Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 11 mars 2015 à 21h45
Nouveaux droits des personnes en fin de vie — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des affaires sociales :

Je m’inscris bien sûr dans le droit fil de l’intervention d’Alain Claeys. Il est intéressant de rappeler ce qu’était l’exception d’euthanasie dans l’avis du CCNE de 2000, publié en 2001 : il envisage alors dans certains cas exceptionnels, et pas du tout dans le cadre de la sédation terminale ou d’une agonie prolongée, la possibilité d’un acte euthanasique – employant même l’expression : « engagement solidaire ». Mais après la loi de 2005, Didier Sicard a considéré que si la notion d’exception d’euthanasie était nécessaire à une époque où existait l’obstination déraisonnable, elle n’avait plus d’intérêt depuis. J’ajoute que dans les conclusions du rapport qu’il a rédigé à la demande du Président de la République, après avoir parcouru la France, il n’est plus question ni d’exception, ni d’euthanasie, ni de suicide assisté. Au fur et à mesure de l’évolution de la législation et des pratiques à travers le développement des soins palliatifs, il a donc totalement renoncé à cette notion qui, de toute façon, était en elle-même très particulière puisqu’il est compliqué de prévoir la notion d’exception dans une loi.

Je rappelle aussi que Gaëtan Gorce, après avoir à un moment donné développé l’idée d’exception d’euthanasie, s’est trouvé la difficulté suivante : une exception n’est pas un droit, et il convient donc de déterminer qui la définirait, sans doute un comité de sages, nommé par je ne sais qui, qui aurait le pouvoir de dire « oui » ou « non » aux demandes d’exception… Or en droit français, un tel pouvoir suppose un droit de recours, ce qui n’était pas prévu. De surcroît, ces exceptions à la loi auraient été définies selon des critères forcément subjectifs.

En outre, vous évoquez le panel citoyen, mais vous savez que l’exception d’euthanasie prévue dans votre amendement n’est pas celle qu’il proposait : il s’agissait de malades purement inconscients hors sédation, et dont l’état pouvait de ce fait justifier l’application de la notion d’obstination déraisonnable aboutissant au décès, et la proposition de loi prévoit de tels cas.

En fait, vous redoutez l’agonie prolongée. Mais les termes que vous utilisez à cet égard n’apportent pas de précision. Qu’est-ce qu’un délai raisonnable ou déraisonnable ? Comment le définiraient la famille ou les proches ? Le dispositif que vous proposez est donc confronté à une difficulté particulière.

Pour terminer, si vous avez raison de rappeler que le terme « euthanasie » a été employé par le Comité consultatif national d’éthique, le texte que je présente avec Alain Claeys ne prévoit pas ce dispositif. Même si on peut très bien comprendre la raison pour laquelle vous revenez sur ce sujet, je rappelle que le long débat que nous avons eu en début d’après-midi a été tranché.

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