mais on doit aller plus loin : c’est l’éthique même qu’elle manque en ce qu’elle accepte et fait durer certaines des situations parmi les plus insoutenables qui mènent à la mort ».
Il existe effectivement, dans certaines sociétés libres, la limite de l’euthanasie. Mais il s’agit de l’euthanasie telle qu’elle nous est proposée, qui revient à aller un peu plus loin que la sédation profonde et continue. Cette aide active à mourir ne fait que franchir un pas dans un cadre qui est strictement fixé. Pour ces raisons, je vous demande de vous reporter à ce qui se fait au Québec. On y parle, dans un triptyque, de soins de vie, qui regroupent trois étapes successives : les soins palliatifs, la sédation profonde et continue et l’aide active à mourir paisiblement.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.
Je voudrais revenir sur les propos que Mme la ministre a tenus tout à l’heure : elle disait que notre fonction, dans cet hémicycle, est de faire évoluer le droit avec la société. Les amendements qui sont présentés par nos collègues socialistes ainsi que par Véronique Massonneau visent l’égalité des droits. En effet, elle n’existe pas pour les Français devant la mort. De la même manière que nous avons le droit de choisir notre vie, il n’y pas de raison pour que, dans une grande démocratie, nous n’ayons celui de choisir sa mort. Il faut donc se placer du point de vue du droit et des patients, et non pas, comme nous y invitait notre collègue Dhuicq tout à l’heure, du point de vue des médecins.
Cela pose une deuxième question, celle de l’autonomie. En effet, nous devons permettre à chacun, lorsqu’il se trouve confronté à une situation de fin de vie, d’exercer sa pleine liberté et son autonomie. Il ne doit pas être, dans ce cas, enfoncé encore un peu plus dans sa détresse en raison de sa vulnérabilité.
Je réponds également à notre collègue Leonetti, qui nous expliquait tout à l’heure que nous devions ajouter du bien au bien : je ne suis pas d’accord avec lui.
Dans un État laïc, le bien et le mal ne s’affrontent pas, et on ne recherche pas le bien pour le bien mais ce qui est le plus juste. Les amendements qui sont proposés à cette proposition de loi cherchent ce qui est le plus juste devant la mort et ce qui permettra à chacun de pouvoir s’assumer jusqu’au bout. C’est la raison pour laquelle nous soutenons, bien sûr, les amendements de Véronique Massonneau, de Jean-Louis Touraine ainsi que de nos collègues socialistes et radicaux.
Enfin, cette proposition de loi ne concerne pas tous les Français. En effet, elle ne s’appliquerait qu’à ceux qui se trouvent en milieu hospitalier : elle exclut tous ceux qui ne sont pas hospitalisés mais qui sont confrontés aux mêmes problèmes vis-à-vis de leur fin de vie. Ils n’auront même pas droit au bénéfice des courtes avancées qui nous sont proposées. C’est la raison pour laquelle je vous invite à voter ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur quelques bancs du groupe SRC et RRDP.
Madame la ministre, il est des moments qui honorent l’Assemblée nationale comme ceux qui ont l’immense privilège et l’honneur d’y siéger. J’ai conscience de vivre un de ces trop rares moments.
J’ai d’abord beaucoup apprécié la manière dont cette proposition de loi a été préparée par Alain Claeys et Jean Leonetti. Je suis de ceux qui pensent qu’elle constitue un nouveau progrès par rapport à la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dite « loi Leonetti ».
Chacun en appelle, à cet instant, à ce qu’il a de plus intime. L’un de nos collègues rappelait que nous sommes une parcelle de la nation : nous sommes également une conscience qui parle au nom de centaines de milliers d’autres. Chacun convoque à ce moment ce qu’il a de plus intime comme les souffrances dont il a pu être témoin dans son entourage, et nous en avons tous connu.
Chacun peut aussi voir ce qu’a été sa propre vie. Pendant une période, je me suis fait à l’idée que j’allais, pour une raison qui me dépassait, mourir. J’ai pu, à ce moment-là, envisager, grâce à la lucidité qui était la mienne et que n’ont pas forcément ceux dont parlons aujourd’hui, ce que cela représentait.
Au nom de tout cela, et d’une conviction intime, je considère que ce qui a été dit par MM. les rapporteurs et par Mme la ministre est très raisonnable. Il ne faut pas aller plus loin. Je le dis en mon âme et conscience : je ne vois ce qui m’autoriserait à le faire. Il serait dommage d’adopter ces amendements car ils jetteraient un voile sombre sur une belle et jolie proposition de loi : je ne les voterai donc pas.
Quand, sur un tel sujet, notre rôle de législateur nous amène à puiser au plus profond de nous-mêmes, aux confins de notre conscience, de nos choix philosophiques, de nos convictions, nous devons avoir, et cela a été le cas des deux rapporteurs et de la ministre, un immense respect pour les convictions qui ne sont pas les nôtres, voire qui s’y opposent, mais nous devons aussi accepter d’entendre des arguments qui ne peuvent pas ne pas être entendus par tout le monde, quelle que soit l’opinion de chacun.
Lorsque l’on explique que ce texte représente une grande avancée, avec des directives anticipées qui s’imposent au médecin et permettent donc au patient de dire ce qu’il souhaite, on ne peut pas éviter de s’interroger sur ce que veulent les patients et les raisons pour lesquelles ils le veulent.
En deux minutes, je ne peux pas vous donner de nombreux arguments. Je n’en retiendrai donc qu’un seul, lié à la question de la dignité. Nous avons sans doute du mal à ne pas nous projeter, avec notre expérience professionnelle, personnelle, notre propre conviction, notre propre philosophie, mais ce qui me semble essentiel, c’est la conception que nous avons de la dignité de celui qui part, même quand il s’agit de nous-mêmes.
La dignité, bien sûr, cela peut être de ne plus souffrir et, dans ce cas, la sédation profonde et continue suffit, mais l’image que l’on a de soi et qu’on veut laisser aux autres au moment où l’on va partir, au moment où l’on va dire au revoir aux siens, c’est aussi de la dignité, et l’on peut vouloir non pas s’endormir mais partir avec les siens autour de soi, en connaissant l’image qu’on leur renvoie.
Dans ces conditions, ces amendements qui nous permettent d’aller plus loin que la sédation profonde et continue, pour qu’un patient puisse dire qu’il veut partir au milieu des siens, en montrant le visage qui est le sien, doivent être examinés par le Parlement aujourd’hui.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.
Par ces amendements, une partie de la majorité souhaite instaurer l’euthanasie dans notre droit. Or, si nous en sommes là, c’est parce que la loi de 2005, unanimement appréciée, n’est ni appliquée ni applicable…
…faute de moyens.
Chers collègues, faire parler les sondages sur des questions aussi difficiles, aussi compliquées, aussi sensibles que la fin de vie n’est pas vraiment adapté, et c’est l’honneur des parlementaires de pouvoir s’exprimer et décider sur de telles questions.
Si le Président de la République, bien que cela ait été l’un de ses engagements de campagne, a choisi de consulter largement le Conseil national d’éthique, s’il a pris le temps du débat public, confié une mission à nos collègues Alain Claeys et Jean Leonetti, et si ceux-ci, après un très long débat, après des consultations à n’en plus finir, ont élaboré, dans le consensus, un texte d’équilibre, qui prolonge le texte remarquable de 2005, c’est qu’il risque réellement d’y avoir une division du pays. Comme tous nos compatriotes, nous avons entendu des autorités éthiques, le Conseil national de l’Ordre et des avis particulièrement autorisés, laïques ou religieux, et nous redoutons que le pays ne se divise à nouveau profondément.
On n’instaure pas l’euthanasie par amendement. On n’instaure pas l’euthanasie grâce à une majorité de circonstance
Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes UMP et UDI
que l’on a pu récupérer ici ou là. Le consensus transpartisan bâti parce que le Président de la République, avec raison, l’a souhaité, parce que nos collègues l’ont recherché inlassablement, serait alors rompu. Dans ce cas, nous ne voterions pas le texte et nous nous retrouverions avec la loi de 2005. Vous pourriez alors, madame la ministre, déployer des moyens pour l’appliquer, en formation et en création de lits palliatifs, et, finalement, ce serait peut-être la meilleure solution.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Les rapporteurs ont été très clairs en donnant leur avis sur ces amendements qui, en fait, légaliseraient ni plus ni moins l’assistance médicalisée active à mourir.
Nous aussi avons été très clairs sur le risque d’ouvrir une brèche. L’arrière-pensée, s’agissant des étapes à venir, est connue : assistance médicalisée active, puis suicide assisté, puis euthanasie.
Accepter ces amendements serait envoyer un mauvais signal à tous ceux qui espèrent que cette loi sera de nature à concilier concrètement le devoir des médecins de soigner et de soulager et le droit des patients à s’exprimer. Ce serait envoyer un mauvais signal aux militants du développement des soins palliatifs, qui espèrent que la France va enfin rattraper son retard. Ils ont entendu votre message et votre engagement sur un plan triennal, madame la ministre.
Nous avons rappelé dans la discussion générale notre souhait que l’équilibre fragile de ce texte ne soit pas rompu. Accepter ces amendements serait assurément rompre l’équilibre. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre ces amendements et voterait contre le texte si jamais ils devaient être acceptés, bien que, nous l’avons tous entendu, la ministre y soit défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Depuis plusieurs semaines dans mon groupe, depuis plusieurs heures ici, j’entends un débat où il n’y a pas de certitudes, où il peut y avoir quelques doutes, où il y a surtout beaucoup de convictions.
Des convictions, j’en ai moi aussi, et je me les suis forgées dès les premiers moments, parce que c’est un sujet omniprésent dans notre vie d’élus. Les situations que l’on vient nous décrire, pour lesquelles on demande un avis, quelquefois un secours, on les découvre à tous les moments de sa vie d’élu, en étant confronté à des situations personnelles mais aussi à d’autres situations qui deviennent aussi personnelles tellement ce problème l’est.
Je me suis donc forgé comme chacun des convictions, et, comme je l’ai expliqué à différentes reprises, elles vont plus loin que ce qui est proposé. Pourtant, en tant que législateur, j’estime avoir aujourd’hui une responsabilité. D’abord, il faut reconnaître, quand il y a un progrès, que c’est un véritable progrès, pour les patients, pour le respect de la volonté qu’ils vont exprimer. Ensuite, il y a eu un travail, et le projet reflète un équilibre.
On peut se référer à des sondages. Cela dit, je sais ce que souhaitent ceux que je rencontre, garder de la dignité, mieux maîtriser les choses, voir leurs souffrances abrégées ou diminuées, mais je ne sais pas si, pour eux, cela se traduit par la sédation profonde, l’euthanasie, ou les différentes solutions que nous leur proposons.
La conviction que j’ai à ce moment, c’est que c’est un débat très personnel mais que les Français ont aussi besoin d’être rassurés, et que le fait que nous puissions nous rassembler est de nature à les rassurer.
Sur un sujet tel que celui-ci, et c’est pourquoi je fais une distinction entre la conviction profonde qui est la mienne et ma fonction de législateur aujourd’hui, nous devons leur donner des repères et les rassurer. Le fait de nous rassembler autour du texte de Jean Leonetti et d’Alain Claeys serait de nature à les rassurer. C’est la raison pour laquelle je serai contre ces amendements déposés après l’article 3, pour que nous restions dans la logique d’équilibre présentée par les rapporteurs.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes UMP et UDI.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Liberté de conscience, liberté de vote, liberté d’amendement, chacun avait le droit de déposer les amendements qu’il pensait bons. Nous sommes tous porteurs de voix collectives. Il y a certes des groupes de citoyens qui ne pensent pas tout à fait la même chose, mais il n’y a pas de députés qui parleraient individuellement et d’autres pour des collectifs.
Nous allons voter sur ces amendements en conscience, moi la première. Je regrette que les amendements précédents aient été réservés, mais c’est ainsi. Personne sur ce sujet n’a tort ou raison, tout le monde a raison et tout le monde a tort. Chacun est face à sa mort, face à la mort des siens.
Par ces amendements, c’est un droit supplémentaire qui est donné. Dans le texte de nos rapporteurs, il y a certes des avancées mais on ne peut pas faire l’économie d’avancer encore un peu plus sur ce qui est juste un droit, et non quelque chose qui va s’imposer à tous, un droit qui est donné, dont chacun ou chacune pourra bénéficier.
Quand on légifère sur un tel sujet, on pense aux malades mais on doit aussi penser à l’entourage, et notre rôle, c’est aussi de protéger l’entourage, qui, lui, va survivre au patient.
Avec la solution proposée par nos rapporteurs, il y a, qu’on le veuille ou non, une déshydratation, qui se verra. Je ne parle pas de souffrance. Avec une sédation profonde, je suis d’accord avec M. Debré, M. Leonetti et M. Claeys, on ne souffre évidemment plus, on ne sent plus rien du tout, mais l’entourage, qui vient chaque jour à l’hôpital en demandant si c’est fini, et cela peut durer plusieurs jours, le voit sur le visage du patient.
Si je vote ces amendements, notamment celui de M. Touraine, c’est aussi pour protéger l’entourage du patient, qui lui survivra.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.
Ce que nous proposons, je vous le rappelle, c’est que toute personne majeure et capable puisse demander à bénéficier d’une assistance médicalisée. L’euthanasie est un mot connoté. Nous ne demandons pas que l’on donne la mort à tout le monde.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
M. Leonetti explique qu’il faut protéger les personnes les plus vulnérables, mais notre amendement concerne toute personne majeure et capable.
Ce que nous demandons par ces amendements, c’est tout simplement d’intégrer l’aide active à mourir dans un parcours de soins de fin de vie.
Oui, il faut développer des soins palliatifs, et nous n’en avons pas suffisamment. Oui, la sédation profonde et continue peut répondre à certaines situations, nous ne le contestons pas. Jamais nous n’opposons soins palliatifs, sédation ou aide active à mourir, parce que nous sommes dans un processus et dans un parcours.
