Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 12 mars 2015 à 9h30
Garantir le droit d'accès à la restauration scolaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

D’où le bien-fondé de cette proposition de loi.

Toutefois, une fois cette loi adoptée, le droit à la restauration scolaire en primaire ne sera toujours pas inscrit dans les lois de la République. Vous assumez le choix de ne pas proposer qu’obligation soit faite aux communes ou aux intercommunalités de disposer en primaire d’une cantine scolaire. En n’instaurant pas cette obligation, vous n’engagez pas la responsabilité de l’État dans l’effectivité d’un droit à la restauration scolaire pour tous les élèves de primaire.

Nous allons certes aujourd’hui, en adoptant cette proposition de loi, agir utilement et efficacement contre des discriminations inacceptables mais sans pour autant assurer sur le sujet qui nous occupe l’égalité de traitement de tous les enfants de notre République. Bien sûr, créer un droit signifierait engagement de l’État et engagement de dépenses publiques supplémentaires, ce qui irait à l’encontre du dogme actuel de réduction des dépenses publiques. Pourtant, une telle dépense serait un investissement humain utile.

Il est d’ailleurs assez paradoxal que l’article 2 du texte propose d’augmenter la dotation globale de fonctionnement aux communes mettant fin à leurs pratiques discriminatoires, alors que votre majorité a décidé de diminuer de plus de trois milliards cette dotation, ce qui pénalisera y compris donc les communes vertueuses en matière d’accès à la restauration scolaire !

Chers collègues, en ces temps de crise de notre démocratie, nous devons être attentifs à la clarté de la loi et veiller à ce que chaque droit créé soit assorti de garanties concernant les moyens de son effectivité ; à défaut, la parole politique est inaudible.

Je prends donc votre proposition de loi comme un acte positif contre les exclusions dont sont victimes certains enfants et comme un appel à un retour au financement de politiques publiques ambitieuses et innovantes visant à répondre aux besoins essentiels, dont celui d’être bien nourri. La dépense publique est aussi un investissement. Il arrive que l’endettement consenti pour chercher, inventer, produire et répondre aux défis d’un développement durable et du progrès social soit un placement d’avenir.

Les collectivités locales sont à l’origine de 70 % des investissements engagés, qui peuvent concerner une cuisine centrale, la peinture d’un réfectoire ou encore le renouvellement de son mobilier. En répondant aux besoins des populations, les collectivités sont une source de développement économique. Aussi, j’espère que le groupe de travail créé après la rencontre entre le Premier ministre et l’Association des maires de France permettra de revenir sur la baisse des niveaux de la dotation globale de fonctionnement et d’accroître l’aide apportée aux maires bâtisseurs et aux acteurs de l’égalité territoriale.

Votre proposition de loi sur l’accès à la cantine conduit également à poser la question du coût de la restauration scolaire et de la possibilité pour une famille d’y inscrire ou non ses enfants. Certes, le code de l’éducation précise que le prix du repas à la cantine ne peut être supérieur à son coût réel. Cependant, des communes ne seront-elles pas amenées, faute de moyens, à augmenter les tarifs ? Des familles à faibles ressources pourraient ainsi être exclues de fait, sans que votre loi soit opérante. Ne faut-il pas envisager quelle mesure incitative pourrait être prise pour que se généralisent les quotients familiaux ?

En effet, nous ne pouvons – ce sera ma dernière remarque – accepter les inégalités territoriales et sociales au sein même du parcours scolaire, comme je peux encore le constater dans mon département, où la communauté éducative reste mobilisée pour exiger un nouveau plan de rattrapage en moyens pédagogiques et en enseignants.

Les objectifs de la loi de refondation de l’école visant à ce qu’il y ait plus de maîtres que de classes et à développer la scolarisation des enfants de moins de trois ans en maternelle se réalisent lentement. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, vingt-six classes accueillent des enfants de moins de trois ans sur 425 écoles maternelles, et trente-huit écoles primaires bénéficient du dispositif « Plus de maîtres que de classes » sur 440 établissements. Malgré l’augmentation du budget de l’éducation nationale, après des années de disette sous l’ancienne majorité, les moyens sont encore insuffisants et la question de l’égalité républicaine reste posée.

Nous voterons cette proposition de loi qui s’attaque clairement à une discrimination contraire aux droits des enfants, mais les députés du Front de gauche émettent ce vote positif comme un appel à une nouvelle mobilisation de la République pour l’éducation de ses enfants.

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