Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 11 mars 2015 à 21h45
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Pour éclaircir le débat, et ne pas le prolonger à chaque intervention sur les amendements, je voudrais préciser pourquoi ces trois circonstances ont été retenues.

Je qualifierai la première de ces circonstances de soin palliatif. C’est une procédure de soins palliatifs pour laquelle deux éléments doivent être réunis : un pronostic vital engagé à court terme – il s’agit de quelqu’un qui va mourir – et une souffrance réfractaire – cette personne reçoit des traitements pour soulager sa souffrance, mais ils sont insuffisants. La seule solution est donc la sédation profonde jusqu’au décès. Pourquoi jusqu’au décès ? Parce que bien entendu, on ne va pas réveiller le malade dans ces circonstances pour lui demander s’il va bien ou pas, puisqu’il est en train de mourir. Et pourquoi une sédation profonde ? Parce que l’on a déjà essayé les traitements sédatifs et antalgiques, et qu’ils ont été inopérants. Je pense donc que nous sommes bien d’accord sur la première circonstance prévue par l’article.

La deuxième de ces circonstances correspond au cas d’un malade atteint d’une affection grave et incurable qui arrête un traitement, cet arrêt engageant son pronostic vital à court terme. Pour prendre l’exemple le plus simple, imaginons le cas de quelqu’un qui est sous respirateur artificiel, et qui demande que l’on arrête le respirateur. La référence n’est pas la loi de 2005, mais celle de 2002 : un malade a le droit d’arrêter un traitement, même si cela met sa vie en danger. Dans ce cas, le médecin a le devoir de l’informer ; on demande un délai raisonnable pour essayer de convaincre le patient, on appelle un autre médecin ; mais si le malade persiste dans sa décision, on ne peut le maintenir sous respirateur contre sa volonté. On arrête donc le respirateur.

Il s’agit d’une mesure de soulagement : on est obligé d’arrêter le traitement, mais on sait que cet arrêt aura pour conséquence la mort, et que cette mort sera précédée d’une agonie dans la souffrance. C’est donc le devoir du médecin d’empêcher que cette fin de vie soit douloureuse, ou en souffrance. Par voie de conséquence, on administre donc la sédation pour prévenir la souffrance qui va être induite par la décision du malade, décision contre laquelle nous n’avons aucun recours. On peut même imaginer que le malade refuse qu’on le place sous respirateur artificiel, ou qu’on lui installe une sonde gastrique. Que faire dans ce cas ? Abandonner le malade, parce qu’il a pris une décision contraire à son intérêt ? On est bien obligé, par compassion, par solidarité, par fraternité, de mettre en place un traitement qui empêche non la mort, mais la souffrance qui la précède.

La troisième situation est celle qui s’est présentée dans l’affaire Hervé Pierra. Chacun se souvient de cet homme dont tous les traitements avaient été arrêtés, peu après l’adoption de la loi de 2005 : les médecins ont fermé la porte et n’ont plus rien fait. Lorsqu’on arrête un traitement parce que l’on considère que c’est une obstination déraisonnable, et que le malade va mourir, notre devoir est de continuer les soins. L’objet de ces soins est que le malade ne souffre pas. C’est un devoir vis-à-vis du malade, mais aussi de la famille, qui ne doit pas voir un corps et une vie finissante dans des convulsions ou des douleurs, ou des éléments qui peuvent laisser penser, même si les lésions cérébrales sont majeures, que le malade peut souffrir.

Dans le premier cas, nous sommes donc dans une circonstance de soins palliatifs : nous n’arrivons pas à calmer la douleur, nous passons donc à l’étape supérieure. Dans les deux autres cas, ce sont les conséquences de l’arrêt de traitements. Pour les uns, parce que le malade le souhaite, et que si l’on n’arrive pas à le convaincre, on doit suivre son avis, conformément à la règle déontologique qui prévaut depuis longtemps, et à la loi de 2002, renforcée par celle de 2005. Le dernier cas est celui du malade maintenu artificiellement en vie dont on arrête le traitement parce que l’on considère qu’il y a une obstination déraisonnable. On ne peut regarder ce malade doucement décliner dans la souffrance. Si par exemple on arrête un respirateur en réanimation, on va sédater profondément pour qu’aucune souffrance ne résulte de l’arrêt d’un traitement mis en place à cause d’une obstination déraisonnable qui a été décidé collégialement.

Ces trois cas sont antérieurs au texte dont nous débattons ce soir. Ce sont de bonnes pratiques médicales qui ne relèvent en aucun cas de l’euthanasie.

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