Intervention de Tim Gollin

Réunion du 10 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires économiques

Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International :

Je suis honoré de votre invitation. C'est une chance pour nous de pouvoir travailler en France avec le gouvernement français.

Timothée Durand a parlé d'investissement industriel plutôt que d'opération financière. J'irai plus loin. Comme pour toutes les opportunités d'investissement que j'examine, j'ai sollicité l'avis des deux personnes qui me connaissent le mieux : ma mère et mon épouse. Lorsque je l'ai interrogée, ma mère m'a dit que Luminarc faisait des choses merveilleuses mais n'était plus vendu aux États-Unis depuis dix ans. Quant à mon épouse, qui est italienne, elle m'a parlé de ces petites assiettes à fleurs bleues, les assiettes Veronica, qui n'étaient plus vendues depuis douze ans. J'en ai conclu que les consommateurs étaient très attachés à la marque. Cet attachement reflète l'histoire de l'entreprise et le parcours de Jacques Durand. Je connais désormais l'histoire de l'assiette Veronica : c'est la cousine de Timothée, Veronica Petit, qui a fabriqué avec Jacques Durand cette assiette. Ce lien, qui n'est pas vraiment industriel mais affectif, lié à l'histoire et aux traditions de l'entreprise, nous a convaincus de l'intérêt de cette opportunité.

L'équipe de direction précédente proposait la destruction d'une grande partie de la valeur de la marque – sa dimension sociale et familiale – en voulant fermer les capacités de fabrication en France pour les transférer sur les autres sites. Nous avons considéré qu'une solution moins destructrice était possible pour relancer cette activité. Lorsque vous cherchez à licencier en France, non seulement vous rencontrez des problèmes, comme aux États-Unis, mais vous détruisez une communauté. Nous avons pensé qu'en investissant dans l'entreprise pour améliorer ses performances, nous pouvions créer des capacités de production en France plutôt que de les détruire.

L'activité de verrerie est très intéressante, car votre matière première principale est le sable et votre principale consommation l'énergie. Le coût de main-d'oeuvre en France est-il si élevé que les avantages d'un surcroît de production ne pourraient pas compenser le faible coût de la main-d'oeuvre ailleurs ? Après analyse, nous avons conclu qu'augmenter le volume de production du site français – dont les capacités sont aujourd'hui sous-utilisées – serait moins coûteux que de transférer la fabrication à des sites étrangers. D'une part, parce que nos produits sont peu lourds mais volumineux ; d'autre part, parce que nos marchés principaux se trouvent en Europe et qu'aucun client n'est prêt à payer un surcoût pour l'éloignement.

Nous nous sommes demandé comment rendre l'entreprise plus attractive et plus performante. Nous exportons environ 50 millions de produits de verrerie en Chine, aux États-Unis, au Brésil, au Japon. Tous ces pays souhaitent des produits fabriqués en France. Les équipes d'Arc étaient tellement préoccupées par la conquête des hypermarchés français qu'elles en avaient oublié la valeur affective et l'image de qualité, très importante, dont la marque jouit dans d'autres pays. Nous pouvions être Lafarge en optant pour une activité reposant sur les matières premières et très consommatrice d'énergie, ou Louis Vuitton, avec une activité accordant beaucoup de valeur à la conception. Nous avons préféré Louis Vuitton et les produits à haute valeur ajoutée. C'est plus prometteur.

Quels sont les défis ?

Nous nous sommes engagés à développer l'activité en France, ce qui ne va certes pas sans difficultés mais qui comporte aussi des points très positifs. Il faut saluer la main-d'oeuvre extraordinaire. La loyauté des équipes ne doit pas être sous-estimée : c'est vrai pour la France mais la culture insufflée par Jacques Durand s'est diffusée dans toutes les activités à travers le monde. C'est un atout précieux. Nous pouvons compter sur l'engagement des salariés qui ont été très coopératifs lorsque nous avons entrepris ce travail difficile consistant à trouver les moyens d'améliorer l'activité.

Nous avons également bénéficié d'un soutien très important de la part du gouvernement français. L'Américain que je suis, qui n'a pas l'habitude d'employer les mots « socialisme », « solidarité » et « utilité » dans la même phrase, a trouvé cela extraordinaire. Les équipes de M. Macron nous ont aidés et soutenus pour faire avancer le projet et faire en sorte que chacun soit concentré sur les aspects importants, à savoir une bonne solution pour l'entreprise, une issue favorable pour les salariés et une plateforme stable de production pour l'avenir.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous avons la possibilité de développer l'activité en utilisant les capacités de production en France pour l'exportation et en augmentant les volumes aux Émirats arabes unis pour desservir les marchés américains. Nous sommes numéro un mondial. Nous sommes bien positionnés, car nous possédons des savoir-faire et des technologies uniques, que n'ont pas nos concurrents. Il faut nous servir de ce levier pour nous développer à l'international.

Avec des comptes assainis, nous serons en mesure d'investir dans l'entreprise. Les perspectives sont très satisfaisantes : nous avons des clients demandeurs de gros volumes dans le monde entier ; plusieurs distributeurs souhaitent vendre nos marques.

Nous souhaitons lancer de nouveaux produits, ce qui n'a pas été le cas depuis plusieurs années. Nous allons enfin pouvoir le faire après avoir résolu quelques problèmes opérationnels majeurs, financiers notamment. L'entreprise a décidé de se recentrer sur ses fondamentaux, et bénéficier d'une main-d'oeuvre très qualifiée et de salariés dévoués est tout à fait essentiel de ce point de vue. Pour avoir dirigé des entreprises aux États-Unis, je peux vous dire que ce n'est pas évident à trouver dans tous les pays.

Ce qui me paraît important, c'est que l'entreprise possède des marques de valeur et peut compter sur des salariés motivés pour développer l'activité. Nous allons nous concentrer sur la clientèle plus que par le passé. Ensuite, nous allons travailler sur notre culture. Nous allons pouvoir dire « oui » au lieu de dire systématiquement « non ». En réponse aux reproches qui lui étaient faits, Jacques Durand a dit un jour : « monsieur Non, on peut aussi le remplacer par monsieur Oui ». Pour moi, c'est exactement ce qu'il faut faire et ce que nous allons faire pour transformer Arc en une entreprise avec des gens qui disent « oui ».

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