La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
La parole est à M. Jacques Krabal, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée des droits des femmes, mes chers collègues, cette troisième proposition de loi du groupe RRDP vise à supprimer une formalité inutile imposée aux étrangers francophones désirant acquérir la nationalité française. Avant d’en développer les termes, je tiens à rappeler que cette proposition de loi découle d’un engagement de notre groupe, et plus particulièrement de mon collègue et ami Joël Giraud.
Ayant vécu de nombreuses années dans des pays frontaliers – en Belgique, en Suisse, et ailleurs –, Joël Giraud a pu constater sur le terrain la difficulté pour les francophones d’être naturalisés français. Il a donc cherché le moyen de faciliter la naturalisation de ceux qui possèdent les subtilités de la langue de Voltaire, et de Jean de La Fontaine.
Le code civil subordonne l’acquisition de la nationalité française par la voie de la naturalisation ou à raison du mariage, ainsi que la réintégration dans la nationalité française, à la condition d’une « connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française ». La maîtrise de notre langue est en effet une preuve d’assimilation à notre société.
L’objet de la proposition de loi n’est en aucune manière de soustraire les étrangers francophones à cette condition. Son but est simplement de les dispenser d’avoir à passer un test linguistique spécifique destiné à des étrangers non francophones.
Je rappelle que le contrôle de la connaissance de la langue française a déjà été réformé par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, et par le décret du 11 octobre 2011 relatif au niveau de connaissance de la langue française requis des postulants à la nationalité française. Depuis le 1er janvier 2012, les candidats à la nationalité française doivent justifier de leur maîtrise de la langue française par un diplôme ou une attestation spécifique délivrée par des organismes de formation disposant du label « Français langue d’intégration » ou agréés par le ministère de l’intérieur.
Le niveau exigé correspond au niveau dit « B 1 » du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe, c’est-à-dire le niveau d’un utilisateur indépendant. Seul le niveau oral de maîtrise de la langue est pris en compte. Ce dispositif a déjà été largement assoupli pour les personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français par un décret en date du 30 août 2013. Cet assouplissement reste toutefois insuffisant, en particulier pour les ressortissants d’un pays francophone, dont le français est la langue maternelle, et qui ne peuvent produire un tel diplôme.
De nombreux étrangers, bien que parfaitement francophones, se trouvent ainsi obligés, parfois de manière humiliante, de passer un test linguistique, dont le coût avoisine une centaine d’euros lorsqu’il est passé dans un établissement commercial. Je songe aux étrangers ressortissants de pays francophones ne pouvant produire un diplôme soit parce que leur niveau d’études n’a pas été sanctionné par un diplôme, soit parce qu’ils ont étudié dans un pays non francophone tout en ayant le français pour langue maternelle, soit encore parce qu’ils ne sont pas en mesure de produire le diplôme obtenu, compte tenu des circonstances de leur départ et du fait qu’il leur est impossible de se rendre dans leur pays d’origine – c’est en particulier le cas des réfugiés. Obliger ces étrangers ayant une excellente connaissance de la langue française à passer un test linguistique n’a pas de sens. C’est pourquoi la proposition de loi assouplit le contrôle des connaissances linguistiques des candidats francophones à la nationalité française.
La commission des lois a pleinement approuvé l’objectif poursuivi par cette proposition de loi. Elle a substantiellement modifié le texte dans un souci d’amélioration rédactionnelle, à la suite des échanges que nous avons eus avec le ministère de l’intérieur.
À notre initiative, la commission a clarifié la rédaction de cette proposition de loi afin qu’il apparaisse clairement que son objet est de dispenser les postulants à la nationalité française de la production d’un diplôme ou d’une attestation spécifique justifiant de leur niveau de français, et non de les dispenser de la maîtrise du français, laquelle sera systématiquement vérifiée lors d’un entretien individuel.
La commission a également étendu la dispense prévue aux conjoints étrangers de Français souhaitant acquérir la nationalité française par déclaration. Rien ne justifiait en effet de limiter la dispense proposée aux seuls postulants à la nationalité française par la voie d’une naturalisation.
Enfin, la commission a inclus dans le champ du dispositif les étrangers qui, bien que non ressortissants d’un pays ayant le français pour langue officielle ou parmi ses langues officielles, sont titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français.
Ainsi modifiée, la proposition de loi supprimera une rigueur aussi excessive qu’inutile et apportera une simplification bienvenue. J’espère qu’elle suscitera un large consensus, comme cela a été le cas en commission.
Cet assouplissement s’inscrit dans une tradition républicaine à laquelle les députés du groupe RRDP tiennent beaucoup, celle d’une France diverse, ouverte et accueillante aux étrangers. Faut-il rappeler qu’un quart des Français a au moins un parent ou un grand-parent étranger ? C’est mon cas, et c’est aussi le cas d’autres députés ici présents. La France a toujours été un carrefour ; c’est ce qui a fait, selon l’expression employée par Fernand Braudel dans ses Écrits sur l’histoire, « notre importance et notre gloire. »
Apollinaire, Brassaï, Giroud, Kandinsky, Kessel, Ionesco, Montand, Cendrars, Charpak, Chagall, Vadim, Stravinsky… La liste est longue, de ces Français illustres, qui ont tant fait pour la grandeur de notre pays et qui ne sont pas nés français, mais qui le sont devenus. C’est le creuset français, grâce auquel l’on peut naître Kacew Roman – plus connu sous le nom de Romain Gary – à Vilnius, devenir consul général de France et remporter deux fois le prix Goncourt, ou naître Maria Salomea Sklodowska – que nous connaissons sous le nom de Marie Curie – à Varsovie et devenir la seule Française à obtenir deux fois le prix Nobel !
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des droits des femmes.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, comme vous le savez, le Gouvernement accorde une attention particulière aux conditions et aux modalités d’accès à la nationalité française. Il est en effet de tradition, dans notre République, d’accueillir comme citoyens les personnes qui, venues d’ailleurs, ont démontré leur attachement profond à la France, par leur maîtrise de la langue française et par leur connaissance et leur respect de notre héritage, de nos valeurs et de notre droit.
L’accès à la nationalité française doit donc être, pour ceux qui le souhaitent, l’aboutissement logique d’un parcours d’intégration puis d’assimilation – pour reprendre les termes du code civil – réussi, souvent long de plusieurs années. Il constitue aussi un acte fort, tant pour la personne qui s’engage dans cette voie que pour notre communauté. La perspective d’une naturalisation et l’existence de modalités d’accès à la nationalité claires et effectives sont également des facteurs d’intégration à part entière.
Pour ces raisons, l’accès à notre nationalité doit répondre à des principes tout à la fois justes et exigeants. Le gouvernement de Manuel Valls et, avant lui, celui de Jean-Marc Ayrault, se sont en ce sens efforcés de rétablir des critères transparents et identiques sur l’ensemble du territoire. Deux circulaires du 16 octobre 2012 et du 21 juin 2013 ont ainsi corrigé les interprétations restrictives diffusées entre 2010 et 2012, lesquelles avaient divisé par deux, de manière tout à fait opaque, le nombre de naturalisations au cours de cette période.
Ensuite, pour assurer l’égalité de traitement des postulants à la nationalité française et pour améliorer l’efficacité des procédures, le ministère de l’intérieur a engagé une simplification administrative, notamment par le déploiement de plates-formes de naturalisation, ainsi que par une rénovation des outils à la disposition des services instructeurs. Le ministre de l’intérieur aura ultérieurement l’occasion de vous présenter ces travaux qui aboutiront tout prochainement.
Maintien d’exigences d’intégration élevées, clarification et sécurisation des critères, simplification et rationalisation des démarches administratives afférentes : telles sont les orientations du Gouvernement en matière d’accès à la nationalité française. C’est à l’aune de ces objectifs qu’il se propose d’examiner les propositions d’évolutions législatives qui lui sont soumises, y compris la proposition de loi discutée aujourd’hui. Celle-ci tend à préciser les conditions d’acquisition de notre nationalité par une personne étrangère, en particulier la condition d’assimilation à la communauté française, à laquelle tout postulant à la nationalité française est naturellement soumis, qu’il demande à accéder à la nationalité par la voie du décret ou par celle de la déclaration à raison du mariage avec un Français. Dans ce cadre, comme le prévoit l’article 21-24 du code civil, la connaissance suffisante de la langue française constitue un élément d’appréciation essentiel.
Les personnes qui souhaitent acquérir la nationalité française doivent ainsi apporter la preuve de cette connaissance selon des modalités qui ont été précisées par le décret no 93-1362 du 30 décembre 1993, modifié à plusieurs reprises. Depuis le 1er janvier 2012, ce texte prévoit que pour devenir française, toute personne doit être capable « de comprendre les points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante » et « d’émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans des domaines d’intérêt. » Le niveau attendu correspond au niveau « B 1 » du cadre européen commun de référence pour les langues – CECRL – adopté par le Conseil de l’Europe en 2008.
