Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 9h30
Garantir le droit d'accès à la restauration scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, j’interviens à la place de ma collègue Brigitte Allain, retenue par des auditions dans le cadre de la mission d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires, sujet lié à celui qui nous occupe aujourd’hui.

Pour le groupe écologiste, cette proposition de loi est une avancée importante et une nécessité face au refus de certaines communes d’accueillir tous les enfants à la cantine.

Pourquoi soutiendrons-nous cette proposition de loi ? En premier lieu, au nom du principe fondamental de l’égal accès de tous aux services publics et donc au nom de l’accès de tous les enfants à la restauration scolaire. Le combat pour l’égalité des droits est un engagement quotidien.

L’école doit, plus que jamais, incarner l’inclusion, l’égalité des chances, l’apprentissage de la solidarité, du vivre-ensemble et du respect de l’autre. Peut-on prendre le risque de priver un enfant de nourriture ? Que peut-on lui enseigner si ce besoin naturel de base n’est pas assouvi ? Comment un enfant peut-il ne pas ressentir l’injustice d’un tel rejet par une institution de la République ?

Nous soutiendrons aussi cette proposition de loi au nom du respect de la convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’assemblée générale des Nations unies en 1989 et qui consacre le principe de non-discrimination.

Oui, nous devons refuser toutes les discriminations, toutes les exclusions, qui sont des violences morales, subies avec plus d’acuité encore par les personnes les plus fragiles, comme les enfants.

Malheureusement, dans le monde aujourd’hui, 870 millions d’êtres humains souffrent de malnutrition. Pas moins de 79 millions d’Européens vivent en dessous du seuil de pauvreté et 16 millions dépendent de l’aide alimentaire.

Nous soutiendrons aussi cette proposition de loi car l’accès de tous les enfants à la restauration collective dès le plus jeune âge est un enjeu de santé public et d’égalité sociale. Le lien entre la qualité de l’alimentation à domicile et la catégorie socioprofessionnelle des parents est réel.

Les enfants issus des familles aux revenus modestes sont plus nombreux à souffrir de troubles de l’alimentation, comme l’obésité – 20 % d’entre eux sont touchés contre seulement 12% pour les enfants nés de parents cadres ou de professions intermédiaires, d’après les chiffres de l’Institut national de veille sanitaire.

Accompagnés par des politiques publiques, comme le programme national nutrition santé – PNS – et le programme national pour l’alimentation – PNA –, et dotés d’une forte volonté de progresser, les élus, directeurs et directrices d’école, intendants et parents d’élèves font évoluer les repas vers des assiettes plus équilibrées composées de produits de proximité et biologiques.

L’objectif d’introduire 20 % de produits biologiques dans la restauration collective, prévu par le Grenelle de l’environnement, n’est malheureusement pas encore atteint mais nous avançons, car les effets bénéfiques de ces produits sur la santé ne sont plus à prouver.

Ma collègue Brigitte Allain, qui travaille de longue date sur les enjeux liés à l’alimentation, a été récemment nommée rapporteure de la mission d’information sur les circuits courts et la relocalisation des filières agroalimentaires. À travers les nombreuses auditions qu’elle mène, elle a pu constater que les cantines peuvent devenir des lieux hautement éducatifs et porteurs d’enjeux forts sur l’éducation aux besoins nutritionnels, à la diversité, au goût mais aussi au civisme – apprendre à respecter son voisin de table, trier les déchets, ou encore ne pas jeter la nourriture pour ne citer que ces quelques exemples. N’oublions pas que 40 % de notre nourriture est jetée, taux qui atteint parfois 50 % dans la restauration collective.

Manger, partager les repas c’est aussi accéder à une culture. D’ailleurs, ces dernières années, des efforts importants ont été faits pour réintroduire l’art de la cuisine, des produits bio et de proximité dans la restauration hors domicile, notamment avec la reprise en gestion directe des cuisines.

Enfin, nous soutiendrons cette proposition de loi car, pour nous, dans un contexte de creusement des inégalités, la plus mauvaise des réponses est l’exclusion qui marque la défaillance des politiques.

Les quelques élus des collectivités locales qui refusent l’accès de tous les enfants à la restauration scolaire invoquent des raisons de bonne gestion budgétaire mais, plus grave, certains utilisent des critères de sélection.

Les familles dont l’un des parents est chômeur, selon eux, pourraient garder leurs enfants à domicile. Or, élever un enfant doit être conciliable avec l’accès à l’emploi, avec la formation, avec la participation à la vie citoyenne. C’est aussi une question d’égalité entre les hommes et les femmes car c’est encore, le plus souvent, la mère qui est concernée. Les enfants qui appartiennent aux milieux les plus fragilisés doivent avoir accès aux mêmes activités que leurs camarades plus chanceux.

De même, les enfants souffrant de troubles de la santé ou d’un handicap physique, mental ou psychique, qu’ils soient ou non soumis à l’observance d’un régime alimentaire, doivent pouvoir rester à la cantine avec leurs camarades.

L’école et le milieu périscolaire doivent être les lieux de l’inclusion, de l’égalité des chances, de l’apprentissage de la solidarité, du respect de l’autre dans ses différences, qu’elles soient physiques, culturelles, cultuelles ou d’origine.

De surcroît, ne pas permettre aux élèves handicapés de rester avec leurs camarades lors de la pause méridienne risquerait d’être un facteur favorisant leur déscolarisation.

L’un de nos amendements, d’ailleurs, vise à préciser ce point, pour qu’il ne soit plus permis d’exclure de la restauration scolaire, lorsque ce service existe bien entendu, les enfants en situation de handicap ou souffrant de troubles alimentaires. Le Conseil d’État ainsi que le défenseur des droits, à deux reprises, ont insisté sur cet impératif.

Proposée par le groupe RRDP, cette proposition de loi, qui donne la possibilité à chaque parent d’inscrire son enfant à une cantine, quelle que soit la situation des parents et de cet enfant, recueillera bien sûr le soutien des écologistes, même si en arriver à devoir prendre une loi pour rappeler le principe constitutionnel de « l’égal accès des usagers aux services publics » nous interroge sur la société dans laquelle nous vivons.

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