Vous avez raison : il faut se garder de toute certitude parce que l’on ne sait pas ce que l’on fera le moment venu. Peut-être qu’au bout du chemin, je ne tiendrai pas les mêmes propos que ceux que je tiens aujourd’hui dans cet hémicycle, mais peu importe. C’est justement parce que nous sommes tous dans le doute qu’il faut ouvrir ce nouveau droit.
La souffrance n’est pas que physique. Oui, les soins palliatifs peuvent soulager la souffrance physique, mais elle est aussi psychologique. On peut ne pas supporter un sentiment de déchéance, on peut ne pas supporter d’être tributaire de l’autre pour les actes de la vie quotidienne, on peut ne pas supporter d’avoir besoin de protections, d’être incontinent. Il faut donner à ces gens le droit de choisir.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Pour moi, le mot d’euthanasie n’est pas le bienvenu. Je n’irai pas plus loin car je ne veux pas non plus polémiquer. Je préfère que l’on parle d’une aide à mourir dans la dignité. Ce n’est une question ni de méthode ni de durée, c’est une aide à mourir, et le mot euthanasie est de nature à choquer l’opinion publique.
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Je pense sincèrement que, vu le sujet, nous devons avoir des échanges d’une certaine qualité, ce qui a été le cas jusqu’à présent.
Je remercie Noël Mamère d’avoir soulevé un problème qui nous empêchera de quitter cet hémicycle en ayant la conscience tranquille, le fait que les patients qui font le choix de mourir dans la dignité à leur domicile ne seront pas concernés par les dispositions de cette proposition de loi. Il faut le souligner avec force.
Étant co-signataire de l’amendement de Jean-Louis Touraine, je retire le mien, madame la présidente.
L’amendement no 404 est retiré.
Pour réagir à ce que disait tout à l’heure Bernard Roman, et peut-être au risque de vous surprendre, mes chers collègues, sachez que je suis d’accord avec lui sur un point : l’image que donnent certains patients à leurs amis ou à des membres de leur famille, à la fin de leurs jours, participe de la considération qu’on leur porte et de leur dignité. Nous ne pouvons pas balayer cet aspect d’un revers de la main. C’est pourquoi je comprends les raisons pour lesquelles on peut être amené à déposer ou à défendre un tel amendement.
Deuxièmement, quitte à fâcher un peu mon collègue Delcourt, même si ce n’est pas mon intention, il n’y a pas de différence en droit – je ne parle pas des plans psychologique ou médical – entre l’aide médicale au suicide et l’euthanasie par procuration. Du point de vue du droit, c’est la même chose. Dès lors, le problème se déporte et nous sommes conduits à le considérer sous l’angle d’un éventuel conflit de valeurs. Faut-il répondre prioritairement à la demande personnelle exprimée par certains patients qui veulent que leur image soit préservée pour leur entourage ou bien à celle du corps social qui doit maintenir comme un interdit fondamental le fait que, à l’exclusion des situations de légitime défense, l’on ne puisse tolérer de donner la mort à quiconque, quelles que soient les circonstances ? Telle est la question de principe qui se pose.
Enfin, nous serions inspirés de regarder l’expérience belge d’un peu plus près. Je ne partage pas l’optimisme de M. Cordery, car l’on constate de réelles dérives en Belgique. Sur environ 1 400 demandes d’euthanasie en 2012, un quart, en Flandre, ne répond pas aux critères de loi et, en Wallonie, le chiffre atteint près de 40 %. Dès que l’on entre dans une mécanique de « souplesse », entre guillemets, les digues qui préservent la possibilité d’une vie commune risquent de s’effondrer. Pour ces trois raisons, je voterai contre ces trois amendements.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Traiter de telles questions, avec la gravité qu’elles requièrent, représente un moment très fort qui honore notre Parlement. Chacun à l’UDI votera en conscience. Mais, comme l’a très bien exprimé notre porte-parole, Michel Piron, et comme j’ai pu le dire hier, si le texte qui est présenté cet après-midi par Jean Leonetti et Alain Claeys reste en l’état, nous le voterons. En effet, il constitue pour nous un nouvel équilibre et une avancée par rapport à la loi de 2005 qui avait beaucoup apporté à la fin de vie, dont chacun sait à quel point elle peut être difficile. Nous avons tellement d’efforts à faire sur les soins palliatifs ! Seulement 33 % des patients qui sont à l’hôpital en bénéficient. Imaginez la marge de manoeuvre considérable qui est devant nous pour lutter avec plus d’efficacité contre la douleur.
Comme l’a dit la ministre, les droits des malades seront mieux entendus grâce à cette directive anticipée contraignante. D’ailleurs, je vous remercie, madame la ministre, d’avoir réservé l’examen de ces amendements et dit très clairement que le Gouvernement ne les suivrait pas, même si je peux comprendre pourquoi Jean-Louis Touraine et d’autres les ont rédigés. Nous voulons en rester au texte tel qu’il nous est présenté, car il est le gage d’un équilibre et surtout, mes chers collègues, d’une unanimité sur une grande partie des bancs de cette assemblée. C’est la force de la loi de permettre que, à un moment ou à un autre, nous puissions nous réunir pour avancer sur des questions de société aussi graves.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UDI.
Je voterai bien sûr contre ces amendements visant à introduire – disons-le clairement – l’euthanasie dans la proposition de loi qui nous est présentée, dans la mesure où ils en modifieraient complètement le sens. Lors de son audition, le président de l’ordre national des médecins a très clairement dit qu’il n’y avait pas besoin de clause de conscience dans cette loi, parce que le rôle d’un médecin est de soulager son patient, et que cette loi propose également de soulager le médecin, car elle n’a pas de caractère euthanasique. En incluant l’euthanasie dans la proposition de loi, vous en modifiez complètement le sens. Le texte n’aura plus aucune valeur et nous ne pourrons plus travailler dessus.
Par ailleurs, je ne comprends pas pourquoi certains d’entre vous nous disent qu’un patient qui meurt à domicile n’aurait pas les mêmes droits qu’un patient qui meurt à l’hôpital. Je ne vois pas pourquoi un patient qui meurt à domicile n’aurait pas les mêmes possibilités d’hospitalisation à domicile, laquelle existe déjà, que les autres. C’est ce que l’on appelle l’HAD. Il faut la développer, de même que les soins palliatifs à tous les niveaux : en hôpital, dans la formation des médecins et de tout le personnel soignant, mais également à domicile.
Je ne soutiendrai pas l’amendement de mon collègue Touraine. En conscience, je préfère une avancée que rien pour le mieux mourir des Français et des Françaises. Cette loi donne des droits nouveaux aux patients : refuser l’acharnement thérapeutique ; demander l’enclenchement d’une sédation profonde et continue pour mourir sans souffrir ; former les soignants ; désigner une personne de confiance qui pourra accompagner le patient, s’il venait à ne plus être apte à se prononcer. C’est une réelle avancée. Mais mon rejet répond également au respect d’un engagement politique. Cette proposition de loi est portée par deux collègues, Alain Claeys et Jean Leonetti, appartenant à deux partis. La majorité des Français seraient heureux de nous voir unis autour de tels sujets. C’est notre responsabilité. D’ailleurs, sommes-nous sûrs d’avoir raison ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et UMP.
Il est procédé au scrutin.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement no 685 , mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.
Pouvons-nous considérer que le résultat est le même pour l’amendement no 825 ?
Non, il doit être mis aux voix de la même façon que les autres !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l’amendement no 825 , mis aux voix par assis et levé, n’est pas adopté.
La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante.
suite
Il s’agit de consolider, par le respect de l’expression de sa volonté, la notion de choix du patient quant aux conditions de sa fin de vie. Cette notion de choix, comme celle de dignité, doit être un pilier de cette proposition de loi. Il est donc important qu’elle apparaisse explicitement dès l’article 1er.
L’article 1er ouvre un nouveau droit, celui à une fin de vie digne et apaisée, et je m’en félicite. Cet amendement vise à compléter cette avancée en inscrivant également dans la loi le principe de la liberté de choix en la matière parce que le droit est une chose, et la liberté de choisir en est une autre. Je crois qu’à partir du moment où ce texte place le patient au coeur du dispositif législatif, il est important que sa liberté de choix soit respectée.
Même avis.
Je tiens à préciser le sens du vote qui a été le mien il y a quelques minutes. Je voudrais tout d’abord dire qu’il me paraît absolument essentiel qu’à l’issue de nos débats, nous sortions de cet hémicycle avec un texte applicable, et donc ayant été voté. Mais pour qu’il soit voté, il faut une majorité. C’est la raison pour laquelle je suis favorable au texte de la commission issu de la proposition de loi de M. Claeys et de M. Leonetti. Mais je suis également favorable, à titre personnel, au suicide assisté. Il n’empêche que ma position personnelle n’a pas à interférer avec celle du parlementaire…
…qui considère, quant à lui, qu’il serait absolument inacceptable et même scandaleux que nous achevions nos débats sans texte et sans aucun progrès, et que nous en restions à la loi de 2005. En effet, seulement 20 % des patients ont aujourd’hui accès aux soins palliatifs, seulement 50 % des médecins ont une bonne connaissance de ce type de soins, et puis il y a de grandes inégalités territoriales – de 0,4 lit à 8,2 lits pour 100 0000 habitants. J’ajoute que les soins palliatifs sont quasi inexistants dans le secteur médico-social : nous savons comment on meurt en maison de retraite… ou plutôt comment on n’y meurt pas puisque ces pauvres mamies et papis sont emmenés aux urgences des hôpitaux. C’est dire qu’il est impératif d’appliquer déjà les lois existantes afin de pouvoir progresser petit à petit vers la sédation totale, vers la reconnaissance des directives anticipées et de la personne de confiance avant, dans une étape ultérieure, j’y tiens également, d’aller vers le suicide assisté. Je le dis même si, manifestement, la société n’y est pas encore prête culturellement, comme les votes qui viennent d’avoir lieu l’ont démontré.
Premier point : je m’interroge sur le sens de ces amendements parce que le protocole thérapeutique qui va être appliqué sera tout de même de la responsabilité de l’équipe soignante alors qu’eux proposent de lui imposer le protocole choisi par la personne en fin de vie. On atteindrait le comble du droit impératif, ce qui serait une remise en cause extrêmement profonde de la fonction médicale. Ce type de raisonnement à l’oeuvre sur un tel texte fait réfléchir. L’avis défavorable des rapporteurs est donc particulièrement sage.
Deuxième point : je suis tout de même étonné, au moment où on doit redonner de la crédibilité à la politique – à peine 40 % des gens iront voter aux prochaines élections –, de devoir rappeler à notre collègue que quand nous intervenons ici, nous le faisons aussi en notre âme et conscience. Il n’y a pas de mandant impératif en République, et il faut s’en souvenir si nous voulons redorer le blason de la politique. Autant je ne suis pas d’accord avec ces deux amendements, autant je respecte plus le parlementaire qui parle avec ses convictions et qui en tire les conséquences car c’est notre rôle, notre devoir.
Troisième point : j’insiste encore une fois sur le fait que si on veut avoir dans ce pays des jeunes qui prennent des responsabilités en s’engageant dans un métier difficile, en particulier celui de médecin ou relevant du secteur paramédical, il faut faire très attention quand on rédige ce type d’amendements parce qu’ils ne vont pas s’engager dans ces métiers pour devenir de simples exécutants mais pour assumer des responsabilités en leur âme et conscience, y compris avec la part de doute et d’ombre qui existe dans toute décision humaine. Ce type de texte me prouve à nouveau que nos sociétés modernes ont du mal à accorder leur confiance à des personnes détentrices d’un savoir, et ces amendements me paraissent à cet égard particulièrement dangereux.
Je m’exprime sans aucun esprit de principe, et non sans hésitation puisque c’est au titre d’une expérience professionnelle qui n’est pas celle de mon métier de député.
J’ai été très frappée que chacun se soit exprimé avec beaucoup de loyauté et de coeur ; je crois qu’il n’y avait pas de posture. Mais j’insiste sur le décalage entre ce qui a été dit et la réalité de la vie pratique dans un hôpital. J’ai commencé à me consacrer pratiquement exclusivement à la cancérologie en 1981, mais j’avais été auparavant interne dans des centres de lutte contre le cancer. Je dois dire que pas une seule fois un malade ne m’a demandé de provoquer ou de hâter sa mort. Cela m’a beaucoup frappée car, je le dis sincèrement, peut-être, dans certaines circonstances particulièrement douloureuses, aurais-je été tentée d’y avoir accès. J’ose croire que ces malades étaient bien pris en charge, bien accompagnés, et que leur demande n’était donc pas la même que s’ils avaient été confrontés à l’angoisse dans la solitude. Cette expérience de plusieurs dizaines d’années m’a conduit à me rallier sans aucune réserve à ce projet de loi que nous allons, je l’espère, voter à l’issue de nos séances.
La loi Leonetti de 2005 prévoyait, dans son article 15, une annexe générale jointe au projet de loi de finances de l’année présentant, tous les deux ans, la politique suivie dans les établissements de santé et dans les établissements médicaux sociaux en matière de soins palliatifs et d’accompagnement à domicile.
Or force est de constater que cet article 15 n’a jamais été appliqué. À l’heure actuelle, 80 % des personnes qui devraient bénéficier de soins palliatifs en sont exclues. Certes, entre 2007 et 2012, on est passé dans notre pays de 90 à 122 unités de soins palliatifs et le nombre de lits a progressé de 942 à 1 301, mais, comme cela a été fortement souligné lors de la discussion générale, les inégalités territoriales restent flagrantes.