Actuellement, les personnes étrangères concernées doivent prouver qu’elles ont acquis ce niveau en présentant, dans leur dossier, soit un diplôme permettant de justifier d’un niveau égal ou supérieur au niveau requis, soit une attestation délivrée à l’issue d’une formation ou d’un test linguistique.
Le dispositif réglementaire dispense cependant deux catégories d’étrangers de l’obligation de produire un tel document : d’une part, les personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français ; d’autre part, les personnes souffrant d’un handicap ou d’un état de santé déficient chronique ou âgées d’au moins soixante ans. Le niveau de connaissance du français de ces personnes est vérifié par un agent de préfecture lors d’un entretien individuel.
Cette proposition de loi vise, dans sa rédaction amendée par la commission des lois, à faire entrer dans ce régime d’exemption une troisième catégorie d’étrangers : ceux qui entrent dans le cadre défini par l’article 21-20 du code civil. Cet article porte non pas sur l’assimilation linguistique des postulants, mais sur la durée de résidence en France dont ils doivent justifier au moment du dépôt de leur demande de naturalisation. Cette obligation de résidence, appelée couramment « condition de stage », est de manière générale de cinq ans.
L’article 21-20 du code civil exempte toutefois de cette condition les étrangers ressortissants des vingt-huit territoires ou États dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français, sous réserve que le français soit leur langue maternelle ou qu’ils justifient d’une scolarisation minimale de cinq années dans un établissement enseignant en langue française.
En clair, la proposition de loi vise à créer une présomption de connaissance suffisante de notre langue au profit des personnes dont le code civil prévoit qu’elles peuvent demander leur naturalisation sans durée minimale de séjour sur notre territoire, du fait de leur appartenance à l’entité culturelle et linguistique française. En raison de cette présomption, ces personnes seraient dispensées de devoir justifier de leur niveau de maîtrise de la langue française par la production d’un diplôme ou d’une attestation. Leur niveau linguistique serait seulement vérifié lors d’un entretien individuel.
Par ailleurs, vous proposez, par cohérence, d’inscrire dans la loi la disposition, déjà introduite dans le décret du 30 décembre 1993 par le décret no 2013-794 du 30 août 2013, qui permet aux personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français de bénéficier de la même présomption et de voir leur niveau de langue vérifié seulement lors de l’entretien individuel.
Votre proposition a donc pour objet de renforcer la cohérence des dispositions encadrant l’appréciation du niveau linguistique des personnes francophones entrant dans le champ des dispositions de l’article 21-20 du code civil. Il peut en effet paraître incongru de dispenser de la condition de stage une personne appartenant à l’entité culturelle et linguistique française tout en la soumettant aux modalités de vérification des connaissances linguistiques applicables aux postulants non francophones.
L’assouplissement proposé semble pouvoir être mis en oeuvre sans alourdir les procédures administratives. Le postulant à la nationalité française doit d’ores et déjà se présenter à un entretien avec un agent de préfecture afin d’évaluer son degré d’assimilation à la communauté française et ses connaissances de l’histoire, de la société et de la culture françaises et des droits et devoirs conférés par la nationalité française. La maîtrise du français par le public visé par votre proposition pourra donc être appréciée à cette occasion.
Par ailleurs, le texte de la proposition issu de la commission des lois n’altère en rien le niveau de connaissance linguistique requis, auquel le Gouvernement est attentif. En effet, en cas de constat défavorable, le représentant de l’État pourra toujours remettre en cause la présomption de connaissance de la langue française établie au bénéfice des postulants originaires de l’espace francophone ou ayant suivi des études en langue française s’il estime, sur la base d’éléments objectifs, que la personne n’a pas confirmé le niveau de connaissance attendu.
Votre proposition de loi rejoint les orientations que le Gouvernement a fixées en matière d’accès à la nationalité française. Celui-ci la considère donc favorablement, sous réserve du maintien de son équilibre général au terme de la discussion par votre assemblée.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe des radicaux de gauche et apparentés, que je représente aujourd’hui à cette tribune, vous propose d’étudier un texte relatif aux connaissances linguistique des candidats francophones à la naturalisation, texte que j’ai déposée avec certains de mes collègues. Cette proposition de loi doit permettre d’améliorer les conditions d’accès à la naturalisation des personnes francophones. Mais si nous voulons simplifier certaines conditions d’accès, je le dis tout de suite, notre volonté n’est absolument pas de supprimer un quelconque test de langue.
En effet, pour nous, radicaux de gauche, la maîtrise de la langue reste importante. Elle est bien évidemment vecteur de communication et d’intégration et les dispositions actuellement en vigueur concernant les tests de langue ainsi que le niveau requis pour se présenter à la naturalisation nous paraissent justifiées.
S’il n’est pas demandé aux candidats de disserter philosophiquement sur la peine de mort avec un examinateur, comprendre l’enseignant de ses enfants, pouvoir échanger avec ses voisins, réussir à faire certaines démarches administratives – car, avouons-le, elles relèvent parfois des douze travaux d’Hercule – et pouvoir comprendre certaines notions qui font du candidat un citoyen prenant part entièrement à la cité reste essentiel.
Mais, je viens de le dire, la lourdeur de notre administration est parfois très importante. Aujourd’hui, le demandeur doit justifier d’une résidence habituelle en France pendant les cinq années qui précèdent le dépôt de sa demande, sauf exception – réduction ou dispense. La durée de résidence habituelle en France est réduite à deux ans dans les cas suivants : pour l’étranger qui a accompli avec succès deux années d’études en vue de l’obtention d’un diplôme délivré par un établissement d’enseignement supérieur français ; pour l’étranger qui contribue au rayonnement de la France ; pour l’étranger présentant un parcours exceptionnel d’intégration – activités ou actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif.
Il existe également une dispense de durée minimum, puisque n’est pas soumis à la condition de résidence habituelle de cinq ans l’étranger qui se trouve dans l’une des situations suivantes : avoir accompli des services militaires dans l’armée française ; avoir contracté en temps de guerre un engagement volontaire dans les armées françaises ou alliées ; avoir rendu des services exceptionnels à la France – dans ce cas, le décret de naturalisation intervient après avis du Conseil d’État sur rapport motivé du ministre compétent ; avoir obtenu le statut de réfugié en France ; appartenir à l’entité culturelle et linguistique française, lorsqu’il est ressortissant d’un territoire ou État dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français et que le français est sa langue maternelle ou qui justifie d’une scolarisation d’au moins cinq ans dans un établissement enseignant en langue française.
Et c’est précisément sur ce dernier point que notre proposition de loi veut agir. Aujourd’hui, la loi permet donc à tout citoyen de langue maternelle française appartenant à l’entité culturelle et linguistique française et provenant d’un État avec pour langue officielle le français et ayant été scolarisé pendant cinq ans de déposer une demande de naturalisation.
Bref, pour illustrer ce propos, un Suisse roman, un Belge wallon, voire un Canadien québécois, par exemple, pourrait déposer une demande de naturalisation le jour où il décide de s’établir en France. Si, en pratique, la loi lui permet de déposer sa demande de naturalisation, l’assimilation à la France sera toutefois plus compliquée à prouver avec si peu de jours passés dans notre pays. Mais ce sont les dispositions actuellement en vigueur.
Depuis le 1er janvier 2012 et jusqu’au 1er septembre 2013, ces candidats devaient passer un test de langue prouvant leur maîtrise linguistique du français. Il était étrange qu’une maîtrise universitaire de la faculté de Genève ou de Montréal ne soit pas considérée comme une preuve suffisante des connaissances linguistiques. Vous avouerez, mes chers collègues, que c’est plutôt burlesque : il suffit de se pencher sur les études du Programme international pour le suivi des acquis des élèves – PISA – pour se rendre compte que nous sommes mal placés en France pour exiger des candidats provenant d’autres pays francophones en Europe, par exemple, d’attester d’une maîtrise contrôlée du Français.
Cette situation était d’autant plus étrange que, dans le processus de Bologne mis en place à la fin des années nonante – pardon, quatre-vingt-dix ! (Sourires) – et au début des années 2000, ces mêmes diplômes universitaires étaient reconnus comme une preuve suffisante de la maîtrise du français pour un étudiant wallon voulant suivre une formation académique en France. En résumé, jusqu’en 2013, la loi se contredisait assez singulièrement.
Certes, comme je le disais auparavant, le dispositif a déjà été légèrement assoupli par le décret no 2013-794 du 30 août 2013 pour les personnes titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études en français. Mais cet assouplissement reste insuffisant, en particulier pour les ressortissants d’un pays francophone dont le français est la langue maternelle et ne pouvant produire un tel diplôme. Là aussi, nous restons dans une logique qui peut être remise en cause.
Dès lors, la présente proposition de loi vise à assouplir ce contrôle exagérément strict afin de faciliter l’accès à la nationalité française d’étrangers dont la connaissance de la langue française ne fait aucun doute. Le Président de la République a annoncé vouloir un « choc de simplification » ; nous l’avons entendu. Aussi, pour simplifier non seulement les tâches de l’administration, mais aussi l’administration pour le citoyen, il nous semblait logique d’étendre cette volonté de simplification au citoyen en devenir.
Plusieurs dispositions de la proposition de loi que nous nous apprêtons à examiner ont été modifiées en commission. Comme l’a dit le rapporteur Jacques Krabal, les modifications portent sur plusieurs points.
Sur l’initiative du rapporteur, la commission a clarifié la rédaction afin qu’il apparaisse clairement que son objet est de dispenser les postulants à la nationalité française de la production d’un diplôme ou d’une attestation spécifique justifiant de leur niveau de français, et non de les dispenser de la maîtrise du français, laquelle sera systématiquement vérifiée lors d’un entretien individuel.
La commission a également étendu la dispense prévue aux conjoints étrangers de Français souhaitant acquérir la nationalité française par déclaration.
Enfin, la commission a également inclus dans le champ du dispositif les étrangers qui, bien que non ressortissants d’un pays ayant le français pour langue officielle ou parmi ses langues officielles, sont titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français.
Cette proposition de loi répond également à des principes importants du mouvement politique auquel j’appartiens. Vous le savez, les radicaux de gauche sont des partisans du droit de vote des étrangers. Je le conçois, cette vision du droit de cité reste contestable pour beaucoup d’entre vous et je l’entends. Toutefois, les opposants au droit de vote des étrangers répètent souvent que le résident n’a qu’à se naturaliser s’il veut voter. Alors, légiférons et donnons un cadre clair à ces naturalisations concernant les francophones, d’autant que la France joue un rôle important au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie – l’OIF. Les deux articles de cette proposition de loi renforcent le lien singulier que nous entretenons avec l’espace francophone et avec l’OIF.
En outre, nous ne défaisons rien qui n’existe déjà. En effet, tout candidat à la naturalisation se retrouve à un moment donné de la procédure face à un agent en préfecture, qui contrôle ses derniers bulletins de salaires, vérifie les informations portées à son dossier et son assimilation à la communauté, avant de lui faire lire et signer la Charte du citoyen reprenant les valeurs importantes qui fondent le socle de notre République. Toute fraude à l’assimilation linguistique sera donc facile à détecter.
Nous, radicaux de gauche, ne souhaitons absolument pas remettre tout cela en question. Nous voulons simplement dispenser les postulants francophones et les conjoints étrangers de Français souhaitant acquérir la nationalité française de la production d’un diplôme ou d’une attestation spécifique justifiant de leur niveau de français lorsque c’est leur langue maternelle. Puisque l’espace francophone est divers, très large et varié et comme, malgré tout, le français reste une langue appréciée et enseignée de par le monde, inclure dans le champ du dispositif les étrangers qui, bien que non ressortissants d’un pays ayant le français pour langue officielle ou parmi ses langues officielles, sont titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français, nous paraît également logique.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir cette proposition de loi qui relève du bon sens et transpose dans la loi des dispositions applicables en droit positif. Je tiens à remercier pour ce travail de coproduction M. le président de la commission des lois, les membres et administrateurs de celle-ci, ainsi que les fonctionnaires et membres des cabinets concernés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi du groupe radical tend à réformer le test visant à prouver les connaissances de la langue française, obligatoire pour toute personne désirant se faire naturaliser, sauf pour les personnes qui ont suivi, en France, une formation en langue française et visée par un diplôme.
La loi actuelle ne prévoit en effet qu’une simple suppression de stage pour les personnes de langue maternelle francophone qui répondent aux critères définis dans le code civil. Des assouplissements ont eu lieu depuis 2012 et nous saluons un véritable changement de cap dans le domaine de la naturalisation grâce à cette majorité gouvernementale. Le nombre de naturalisations avait été divisé par deux entre 2010 et 2012, pour atteindre 46 000 personnes par an. Depuis, les critères ont heureusement été assouplis et nous sommes revenus à une pratique plus conforme à notre vision de la nationalité et à nos intérêts.
Depuis des siècles, la France s’est enrichie grâce à sa politique de naturalisation. On pourrait citer non seulement Apollinaire, Chagall, Uderzo, Zola, Marie Curie, mais également notre Premier ministre, Manuel Valls.
On peut penser à Lassana Bathily, qui a été naturalisé après son action héroïque lors de la prise d’otage de l’Hyper Cacher.
Concernant spécifiquement les tests linguistiques, des assouplissements importants ont été mis en oeuvre pour les postulants de plus de soixante-cinq ans, pour les étrangers francophones ainsi que pour les candidats souffrant d’un handicap ou d’un état de santé déficient chronique. Cela reste toutefois insuffisant pour une partie des étrangers ressortissants de pays francophones qui n’ont pas eu leur diplôme ou ne peuvent le produire – c’est le cas des réfugiés –, qui ont étudié dans un pays non francophone – ou dont le Français est l’une des langues officielles – tout en ayant le français pour langue maternelle, ou qui ont obtenu leur diplôme dans un lycée français. Ces étrangers francophones, bien qu’ayant une excellente connaissance de la langue française, restent, en l’état du droit, obligés de passer un test linguistique, ce qui n’a guère de sens. Cela est même souvent vécu comme une vexation ; j’en veux pour preuve l’exemple d’une jeune femme québécoise de ma connaissance, francophone de naissance, ayant dû passer ce test quand son mari de nationalité française est revenu en France.
Cette proposition de loi se contente de corriger et d’assouplir les dispositions du décret de 2011 mais elle rompt, dans le prolongement des mesures prises en 2013, avec la logique qui visait à restreindre l’accès à la nationalité française. Rappelons qu’un ministre de l’intérieur de l’ancienne majorité s’était fixé pour objectif la diminution du nombre des naturalisations. En outre, dans son rapport sur l’accès à la nationalité française d’octobre 2012, M. Mennucci avait constaté les effets pervers de la loi de 2011 et les pratiques abusives de certaines préfectures. Le groupe écologiste se réjouit donc que le Gouvernement et le législateur aient décidé de rompre avec cette période un peu sombre.
En ce qui me concerne, étant bilingue, j’ai toujours pensé que la langue était aussi le reflet de ce que nous pouvions être. On peut exprimer ses émotions et ce que nous sommes dans plusieurs langues. Et j’ai toujours trouvé curieux que la République fasse souvent le lien entre la langue française et la citoyenneté. Il est bien sûr compréhensible que le français soit la langue commune, mais yezh ma c’halon ha ma ene a zo ar brezhoneg – la langue de mon coeur et de mon âme est bien le breton –, ce qui ne fait pas de moi un français pire, ou d’ailleurs meilleur, que les autres. La langue ne fait pas le citoyen. Nous aurons un jour à corriger cette erreur, voire cette perversion de l’idéal républicain, qui provient de la Révolution française et notamment de Barère, pour qui la contre-révolution parlait le bas breton, le fanatisme le basque, ou la réaction l’allemand. Pour moi, véritable républicain, la langue ne fait pas le citoyen. Cela explique peut-être certaines divergences par rapport aux positions de certains.
Je tiens également à appeler votre attention sur la question de l’acquisition de la langue dès le plus jeune âge. Il arrive que nos instituteurs, désireux d’entendre les enfants parler la langue commune qu’est le Français, ce qui est légitime, incitent les parents étrangers à parler le français, même lorsque ceux-ci n’en ont pas une maîtrise suffisante. Or, les enfants ne peuvent acquérir le langage que si la langue est suffisamment riche. Parfois, leurs parents feraient donc mieux de leur parler dans leur langue d’origine pour leur donner une assise linguistique solide, ce qui leur permettrait d’apprendre ensuite plus facilement le français à l’école.
Cette proposition de loi a été améliorée en commission des lois et nous nous félicitons que la dérogation ait été étendue, par voie d’amendement, aux conjoints de Français, qui doivent parfois suivre un incompréhensible parcours du combattant.
Le groupe écologiste a par ailleurs déposé un amendement qui a trait à un autre problème, celui des entretiens d’évaluation pour la naturalisation, dans la mesure où la préfecture ne justifie pas toujours sa décision. Cet amendement, dans une version différente, a été longuement discuté en commission, à l’initiative de mon collègue Sergio Coronado qui est actuellement retenu dans sa circonscription, celle des Français d’Amérique latine, citoyens dont les conjoints sont directement concernés par cette proposition de loi.
Ainsi, actuellement, en cas de décision de rejet de naturalisation par les services préfectoraux pour insuffisance des connaissances, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, l’intéressé ne peut invoquer l’entretien individuel qui n’aurait pas été jugé satisfaisant, pour la bonne raison qu’il n’a pas directement accès au compte rendu prévu par le décret de 1993.
Les demandeurs se voient ainsi contraints de recourir à la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, procédure lourde parfois incompatible avec les délais de recours. La loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public prévoit pourtant que « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. »
L’amendement vise à ce que, en cas de rejet sur le fondement d’un défaut d’assimilation, le compte rendu sera joint à la décision et envoyé aux intéressés. Cela leur permettrait de mieux comprendre les motifs de refus et de lever une difficulté réelle à laquelle ils sont confrontés.
Nous avons modifié cet amendement afin de répondre aux différentes critiques exprimées en commission par le rapporteur ainsi que par plusieurs de nos collègues. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette rédaction remaniée, sous-amendée par les membres du groupe SRC, et qui a été acceptée par la commission des lois lors de sa réunion tenue en application de l’article 88 de notre règlement.
En conclusion, cette proposition de loi est plus que bienvenue, car elle mettra fin à des pratiques inutiles et vexatoires pour les candidats à l’accession à la nationalité française par naturalisation. C’est pourquoi le groupe écologiste la votera avec conviction et enthousiasme.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France est une nation qui compte : elle est à la fois influente et regardée. Toute notre histoire le démontre : la voix de notre pays n’a jamais été autant entendue dans le concert des nations que depuis qu’elle a mis en ordre de marche législative son idéal républicain. La question de l’immigration, et donc de la naturalisation, n’échappe pas à ce constat.
En 2012, nous avons trouvé, s’agissant des questions migratoires, une France abîmée. Par calculs politiques – qui au demeurant se sont révélés perdants – tout autant que par l’agitation de fantasmes qui devraient faire honte à leurs auteurs, notre tradition d’accueil a été insultée. Économiquement, socialement, humainement, nous en payons encore le prix.
Aussi, dès notre arrivée aux responsabilités, nous avons pris un certain nombre de décisions visant à répondre à un triple enjeu. Tout d’abord, faire respecter le droit au séjour en luttant efficacement contre la fraude et les filières illégales. Ensuite, faire venir les étrangers qui contribuent, par leurs compétences, à notre rayonnement, notre croissance et notre compétitivité. Enfin, accueillir pour intégrer effectivement, dans le strict respect des valeurs de la République, ceux qui, chaque année, ont vocation à nous rejoindre du fait de leur situation familiale ou des persécutions politiques qu’ils subissent.
Dans le souci de reconstruire ce qui avait été foulé aux pieds, plusieurs décisions ont été prises comme l’abrogation de la circulaire Guéant, qui restreignait la possibilité pour les étudiants étrangers diplômés de travailler en France, et la révision de la restriction de la rétention des familles avec enfants. La condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, pour rétention de mineurs, a donné lieu à la circulaire du 6 juillet 2012 visant à généraliser l’assignation à résidence comme alternative au placement en rétention administrative.
En outre, l’appui aux préfectures a été renforcé dans l’établissement de leurs diagnostics et plans d’actions en matière d’accueil des étrangers, dans l’’amélioration de leurs pratiques, dans l’interface avec les directions ministérielles ou dans la mise en place d’outils de suivi. Cela s’est révélé favorable aussi bien aux personnes reçues en préfectures qu’aux personnels de celles-ci.
Enfin, la circulaire du 16 octobre 2012 relative aux procédures d’accès à la nationalité française avait pour objectif de clarifier les critères pris en compte dans l’examen des demandes d’accès à la nationalité française. L’objectif était d’apporter rigueur, transparence et justice dans l’examen des dossiers de naturalisation. Je pense notamment à l’insertion professionnelle qui doit porter sur la carrière du demandeur et non sur sa situation au moment de la demande.
Les demandeurs de moins de vingt-cinq ans qui résident en France depuis dix ans, et qui ont suivi une scolarité d’une durée minimale de cinq ans, bénéficient désormais d’une présomption d’assimilation. Auparavant, il leur était demandé de prouver qu’ils avaient envie d’acquérir la nationalité française, alors même qu’ils n’avaient connu que l’école de la République.
La loi du 31 décembre 2012 a modifié le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées. Je veux également mentionner la circulaire du 21 juin 2013 relative à l’accès à la nationalité française dont l’objectif était de restaurer le sens de l’accès à la nationalité française comme aboutissement de parcours et facteur de renforcement de la nation.
Et j’espère, madame la secrétaire d’État, que nous aurons bientôt le plaisir de voter, dans une autre loi, le titre pluriannuel.
J’aurais tant aimé ne pas avoir à faire cet inventaire. J’aurais tant aimé que les esprits et les chiffres n’aient pas été à ce point manipulés durant tant d’années. Mais je suis fière que notre majorité ait pris ses responsabilités. Nous partons de très loin mais, parfaitement conscients que tout ne se fait pas d’un claquement de doigt, nous préférons répondre à l’idéal républicain plutôt que faire les yeux doux à la démagogie et aux extrémismes.
Cette volonté de fermeté, de rigueur et de justice, nous la poursuivons par l’examen de cette proposition de loi qui relève d’une double volonté : celle de simplifier et celle d’humaniser l’accès à la nationalité pour les personnes francophones, notamment dans le champ de la connaissance linguistique.
Cette proposition de loi vise à simplifier en supprimant une formalité inutile. Le 30 août 2013, le Gouvernement avait déjà pris un décret afin de dispenser les personnes diplômées dans un pays francophone à l’issue d’études en français de devoir produire un diplôme ou une attestation de langue.
Il convient aujourd’hui de franchir une étape supplémentaire pour celles et ceux qui, bien que francophones au sens de l’article 21-20 du code civil, ne peuvent fournir de diplôme. La proposition de loi vise donc à dispenser ces personnes de devoir produire une attestation ou un diplôme pour prouver leur niveau de langue. Dans tous les cas, leur connaissance de la langue française sera vérifiée lors d’un entretien en préfecture.
Cette proposition est donc cohérente avec le traitement réservé aux demandeurs francophones qui bénéficient de la dispense de stage et de la prise en compte de leur temps de présence en France. Ces personnes doivent appartenir à l’entité culturelle et linguistique française et être ressortissantes de territoires ou d’États dont le français est la langue ou l’une des langues officielles. En outre, le français doit être leur langue maternelle ou elles doivent avoir été scolarisées cinq ans dans un établissement enseignant en langue française. Ces mêmes conditions devront être remplies pour bénéficier de la dispense d’attestation et de diplôme prouvant le niveau de langue. Le cadre est donc extrêmement strict et constitue un gage de sécurité.
Enfin, il s’agit d’humaniser, car chacun sait ici qu’un parcours de naturalisation réussi est le gage d’une intégration également réussie. Aussi, il importe d’éviter toute procédure vexatoire : voilà ce qui nous est proposé aujourd’hui.
Mes chers collègues, parce que la simplification rejoint l’efficacité, parce que la sécurité se conjugue ici avec l’humanité, le groupe SRC votera cette proposition de loi. Quelques jours avant la semaine de la Francophonie, j’y vois un signal formidable.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, qui vise à affranchir les résidents étrangers de langue maternelle francophone du test visant à prouver les connaissances de langue française, en cas de demande de naturalisation.
Actuellement, toute personne candidate à la naturalisation doit passer un test de connaissance de la langue française, sauf si elle a suivi en France une formation de langue française conclue par un diplôme.
En l’absence de diplôme obtenu en France, la loi ne permet pas aux résidents étrangers de langue maternelle francophone d’attester de leurs compétences linguistiques autrement que par ce test.
Le groupe RRDP entend donc revoir les conditions d’examen de la maîtrise de la langue exigée dans la procédure de naturalisation de certains étrangers. Il s’agit notamment de les assouplir pour les étrangers de langue maternelle francophone. Dans sa version initiale, la proposition de loi visait à dispenser de l’obligation de démontrer sa connaissance de la langue française pour être naturalisée la personne qui, d’après le Code civil, « appartient à l’entité culturelle et linguistique française lorsqu’elle est ressortissante des territoires ou États dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français, soit lorsque le français est sa langue maternelle, soit lorsqu’elle justifie d’une scolarisation minimale de cinq années dans un établissement enseignant la langue française ».
Autrement dit, le but initial était de dispenser les personnes concernées de la condition liée à la connaissance suffisante de la langue française. Lors de l’examen en commission, le rapporteur est revenu sur l’intention de ce texte. Désormais, l’objectif poursuivi par la proposition de loi est d’assouplir les modalités du contrôle de la connaissance de la langue française en dispensant les étrangers francophones d’avoir à passer un test linguistique spécifique.
Madame Chapedelaine, je ne considère pas que passer un test constitue une procédure vexatoire.
Il ne faut pas être en permanence dans la paranoïa ! Il faut arrêter de dire aux gens qu’il est vexatoire et humiliant de leur demander de passer un test de français ! C’est normal et tous les pays en font autant.
La connaissance des demandeurs en français serait donc vérifiée simplement lors de l’entretien individuel en préfecture.
Madame la secrétaire d’État, j’ai dans cet hémicycle été cinq fois rapporteur sur des lois relatives à l’immigration. Je me permets donc de rappeler amicalement à mes collègues du groupe RRDP que si nous avons mis en place le test c’était pour éviter toute inégalité de traitement, certains fonctionnaires en préfecture étant beaucoup plus stricts que d’autres. Ce test n’avait aucun caractère vexatoire. Il visait simplement à assurer une égalité républicaine de traitement, quelle que soit la préfecture dans laquelle on y était soumis.
En outre, cet examen permet indirectement à l’État de financer une partie des Alliances françaises et il est source de revenus pour les instituts culturels qui le font passer. En effet, pour le passer lorsque vous résidez à l’étranger, il faut s’inscrire à des cours de français et nous sommes bien contents que les candidats financent notre réseau culturel. Mais je ferme cette parenthèse.
Plusieurs modifications ont été apportées à la proposition de loi en commission. D’une part, le dispositif inclut désormais les conjoints étrangers de Français souhaitant acquérir la nationalité française par déclaration, alors que dans sa version initiale le dispositif ne concernait que les postulants à la nationalité française par la voie de la naturalisation et de la réintégration.
D’autre part, la rédaction initiale se limitait aux étrangers ressortissants d’un pays dont le français était la ou l’une des langues officielles. La nouvelle rédaction n’exige plus de condition de nationalité.
Enfin, la dispense initialement proposée ne visait géographiquement que les États membres dont le français est la langue officielle ou l’une des langues officielles. La nouvelle rédaction inclut l’ensemble des pays francophones, ce qui est beaucoup plus large.
Avec le soutien du groupe SRC, la commission des lois a donc assoupli les modalités de contrôle de la langue française et prévu un dispositif dérogatoire pour deux catégories d’étrangers.
Dans son article 1er, la proposition de loi précise les modalités de contrôle de la connaissance de la langue française des conjoints étrangers de Français désireux d’acquérir la nationalité française.
En miroir, sont précisées à l’article 2 les modalités de contrôle de la connaissance de la langue française des étrangers postulant à la nationalité française par naturalisation ou réintégration.
Le dispositif dérogatoire concerne l’étranger ou le conjoint étranger qui remplit les deux conditions cumulatives suivantes : être ressortissant d’un territoire ou d’un État dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français, et avoir le français pour langue maternelle, ou apporter la preuve d’une scolarisation d’une durée minimale de cinq ans dans un établissement enseignant le français. La preuve de cette scolarisation peut être apportée par la production d’un diplôme ou par celle de certificats de scolarité ou de relevés de notes.
Je ne veux pas être blessant, mais vous le savez très bien – le quai d’Orsay en a d’ailleurs fait plusieurs fois la remarque – il est assez facile, dans certains pays, il est assez facile de se procurer des relevés de notes, à condition de « faire un effort ». Je me souviens par exemple d’une note du quai d’Orsay relative à l’Union des Comores, où les « vrais faux » étaient tout à fait « négociables » – je n’ai pas besoin de vous expliquer ce que cela veut dire !
Le dispositif dérogatoire concerne aussi l’étranger ou le conjoint titulaire d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français. Cette seconde catégorie d’étrangers correspond à celle bénéficiant déjà de la dispense de production d’un diplôme ou une attestation justifiant d’un niveau de langue égal ou supérieur au niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues défini par le Conseil de l’Europe. Ces deux catégories n’auront plus à produire un diplôme ou une attestation spécifiques justifiant d’un niveau de langue égal ou supérieur au niveau B1 précité. Leur maîtrise de la langue française sera vérifiée lors de l’entretien individuel avec un agent de préfecture ou un agent consulaire.
Quelles sont les failles de cette proposition de loi ?
De fait, un tel dispositif revient à créer une discrimination entre les candidats à la naturalisation.
Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’un pays reconnaît le français comme langue officielle que tous ses ressortissants parlent le français. Certains Belges, Flamands ou Suisses alémaniques ne parlent pas vraiment français. Pour ne vexer aucun pays, je ne donne pas toute la liste.
De plus, la notion de pays francophone est plus large que celle de pays dont le français est la ou l’une des langues officielles. Elle inclut, outre ces pays, les États membres de plein droit, actuellement au nombre de cinquante-trois en excluant la France de ce décompte, et membres associés de l’Organisation internationale de la francophonie, ainsi que les pays dont une fraction significative de la population parle le français, en particulier s’ils ont été placés autrefois sous administration française et ont conservé des liens culturels et historiques forts avec la France, par exemple l’Algérie.
Lorsque l’on veut se faire naturaliser et que l’on parle bien français, ce test n’est qu’une simple formalité. Ce n’est pas une procédure vexatoire. Je suis député des Français de l’étranger, je vois souvent des personnes qui se soumettent à ce test, parfois après un passage par l’Alliance française du pays. Personne ne m’a dit avoir été humilié. Ce test est d’autant moins difficile quand on parle bien le français.
Cette proposition de loi est également surprenante au regard des recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dont j’ai l’honneur de présider la commission des migrations, des rapatriés et des apatrides. Celle-ci reconnaît en effet, dans un rapport d’une députée socialiste française, Mme Marietta Karamanli, adopté en juin dernier, que le niveau global d’intégration demeure insatisfaisant en Europe et que la situation des immigrés réguliers en matière d’intégration soulève des préoccupations justifiées dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe, notamment au niveau de la langue.
L’une des recommandations de ce rapport est justement de favoriser la maîtrise de la langue du pays d’accueil.
De toute évidence, la suppression de ce test n’améliorera pas l’intégration des immigrés demandant leur naturalisation. Bien au contraire, le supprimer représente un risque pour l’intégration de certains ressortissants d’un pays francophone car tous ne parlent pas français. Il risque de nouveau d’y avoir des décisions arbitraires après un entretien, l’employé de préfecture pouvant être plus ou moins bien disposé.
Ce serait même tromper les étrangers ressortissants d’un pays francophone que de leur accorder une naturalisation sans vérifier objectivement la maîtrise de la langue française.
L’examen de ce texte est aussi l’occasion de rappeler notre vision de la politique d’intégration.
Pour nous, l’acquisition de la nationalité française doit être l’aboutissement d’un processus d’intégration. Or, depuis votre arrivée au pouvoir, le Gouvernement entend faciliter ou simplifier les procédures de naturalisation et atténue l’importance que revêt celle-ci. Je fais référence à la circulaire d’octobre 2012 de Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, qui a conduit à l’abandon du questionnaire à choix multiples de culture générale mis en place par Nicolas Sarkozy, à l’abandon du critère d’obtention du CDI pour prouver son intégration, à la présomption d’assimilation des jeunes de moins de vingt-cinq ans. En 2014, la France a connu de ce fait une hausse de 10 % de l’acquisition de la nationalité française, après une hausse de 14 % en 2013.
Un nouvel assouplissement des conditions d’examen de la maîtrise de la langue affaiblira davantage l’intégration.
Je le répète, la naturalisation doit être la conclusion d’un parcours d’intégration, et la maîtrise de la langue française relève de l’évidence. Sinon, la personne est de facto exclue.
Bref, en dépit de la réécriture opérée en commission, cette proposition de loi représente un nouvel assouplissement des critères d’évaluation des candidats à la naturalisation. Or il est de notre devoir, surtout en cette période, de rester fermes sur les conditions d’acquisition de la nationalité française, parce que ce sont ces conditions qui garantissent une vraie intégration.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette proposition de loi.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, accéder à la nationalité française n’est pas un acte anodin. Il est primordial que l’acquisition de la nationalité française demeure un acte fort et symbolique, l’aboutissement d’un parcours d’intégration réussi.
L’obtention de la nationalité française doit rester conditionnée à un attachement fort à la République, à ses valeurs, à des efforts d’intégration, dont fait évidemment partie la maîtrise de la langue française.
Depuis le 1er janvier 2012, les candidats à la nationalité française doivent justifier de leur maîtrise de la langue par un diplôme ou une attestation spécifique délivrée par les organismes agréés par le ministère de l’intérieur. Depuis la loi de 2011, la connaissance de la langue française est désormais inhérente au parcours d’intégration.
Pour autant, il convient de placer cette proposition de loi dans le contexte actuel.
Le Gouvernement a déjà considérablement assoupli les conditions d’accès à la naturalisation. Je pense notamment à la circulaire qui a modifié certains aspects de la procédure d’acquisition de la nationalité française par décret, considérant que certains critères ne répondaient plus à la situation réelle des personnes et que d’autres avaient été volontairement durcis au point de remettre en cause les conditions de la naturalisation de certaines personnes méritantes. À titre d’exemple, les postulants âgés de plus de soixante-cinq ans n’auront plus à produire les diplômes exigés pour justifier de leur niveau linguistique.
La circulaire est également revenue sur les exigences sur les connaissances en histoire, culture et société françaises formulées sous la précédente majorité, qui nous semblent être à la base de tout parcours d’intégration réussi, respectueux des valeurs de la République et de l’identité française. L’appréciation de cette évaluation n’est plus désormais que globale.
S’agissant de la connaissance de la langue, qui est l’objet de la proposition de loi, les conditions ont également été assouplies par le décret d’août 2013, qui lève l’obligation de produire une attestation de niveau de langue pour les candidats titulaires d’un diplôme délivré dans un pays francophone à l’issue d’études suivies en français.
La politique du Gouvernement en matière d’immigration ayant suscité de vives interrogations au sein du groupe UDI, nous n’avons pas voulu aborder cette proposition de loi comme une simple mesure de simplification, la suppression d’une formalité inutile, une réforme évidente et consensuelle.
La naturalisation, je le répète, mes chers collègues, n’est pas en effet un acte anodin. Chacune des étapes qui jalonnent l’accès à la nationalité a son importance. Nous devons rester fidèles à l’esprit du code civil, qui exige une justification de la connaissance de la langue française par l’ensemble des candidats à la naturalisation. C’est la raison pour laquelle nous sommes restés vigilants sur les réelles conséquences et sur la portée de cette proposition de loi.
La version initiale nous a fait craindre qu’elle n’aboutisse à supprimer, pour les candidats francophones, tout contrôle de connaissance linguistique.
Elle suscitait également de nombreuses interrogations.
Qu’appelle-t-on pays francophones ? La notion de pays francophones inclut les États ayant le français comme langue officielle ou parmi leurs langues officielles, les États membres de plein droit et associés de l’Organisation internationale de la francophonie, qui ne se limitent pas aux pays où le français est langue officielle, ainsi que les États dont, bien qu’ils ne soient pas membres de l’OIF, une fraction significative de la population parle le français. La notion est incertaine. Dans ces conditions, le champ de la proposition de loi et des personnes qu’elle visait n’était-il pas trop large ? Ne risquait-elle pas d’inclure des candidats ne maîtrisant pas le français ?
De la même manière, l’article initial se contentait d’indiquer que les dispositions concernant les connaissances linguistiques ne s’appliquaient pas aux personnes visées. Devait-on en déduire que l’intention des auteurs de cette proposition de loi était de supprimer toute vérification de la connaissance linguistique pour les personnes visées ?
Les modifications apportées en commission et la rédaction actuelle de la proposition de loi ont permis d’éclairer ces zones d’ombre.
La proposition de loi mentionne explicitement que les personnes visées sont celles désignées à l’article 21-20 du code civil. Elles doivent appartenir à l’entité culturelle et linguistique française lorsqu’elles sont ressortissantes des territoires dont la langue officielle ou l’une des langues officielles est le français. Elles doivent en outre remplir l’une des conditions suivantes : le français doit être leur langue maternelle ou elles doivent justifier d’une scolarisation minimale de cinq années dans un établissement enseignant en langue française. La référence à un entretien individuel assure qu’aucun candidat n’est exempté du contrôle de la connaissance linguistique.
Les candidats dont le français est la langue maternelle ou pouvant attester d’un diplôme de plus de cinq ans en langue française sont d’ores et déjà exemptés de délais de stage. S’ils n’ont pas à justifier d’une résidence habituelle en France pendant les cinq ans qui précèdent leur demande, il semble logique de n’évaluer leurs compétences linguistiques que sur la base d’un entretien individuel.
Dans ces cas précis, il n’y aurait aucune raison valable à vouloir imposer des barrières inutiles à l’intégration de ces personnes, un contrôle que les auteurs de ce texte ont qualifié d’« exagérément strict ».
Ainsi que cela a été indiqué en commission, faire passer un test à des personnes parlant parfaitement le français peut avoir un caractère vexatoire, particulièrement quand on sait que le niveau de connaissance du français requis, précisé par le décret de 2011, est peu élevé. Il correspond en effet au niveau B1 du cadre européen commun de référence pour les langues du Conseil de l’Europe, soit être en mesure d’écouter, de prendre part à une conversation et de s’exprimer oralement.
La modification apportée en commission s’agissant des conjoints étrangers est tout à fait légitime. Dans la mesure où ils remplissent également les conditions posées par l’article 21-20 du code civil, il serait injuste de leur imposer un test alors que les autres candidats francophones en sont dispensés.
Notre devoir de législateur est de veiller à ce que la loi n’édicte pas des dispositions inutiles dans la pratique ou parfois même absurdes. On peut bien parler d’absurdité lorsqu’un candidat à la naturalisation dont la langue maternelle est le français se voit contraint de justifier qu’il maîtrise cette langue par un test.
Dès lors, le groupe UDI ne s’opposera pas à cette proposition de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est un sujet qui semble inattendu, compliqué, étrange même : la question de savoir qui maîtrise quoi en français sur notre territoire national.
Pour accéder à la nationalité française, il faut un certain nombre d’années de résidence – cela s’appelle « stage », ce qui peut paraître étrange. Il faut aussi passer un test payant pour montrer que l’on maîtrise la langue, alors que les fonctionnaires de l’État français en préfecture chargés d’accueillir les personnes concernées pour voir avec elles s’il est pertinent de constituer un dossier de naturalisation sont parfaitement aptes à juger si une personne comprend et maîtrise notre langue, éventuellement avec un accent, éventuellement avec des tournures de phrase qui ne sont pas forcément les nôtres.
Les Belges et les Canadiens ont d’ailleurs une tournure de langue qui peut ne pas être exactement la même que la nôtre et, dans les films, dans les séries de télévision que nous achetons, il y a désormais des traductions en français belge, français canadien et français suisse, ce qui est une novation fort intéressante de notre XXIe siècle. J’attends donc avec beaucoup de plaisir le moment où nous aurons des traductions des films et séries américaines en français sénégalais, français camerounais et français vietnamien puisque l’aire d’influence de la langue française est mondiale.
Nous, Français et francophones, Européens ou non, avons intérêt à élargir la zone d’influence de notre culture et de notre langue, et à faire en sorte que, quel que soit son niveau social et quel que soit son pays, quand on maîtrise la langue, on soit bien accueilli en France, d’autant plus quand on veut acquérir la nationalité.
Acquérir la nationalité pour quelqu’un qui n’est pas né ici, qui a encore beaucoup de sa famille, voire toute sa famille, ailleurs, c’est un acte profond.
L’homme qui a sauvé des Français au mois de janvier lors de l’acte de terrorisme qui a secoué la France et le monde n’était pas forcément facile à comprendre à la télévision. On attendait une formulation d’une euphonie habituelle et classique alors que, bien que maîtrisant le français, cet homme avait un fort accent.
Aurions-nous accepté si facilement que cela qu’il soit naturalisé ? Pourtant, son geste montre qu’il était fier de vivre en France et qu’il aurait été fier d’avoir été Français. Il a d’ailleurs été fier que notre nation, par la main du Premier ministre, lui remette son certificat de nationalité française. Or, il parle un joli français, quoique avec un fort accent, un français qui, certes, n’est pas littéraire, mais c’est le beau français de quelqu’un qui sert nos valeurs, qui sert la France et qui a sauvé des personnes sur notre territoire, au péril de sa vie.
Je tenais à le rappeler, car nous oublions trop souvent que les serviteurs de la nation, où qu’ils soient, ne sont pas tous diplômés,…
…parce qu’ils n’ont pas eu toutes les chances de leur côté – leur chance, ils la saisissent comme ils peuvent –, et cela ne les empêche pas de rendre service à notre nation et à notre passion, la langue française.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.
Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, cette proposition de loi a pour objectif de veiller à la bonne connaissance de la langue française des postulants à la nationalité. La nationalité française se mérite. Elle n’est pas un dû. Elle n’est pas automatique. Une personne qui en fait la demande doit être en mesure de remplir tous les critères qui feront d’elle un Français. En demandant à être naturalisée, elle montre qu’elle en a déjà la volonté. Je soutiens les mesures prises sous la précédente législature qui vont dans ce sens.
En matière de naturalisation, les candidats doivent répondre à plusieurs conditions, parmi lesquelles figure une bonne connaissance de notre langue. Pour éviter tout jugement subjectif, rien ne vaut un diplôme de langue, sauf si son exigence tient de la sottise.
Force est de reconnaître que les connaissances linguistiques des candidats ne sont pas égales et, surtout, que leurs vécus linguistiques divergent. Alors que notre réseau d’écoles à l’étranger est fort de 494 établissements fréquentés chaque année par près de 330 000 élèves, dont 60 % environ ne sont pas Français, la législation actuelle ne reconnaît pas ses propres diplômes lorsqu’il est question de naturalisation et de maîtrise de la langue française de ses propres élèves. Demander à un adulte qui a disserté sur : « L’artiste est-il maître de son oeuvre ? » ou : « Une vérité peut-elle être définitive ? » de prouver par un test de langue qu’il possède la base de français de niveau B1 n’est pas à notre honneur.
Que dire des ressortissants des pays ou des régions francophones et de culture linguistique française ? D’un côté, nous prônons la francophonie, de l’autre, nous faisons peser sur ses ressortissants un soupçon linguistique. Quel est l’agent d’une préfecture ou d’un consulat, en charge d’instruire les dossiers de naturalisation, qui n’a pas été mal à l’aise devant cette obligation d’exiger le test de langue à un demandeur qui s’exprimait aussi bien que lui ?
Cette proposition de loi encadre les conditions que doivent remplir les candidats à la naturalisation pour être exemptés du document, mais pas de l’entretien individuel, lequel a pour objectif de contrôler que le demandeur est bien de langue maternelle française ou qu’il est bien issu de l’entité culturelle et linguistique française d’un État dont la langue officielle, ou l’une d’entre elles, est le français. J’estime que ce texte va dans le bon sens ; je le voterai.
La discussion générale est close.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Madame la présidente, permettez-moi de répondre à M. Mariani, dont la manière de présenter les choses m’a quelque peu inquiétée. Je ne cherche pas à polémiquer, car le sujet est trop important pour que nous versions dans des arguments qui ne sont pas au niveau du texte qui nous est proposé aujourd’hui.
Vous avez dit que, pour vous, maintenir les tests tels qu’ils avaient été prévus et constitués sous votre majorité, y compris pour les francophones et pour ceux dont le français est la langue maternelle, relevait d’un principe d’égalité républicaine, en le justifiant par la disparité des situations dans les différentes préfectures.
Ce que vous dites est extrêmement grave. Vous savez qu’il y a eu, lorsque vous étiez aux responsabilités, beaucoup de débats quant à la capacité des préfectures à émettre des avis, que ce soit sur les demandes de naturalisation ou de titre de séjour, eu égard à l’égalité républicaine. Je tiens à rappeler que, depuis 2012, nos gouvernements ont clarifié les choses, en définissant des critères précis, pour sortir de la situation que vous décrivez et que vous n’avez pas pu corriger – vous reconnaissez d’ailleurs aujourd’hui que les avis différaient selon les préfectures. Or si cette situation existait, c’est bien parce qu’il n’y avait pas de textes précis permettant de garantir l’égalité s’agissant des avis rendus. Je suis heureuse de vous entendre dire que vous n’avez pas corrigé des disparités pourtant reconnues.
Je vous ai écouté, monsieur Mariani, merci de ne pas m’interrompre !
Vous avez également fait part de votre inquiétude concernant le devenir des instituts français, qui donnent des cours de français ou de perfectionnement. Il était temps que vous vous en inquiétiez ! Pour en avoir visité quelques-uns, je peux vous dire que beaucoup de ceux qui les fréquentent sont francophones et que ceux qui maîtrisent déjà la langue française vont dans ces instituts pour se perfectionner, parce qu’ils ont l’amour de la langue et de la culture françaises. Ils vont prendre des cours et s’intéressent à la culture française, que ce soit par le biais des livres ou des cinémathèques – je pense à l’excellent institut français de Dakar, qui fait vivre notre culture à l’autre bout du monde.
Vous dites qu’il faut absolument maintenir ces tests au nom de l’égalité républicaine. Nous appartenons à l’Organisation internationale de la francophonie et cette question de la maîtrise de la langue est une vraie question qui nous est posée, à quelques jours de la semaine de la francophonie. Si nous sommes solidaires de tous ces pays qui ne sont pas forcément francophones et si la langue française y vit, c’est parce que nous avons, avec eux, une part d’histoire en commun. Et c’est cette part d’histoire commune qui imposerait à des personnes maîtrisant la langue française, au-delà d’un test, de remplir un chèque de 120 euros ! Nous pouvons comprendre la blessure que cela représentait pour eux.
Enfin, comme beaucoup de représentants des groupes l’ont dit, il n’est absolument pas question de ne pas contrôler le niveau de la langue française, puisqu’un entretien individuel est imposé de toute façon. Si la personne n’a pas le niveau requis, elle ne pourra pas accéder à la nationalité française.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
Ce texte doit faire consensus, et c’est le cas, exception faite de notre collègue Mariani, dont j’ai du mal à bien saisir l’argumentaire. Me reviennent également les propos très forts tenus par Philippe Gosselin en commission. Mais, comme l’a rappelé notre collègue Favennec, ce texte témoigne seulement d’une volonté de simplification : il n’est pas une remise en cause. Il ne faut pas faire de caricatures sur un tel texte ; il ne faut pas agiter des épouvantails – c’est beaucoup trop dangereux, surtout par les temps qui courent. Nous devons revenir à plus de sérénité. Les gages demandés sont sérieux : cinq ans d’apprentissage de la langue française, langue française maternelle et maintien de l’entretien en préfecture. Nous ne bradons pas la naturalisation ! Si je suis un peu étonné par l’argumentaire de M. Mariani, l’essentiel, c’est de voir le consensus qui se fait autour du texte.
Madame la secrétaire d’État, je veux vous répondre très courtoisement. Je ne remets pas en cause l’honnêteté des employés en préfecture. Je rappelle la situation bien avant votre arrivée au pouvoir, et avant même la loi de Nicolas Sarkozy : les entretiens étaient faits par les employés en préfecture. Or, ces employés ne sont que des hommes et des femmes, avec toutes leurs qualités et tous leurs défauts. L’appréciation de la qualité du français pouvait donc différer selon les préfectures. C’est en cela que je dis que l’examen garantit une égalité, tout comme dans l’éducation nationale. Un examen, ce n’est pas vexatoire, c’est la preuve d’une compétence.
Deuxièmement, quand je vois le travail qu’ont aujourd’hui nos employés en préfecture, j’espère qu’ils auront le temps de mener tous ces entretiens, mais permettez-moi d’avoir des doutes.
Troisièmement, j’adore l’Organisation internationale de la francophonie, mais si nous avons, pour reprendre votre expression, une « histoire en commun » avec certains pays, il en est deux ou trois qui ont adhéré à la francophonie à la seule fin d’améliorer leurs relations diplomatiques. Je n’ai pas l’impression que le Kosovo, le Qatar ou la Bosnie-Herzégovine soient des pays avec lesquels nous ayons une grande histoire en commun !
Sourires.
Enfin, je fréquente comme vous de temps en temps les alliances françaises – je suis même presque chaque week-end à leur contact. On y trouve effectivement beaucoup de gens parlant le français qui viennent pour s’améliorer, mais il y a aussi beaucoup de gens qui viennent apprendre le français pour passer l’examen du Canada, où – soit dit en passant – personne ne trouve vexatoire de passer un examen, même pour ceux qui sont originaires d’un pays francophone. Peut-être l’exemple canadien n’est-il pas celui dont vous vous réclamez, mais je trouve pour ma part que l’intégration y est sans doute plus réussie que chez nous.
L’article 1er est adopté.
L’article 21-24 du code civil dispose : « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’État, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. À l’issue du contrôle de son assimilation, l’intéressé signe la charte des droits et devoirs du citoyen français. »
Or, en cas de rejet de la demande de naturalisation par les services préfectoraux pour insuffisance des connaissances de la langue, de l’histoire ou des valeurs essentielles de la République, l’intéressé ne peut invoquer l’entretien individuel qui n’aurait pas été jugé concluant.
Le décret no 93-1362 du 30 décembre 1993 prévoit un simple compte rendu de l’entretien. Ce compte rendu n’est pas communiqué en cas de refus, et les demandeurs sont obligés de faire une demande à la CADA, ce qui peut représenter une démarche lourde. Par ailleurs, cette demande peut empêcher l’intéressé de faire un recours : alors qu’il dispose d’un délai de deux mois pour contester la décision administrative, la CADA dispose quant à elle d’un mois à partir du jour de l’enregistrement de la demande pour rendre un avis sur le caractère communicable du document. Par conséquent, sans la communication du procès-verbal d’audition de l’entretien individuel, le recours hiérarchique, puis contentieux, ne peut être effectué d’une manière satisfaisante et régulière par l’intéressé.
En outre, les avis de la CADA ne sont pas contraignants : même en cas d’avis favorable, il est donc possible à l’administration de confirmer son refus.
De plus, la loi no 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public dispose : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. »
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, pour soutenir le sous-amendement no 3 .
Si nous sommes tout à fait d’accord pour que la personne sache pourquoi la naturalisation lui a été refusée, il nous semble que le mot « procès-verbal » est trop contraignant. C’est pourquoi nous vous suggérons de le remplacer par celui de « compte rendu », qui laisse plus d’éléments à l’appréciation de la personne qui a réalisé l’entretien. C’est pour cela que nous souhaitons sous-amender l’amendement de M. Molac.
Cet amendement vise à imposer la communication systématique du compte rendu de l’entretien individuel en cas de refus de naturalisation pour défaut d’assimilation. Il s’agit d’une version modifiée d’un amendement rejeté en commission la semaine dernière ; la commission l’a accepté ce matin mais j’émets, à titre personnel, un avis défavorable.
Il convient tout d’abord de rappeler l’état du droit en la matière.
L’ensemble du dossier de nationalité est communicable à l’intéressé en application de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978. Sa communicabilité a été reconnue par la Commission d’accès aux documents administratifs – la CADA – dans une décision du 10 août 1996, et elle a ensuite été expressément consacrée par le législateur à l’article 26 de la loi du 16 mars 1998 relative à la nationalité. La CADA rend régulièrement des décisions à ce sujet. Je souligne que cette communicabilité ne se limite pas au seul compte rendu de l’entretien individuel, mais inclut aussi des documents tels que le rapport d’enquête. Les exceptions prévues par l’article 6 de la loi de 1978 pour l’ensemble des documents administratifs, relatives au secret de la défense nationale, à la sûreté de l’État et à la conduite de la politique extérieure de la France notamment, sont évidemment applicables. Dans cette hypothèse, c’est un dossier duquel les mentions couvertes par ces exceptions ont été occultées ou disjointes avant sa communication.
Faut-il aller plus loin comme le proposent les auteurs de cet amendement, prévoir une transmission automatique du compte rendu de l’entretien en cas de décision négative sans qu’il ne soit besoin de la demander ? Cela ne paraît ni utile ni souhaitable car l’état du droit est déjà satisfaisant en la matière : toute décision refusant la naturalisation doit être motivée, et si l’intéressé souhaite davantage de précisions sur les motifs qui ont conduit l’administration à rejeter sa demande, en particulier pour étayer son recours, il a le droit d’obtenir communication du compte rendu de l’entretien ainsi que de l’ensemble de son dossier de nationalité. L’amendement conduirait à un formalisme qui me paraît excessif car il alourdirait la procédure.
La substitution du terme « compte rendu » à celui de « procès-verbal », proposée par le sous-amendement, ne changerait rien à cet égard : un procès-verbal n’est généralement pas un verbatim et, à l’inverse, un compte rendu peut être intégral.
La rédaction de l’amendement soulève en outre plusieurs difficultés. La plus sérieuse est l’absence de mention des exceptions susmentionnées prévues par l’article 6 de la loi de 1978. Par conséquent, tel qu’il est rédigé, l’amendement obligerait l’administration à transmettre les comptes rendus d’entretien même si ceux-ci comportent des mentions relevant de ces exceptions, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.
Les auteurs de l’amendement déplorent une motivation parfois stéréotypée et insuffisamment précise des décisions de rejet ou d’ajournement. Toutefois, cela relève non pas d’une quelconque insuffisance de la loi ou de l’état du droit mais des pratiques administratives, certes très variables d’une préfecture à l’autre. Une circulaire du ministre de l’intérieur, rappelant les obligations que la loi impose à l’administration en la matière serait mieux à même de résoudre ces difficultés qu’un changement législatif. Une réforme administrative des procédures d’instruction des demandes de naturalisation pourrait aussi contribuer à accroître le professionnalisme des agents et à homogénéiser les pratiques.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’amendement et au sous-amendement.
L’amendement et le sous-amendement tendent à obliger les préfets, d’une part à établir un procès-verbal de l’entretien qu’ils font passer aux personnes qui souhaitent être naturalisées afin d’évaluer leur degré d’assimilation, leur niveau de connaissance de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises ainsi que des droits et devoirs conférés par la nationalité française, et, d’autre part, de joindre ledit procès-verbal à chaque décision rejetant la demande de naturalisation au motif que le postulant ne justifie pas d’un degré d’assimilation à la communauté française suffisant.
Tout d’abord, je rappelle que toutes les décisions individuelles défavorables, c’est-à-dire déclarant irrecevables, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation doivent être motivées par l’administration, conformément au dispositions de l’article 27 du code civil. La motivation doit permettre au postulant de connaître précisément les motifs juridiques et factuels du refus.
L’organisation administrative en matière de naturalisation peut bien sûr être améliorée. À cet effet, la formation des agents doit être professionnalisée et la qualité juridique des décisions rendues systématique. Telle est, je l’ai dit en introduction à ce débat, la volonté du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous avons ouvert, dès 2013, un chantier visant à transférer progressivement l’instruction des demandes de naturalisation vers des plates-formes interdépartementales disposant de la masse critique en termes de compétences et de connaissances pour parvenir à une meilleure homogénéité et à une meilleure qualité des décisions rendues. La mise en oeuvre a déjà eu lieu, à titre expérimental, dans trois régions, à la satisfaction de l’ensemble des acteurs. Un décret en conseil des ministres, pris dès la semaine prochaine, permettra d’étendre cette nouvelle organisation à l’ensemble du territoire au cours de l’année 2015. Ce décret s’accompagnera de différentes circulaires portant sur l’instruction des dossiers et la formation des agents afin de professionnaliser et d’améliorer les modalités par lesquelles les préfectures traitent ces demandes et motivent leurs décisions.
Votre préoccupation, mesdames, messieurs les députés, est ainsi bien prise en compte par le Gouvernement. La communication de l’entretien individuel ne répondrait pas à l’objectif légitime que vous visez. En effet, ce compte rendu constitue d’ores et déjà un document administratif communicable à la personne concernée sur simple demande, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978. Dans la pratique actuelle, le compte rendu, de même que d’autres pièces du dossier – à l’exception de celles susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État ou des personnes –, est communiqué rapidement et sans difficulté au postulant qui le réclame.
Ces éléments m’amènent à constater que les principes qui encadrent l’instruction des demandes de naturalisation garantissent à l’usager d’avoir connaissance de la motivation de la décision défavorable qui le concerne. Sur ce point, le Gouvernement s’engage devant vous à ce que la réforme des modalités de traitement des demandes de naturalisation soit poursuivie pour une meilleure homogénéité et une meilleure qualité des décisions prises, et pour que les intéressés puissent encore plus aisément faire valoir, en application de la loi du 17 juillet 1978, leur droit à communication des pièces.
Votre proposition visant à obliger le service instructeur à établir systématiquement un procès-verbal de l’entretien et à le joindre à la décision, outre le fait qu’elle alourdirait sa charge de travail, ne me paraît pas répondre à un véritable besoin. Au regard des difficultés juridiques et pratiques que ne manquerait pas d’entraîner sa mise en oeuvre, le Gouvernement préfère s’en tenir au dispositif actuel, tout en réitérant devant vous la pleine prise en compte de vos préoccupations quant à la qualité, la lisibilité et l’homogénéité des décisions rendues, ainsi qu’en témoigne la réforme des modalités d’instruction dont la généralisation sera présentée en conseil des ministres, je le redis, dès la semaine prochaine. C’est pourquoi je ne peux que vous inviter à retirer cet amendement, monsieur le député. À défaut, l’avis serait défavorable. Même avis sur le sous-amendement.
Je soutiens le sous-amendement de Mme Chapdelaine, parce qu’elle va ainsi exactement dans le sens, comme M. le rapporteur, de ce que je disais dans la discussion générale.
Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la nécessité d’une circulaire pour garantir « la qualité et l’homogénéité », selon les mots de la secrétaire d’État, des entretiens individuels. Je prends date. Je suis persuadé que, dans l’année, un certain nombre de parlementaires montreront qu’ils sont facteurs d’inégalité et qu’il faut trouver moyen soit de les supprimer, soit de les revoir. C’est exactement ce qui s’était passé à l’époque que j’évoquais.
Vous êtes défaitiste !
Je le répète : un examen, c’est tout de même la garantie de l’égalité absolue de traitement pour tous et cela éviterait la problématique qu’expose, à juste titre d’ailleurs, cet amendement.
Je trouve que cet amendement alourdirait la charge des agents en préfecture ou dans les consulats. Il n’a en outre pas de sens, car si la loi a donné le pouvoir aux agents d’évaluer la connaissance par les postulants de la langue française, il n’y a aucune raison de faire de surcroît un procès-verbal ou un compte rendu.
Par ailleurs, vous avez évoqué l’insuffisance d’assimilation, monsieur le rapporteur, mais la connaissance de la langue n’est pas le seul critère permettant de déterminer l’assimilation et, par conséquent, la capacité à accéder à la nationalité française.
Sourires.
L’article 2 est adopté.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 1 portant sur le titre.
L’amendement no 1 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La proposition de loi est adoptée.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.
Prochaine séance, lundi 16 mars, à seize heures :
Discussion du projet de loi relatif à la biodiversité ;
Discussion de la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures vingt-cinq.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly