Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe radical tend à réformer le test visant à prouver les connaissances de la langue française, obligatoire pour toute personne désirant se faire naturaliser, sauf pour les personnes qui ont suivi, en France, une formation en langue française et visée par un diplôme.
La loi actuelle ne prévoit en effet qu’une simple suppression de stage pour les personnes de langue maternelle francophone qui répondent aux critères définis dans le code civil. Des assouplissements ont eu lieu depuis 2012 et nous saluons un véritable changement de cap dans le domaine de la naturalisation grâce à cette majorité gouvernementale. Le nombre de naturalisations avait été divisé par deux entre 2010 et 2012, pour atteindre 46 000 personnes par an. Depuis, les critères ont heureusement été assouplis et nous sommes revenus à une pratique plus conforme à notre vision de la nationalité et à nos intérêts.
Depuis des siècles, la France s’est enrichie grâce à sa politique de naturalisation. On pourrait citer non seulement Apollinaire, Chagall, Uderzo, Zola, Marie Curie, mais également notre Premier ministre, Manuel Valls.
On peut penser à Lassana Bathily, qui a été naturalisé après son action héroïque lors de la prise d’otage de l’Hyper Cacher.
Concernant spécifiquement les tests linguistiques, des assouplissements importants ont été mis en oeuvre pour les postulants de plus de soixante-cinq ans, pour les étrangers francophones ainsi que pour les candidats souffrant d’un handicap ou d’un état de santé déficient chronique. Cela reste toutefois insuffisant pour une partie des étrangers ressortissants de pays francophones qui n’ont pas eu leur diplôme ou ne peuvent le produire – c’est le cas des réfugiés –, qui ont étudié dans un pays non francophone – ou dont le Français est l’une des langues officielles – tout en ayant le français pour langue maternelle, ou qui ont obtenu leur diplôme dans un lycée français. Ces étrangers francophones, bien qu’ayant une excellente connaissance de la langue française, restent, en l’état du droit, obligés de passer un test linguistique, ce qui n’a guère de sens. Cela est même souvent vécu comme une vexation ; j’en veux pour preuve l’exemple d’une jeune femme québécoise de ma connaissance, francophone de naissance, ayant dû passer ce test quand son mari de nationalité française est revenu en France.
Cette proposition de loi se contente de corriger et d’assouplir les dispositions du décret de 2011 mais elle rompt, dans le prolongement des mesures prises en 2013, avec la logique qui visait à restreindre l’accès à la nationalité française. Rappelons qu’un ministre de l’intérieur de l’ancienne majorité s’était fixé pour objectif la diminution du nombre des naturalisations. En outre, dans son rapport sur l’accès à la nationalité française d’octobre 2012, M. Mennucci avait constaté les effets pervers de la loi de 2011 et les pratiques abusives de certaines préfectures. Le groupe écologiste se réjouit donc que le Gouvernement et le législateur aient décidé de rompre avec cette période un peu sombre.
En ce qui me concerne, étant bilingue, j’ai toujours pensé que la langue était aussi le reflet de ce que nous pouvions être. On peut exprimer ses émotions et ce que nous sommes dans plusieurs langues. Et j’ai toujours trouvé curieux que la République fasse souvent le lien entre la langue française et la citoyenneté. Il est bien sûr compréhensible que le français soit la langue commune, mais yezh ma c’halon ha ma ene a zo ar brezhoneg – la langue de mon coeur et de mon âme est bien le breton –, ce qui ne fait pas de moi un français pire, ou d’ailleurs meilleur, que les autres. La langue ne fait pas le citoyen. Nous aurons un jour à corriger cette erreur, voire cette perversion de l’idéal républicain, qui provient de la Révolution française et notamment de Barère, pour qui la contre-révolution parlait le bas breton, le fanatisme le basque, ou la réaction l’allemand. Pour moi, véritable républicain, la langue ne fait pas le citoyen. Cela explique peut-être certaines divergences par rapport aux positions de certains.
Je tiens également à appeler votre attention sur la question de l’acquisition de la langue dès le plus jeune âge. Il arrive que nos instituteurs, désireux d’entendre les enfants parler la langue commune qu’est le Français, ce qui est légitime, incitent les parents étrangers à parler le français, même lorsque ceux-ci n’en ont pas une maîtrise suffisante. Or, les enfants ne peuvent acquérir le langage que si la langue est suffisamment riche. Parfois, leurs parents feraient donc mieux de leur parler dans leur langue d’origine pour leur donner une assise linguistique solide, ce qui leur permettrait d’apprendre ensuite plus facilement le français à l’école.
Cette proposition de loi a été améliorée en commission des lois et nous nous félicitons que la dérogation ait été étendue, par voie d’amendement, aux conjoints de Français, qui doivent parfois suivre un incompréhensible parcours du combattant.
Le groupe écologiste a par ailleurs déposé un amendement qui a trait à un autre problème, celui des entretiens d’évaluation pour la naturalisation, dans la mesure où la préfecture ne justifie pas toujours sa décision. Cet amendement, dans une version différente, a été longuement discuté en commission, à l’initiative de mon collègue Sergio Coronado qui est actuellement retenu dans sa circonscription, celle des Français d’Amérique latine, citoyens dont les conjoints sont directement concernés par cette proposition de loi.
Ainsi, actuellement, en cas de décision de rejet de naturalisation par les services préfectoraux pour insuffisance des connaissances, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, l’intéressé ne peut invoquer l’entretien individuel qui n’aurait pas été jugé satisfaisant, pour la bonne raison qu’il n’a pas directement accès au compte rendu prévu par le décret de 1993.
Les demandeurs se voient ainsi contraints de recourir à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, procédure lourde parfois incompatible avec les délais de recours. La loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public prévoit pourtant que « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. »
L’amendement vise à ce que, en cas de rejet sur le fondement d’un défaut d’assimilation, le compte rendu sera joint à la décision et envoyé aux intéressés. Cela leur permettrait de mieux comprendre les motifs de refus et de lever une difficulté réelle à laquelle ils sont confrontés.
Nous avons modifié cet amendement afin de répondre aux différentes critiques exprimées en commission par le rapporteur ainsi que par plusieurs de nos collègues. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette rédaction remaniée, sous-amendée par les membres du groupe SRC, et qui a été acceptée par la commission des lois lors de sa réunion tenue en application de l’article 88 de notre règlement.
En conclusion, cette proposition de loi est plus que bienvenue, car elle mettra fin à des pratiques inutiles et vexatoires pour les candidats à l’accession à la nationalité française par naturalisation. C’est pourquoi le groupe écologiste la votera avec conviction et enthousiasme.
Le 14/03/2015 à 15:37, laïc a dit :
" Nous aurons un jour à corriger cette erreur, voire cette perversion de l’idéal républicain, qui provient de la Révolution française et notamment de Barère, pour qui la contre-révolution parlait le bas breton, le fanatisme le basque, ou la réaction l’allemand."
La contre révolution était animée par les Vendéens, qui parlaient un patois de langue d'oïl, mais ce sont surtout les prêtres catholiques,qui parlaient fort bien le français, qui étaient l'âme de la contre révolution, et qui excitaient les populations vendéennes aux meurtres et terribles exactions contre les soldats de la République. La contre révolution, c'était la religion catholique, et la religion continue de nos jours, par le biais entre autre de l'islam, à être hostile aux valeurs et lois de la République.
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