Il est donc urgent d’aller plus loin. Il serait nécessaire de créer de nombreux lits de soins palliatifs et, comme cela vient d’être dit, il faudrait aussi développer les équipes mobiles, en liaison notamment avec les équipes d’hospitalisation à domicile.
Au préalable, je voudrais remercier Mme Delaunay pour son témoignage, celui de quelqu’un qui a été confronté à de multiples reprises à ce genre de choses.
L’amendement no 2 tend à faire du droit aux soins palliatifs un droit objectif. Il y a deux débats : celui sur le suicide, que nous avons eu à l’instant, et celui sur les soins palliatifs. Ces deux débats sont étroitement liés. Pour moi, le suicide ne peut être un droit. Généralement, il faut l’analyser – et cela vaut aussi pour les demandes de suicide ou, s’agissant des personnes qui ne sont pas en fin de vie, pour les tentatives de suicide – comme un cri, une demande, un appel. En tout état de cause, le suicide ne peut pas être un choix ; il est surtout révélateur d’une absence de choix. À travers la demande de suicide, il y a avant tout la demande de la suppression d’un mal et la demande d’un peu plus de vie. Il faut que nous sachions l’entendre. C’est pourquoi les deux débats sont étroitement liés.
La réponse que je souhaite apporter, ainsi que d’autres collègues, dont des membres de mon groupe mais pas uniquement, est que le droit aux soins palliatifs doit cesser d’être un simple discours pour devenir un véritable droit. Il serait bon que le présent texte permette d’aller dans ce sens.
Avec M. Breton et d’autres collègues, nous souhaitons revenir sur ce volet resté inachevé de la loi Leonetti, les créations de lits en soins palliatifs n’ayant pas suivi. Chacun le sait, je n’y insisterai donc pas. La Cour des comptes, notamment, a produit un rapport particulièrement intéressant sur le sujet, et Mme la ministre en a convenu hier, lorsqu’elle a dit qu’un plan serait présenté sur le sujet assez rapidement – dans quelques semaines, si je me souviens bien.
Nous présentons aussi cet amendement pour obtenir une réponse du Gouvernement sur ce point. Pour le groupe de l’UMP, les soins palliatifs sont une priorité.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
Défavorable.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vu que depuis hier, on ne cesse de parler des soins palliatifs, je souhaiterais faire un bref historique de la question – ceux qui avaient déjà été élus lors de la précédente législature devraient pourtant avoir en mémoire ce qui s’était passé.
Quand vous aviez instauré les franchises médicales, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, il avait été prévu de flécher ces recettes supplémentaires vers trois priorités : le plan cancer, le plan Alzheimer et le développement des soins palliatifs. Cette mesure, depuis qu’elle a été instaurée, rapporte quelque 850 millions d’euros. Le 13 juin 2008, le Président de la République de l’époque avait affirmé, en présentant un plan de développement des soins palliatifs lors d’une table ronde à Bourges, en présence d’associations de patients et de médecins spécialistes, qu’il évaluait à 230 millions d’euros le coût d’un doublement avant 2012 du nombre des patients pris en charge – de 100 000 à 200 000. Qu’avez-vous donc fait durant ces quatre années durant lesquelles 850 millions d’euros sont entrés dans les caisses de l’État, dont une partie devait bénéficier au développement des soins palliatifs ? Le Président de la République avait pourtant promis 230 millions d’euros !
Quand nous sommes arrivés aux affaires, nous avons déjà dû remettre sur les rails la « loi handicap » – n’en parlons même pas. Mais sur ce point aussi rien n’avait été fait, alors que vous aviez prévu un financement via la taxation des malades. Alors, je le répète : qu’avez-vous fait durant ces quatre années ?
Et aujourd’hui, vous vous permettez de demander au Gouvernement, en place depuis 2012 : « Mais que faites-vous pour les soins palliatifs » ? Tout le monde est d’accord pour développer les soins palliatifs ! Mais vous, vous disposiez de l’argent nécessaire pour le faire, du fait de cette taxe sur les malades. Et je me félicite que le Gouvernement, par l’intermédiaire de Mme Marisol Touraine, ait, dans le cadre de la dernière loi de financement de la sécurité sociale, commencé à exonérer de cette taxe les patients en difficulté financière, notamment les bénéficiaires de l’ACS, l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.
Mme Lemorton est très habile, mais cela n’a rien à voir. Les franchises médicales n’avaient pas ce but : il s’agissait de limiter la « surconsommation » médicale.
Madame Lemorton, nous avons participé ensemble, des années durant, à la discussion des projets de loi de financement de la sécurité sociale : vous savez bien que le déficit cumulé de la sécurité sociale française est de 100 milliards d’euros ! Il fallait mettre un coup de frein aux dépenses inutiles, et c’est pourquoi les franchises ont été instaurées. Le plan cancer avait été décidé par le Président Chirac, il y a bien longtemps, pour faire de la lutte contre le cancer une cause nationale,…
…et le Président Sarkozy a continué dans ce sens. Les franchises médicales n’ont rien à voir avec cela !
La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement no 557 .
Cet amendement vise à apporter une précision. Il nous semblerait en effet utile de fixer des critères de discernement des soins et traitements à poursuivre lorsque l’on renonce à des traitements disproportionnés.
Comme cela a été souligné à de multiples reprises depuis hier, les soins palliatifs doivent être développés, intégrés dans une démarche de soins et enseignés aux étudiants en médecine. Il importe d’en faire un enjeu primordial.
Même avis.
L’amendement no 557 n’est pas adopté.
Cet amendement vise à compléter l’article 1er par l’alinéa suivant : « Les soins palliatifs et l’accompagnement des personnes en fin de vie font partie du cursus des enseignements dispensés aux étudiants en médecine. Des formations aux soins palliatifs et à l’accompagnement des personnes en fin de vie sont dispensées au personnel médical dans le cadre de la formation continue. »
Nous souhaitons que, dès l’article 1er, il soit indiqué que la formation des étudiants et des praticiens aux soins palliatifs est un impératif. Nous suivons en cela les recommandations du rapport de nos collègues Claeys et Leonetti, dans lequel il est indiqué, en page 8, que « le développement de la formation des médecins aux soins palliatifs est largement aussi déterminant que le développement quantitatif de l’offre de structures. »
Il convient en effet non seulement de développer les soins palliatifs, mais aussi, plus largement, de diffuser une véritable « culture palliative », ce qui passe par la formation des personnels soignants – formation initiale, bien entendu, mais aussi formation continue. Il importe de l’affirmer dès l’article 1er, afin que cela soit ensuite décliné sous la forme de mesures concrètes, touchant aux ressources tant financières qu’humaines.
La formation des étudiants et des praticiens aux soins palliatifs et à l’accompagnement est un impératif. Si nous développons les soins palliatifs, cela doit avoir une traduction dans la formation des médecins.
On pourrait ainsi lancer l’idée d’une spécialisation médicale en soins palliatifs. En tout état de cause, ceux-ci ne doivent pas être un élément annexe ; il ne doit pas y avoir d’un côté des spécialités nobles, qui ne concerneraient pas les plus âgés de nos compatriotes, de l’autre des spécialités secondaires. Je considère que les soins palliatifs et, plus généralement, tout ce qui tourne autour de la gériatrie doit être considéré comme quelque chose de noble, d’important, d’essentiel – c’est dans ce domaine qu’il y a une demande médicale. Il me semble indispensable de traduire cet objectif dans les faits.
Il faudrait auparavant que tous les amendements soient défendus, monsieur le rapporteur, afin que vous puissiez donner l’avis de la commission.
Nous sommes tous partisans d’une formation des étudiants, des aides-soignants, des infirmiers, des médecins. Si les signataires de l’amendement no 961 – M. de Mazières, M. Decool, M. Hetzel, Mme Genevard, Mme Poletti et M. Mariani – acceptaient que sa rédaction soit ainsi modifiée : « Les étudiants en médecine, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les aides à domicile ont droit à une formation aux soins palliatifs », cela pourrait être un moyen de répondre à cette volonté collective et de réunir dans un seul amendement l’ensemble des propositions allant dans le même sens.
Merci, monsieur le rapporteur. Je propose que nous reprenions le fil de la discussion : ce sera aussi simple.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq, pour soutenir l’amendement no 479 .
Je vais tenir compte des remarques du rapporteur.
Auparavant, je voudrais toutefois indiquer à l’auditoire que les choses ont quand même bien progressé. Il fut un temps, que j’ai connu, où l’on enseignait aux médecins de ne pas prescrire trop de morphine, car le corps médical était traumatisé par l’expérience des années 1930, où l’on consommait beaucoup de morphine, en particulier au sein du corps médical et paramédical. Aujourd’hui, toute personne qui a été hospitalisée sait que l’on dispose d’une pompe à morphine. Il y a donc eu un progrès énorme dans la connaissance et un bouleversement culturel au sein des professions médicales et paramédicales qui ont abouti à un meilleur emploi des antalgiques.
L’ensemble de ces amendements visent à ce que, dans nos cursus respectifs, l’on puisse être formé aux soins palliatifs. Je me rallie volontiers à la proposition du rapporteur, mais, plutôt que de citer les professions concernées, je préférerais que l’on parle des « professions médicales, paramédicales et aides-soignants », ce qui permettrait d’éviter d’exclure des professions, actuelles ou à venir, qui pourraient être appelées à intervenir auprès des patients ou à participer aux soins, que ce soit à l’hôpital ou à domicile.
Je retire donc mon amendement pour me rallier à celui proposé par le rapporteur.
L’amendement no 479 est retiré.
La parole est à M. François de Mazières, pour soutenir l’amendement no 961 .
J’ai écouté avec plaisir l’intervention de Jean Leonetti. Notre amendement insiste sur la nécessité d’une formation, mais pas seulement celle des médecins. Il faut en effet savoir que de nombreuses personnes vivent leurs dernières heures en tenant la main d’aides-soignants ou d’infirmiers – peut-être certains d’entre vous ont-ils vécu de tels moments. Il importe donc d’avoir une conception très large de la formation.
Vous savez combien je suis moi-même attaché aux soins palliatifs. J’aurais préféré que l’on s’en tienne au texte de la loi de 2005, mais c’est l’occasion de parvenir ensemble à un accord qui souligne l’importance de cette formation, laquelle s’adresse à toutes les personnes qui participent aux dernières heures des différents patients.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Alain Claeys et moi-même proposons que l’amendement de M. de Mazières soit rectifié pour viser l’ensemble des professions médicales et offrir à toutes ces professions un droit à la formation en matière de soins palliatifs. Je propose donc le retrait des autres amendements, et l’adoption de l’amendement que vient de défendre M. de Mazières, une fois qu’il aura été ainsi rectifié.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée nationale.
Il me semble que la rédaction proposée par les rapporteurs est englobante. Les plans mis en oeuvre depuis le vote de la loi Leonetti comportent des engagements relatifs à la formation des professionnels. Nous avons prévu de la renforcer par la redéfinition de ce qu’on appelle les maquettes de formation, du moins en ce qui concerne les médecins, et cela demande un peu de temps. Que le Parlement exprime sa volonté en la matière et l’inscrive dans la loi ne pose pas de problème, mais il faut avoir conscience que les décisions à prendre sont de niveau réglementaire, non législatif. Je veux tout simplement indiquer, de la façon la plus claire qui soit, que le contenu des formations n’est pas un sujet législatif, et c’est la raison pour laquelle je m’en remets simplement à la sagesse de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas un refus de voir l’ensemble des professionnels de santé être formés aux soins palliatifs – je me suis exprimée sur le sujet, et j’ai dit que ce serait l’un des points forts du plan annoncé –, mais cela n’a, en réalité, pas de portée législative. La présence d’une telle disposition dans le texte de la loi est un peu incongrue, mais je comprends que les parlementaires soient rassurés par l’inscription de cette orientation dans la loi. C’est ce qui motive le fait que je m’en remette à la sagesse de l’Assemblée nationale. Mes réserves sont de nature strictement juridiques.
Le Gouvernement demande le retrait des autres amendements, pour que l’Assemblée se prononce au profit de l’amendement rectifié comme l’ont proposé les rapporteurs.
C’est vrai, on ne peut qu’être satisfait de la proposition que viennent de faire les rapporteurs.
Je veux pour ma part insister sur tout l’intérêt qu’il y a à promouvoir cette formation et l’action des personnes qui travaillent dans les services de soins palliatifs. Si, au-delà de la formation que nous appelons tous de nos voeux, pour l’ensemble des équipes médicales, dans les unités mobiles ou dans les services de soins palliatifs, on pouvait refaire un plan pour les soins palliatifs, eh bien, je pense que nous aurions beaucoup avancé. Remettons les moyens, prenons des engagements.
C’est ce que je voulais dire, parce que je crois extrêmement important, alors que ce débat vient d’être ouvert, que nous parlions de ce qui se fait réellement dans les services en question et que la formation soit améliorée, mais aussi que les plans de soins palliatifs soient repris.
Après que nous venons de dire non à l’euthanasie et au suicide assisté, il est important que l’on dise oui, avec force, aux soins palliatifs. Tel était le sens de nos amendements, mais nous avons entendu la proposition de notre collègue Leonetti.
Je retire donc l’amendement no 63 au profit de ce qu’on appellera « l’amendement de Mazières ».
L’amendement no 63 est retiré.
Je comprends parfaitement la réponse de Mme la ministre. J’ai bien conscience du fait que l’essentiel doit être dans un texte de nature et de niveau réglementaires. Il n’empêche que nous attendons que soient pris un certain nombre d’engagements. Inscrivons donc au moins les dispositions proposées par notre collègue de Mazières dans la loi, et je vous remercie, madame la ministre, de vous en remettre à la sagesse de notre assemblée. Cela permettra que cette priorité soit indiquée de manière explicite dans le texte de la loi.
Cela étant, je retire mon amendement.
L’amendement no 136 est retiré.
Je suis assez convaincu par ce qu’a dit la ministre : est-ce vraiment du ressort de la loi ? Je voterai cet amendement, parce qu’en réalité il introduit un droit à une formation, sans définir la maquette ou quoi que ce soit, mais je ne suis pas tout à fait sûr que ce soit du ressort de la loi.
Nous avons bien entendu, madame la ministre, votre point de vue, il est tout à fait juste, mais nous avons envie de dire « oui aux soins palliatifs, non à l’euthanasie ». C’est un peu l’esprit de ce droit à la formation.
Non seulement je crois aussi que la disposition en question est du domaine réglementaire mais il me semble que, dans une même phrase, on mélange de la formation post-universitaire pour des praticiens hospitaliers, de la formation pour des étudiants et de la formation pour des infirmières hospitalières mais aussi des infirmières libérales, des aides-soignants, qui peuvent intervenir à domicile ou pas, des aides-soignants ou des aides à domicile qui peuvent être salariés d’associations, donc des personnes qui ont elles-mêmes un droit à la formation, avec le compte individuel de formation… Je crois qu’on mélange des carottes, des choux et des navets. Cet amendement part d’une extrêmement bonne intention, dont je ne discute même pas, mais il me semble qu’il n’a guère de sens.
L’amendement no 961 rectifié complète donc l’article 1er par l’alinéa suivant : « Les étudiants en médecine, les médecins, les infirmiers, les aides-soignants et les aides à domicile ont droit à une formation aux soins palliatifs. »
Est-ce bien cela, monsieur de Mazières ?
L’amendement no 961 , ainsi rectifié, est adopté.
D’une certaine manière, cet amendement tombe. Nous demandions un rapport en visant l’objectif d’une amélioration de la formation des étudiants, mais l’engagement vient d’être pris, avec l’amendement que nous venons d’adopter. En outre, nous avons entendu qu’à la suite de cette loi une évaluation annuelle serait faite par l’Observatoire national de la fin de vie. Je saisis donc l’occasion d’interroger les rapporteurs et la ministre : cette évaluation annuelle comportera-t-elle un point relatif au développement de la formation aux soins palliatifs, qu’il s’agisse de la formation initiale ou de la formation continue ?
Je ne crois pas, monsieur Breton, que votre amendement tombe, mais le retirez-vous ?
Sur ce sujet, il me paraît tout à fait indispensable que nous nous fixions des rendez-vous, que nous nous contraignions à examiner, à l’occasion, les résultats obtenus. Ces rapports me paraissent donc tout à fait nécessaires, indispensables, et je souscris à ce type de demande.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 369 .
Effectivement, ce qui a été adopté à l’instant, le Gouvernement s’en étant remis à la sagesse de notre assemblée, va dans le sens de ce que nous demandions hier soir. Ce n’est qu’un élément, mais tout ce qui peut contribuer à la formation initiale et continue est évidemment à prendre en compte, et la question qui est posée par notre collègue Breton est intéressante. Si la question de la formation est examinée dans le cadre du rapport annuel, sera effectivement un plus.
Pour ma part, j’envisageais cet amendement comme un amendement d’appel. Il est défendu, et je le retire, puisque la demande est, je crois, satisfaite. Il n’est pas nécessaire d’alourdir le texte de la loi.
L’amendement no 491 est retiré.
L’amendement no 711 est retiré.
La commission est défavorable aux amendements qui n’ont pas été retirés.
Je demande à ceux des auteurs de ces amendements identiques qui ne les ont pas encore retirés de bien vouloir le faire. En effet, lorsque nous examinerons l’article 10, sera proposé un amendement dont l’objet est d’instaurer une évaluation de la mise en oeuvre du plan sur les soins palliatifs et de l’ensemble de la loi. Dans le cadre de ce rapport annuel, la montée en charge de la formation sera évaluée. Il me semble donc que, sur le fond, la demande exprimée par les auteurs des amendements est satisfaite. Il n’est pas nécessaire d’augmenter encore le nombre des rapports qui vous sont remis. Le cas échéant, cela ne consisterait qu’en une opération de traitement de texte : le chapitre relatif à la formation de ce rapport global en serait retiré, pour constituer un autre rapport.
Mes collègues et moi-même, qui défendions ces amendements identiques, les retirons, compte tenu des explications données par Mme la ministre. L’engagement pris nous paraît clair et ne pose pas de difficulté.
L’amendement no 369 est retiré.
L’amendement no 64 est retiré.
M. Le Fur n’étant plus présent dans l’hémicycle, l’amendement dont il est l’auteur ne peut être retiré, et je suis obligée de le mettre aux voix. À défaut du retrait souhaité, quel est l’avis du Gouvernement, madame la ministre ?
Défavorable, madame la présidente.
L’amendement no 138 n’est pas adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Cet article 2 m’inspire plusieurs interrogations, madame la présidente, qui s’inscrivent toujours dans la même logique.
Tout d’abord, l’alinéa 2, qui est assez long, me semble être relativement redondant, et le caractère impératif de la loi pour les soignants m’inspire toujours des craintes. Ensuite, nutrition et hydratation artificielles sont assimilées à des traitements – on aura peut-être un débat, tout à l’heure, sur le terme « parentéral ». Pour moi, c’est plutôt un soin, et j’aurais tendance à différencier les soins des traitements. Le sens des mots peut être important, dans notre débat.
Je suis assez favorable à l’article 2, parce que je pense qu’effectivement, on ne peut pas s’acharner à mener des traitements inutiles, c’est la différence entre l’acharnement thérapeutique d’un côté et l’acharnement médical de l’autre. Je suis donc pour l’article 2.
Le troisième alinéa de l’article 2 ne définit pas ce qu’est un traitement et ce qu’est un soin. Il se contente de disposer que la nutrition et l’hydratation artificielles sont des traitements, mais pourquoi classer l’alimentation et l’hydratation artificielles dans les traitements ? Et est-ce à la loi qu’il revient de déterminer de déterminer ce qui est un traitement et ce qui n’en est pas un ? En toutes circonstances ?
On risque de prendre le problème à l’envers. Il aurait fallu d’abord définir ce qu’est un traitement, puis appliquer cette définition à l’alimentation et à l’hydratation.
Je prends la parole pour une simple demande d’information complémentaire. Je crois, à la suite des prises de parole des deux rapporteurs, y compris leurs prises de parole publiques, médiatiques, qu’il y a, sur la question de la différence entre le traitement et le soin, une réelle confusion dans l’esprit des observateurs, y compris dans l’esprit de certains députés, dont je suis. Et cette frontière peut poser des problèmes qui ne sont pas sans affecter la conception même de la sédation profonde et continue.
J’ai entendu M. Leonetti ce matin, sur une antenne de télévision – une grande chaîne d’information ou une station publique, je ne sais plus – dire que les traitements étaient arrêtés, mais pas les soins. Il prenait l’exemple d’une personne soignée pour un cancer. On arrête sa chimiothérapie ou sa radiothérapie, mais est-ce que cela veut dire qu’on continue à la perfuser, par exemple ? Est-ce un soin ou un traitement ? Il faut quand même le préciser, non dans la loi mais dans le cadre de nos débats.
La question de la fin de vie nous offre la chance de juger de notre capacité collective à débattre sur le fond d’un sujet de société sans masquer nos divergences, qui traversent jusqu’à nos groupes respectifs – on l’a vu tout à l’heure, au moment du vote.
J’ai exercé la profession de sage-femme, j’ai été passeuse de vie. Cela m’a permis de comprendre la nécessité et l’importance des rites d’accompagnement que notre société doit organiser dans ces moments de passage que sont la naissance et la mort.
Notre devoir aujourd’hui est d’apporter des réponses sur ces sujets en créant un nouveau droit pour tous les citoyens. Il leur reviendra ensuite de choisir d’user ou non de ce droit. Créer un droit nouveau, ce n’est pas créer une obligation comme certains ont l’air de le penser : c’est renforcer le libre arbitre de chacun d’entre nous.
Les soins palliatifs ne sont pas négociables et il faut évidemment, nous en sommes tous d’accord, les développer. Selon moi, le droit à l’euthanasie et au suicide assisté, y compris pour les malades atteints de maladies dégénératives, telle la maladie d’Alzheimer, est une des dernières libertés fondamentales que nous avons à conquérir en France.
Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins, car le texte que présentent nos deux collègues Alain Claeys et Jean Leonetti propose évidemment des avancées intéressantes et essentielles, mais reste au milieu du gué.
Par nos amendements, nous visons à donner un cadre légal à des pratiques que de nombreux soignants avouent connaître, on parle de 3000 à 4000 euthanasies par an qui ne disent pas leur nom, mais qui témoignent de la souffrance de ceux qui ne bénéficient d’aucun accompagnement. C’est à cela que nous devons mettre fin par une grande loi républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité afin qu’à l’inverse d’une mort solitaire, cette loi puisse faciliter l’accompagnement, les derniers échanges dans le respect de la vie qui s’en va.
Parler de mort, parler de vie, c’est parler de nature humaine. Cela nous renvoie tous, consciemment ou inconsciemment, à notre histoire personnelle, à nos peurs intimes comme celle de mourir, sans doute la plus forte, à nos croyances pour les uns, nos certitudes pour les autres. C’est normal que ce débat nous passionne car il place au coeur de cet hémicycle la question de la condition humaine dans nos sociétés modernes où le progrès médical, le refus de la souffrance nous donnent l’illusion d’être invulnérables.
Mais la maladie et le handicap nous rappellent notre condition première : nous sommes des êtres de chair et de raison, cette raison qui nous pousse à vouloir mourir dignement en ayant choisi le bon moment, quand nous sentons notre corps incapable d’en supporter davantage ou notre esprit incapable de supporter la déperdition de ce corps en souffrance.
Tel est l’enjeu de cette loi attendue par nos concitoyens, j’espère que nous y arriverons.
À mon tour de déplorer le manque de précision du texte sur divers points. Quelle est la différence entre le traitement et les soins ? Sommes-nous d’accord pour dire que le traitement peut être arrêté alors que les soins seraient toujours dus ? Si tel était le cas, il faudrait distinguer entre la nutrition entérale et la nutrition parentérale. La première consistant à contourner la déglutition, car mécaniquement celle-ci n’est plus possible, ne peut raisonnablement être considérée comme un traitement. La seconde qui se fait par perfusion avec les risques d’infection que l’on connaît relève davantage du traitement que du soin.
Par ailleurs, faudrait-il considérer qu’un pacemaker aurait d’autres fonctions que celle de maintenir artificiellement une vie qui par ailleurs ne pourrait pas se dérouler autrement ? À qui viendrait-il l’idée de supprimer un pacemaker parce qu’il constituerait un traitement artificiel ?
Certains points méritent donc d’être précisés. Au cours de l’examen des amendements, je serai attentif à la remarque du Conseil consultatif national d’éthique relative à la procédure collégiale laquelle serait une des limites de cette proposition de loi.
Sourires.
Je ne le pense pas, car, heureusement, aucune loi n’est parfaite. Le présent article 2 comporte deux aspects inédits. En 2005, nous avons eu un long débat sur la différence entre les traitements et les soins. En effet, monsieur Poisson, les traitements peuvent être arrêtés, les soins sont dus. La définition de l’un et de l’autre est extrêmement difficile à établir en cas d’alimentation et d’hydratation artificielles. Si l’on ne peut plus déglutir, il faudra assez rapidement proposer une intervention chirurgicale pour poser une sonde à l’intérieur de l’estomac.
Une intervention sur le corps de l’autre implique le consentement, et c’est cela l’un des éléments du traitement. Ensuite, on agit en opérant une jambe ou en mettant en place une thérapeutique. La perfusion comme la sonde relèvent des soins et du traitement, c’est la même chose. Il s’agit d’actes médicaux sur le corps de l’autre, lesquels nécessitent le consentement de la personne.
Si la personne n’est pas consentante, le code de déontologie depuis très longtemps, ainsi que la loi de 2002 interdisent que l’on intervienne. Depuis 2002, le malade a le droit de refuser un traitement, y compris un traitement qui met sa vie en danger. À cet égard, nous vous proposerons de reformuler un alinéa du code de la santé publique afin que d’un point de vue juridique, il soit plus clair et plus solide.
Nous avons rappelé dans le dernier alinéa de l’article 2 que l’alimentation et l’hydratation artificielles constituaient un traitement, mais cela figure déjà dans la loi de 2005 et cela a été validé par le Conseil d’État s’agissant du cas dramatique de Vincent Lambert.
En outre, l’article n’évoque que les traitements n’ayant d’autres effets que le seul maintien artificiel de la vie. Un pacemaker, un rein artificiel, un respirateur, toute thérapeutique qui maintient en vie, ont évidemment un autre but que le maintien artificiel de la vie.
Si les lésions cérébrales étaient majeures et irréversibles ou en cas d’absence de conscience et de relation à l’autre, l’on pouvait dans certaines circonstances, et le Conseil d’État l’a confirmé, arrêter les traitements parce qu’ils n’avaient d’autre but que le maintien artificiel de la vie.
L’article 2 reformule quelque peu un article de la loi de 2005 en y ajoutant quelques précisions, mais sans en modifier la nature.
Nous souhaitons supprimer l’article 2 car nous ne voyons pas la nécessité d’un nouveau texte de loi. Dans son rapport remis en décembre 2012, le professeur Didier Sicard confirme « l’application insuffisante » de la loi Leonetti de 2005 et « souligne avec force l’exigence d’appliquer résolument les lois actuelles plutôt que d’en imaginer sans cesse de nouvelles – ce que nous sommes en train de faire –, l’utopie de résoudre par une loi la grande complexité des situations de fin de vie et le danger de franchir la barrière de l’interdit. »
C’est l’engagement 21 du candidat Hollande qui a permis d’ouvrir la boîte de Pandore, et nous l’avons vu tout à l’heure lors d’un psychodrame où il a fallu la mobilisation des députés UMP pour éviter qu’une majorité se dégage en faveur de l’euthanasie et du suicide assisté.
Les arguments que j’ai fait valoir à l’article 1er valent également pour la défense du présent amendement. Certes, nous sommes très proches du texte de la loi du 22 avril 2005, mais nous pensons que ce texte était suffisant. J’ai bien noté que les soins palliatifs que nous voulions mentionner à l’article 1er sont explicitement évoqués à l’article 2.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 368 .
D’une certaine façon, le présent amendement est un amendement d’appel visant à insister sur l’importance des soins palliatifs. J’ai bien entendu Mme la ministre, ainsi que les deux rapporteurs indiquer, hier, qu’il fallait séparer cet aspect du reste. Mais il me semble la fin de vie, la maladie, les soins palliatifs forment un ensemble non sécable, et les mots ont leur importance.
Nous venons d’échapper de peu à une disposition favorable à l’euthanasie et au suicide assisté. Sans les voix de notre groupe, nous serions peut-être dans une situation délicate, peut-être même que nous aurions quitté l’hémicycle. Tout étant très fragile, retrouvons-nous sur les soins palliatifs et soyons le plus clair possible sur le sens des mots.
Je persiste à considérer qu’une loi supplémentaire ne s’imposait pas, contrairement à ce qui nous est asséné depuis plusieurs heures maintenant.
Par ailleurs, au vu des votes précédents, nous sommes en train d’ouvrir, avec honnêteté pour plusieurs d’entre vous, une voie vers une libéralisation et une normalisation de la vie humaine – ce que je redoute par-dessus tout – tendant à un jugement de valeur sur la qualité et la dignité d’une vie. J’ai pour ma part très peur d’une société normative qui ne parle plus de la mort que par euphémisme, alors que dans le même temps, nous assistons à une marchandisation du corps humain. Une telle dérive implique pour nos successeurs médicaux et paramédicaux de n’être que de simples exécutants.
Pour ma part, je souhaite un monde de responsabilité et de liberté individuelles. C’est pourquoi j’ai peur de cette loi.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 759 .
M. Leonetti le sait bien, nous avons eu de longues discussions depuis la loi de 2005 sur la notion de nutrition et d’hydratation artificielles. Il n’aura donc pas été étonné de la position que j’ai prise tout à l’heure, même si j’ai bien entendu sa réponse.
Un autre aspect motive ma demande de suppression de l’article 2. Contrairement à l’invitation du Comité consultatif national d’éthique, dans son avis datant du mois d’octobre dernier sur l’affaire Vincent Lambert, on ne distingue pas le cas où une personne est en phase terminale d’une maladie incurable et le cas contraire.
En n’incluant pas cette distinction dans l’article, on en vient à considérer ces deux situations extrêmement différentes à l’égard de la fin de la vie sur le même plan car dans un cas, une personne est en fin de vie et dans l’autre, elle ne l’est pas. Ne pas faire figurer cette distinction dans l’article est grave, car cela ouvre la possibilité d’une dérive vers l’euthanasie. C’est en tout cas la lecture que j’en fais. J’aurais souhaité que l’article 2 prît davantage en considération l’avis du Comité consultatif national d’éthique.
J’entends les avis de nos collègues. Mais si nous supprimions l’article 2, nous supprimerions du même coup un acquis important de la loi de 2005 s’agissant de l’obstination déraisonnable.
Que dans cet article, vous vouliez rappeler la place des soins palliatifs, soit. Mais l’obstination déraisonnable est l’un des acquis importants de la loi de 2005, que vous et moi avions votée.
Avis défavorable, donc.
C’est la raison pour laquelle il ne fallait pas réécrire l’article 1er.
L’avis est également défavorable. Comme cela vient d’être dit, supprimer l’article 2 reviendrait à supprimer la référence à l’obstination déraisonnable, ce qui serait problématique. Le Conseil d’État a eu à se prononcer à plusieurs reprises, notamment à l’occasion de l’affaire Vincent Lambert où il a repris l’ensemble de la jurisprudence sur le sujet.
Tel qu’il est rédigé, l’article tient compte de la jurisprudence du Conseil d’État. Faudra-t-il aller plus loin et clarifier davantage ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, la navette parlementaire servira à approfondir la réflexion sur l’écriture de cet article.
En deuxième lieu, je ne peux pas – bien qu’elle soit partie – laisser Mme Boyer dire que les politiques en faveur des soins palliatifs auraient été interrompues. Si j’ai indiqué que nous devions présenter un nouveau plan pour pouvoir accentuer et renforcer l’effort en la matière et pour tirer les conséquences du fait que les plans précédents ne nous aient pas permis, depuis leur lancement, de répondre à l’ensemble des demandes, en particulier à domicile et en EHPAD, cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu, notamment depuis 2012, une montée en charge de la proposition de soins palliatifs. Selon les données dont disposons, le nombre de personnes prises en charge dans des unités de soins palliatifs augmente année après année, mais le niveau de prise en charge n’est pas encore assez élevé pour nous en satisfaire.
Je tenais à apporter cette précision, car le débat sur les soins palliatifs se déroule dans un climat plutôt consensuel et apaisé et je ne souhaiterais pas que soient retenus des propos laissant penser que rien n’aurait été fait depuis deux ans, ce qui serait très loin de la réalité.
Monsieur Breton, vous aurez encore de nombreuses occasions de vous exprimer.
Je regrette, madame la présidente, que vous ne m’ayez pas donné la parole, car mon intervention s’inscrivait dans la suite des réponses du rapporteur et de la ministre. De fait, l’amendement de suppression ne supprimait pas la loi de 2005, qui mentionne l’obstination déraisonnable. Dans un tel débat, il faut que l’échange d’arguments soit fondé sur la bonne foi !
Quant à l’amendement no 558 , il est défendu.
J’ai du mal à comprendre les mots : « au titre du refus d’une obstination déraisonnable ». C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, avec cet amendement, de rédiger autrement la première phrase de l’alinéa 2 de cet article.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 822 .
Il est défendu. L’objection selon laquelle nous aurions voulu supprimer la notion d’obstination déraisonnable ne peut être retenue, car la reformulation du premier alinéa, qui suivait la défense de l’amendement précédent, invite à réinscrire cette notion. Je m’inscris donc dans le sillage des propos que vient de tenir M. Breton.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 866 .
Cet amendement tend à insérer dans la première phrase de l’alinéa 2, après le mot : « actes », les mots : « de prévention, d’investigation ou de traitements ». Les « actes » prévus dans ce nouvel article sont en effet « les actes de prévention, d’investigation ou de traitements et de soins » mentionnés à la deuxième phrase de l’article L. 1110-5, dans sa rédaction résultant de la loi. Or, si le refus de l’obstination déraisonnable implique nécessairement l’absence de nouveaux actes de prévention, d’investigation et de traitement à visée thérapeutique, il n’en est pas de même des actes de « soins », terme n’ayant d’ailleurs aucune définition légale.
Cet amendement de précision reprend la deuxième phrase de l’article L. 1110-5 dans sa rédaction résultant de la loi. Cette rédaction est d’ailleurs contradictoire, en violation du principe constitutionnel de clarté de la loi et de l’objectif constitutionnel d’intelligibilité de la loi, avec celle de la dernière phrase du deuxième alinéa, qui mentionne « les soins visés à l’article L. 1110-10 » , c’est-à-dire les soins palliatifs.
En outre, il n’y a aucune justification à l’arrêt des actes thérapeutiques que sont les soins, même en cas de refus d’obstination déraisonnable, en raison du fait que les soins apportés à une personne humaine se fondent exclusivement sur sa dignité. En conséquence, il faut modifier le début de l’article et viser précisément les « actes de prévention, d’investigation ou de traitements ».
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 367 .
Il s’agit d’un amendement de précision, mais aussi d’ouverture, car il laisse ouverte la possibilité pour une équipe de pratiquer des investigations et des soins. Une loi ne peut prévoir toutes les situations humaines dans les cas difficiles qui font l’objet de cette loi. Adopter cet amendement serait donc faire preuve de sagesse.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 769 .
Ces amendements de précision ont l’intérêt supplémentaire de manifester que, s’il y a traitement, les soins ne peuvent pas être de l’obstination déraisonnable. Nous avons parfois éprouvé quelque difficulté à définir ce que sont les soins ou le traitement, mais on sait bien qu’un scanner ou des actes de prévention inutiles constituent de l’obstination déraisonnable. Le traitement donne donc la clé de l’obstination déraisonnable, d’où un avis favorable.
Sagesse.
Mettre derrière le terme d’« actes de prévention » des actes de nursing contrarie-t-il vraiment la réalité de la vie du patient en train de mourir ? Il faut être très prudents avec la notion de « prévention ». Le nursing consiste bien à permettre à ce patient, sans obstination déraisonnable, de mourir, quelle que soit la manière dont il va mourir.
Le vote qui vient d’intervenir m’invite à défendre d’autant plus cet amendement, qui tend à compléter la première phrase de l’alinéa 2 par la prise en compte d’un critère de « bénéfice escompté ». En effet, soumettre l’arrêt des traitements à des critères d’utilité et de proportion n’a de sens que relativement à un objectif recherché et préalablement défini, qu’il est donc proposé d’inclure ici. C’est aussi pour éviter de potentiels abus que le présent amendement est déposé.
Je regrette également que l’amendement précédent n’ait pas été adopté, car il me semblait important.
Quant à cet amendement no 228 , étant donné que le coût de l’acharnement thérapeutique peut, nous le savons tous, devenir gigantesque, il devrait permettre, en mentionnant le bénéfice escompté, d’éviter des abus, comme vient de le souligner M. Breton.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 366 .
Il est défendu, mais j’insiste sur le fait que nous avons intérêt à préciser les choses pour éviter les ambiguïtés. Je regrette moi aussi que le rapporteur Leonetti n’ait pas été suivi dans son avis positif par cette Assemblée.
Je ne comprends pas non plus que l’avis de sagesse du Gouvernement et les avis favorables de nos deux rapporteurs n’aient pas été suivis, car l’amendement précédent ne contredisait en rien les objectifs différents que poursuivent les deux grands groupes qui s’affrontent aujourd’hui.
Cet amendement est également un amendement de précision. En effet, on se plaint régulièrement que la loi soit bavarde, mais puisque le fonctionnement actuel refuse que la société délègue une responsabilité à une personne ou à un groupe de personnes en raison de leurs connaissances, la loi doit être plus précise. Dans une telle logique, ce serait évidemment sagesse que d’adopter cet amendement.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 770 .
Cet amendement est réputé défendu, mais je saisis cette occasion de répondre à M. Sebaoun, qui s’est inquiété à juste titre d’une acception un peu trop large de la notion de prévention.
Mon cher collègue, il était possible de faire un geste bienveillant dans ce débat, en précisant qu’à l’évidence, l’intention du législateur ne consistait pas à inclure dans cette notion de prévention les dimensions que vous craigniez d’y voir inscrites, et de profiter de la navette parlementaire pour le faire – c’est du reste ce à quoi Mme la ministre nous a invités à propos d’un amendement précédent. Profitons donc de la navette dans tous les sens, si vous le voulez bien et, la prochaine fois, acceptez que le débat parlementaire puisse aussi remédier à une imprécision – c’est en effet sa fonction.
La parole est à M. Alain Claeys, rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1069 .
L’amendement no 1069 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Je suis saisie de quatre amendements, nos 559 rectifié , 830 , 867 et 700 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 830 et 867 sont identiques.
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement no 559 rectifié .
L’arrêt des traitements assurant un maintien artificiel de la vie doit être également soumis au critère de proportionnalité des soins. S’il reste proportionné, il n’y a pas lieu de l’arrêter. Cette proposition de loi n’a pas pour but d’aller vers l’euthanasie par omission de soins proportionnés.
L’amendement tend donc à insérer à l’alinéa 2 les mots : « Lorsque des traitements assurant un maintien artificiel de la vie apparaissent disproportionnés, ».
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 830 .
J’ajouterai à l’argumentaire de M. Breton une remarque générale : en essayant d’écrire ce genre de dispositions, on voit que la loi doit accepter de laisser toute la place nécessaire à l’appréciation subjective des situations, en particulier et au premier chef par le collège des médecins, ce qui motivera du reste ma position personnelle sur la question des directives anticipées, que nous examinerons plus tard.
La formulation que nous présentons ici n’est certes pas pleinement satisfaisante sur le plan juridique – je suis le premier à le reconnaître –, mais il faut bien voir que, si l’on tente de tout écrire dans une loi sur de telles questions, il faut parfois admettre des « soupapes » de souplesse ou de sécurité. Bien que cela soit un peu antinomique avec la loi, la complexité est telle que l’on en est parfois « réduit », pour ainsi dire, à des formulations moins cassantes que celles auxquelles inviterait l’universalité de la loi. Je défends donc cette formulation pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer M. Breton.
L’amendement no 867 est identique.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le soutenir.
La crainte d’un glissement vers un « droit à », voire un « droit fondamental à » a été évoquée plusieurs reprises. Cet amendement est l’occasion de rappeler qu’il faut éviter l’euthanasie pas omission des soins.
Je tiens à rassurer mes collègues : cette disposition est déjà inscrite dans le texte, car il faut que le traitement soit inutile – à supposer, certes, que l’on puisse dire ce qu’est un traitement inutile – et disproportionné.
Comme vous l’avez vu, de nombreux traitements peuvent être inutiles et disproportionnés, mais il existe un cas particulier : celui où ce traitement inutile ou disproportionné est considéré comme un maintien artificiel de la vie.
Le texte précise donc à la suite de cette dissociation que, dans ce cas, on prodigue des soins palliatifs et on accompagne le malade. Ce n’est pas parce que l’on arrête un traitement qui peut paraître disproportionné pour le malade ou pour le médecin, par exemple une chimiothérapie, que l’on met en place pour autant un traitement de soins palliatifs et que l’on aboutit à la mort. Le texte précise d’ailleurs que l’on a ici affaire aux mourants : il s’agit donc d’un contexte particulier.
Les termes d’« inutile » ou de « disproportionné » sont donc déjà appliqués aux traitements qui n’ont d’autre but que le maintien artificiel de la vie. Ainsi, l’inquiétude exprimée par les amendements est déjà levée par cette rédaction.
L’amendement no 559 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
L’amendement no 700 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement apporte une précision que je crois importante. Je propose d’insérer à l’alinéa 2, après le mot « traitements », les mots « délivrés à un patient sans vie relationnelle et en impasse thérapeutique ». Cet amendement qui vise à préciser la notion de « maintien artificiel de la vie » s’appuie notamment sur l’avis du Conseil national de l’ordre des médecins, qui avait été interrogé sur la notion d’obstination déraisonnable par le Conseil d’État, appelé lui-même à se prononcer sur la situation de Vincent Lambert. Le Conseil national de l’ordre des médecins a considéré qu’il y avait obstination déraisonnable dès lors qu’un patient était dans une situation de « maintien artificiel sans vie relationnelle et sans espoir d’évolution favorable ».
Deuxième argument : il ne faut pas confondre cette situation avec ce qui serait une vie végétative, cette dernière ayant une définition qui n’a rien à voir. C’est bien pour cela que je veux que l’on précise « sans vie relationnelle » et « en impasse thérapeutique ».
Deux notions me paraissent importantes. Tout d’abord, la question majeure porte sur la définition du maintien artificiel de la vie. Si je m’en réfère au Conseil d’État, le maintien artificiel de la vie suppose l’existence de deux éléments concordants et liés : des lésions cérébrales tout à la fois majeures et irréversibles, qui elles-mêmes entraînent deux phénomènes concomitants : l’absence de conscience de soi et l’absence de relation à l’autre. La navette peut servir à préciser ce qu’est le maintien artificiel de la vie.
En revanche, j’alerte M. Sebaoun sur un point : la notion d’impasse thérapeutique est restrictive. Ainsi, Vincent Lambert n’est pas en impasse thérapeutique. Cette dernière peut être interprétée de deux façons : soit on essaye de maintenir la vie mais on n’y arrive pas parce qu’on n’a pas les thérapeutiques pour cela ; soit on n’a pas les thérapeutiques permettant de rendre cet élément réversible.
Autrement dit, si on se place dans votre optique – à laquelle j’adhère car ce que j’ai remis au Conseil d’État dit à peu près ce que vous êtes en train de dire –, le maintien artificiel de la vie suppose deux choses fondamentales : des lésions cérébrales majeures et irréversibles, ayant en outre pour conséquence une absence totale de conscience de soi associée à une absence totale de relation à l’autre.
Cela élimine toutes les situations de polyhandicapés, car ils ne sont pas en impasse thérapeutique. C’est le mot « irréversible » qui signale une impasse thérapeutique. Il est possible de maintenir artificiellement en vie ces corps qui, à cause de leurs lésions cérébrales, n’ont plus d’activité cérébrale. En examinant le cas de Vincent Lambert, il est facile de comprendre que les lésions sont tellement majeures et irréversibles qu’il n’y aura jamais de conscience de soi ni de relation à l’autre. Pour autant, on n’est pas en impasse thérapeutique : on peut le maintenir en vie longtemps. Il me semble donc que, sur ces deux éléments, l’un est manquant et l’autre est peut-être excessif. L’avis est donc défavorable.
La réflexion suscitée par l’amendement est intéressante et permet de comprendre que, sans doute, nous ne sommes pas tout à fait au bout de la rédaction de cet article. Nous faisons face à des arrêts, à une jurisprudence du Conseil d’État, dont tous les points n’ont pas été transcrits dans la loi. On pouvait en effet imaginer que l’ensemble des éléments de la jurisprudence auraient été transcrits, mais cela n’a pas été le cas.
Or, monsieur le député, vous proposez d’aller au-delà en recourant à des concepts ou à des notions qui ne vont pas de soi. Ainsi, la « vie relationnelle » demande à être précisée : c’est assez flou ! Et comment être certain que l’on est en situation d’absence de vie relationnelle ? Cela a donné lieu à beaucoup de débats à l’occasion de l’affaire Vincent Lambert. Je vous demande donc plutôt de retirer votre amendement, sinon je donnerai un avis défavorable dans la mesure où nous ne sommes pas là face à une rédaction globale consolidée.
Il me semble en revanche qu’un travail doit se poursuivre d’ici la présentation de la proposition de loi au Sénat, tant pour nous assurer que nous avons bien tiré toutes les conséquences de la jurisprudence du Conseil d’État que pour voir comment répondre à votre préoccupation, laquelle me semble légitime et peut paraître légitime à beaucoup d’acteurs, ainsi que le rapporteur l’a indiqué. Je trouve que tout cela n’est pas suffisamment abouti et, si vous ne retiriez pas votre amendement, je lui donnerai un avis défavorable. En tout état de cause, je suggère la poursuite du travail d’écriture d’ici le passage au Sénat.
Juste une correction : le rapporteur a omis de rappeler que cet amendement a été adopté en commission.
Par ailleurs, je suis sensible à son argument sur la deuxième partie de mon amendement, c’est-à-dire l’impasse thérapeutique ; je suis en effet plutôt convaincu.
En revanche, et même si j’accepte très volontiers d’accéder à la demande de Mme la ministre, j’incite vraiment à prendre en compte la notion de vie relationnelle : je rappelle en effet que la définition de la vie végétative est « sans manifestation de conscience de soi-même ou de son environnement ». Il faut donc faire très attention et éviter de nous cantonner à la notion d’être végétatif, dont la vie n’est pas en cause – du moins pour un temps, s’il ne s’éteint pas de lui-même – : il n’entre donc pas dans cette catégorie. Je souhaite donc que nous soyons extrêmement précis, et j’accepte de retirer de mon amendement.
L’amendement no 686 est retiré.
Le débat que nous venons d’avoir montre combien l’avis du Conseil d’État aurait été utile pour donner un éclairage juridique préalable. Malheureusement, la proposition que nous avions faite au président de l’Assemblée, avec une trentaine de collègues, de soumettre la proposition de loi à l’expertise juridique du Conseil d’État a été refusée, ce que nous regrettons une nouvelle fois.
Le présent amendement vise à substituer aux mots « n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » les mots « relèvent d’une obstination déraisonnable ». En effet, la deuxième phrase de l’alinéa 2 prévoit ceci : « Lorsque les traitements n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie […], ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. » Nous préférons l’expression « lorsque les traitements relèvent d’une obstination déraisonnable » parce que cette notion communément admise permettrait de faire référence à un contenu que l’on connaît, et non à des interprétations qui pourraient être dangereuses.
Qu’est-ce que le maintien artificiel de la vie ? Jean Leonetti a posé la question lors de l’examen de l’amendement précédent, donnant d’ailleurs des éléments de réponse tout à fait intéressants.
Le débat sur ce sujet vaut la peine d’être mené à son terme ; aussi, pour lever toute ambiguïté, cet amendement propose de substituer aux mots « n’ont d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » les mots « relèvent d’une obstination déraisonnable ».
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 365 .
Mme le ministre a raison sur un point : il est toujours très difficile de définir ce qu’est la vie – on ne le sait pas !
De plus, les progrès techniques font que l’intrication est de plus en plus grande entre des éléments d’origine organique et des éléments mécaniques – le coeur artificiel Carmat en est un exemple, tout comme les interfaces homme-machine, avec des expérimentations poussées, sans parler du transhumanisme. De ce fait, dans les années à venir, nous aurons de plus en plus de mal à définir clairement ce qui relève du vivant et ce qui ne relève plus du vivant.
Il n’est pas compliqué de prévoir les évolutions technologiques très rapides à venir qui poseront des problèmes psychologiques et métaphysiques très profonds ; il serait donc sage de s’en tenir, dans ce texte de loi, à l’« obstination déraisonnable de maintenir la vie ».
Je ne sais pas en effet ce que signifie le maintien de vie artificiel, ou le maintien artificiel d’une vie, lorsque je vois les progrès gigantesques réalisés dans toutes les prothèses, notamment celles qui concerneront des organes, sans parler des nanotechnologies. Il me semble justement raisonnable de ne parler que de déraison dans la loi : tel est le sens de cet amendement.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 771 .
Tout peut être mécanique, à une exception : nous sommes des êtres pensants. Selon Descartes, qui a dit : « Je pense, donc je suis », notre existence humaine est liée à notre pensée. Si Jean-Frédéric Poisson me permet de citer un philosophe chrétien, je rappelle que Pascal dit des choses pas très éloignées sur le « roseau pensant ». Même si ce roseau pensant était écrasé par la nature, il aurait un avantage majeur, selon Pascal : il sait, lui, qu’il va être écrasé par la nature, alors que la nature ne le sait pas.
Telle est la véritable existence humaine, au sens de la loi de 2005. Quand il n’y a plus de pensée, ni de conscience de soi-même, ni de relation à l’autre, autrement dit lorsque le cerveau est totalement détruit, alors la vie est sans pensée et donc purement biologique : il s’agit d’un maintien artificiel de la vie.
Loin de moi l’idée qu’une telle personne ne serait plus humaine : elle est encore humaine ! Loin de moi l’idée qu’elle n’aurait pas droit à sa dignité : elle a droit à sa dignité ! La seule question que l’on doit se poser est la suivante : ainsi que M. Dhuicq a eu raison de le rappeler, on pourra peut-être demain maintenir tous les corps en vie avec des systèmes mécaniques. Mais ceux-ci permettront seulement de maintenir en vie des corps : il n’y aura pas de pensée possible en cas d’irréversibilité des lésions majeures subies par les cerveaux.
Voilà la question qui se posera. Il faudra que l’on soit capable d’arrêter ces traitements de survie dans un tel contexte. Aujourd’hui, fort heureusement, ils sont arrêtés dans 20 000 cas par an.
Pour répondre à M. Sebaoun, nous devons, comme Mme la ministre l’a très bien dit, progresser dans la définition du maintien artificiel de la vie. Pour ma part, je vous livre ma définition : il concerne des lésions cérébrales majeures et irréversibles qui entraînent de manière définitive une absence de conscience de soi et une absence totale de relation à l’autre. Le cerveau étant alors détruit définitivement, on s’oppose à ce qui est raisonnable humainement et même peut-être à ce qui est raisonnable divinement.
C’est un amendement important, que notre collègue Poisson a évoqué lors de son intervention sur l’article. Il s’agit de distinguer le cas d’un patient en phase terminale d’une affection grave et incurable de celui du patient qui n’est pas dans cette situation. En effet, le deuxième alinéa pose que lorsque les traitements n’ont d’autre effet que le maintien artificiel de la vie, ils sont suspendus ou ne sont pas entrepris. Nous voulons préciser que cette disposition s’appliquera uniquement dans le cas de personnes en phase terminale d’une affection grave et incurable.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 363 .
Le Comité consultatif national d’éthique a émis un avis intéressant dont il faudrait tenir compte, d’autant que la Cour européenne des droits de l’homme est particulièrement sourcilleuse : nous voudrions éviter qu’une nouvelle condamnation de la France vienne s’ajouter à toutes celles dont elle a déjà fait l’objet sur tant d’autres sujets.
La connaissance de la conscience progresse tellement vite que je serai moins affirmatif que nos rapporteurs : je pense que nous ne sommes pas à l’abri de surprises dans les années qui viennent. Il me semblerait raisonnable de recentrer la loi sur quelques cas particuliers.
En effet, l’interrogation ne concerne pas la majorité des cas, mais quelques cas particuliers pour lesquels nous n’avons pas de réponse dans l’état actuel de la science. Il ne faudrait pas figer l’état du droit en inscrivant dans la loi des critères qui risquent de devenir très rapidement obsolètes.
Que se passerait-il, par exemple, si nous parvenions un jour à stocker la mémoire d’un individu, comme l’imaginent d’excellents films d’anticipation ? La pensée domine tellement la matière que je suis convaincu que nous sommes capables d’y arriver un jour. Pourra-t-on encore parler d’humanité dans cette hypothèse ? C’est une grande question, que certains ont posée dernièrement au président Obama, comme vous le savez.
Notre argumentaire est très simple : parlons de déraison. Faisons confiance à l’être humain pour prendre des décisions en son âme et conscience et recentrons cette disposition sur les affections graves et incurables.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 782 .
C’est une précision demandée par le CCNE et qui mérite à ce titre d’être prise en compte.
Vous avez cité Descartes et Pascal, monsieur Leonetti. Bien qu’étant plutôt un disciple d’Aristote par ma conception de la vie, je citerai à mon tour Pascal, et sa pensée sur l’ange et la bête : l’homme ne peut être réduit ni à sa pensée ni à son corps et la spécificité de l’être humain, c’est bien la conjonction intime et un peu mystérieuse des deux.
Je souscris néanmoins volontiers à votre argumentation.
La « prise en compte de la volonté du patient » est une notion imprécise. Elle risque de bloquer le patient, souvent mal éclairé, dans le cadre rigide de ses directives anticipées et ainsi de l’empêcher de se prononcer sur son souhait profond au moment de sa fin de vie.
C’est pourquoi nous vous proposons de substituer à ces mots « l’accord du patient au moment où la décision doit être prise ».
Cet amendement vise à préciser le cadre souvent rigide des directives anticipées. Lorsqu’un patient veut exprimer son refus d’un traitement ou de la poursuite d’un traitement, il doit être assisté pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause.
Une directive anticipée qui s’imposerait à tout le monde me semble risquée. La notion d’accord permet d’actualiser l’approbation du patient et de se fonder sur des éléments tangibles de l’expertise médicale.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 364 .
Je pense que le terme d’accord, même si celui-ci est également sujet à variation, a néanmoins l’avantage d’être simple, clair et cohérent. Cet amendement va dans le sens d’une loi moins bavarde.
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 781 .
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 702 rectifié et 853 .
La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 702 rectifié .
À l’article 1er de la loi Leonetti de 2005, nous retrouvons les mêmes termes que ceux qui figurent dans le texte qui nous est proposé. Cependant, le verbe « peuvent », qui figure dans la loi de 2005, a été supprimé dans ce nouveau texte, enlevant ainsi au personnel médical qui entoure le patient en fin de vie toute faculté d’adaptation du traitement.
Il s’agit d’un amendement important. Dans son état actuel, la proposition de loi dispose que les traitements « sont » suspendus lorsqu’ils n’ont d’autre effet que le maintien artificiel de la vie. L’indicatif étant impératif en droit, nous voulons revenir à la rédaction de la loi de 2005, qui dispose qu’ils « peuvent » être suspendus, afin que cette faculté ne devienne pas une obligation.
Les amendements identiques nos 702 rectifié et 853 , repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
Je m’étonne que les rapporteurs n’aient pas répondu à ma question précédente. Si je ne me trompe, la loi de 2005 ne faisait qu’ouvrir une possibilité : en faire une obligation pose quand même un problème et j’aimerais une réponse sur ce point. Systématiser ainsi l’arrêt des traitements, qui n’est aujourd’hui qu’une faculté, constituerait un changement considérable.
L’amendement no 271 est défendu.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 377 .
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement no 741 .
Il est à souhaiter que ces amendements nous permettront d’avoir un débat sur le troisième alinéa de cet article, aux termes duquel « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement. »
Nous proposons la suppression de cet alinéa parce que nous pensons que la nutrition et l’hydratation artificielle ne constituent pas un traitement, dans la mesure où ils ne visent pas un effet thérapeutique mais répondent à un besoin fondamental d’un patient. La qualification comme traitement de la nutrition et de l’hydratation artificielles risque dans certains cas de porter préjudice au confort du patient, voire d’entraîner l’insatisfaction d’un besoin élémentaire de celui-ci.
J’ajouterai aux arguments développés par M. Breton que l’amendement vise à éviter un arrêt de l’alimentation et de l’hydratation ayant pour objectif de provoquer la mort au prétexte qu’elles constitueraient un maintien artificiel de la vie. Pour nous, la nutrition et l’hydratation artificielles doivent répondre à un besoin fondamental du patient.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 362 .
C’est là un point très important. La nutrition et l’hydratation ne me semblent pas constituer un traitement mais la réponse à un besoin fondamental. Il serait important que nos rapporteurs s’expliquent sur cette question essentielle.
Nos rapporteurs ont commencé à répondre. Néanmoins, je pense que la rédaction du projet de loi devrait proposer une différenciation plus importante entre ce qui relève du soin et ce qui relève du traitement pur et simple. En effet, la loi n’est pas destinée aux seuls praticiens et spécialistes : elle sera lue également par des juristes. Il me semble important que le terme de « soin » puisse être intégré dans une loi qui concerne la mort.
La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour soutenir l’amendement no 823 .
Le fait de savoir si la nutrition et l’hydratation artificielles doivent être qualifiées de « soins » ou de « traitements » n’a pas, à ce jour, été défini avec précision par une disposition législative ou réglementaire. Il y a certes un arrêt du Conseil d’État du 24 juin 2014, mais ce n’est pas le Conseil d’État qui fait la loi, mais le Parlement.
Les auteurs de la présente proposition de loi indiquent dans l’exposé des motifs qu’ils entendent « inscrire explicitement dans la loi que la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement ».
Or, prévoir, comme ils le font, la possibilité de suspendre « les traitements n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie » et considérer que « la nutrition et l’hydratation artificielles constituent un traitement » et non des soins conduiraient nécessairement à arrêter cette nutrition et cette hydratation, ce qui risque d’entraîner des conditions pénibles de décès.
Je sais que M. Leonetti prétend, avec une obstination déraisonnable, qu’on ne souffre pas sous anesthésie. Une collègue a soutenu le contraire, avec raison à mon avis, et je crains que qualifier l’hydratation et la nutrition de traitements ne se traduise par de graves inconvénients pour le patient.
Comme l’a dit Mme la ministre, nous avons voulu introduire dans le texte des éléments déjà suffisamment précis au regard de la loi de 2005, mais qui ont été validés et renforcés par les décisions prises par le Conseil d’État dans l’affaire Vincent Lambert. C’est précisément pour qu’il n’y ait plus d’ambiguïté et qu’on ne se pose plus la question que nous avons inscrit la jurisprudence du Conseil d’État dans ce texte.
Je vous pose à nouveau la question. Qu’y a-t-il de plus naturel : faire entrer de l’air dans les poumons et l’en faire sortir ou ouvrir l’estomac, y introduire un tube et y faire passer des nutriments ? On voit bien qu’on touche là à des réalités symboliques.
Il est sûr que si on dit des choses fausses, en prétendant que le patient va mourir de faim et de soif, on accentue le caractère symbolique de ce texte.
Ce sont des dizaines de milliers de respirateurs qui sont arrêtés, chaque année, dans ce pays : en effet, 50 % des décès hospitaliers proviennent de la limitation ou de l’arrêt des traitements, dans une démarche tout à fait raisonnable, car on n’a pas à maintenir artificiellement des vies qui n’ont plus d’objet. Je crois que nous pouvons être tous d’accord sur ce point.
Pourquoi une petite machine qui fait entrer naturellement de l’air dans mes poumons serait-elle artificielle et pourquoi un tube qui apporte des nutriments dans mon estomac relèverait-il des soins ?
Essayons de comprendre que nous évoquons des éléments symboliques. Au delà de ces aspects symboliques, je n’ai jamais entendu ni M. Schwartzenberg ni personne dire que lorsqu’on arrête un respirateur, le malade s’étouffe. Il ne s’étouffe pas plus que celui dont on suspend la nutrition artificielle parce que, Dieu merci, on procède à une sédation profonde jusqu’au décès. Avis défavorable.
La séance est suspendue le temps que la Conférence des présidents se réunisse.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à dix-neuf heures quarante.
Rappel au règlement, en effet, pour la bonne organisation de nos débats. Madame la présidente, pouvez-vous nous faire part de ce qu’a décidé la Conférence des présidents ?
Nous en revenons à la nécessité de bien définir le contenu de l’alinéa 3, qui prévoit que la nutrition et l’hydratation constituent un traitement. Nous souhaitons préciser ainsi la rédaction de cet alinéa : « La nutrition et l’hydratation artificielles ne constituent en aucun cas un traitement susceptible d’être interrompu, excepté de manière temporaire lorsque celles-ci n’améliorent pas le confort du patient et à condition que leur interruption ne soit pas susceptible d’abréger la vie. »
La qualification comme traitement pouvant être interrompu de l’hydratation et de la nutrition artificielles représente un enjeu éthique majeur. Pour nous, il s’agit d’un soin essentiel à la vie de toute personne humaine, sans tenir compte de son état de santé. Son arrêt, s’il était décidé de manière arbitraire, constituerait une pratique euthanasique qu’on ne peut tolérer. C’est pourquoi il ne s’agit pas d’un traitement, mais d’un soin qui ne peut être interrompu que dans certains cas très limités.
Comme mon collègue Breton, je considère qu’il y a là une véritable ligne jaune : assimiler à un traitement l’alimentation ou la ventilation est une erreur. Pour moi, c’est un soin.
Ce n’est pas seulement une question de vocabulaire. Un traitement est susceptible d’être interrompu, ce qui donne lieu à une mort certaine, dans des conditions cruelles d’ailleurs. Je considère donc qu’il faut absolument, pour des raisons d’humanité évidentes, assimiler l’alimentation et la ventilation à des soins. Il n’y a aucune raison d’interrompre un soin.
Certes, l’acharnement thérapeutique constitue une erreur de fond, même si nous avons progressé avec la loi Leonetti de 2005, mais l’alimentation et la ventilation sont des soins et non des traitements.
Je ne voudrais pas que cette disposition cache une manière d’euthanasie implicite.
Pour toutes ces raisons, nous insistons sur la suppression de cet alinéa.
Vous m’aviez invité tout à l’heure à le défendre, madame la présidente, c’est donc ce que je vais faire.
Il m’a semblé préférable que vous puissiez le faire après la suspension de la séance.
Cet amendement propose donc de préciser l’alinéa dans le sens indiqué par MM. Breton et Le Fur après le mot « artificielles ».
Nous souhaitons vraiment clarifier le but de certains arrêts d’hydratation et d’alimentation en refusant qu’ils puissent provoquer la mort au prétexte que ces dernières constitueraient un maintien artificiel de la vie car, selon nous, ce ne sont pas là des traitements comme les autres.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 361 .
L’amendement précédent n’ayant pas été voté, il convient d’apporter cette précision soutenue par mes collègues, auxquels je m’associe volontiers.
J’ai de plus en plus de mal, compte tenu de notre débat, à définir le terme d’« artificielles ».
Une fois de plus, mes collègues et moi-même défendons une position de sagesse en précisant ouvertement les choses. Le profane comprend ainsi de quoi il est question et le praticien a toute latitude pour intervenir.
Je maintiens également que l’arrêt de l’hydratation constitue un véritable problème.
Je ne suis certes pas médecin et je veux bien entendre leurs points de vue mais force est de reconnaître qu’ils diffèrent parfois.
Le problème n’en demeure pas moins posé pour les malades en fin de vie.
L’amendement no 51 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Cet amendement est important car il vise à distinguer les actes médicaux portant sur des fonctions vitales entre ceux qui peuvent être assimilés à des traitements et ceux qui le sont à des soins élémentaires normalement dus à la personne.
Nous proposons de rédiger ainsi l’alinéa 3 : d’une part, « sont assimilées aux traitements, la respiration artificielle, la dialyse et l’alimentation parentérale » – ils sont donc susceptibles d’être arrêtés ; d’autre part, « sont assimilés aux soins élémentaires, l’alimentation entérale, l’hydratation artificielle, et la pose de sondes nasales, rectales ou urinaires. Ces aides techniques, utilisées pour répondre aux besoins élémentaires de la personne, notamment pour respirer, s’hydrater, se nourrir et éliminer, sont dues à toute personne quand il n’y a pas d’autre moyen d’y parvenir. Elles ne peuvent jamais être interrompues dans l’intention de provoquer la mort d’une personne. Elles ne peuvent être suggérées à un malade comme un moyen de mettre un terme à son existence, ce qui constituerait une incitation au suicide. »
Alors que la rédaction actuelle de cet alinéa 3 de l’article 2 est ambiguë et floue, celle-ci apporterait une clarification.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 869 .
L’amendement no 36 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Chacun comprendra qu’il s’agit d’un amendement de repli.
Nous considérons que tout ce qui concerne l’alimentation, l’hydratation et la ventilation ne relève pas de traitements et ne peut donc pas être interrompu.
Il n’est pas question de mettre ainsi un terme à une existence. Il s’agit même d’une forme de cruauté moderne que je trouve relativement inquiétante.
Comme nous sommes dans un débat parlementaire, nous nous devons de défendre un certain nombre d’amendements de repli lorsque nous n’obtenons pas satisfaction. Celui-ci en est donc un.
L’alimentation artificielle fait appel à différentes techniques, dont certaines seulement peuvent être qualifiées de traitement. La nutrition entérale relève de deux méthodes principales.
La première, la nutrition par sonde nasale, correspond à un acte de soin simple – il s’agit donc clairement d’un soin ; la seconde, la nutrition par gastrotomie, nécessite une intervention médicale plus importante, mais une fois effectuée, le suivi est relativement léger et ne pose en général pas de problème particulier.
Sans doute est-ce que parce que j’ai dû m’absenter et que je ne l’ai pas entendu mais je souhaiterais que le Gouvernement apporte des réponses précises. Cela nous serait précieux.
Selon l’alinéa 3, la nutrition et l’hydratation artificielles constituent donc un traitement.
Nous souhaitons substituer au mot « artificielles » le mot « parentérales ».
En effet, cette proposition de loi englobe dans l’alimentation artificielle deux situations médicales très différentes.
Nous attendons des réponses de la part des rapporteurs et de la ministre quant aux questions techniques que nous posons. Notre débat n’a rien de théorique ou d’abstrait ; il est au contraire technique. Nous souhaitons donc qu’au silence qui a prévalu pour les amendements précédents soit substituée une parole argumentée.
Il existe deux situations médicales très différentes : d’une part, l’alimentation et l’hydratation entérales, d’autre part, l’alimentation et l’hydratation parentérales. La distinction de ces deux cas d’alimentation artificielle est nécessaire.
L’alimentation entérale est une alimentation par sonde nasogastrique ou gastrique. Elle préserve les fonctions gastriques et digestives et se contente de court-circuiter la déglutition lorsque le patient a perdu le réflexe de déglutition, ou bien en cas de risque de fausse route. Ce type d’alimentation – je crois que nous pouvons être d’accord – ne saurait constituer un traitement et devrait être classé parmi les soins ordinaires, dus à toute personne.
L’alimentation parentérale, au contraire, apparaît à bien des égards comme un traitement. Elle est réalisée par injections en intraveineuse de nutriments totalement artificiels, supprime tout le processus de déglutition-digestion, et suppose un suivi médical beaucoup plus poussé du seul fait des risques d’infection possibles. L’alimentation parentérale apparaît comme un moyen extraordinaire d’alimentation, qui peut difficilement être envisagé dans le long terme.
Nous vous proposons donc de distinguer les cas d’alimentation entérale et parentérale à l’alinéa 3 de cet article 2.
Nous condamnons toute assimilation de l’alimentation à un traitement.
Toutefois, on peut admettre que dans certains cas – en particulier, s’agissant de l’alimentation parentérale – elle puisse être assimilée à un traitement et donc être interrompue.
En tout état de cause, il s’agit d’un amendement de repli et je souscris tout à fait aux explications de notre collègue Breton.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 357 .
Si l’on s’en tient à ce qui a été dit précédemment et si l’on envisage les deux grandes catégories du traitement et du soin, les choses seraient assez claires et le distinguo relativement évident. Quant à moi, je n’en suis pas si sûr.
En l’occurrence, nous concentrons la focale, si j’ose dire, afin d’essayer de distinguer ce qui, finalement, relèverait ou non du traitement. Il me semble que c’est là une précision intéressante permettant d’éclairer nos débats, donc, le texte.
Nous en revenons à deux questions essentielles : faut-il distinguer ou non le traitement et le soin ? Comment définir le terme « artificielles » ? Mes interrogations demeurent sur un terme qui sera de plus en plus difficile à définir et de plus en plus obsolète compte tenu des progrès que j’ai évoqués rapidement tout à l’heure.
Il me semble qu’il serait raisonnable, madame la ministre, d’écouter au moins en deuxième lecture les arguments que mes collègues viennent de défendre afin de disposer d’une rédaction échappant à cet écueil : encore une fois, le terme d’ « artificielles » sera de plus en plus difficile à définir.
Juste un mot pour rappeler que, comme il n’est pas possible de garder indéfiniment une perfusion – encore que des techniques puissent exister – on ne peut pas garder de manière prolongée une sonde gastrique dans les voies naturelles pour des troubles de la déglutition.
Cela, en effet, entraîne assez rapidement des troubles digestifs et de l’oesophage. Il est donc nécessaire d’en venir à la chirurgie afin que la sonde aboutisse directement dans l’estomac.
La distinction que vous essayez d’opérer, c’est le cas de le dire, ne peut être envisagée pratiquement.
Avis défavorable.
L’amendement no 101 , repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Nous le constatons, cet alinéa 3, qui concerne l’hydratation et l’alimentation artificielles, suscite des interrogations.
En l’état de sa rédaction, il dispose que ce sont là des traitements, or, nous proposons quant à nous qu’ils « puissent » en être.
Nous nous rendons compte, en effet, que la limite n’est pas facile à tracer.
J’ai bien entendu la réponse que notre collègue rapporteur Leonetti vient de faire. Elle s’entend tout à fait mais la globalisation de l’ensemble des dispositifs d’alimentation et d’hydratation artificielles est en l’occurrence beaucoup trop large.
Puisqu’il semble difficile de formuler une distinction technique, posons-la sur un plan juridique. Substituons donc à l’affirmation selon laquelle ils « constituent » un traitement les mots « peuvent constituer ».
Une telle souplesse permettra de répondre aux différents cas qui se posent.
Nous voyons bien le danger : nous sommes sur une pente glissante.
Au départ – c’était l’une des évolutions qu’a permises la loi de 2005 – nous avons combattu toute forme d’acharnement thérapeutique.
En effet, il ne s’agissait bien évidemment pas de faire souffrir nos concitoyens au terme de leur existence en leur imposant des gestes médicaux inutiles.
Peu à peu, vous mettez en cause d’autres formules : l’alimentation, l’hydratation, la ventilation… Or, selon nous, il ne s’agit pas de traitements mais de soins dus aux petits enfants, aux nourrissons, aux vieillards, aux agonisants.
Ce ne sont pas des traitements et il n’y a donc pas de raison de les interrompre. Nous sommes dans cette logique-là et nous la défendons par différents biais, en particulier à travers ces amendements de repli.
Nos réflexions me semblent de bon sens et sont à mon avis partagées par nombre de nos concitoyens. Il ne s’agit pas simplement d’une question médicale : nous sommes tous concernés. Il convient donc aussi de prendre en compte ce type de réflexions.
Cet amendement reprend la formulation du rapport de la mission conduite par MM. Leonetti et Claeys selon laquelle l’alimentation et l’hydratation artificielles peuvent constituer un cas d’obstination déraisonnable.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 360 .
Dans cette affaire, j’aime les doutes et les incertitudes. Le rapporteur a rappelé tout à l’heure que nous sommes des êtres pensants. L’homme, en effet, est un animal métaphysique, et c’est une bonne définition de la vie que celle qui intègre la notion de conscience de soi. Cette notion, du reste, devient de plus en plus difficile à défendre, puisque nous ne sommes peut-être pas la seule espèce animale à en être dotée – ce qui nous remet à notre place, en rabaissant un peu nos prétentions.
Je crois par conséquent que nous aurions intérêt à être moins impératifs dans ce texte et à laisser une place aux capacités humaines d’interprétation, au travail qu’effectuent quotidiennement les équipes qui prodiguent des soins et des traitements aux patientes et aux patients concernés. Il serait raisonnable de ne pas être impératifs et d’adopter ces amendements, qui, quelle que soit notre position définitive sur ce texte, n’en modifient pas l’architecture. Il faut laisser l’intelligence et l’humanité des soignantes et des soignants s’exercer au quotidien, dans l’intérêt des patients et de leur entourage.
Cette souplesse existe, puisque la notion d’obstination déraisonnable – dont on peut d’ailleurs regretter le caractère flou – laisse bien une place à l’appréciation. Qu’est ce qu’un traitement utile ? Qu’est ce qu’un traitement inutile ? Qu’est ce qu’un traitement proportionné ? Un traitement disproportionné ? Il s’agit toujours d’une interrogation, et d’une interrogation collective, puisqu’il faut souvent que la décision soit prise de manière collégiale. Par ailleurs, lorsque l’obstination est considérée comme déraisonnable, on ne continue pas : on arrête !
Je veux souligner ces deux points : ce qui est raisonnable et déraisonnable fait l’objet d’une appréciation, une appréciation au cas par cas – et le Conseil d’État le rappelle d’ailleurs assez bien. Par ailleurs, lorsqu’on estime qu’on est dans l’ordre du déraisonnable, une conséquence s’impose : c’est l’arrêt des traitements. Et si ces traitements sont de ceux qui maintiennent artificiellement en vie, alors on veille naturellement à assurer au mourant une fin de vie digne et apaisée, et on réconforte sa famille.
Par conséquent, il ne s’agit pas là d’un système mécanique : on n’appuie pas sur trois touches pour décider si l’on doit ou non arrêter les traitements. En revanche, lorsqu’on a estimé que l’obstination est devenue déraisonnable, inutile et disproportionnée, on ne peut pas ne pas arrêter.
La médecine est faite de doute, c’est certain, mais elle est aussi faite d’action. La pensée conceptuelle, aristotélicienne, dont on parlait tout à l’heure, aboutit à un moment donné à une praxis. La praxis consiste à agir, sans être nécessairement sûr que ce que l’on fait est juste – mais ne pas faire, ce peut être tout aussi injuste. Il y a 20 000 ou 30 000 personnes – on dit même parfois 80 000 – dont on arrête les traitements, parce que leur poursuite relèverait d’une obstination déraisonnable, et qui décèdent, parce que le décès doit arriver, si on ne l’empêche pas de se produire par des moyens mécaniques disproportionnés. Faut-il, par précaution, maintenir toutes ces personnes en vie ? Nous sommes tous d’accord pour répondre non.
Le texte qui a fixé ces règles date de 2005. Je sais que certains d’entre vous ne siégeaient pas encore ici en 2005, et au fond, j’en suis heureux, parce que nous n’aurions peut-être pas eu cette belle unanimité s’ils avaient été là à l’époque. Certains d’entre vous étaient bien là en 2005, et nous avons voté cela. Nous l’avons voté, à cette époque déjà ! Avis défavorable.
Même avis.
Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.
Nous n’avons pas été économes en termes de prise de parole… Je vous accorde trente secondes à chacun, pas plus !
La parole est à M. Nicolas Dhuicq.
Un mot seulement, madame la présidente : même si l’argumentaire de notre collègue Jean Leonetti est très construit et parfaitement recevable, je tiens à souligner que nos amendements ne sont pas contradictoires avec cet argumentaire. Je tiens à dire, pour ceux qui nous écoutent, que nous souhaitons seulement ajouter le mot « peuvent » : c’est tout.
Je souscris tout à fait aux propos de notre rapporteur, qui a été très clair. J’ai voté la loi de 2005, et c’est pour moi une fierté. J’estime néanmoins que le fait d’alimenter, de ventiler et d’hydrater un patient ne peut jamais être considéré comme étant de l’ordre du déraisonnable.
C’est de l’ordre de la fraternité, de l’humanité ! Ne pas le faire, c’est obliger le patient à une mort lente. Monsieur le rapporteur, vous allez peut-être me dire le contraire…
…car vous avez plus d’expérience que moi, mais en ce qui me concerne, ce ne peut pas être de l’ordre du déraisonnable. Ces actes d’humanité élémentaires ne sont jamais déraisonnables.
Il s’agit d’introduire dans ce débat la Haute autorité de santé, de façon à donner un caractère peut-être plus objectif encore à ces questions fondamentales.
Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de repli visant, une fois encore, à faire reconnaître le fait que la nutrition et l’hydratation artificielles ne peuvent pas être considérées comme des traitements susceptibles d’être arrêtés. Il nous semble que cette question doit être examinée au cas par cas.
Ce que nous proposons, puisque vous avez refusé nos solutions techniques, puis nos solutions juridiques – nos amendements tendant à remplacer « constituent » par « peuvent constituer » –, c’est de nous référer à des recommandations de bonne pratique élaborées par la Haute autorité de santé. Cela donnerait un gage d’objectivité à ce texte.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 868 .
La loi n’a évidemment pas à entrer dans tous les détails. Confier à la Haute autorité de santé le soin d’élaborer des recommandations de bonne pratique, c’est être pragmatique, c’est coller à la réalité des choses. Cet amendement me paraît donc aller dans le bon sens et apporter un plus à nos travaux.
Ces amendements sont satisfaits, puisque ce sont les recommandations de la Haute autorité de santé qui prévaudront, dans le cadre défini par la loi que nous examinons. Je demanderai donc aux auteurs de ces amendements de les retirer, sans quoi nous serons obligés d’émettre un avis défavorable – alors même, je le répète, que la Haute autorité de santé donne bel et bien un avis.
Même avis. C’est le rôle de la Haute autorité de santé, ce sont précisément ses compétences et c’est donc bien elle qui se prononce. C’est la procédure habituelle et il serait redondant de le préciser. On se demanderait pourquoi cela apparaît dans cette loi, et pas dans d’autres lois, où la Haute autorité de santé doit également se prononcer. J’invite donc les auteurs de ces amendements à les retirer. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.
L’article 2, amendé, est adopté.
Je pensais que nous aborderions ce sujet au début de la séance de ce soir, car il me semble que ce débat est suffisamment important pour que nous lui consacrions du temps – même si je comprends très bien pourquoi nous prolongeons nos débats au-delà de l’heure habituelle.
Cet amendement tend à préciser qu’une personne a le droit de demander une sédation transitoire pour être calmée de souffrances physiques ou morales mal soulagées. Un traitement à visée sédative provoquant une altération de la vigilance est proposé. Il est réversible – c’est le mot important – à tout moment et réévalué quotidiennement après un bref temps d’éveil de la personne. Il est associé à l’administration d’antalgiques ou d’analgésiques proportionnés à l’intensité de ses douleurs.
Il s’agit, chacun l’aura compris, de préférer à un choix définitif un dispositif réversible et susceptible d’être réévalué à tout moment.
En nous demandant de présenter ces amendements, vous nous invitez, madame la présidente, à entamer le débat sur la sédation. Nous souhaitons effectivement que soit inscrit dans la loi, avant l’article 3, où nous examinerons différentes dispositions visant à une sédation profonde et continue jusqu’au décès, le droit à une sédation qui soit à la fois transitoire et réversible – nous tenons à ces deux adjectifs.
Il peut arriver que le patient reprenne conscience et entre de nouveau en contact avec son entourage – il peut d’ailleurs se passer beaucoup de choses dans ces moments-là, entre la personne malade et ceux qui l’entourent. Il serait donc dommage d’enfermer le malade dans une sédation profonde et continue qui le couperait complètement de son entourage. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement no 870 .
Je regrette, moi aussi, que nous abordions dès maintenant, et non au début de la séance de ce soir, la question de la sédation, qui est l’un des points importants de cette proposition de loi. Il me semble important de réaffirmer le caractère réversible de cette sédation, mais nous aurons l’occasion de revenir là-dessus ce soir. Ces amendements portant article additionnel après l’article 2 devaient, dans notre esprit, constituer une sorte d’introduction au débat sur la sédation.
Ces amendements sont satisfaits, puisque ce dispositif existe déjà. Ce n’est pas parce que nous proposons à l’article 3, dans certaines circonstances bien précises, une sédation profonde et continue jusqu’au décès qu’il ne peut pas y avoir une sédation plus légère, proportionnée aux souffrances du patient, et réversible si elle est profonde. Avis défavorable.
Même avis, car ce sont des situations différentes qui sont visées. La possibilité de procéder à une sédation transitoire – pour reprendre le terme de l’amendement – existe déjà, dans des circonstances qui ne sont d’ailleurs pas toujours celles de la fin de vie.
Je voudrais savoir si ce droit, aujourd’hui, est expressément reconnu. Que la possibilité existe dans la pratique, c’est une chose, mais notre préoccupation va au-delà, puisqu’il s’agit de faire reconnaître un droit. Cette proposition de loi reconnaît suffisamment de droits pour que l’on ne fasse pas l’économie de la reconnaissance de celui-ci !
Le débat sur l’article 3 va commencer par une longue série d’inscrits : nous pourrons donc avoir un vrai débat sur le fond.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion de la proposition de loi créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly