Commission des affaires économiques

Réunion du 10 mars 2015 à 17h00

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La réunion

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La commission a auditionné M. Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International, M. Didier Riebel, futur directeur général du groupe Arc International, et M. Timothée Durand, directeur général d'Arc Europe.

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Chers collègues, je vous prie d'excuser le président François Brottes, qui participe en ce moment à la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte.

L'entreprise Arc International, créée en 1825, a longtemps illustré le succès de l'entrepreneuriat à la française. Ses dirigeants successifs, notamment Jacques Durand, en ont fait une référence mondiale en matière de verrerie et d'arts de la table. Elle emploie plusieurs milliers de personnes en France et près de 10 000 dans le monde.

Face aux difficultés économiques et financières qu'il a connues depuis 2004, le groupe a été amené à rechercher de nouveaux investisseurs. L'offre de reprise du fonds d'investissement PHP, représenté aujourd'hui par M. Gollin et M. Riebel, a ainsi permis d'éviter sa mise en redressement judiciaire.

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Timothée Durand, directeur général d'Arc Europe

Arc International est leader dans le domaine des arts de la table. Le groupe détient 12 à 13 % des parts de marché dans les arts de la table fabriqués à partir de verre. Son chiffre d'affaires est réalisé à raison de 42 % en Europe de l'Ouest, 16 % aux États-Unis et 42 % dans les pays émergents. L'entreprise compte cinq usines dans le monde, dont l'implantation est dictée par la nécessité de produire au plus près des marchés : l'usine historique est à Arques dans le Pas-de-Calais ; pour les États-Unis, nous avons une usine dans le New Jersey depuis 1982 ; en Chine, nous sommes implantés à Nankin, près de Shanghai, depuis 2003 ; une quatrième usine se trouve aux Émirats arabes unis depuis 2004 ; la cinquième a été acquise en Russie en 2011. Ces pays apprécient le made in France.

Mon arrière-grand-père a racheté en 1900 l'usine créée en 1825. C'est son fils, Jacques Durand, qui l'a véritablement développée à partir de 1927 et jusqu'en 1997, date à laquelle il a quitté l'entreprise, après soixante-dix ans à son service.

Jacques Durand était un visionnaire. Il a construit le développement de l'entreprise sur une idée simple : l'automatisation de la production du verre, qu'il est allé étudier aux États-Unis entre les deux guerres. Il en a rapporté des idées pour installer des fours et des machines de pressage avant la Seconde Guerre mondiale. Puis le plan Marshall a permis d'accélérer la mécanisation de la fabrication du verre en France, favorisant l'essor de la société. La réussite d'Arc repose sur sa capacité à offrir à bas prix aux consommateurs des verres ressemblant à ceux que fabriquent à la main les très grands manufacturiers comme Lalique et Baccarat.

La stratégie d'automatisation a été payante, car l'entreprise était en avance sur les verriers du reste du monde. Jacques Durand a créé les marques Luminarc dans les années 50 ainsi qu'Arcoroc et Arcopal dans les années 60. Il a également été le premier verrier à industrialiser le cristal en 1968. Face à une demande importante, l'entreprise était capable d'exporter dans le monde entier. Elle était la première à proposer des produits de qualité à un prix très compétitif.

Mais nos concurrents ont commencé à s'industrialiser. Nous avons pris conscience de l'importance de produire au plus proche des marchés, car les produits sont peu transportables, non pas qu'ils soient trop fragiles mais le coût du transport est très élevé – il représente 30 à 40 % du coût d'un produit livré en Thaïlande, par exemple. Il était donc impératif de régionaliser la production. C'est la raison pour laquelle nous avons commencé à investir au début des années 2000 là où se trouvent nos gros marchés, d'abord en Chine puis au Moyen-Orient.

Parallèlement, nous avons réduit les effectifs en France, en passant progressivement de 11 000 à 5 500 personnes. Cette diminution s'est faite dans le respect des valeurs sociales et humaines de la famille Durand, en évitant, autant que possible, les licenciements. Nous avons souhaité privilégier les plans de départs volontaires et aider au maximum les personnes à retrouver un emploi. Nous avons reçu le soutien des élus locaux, avec lesquels nous avons travaillé pour revitaliser le bassin d'emploi. Une trentaine de projets que nous avons soutenus ont vu le jour, représentant 1 500 emplois. Le respect du personnel qui a tant fait pour l'entreprise était pour nous un élément clé.

Ces départs nécessaires ont consommé beaucoup de trésorerie. C'est ainsi qu'a commencé l'endettement du groupe, accentué par quelques acquisitions moins profitables qu'attendu.

Il y a trois ans, l'entreprise a perdu son plus gros marché en dehors de la France, l'Iran, à cause de l'embargo économique, occasionnant un déficit de trésorerie de 50 millions d'euros par an. Depuis, la dette n'a cessé d'augmenter. Fin 2013, face à un endettement qui n'était plus supportable, nous avons décidé d'engager un processus de recherche d'investisseurs. Il a fallu une année pour trouver un partenaire qui porte un superbe projet industriel. Ce fut long et difficile, mais nous sommes heureux d'avoir trouvé des investisseurs qui, à la différence de nombreux autres, pensent d'abord au projet industriel avant la restructuration financière.

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Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International

Je suis honoré de votre invitation. C'est une chance pour nous de pouvoir travailler en France avec le gouvernement français.

Timothée Durand a parlé d'investissement industriel plutôt que d'opération financière. J'irai plus loin. Comme pour toutes les opportunités d'investissement que j'examine, j'ai sollicité l'avis des deux personnes qui me connaissent le mieux : ma mère et mon épouse. Lorsque je l'ai interrogée, ma mère m'a dit que Luminarc faisait des choses merveilleuses mais n'était plus vendu aux États-Unis depuis dix ans. Quant à mon épouse, qui est italienne, elle m'a parlé de ces petites assiettes à fleurs bleues, les assiettes Veronica, qui n'étaient plus vendues depuis douze ans. J'en ai conclu que les consommateurs étaient très attachés à la marque. Cet attachement reflète l'histoire de l'entreprise et le parcours de Jacques Durand. Je connais désormais l'histoire de l'assiette Veronica : c'est la cousine de Timothée, Veronica Petit, qui a fabriqué avec Jacques Durand cette assiette. Ce lien, qui n'est pas vraiment industriel mais affectif, lié à l'histoire et aux traditions de l'entreprise, nous a convaincus de l'intérêt de cette opportunité.

L'équipe de direction précédente proposait la destruction d'une grande partie de la valeur de la marque – sa dimension sociale et familiale – en voulant fermer les capacités de fabrication en France pour les transférer sur les autres sites. Nous avons considéré qu'une solution moins destructrice était possible pour relancer cette activité. Lorsque vous cherchez à licencier en France, non seulement vous rencontrez des problèmes, comme aux États-Unis, mais vous détruisez une communauté. Nous avons pensé qu'en investissant dans l'entreprise pour améliorer ses performances, nous pouvions créer des capacités de production en France plutôt que de les détruire.

L'activité de verrerie est très intéressante, car votre matière première principale est le sable et votre principale consommation l'énergie. Le coût de main-d'oeuvre en France est-il si élevé que les avantages d'un surcroît de production ne pourraient pas compenser le faible coût de la main-d'oeuvre ailleurs ? Après analyse, nous avons conclu qu'augmenter le volume de production du site français – dont les capacités sont aujourd'hui sous-utilisées – serait moins coûteux que de transférer la fabrication à des sites étrangers. D'une part, parce que nos produits sont peu lourds mais volumineux ; d'autre part, parce que nos marchés principaux se trouvent en Europe et qu'aucun client n'est prêt à payer un surcoût pour l'éloignement.

Nous nous sommes demandé comment rendre l'entreprise plus attractive et plus performante. Nous exportons environ 50 millions de produits de verrerie en Chine, aux États-Unis, au Brésil, au Japon. Tous ces pays souhaitent des produits fabriqués en France. Les équipes d'Arc étaient tellement préoccupées par la conquête des hypermarchés français qu'elles en avaient oublié la valeur affective et l'image de qualité, très importante, dont la marque jouit dans d'autres pays. Nous pouvions être Lafarge en optant pour une activité reposant sur les matières premières et très consommatrice d'énergie, ou Louis Vuitton, avec une activité accordant beaucoup de valeur à la conception. Nous avons préféré Louis Vuitton et les produits à haute valeur ajoutée. C'est plus prometteur.

Quels sont les défis ?

Nous nous sommes engagés à développer l'activité en France, ce qui ne va certes pas sans difficultés mais qui comporte aussi des points très positifs. Il faut saluer la main-d'oeuvre extraordinaire. La loyauté des équipes ne doit pas être sous-estimée : c'est vrai pour la France mais la culture insufflée par Jacques Durand s'est diffusée dans toutes les activités à travers le monde. C'est un atout précieux. Nous pouvons compter sur l'engagement des salariés qui ont été très coopératifs lorsque nous avons entrepris ce travail difficile consistant à trouver les moyens d'améliorer l'activité.

Nous avons également bénéficié d'un soutien très important de la part du gouvernement français. L'Américain que je suis, qui n'a pas l'habitude d'employer les mots « socialisme », « solidarité » et « utilité » dans la même phrase, a trouvé cela extraordinaire. Les équipes de M. Macron nous ont aidés et soutenus pour faire avancer le projet et faire en sorte que chacun soit concentré sur les aspects importants, à savoir une bonne solution pour l'entreprise, une issue favorable pour les salariés et une plateforme stable de production pour l'avenir.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Nous avons la possibilité de développer l'activité en utilisant les capacités de production en France pour l'exportation et en augmentant les volumes aux Émirats arabes unis pour desservir les marchés américains. Nous sommes numéro un mondial. Nous sommes bien positionnés, car nous possédons des savoir-faire et des technologies uniques, que n'ont pas nos concurrents. Il faut nous servir de ce levier pour nous développer à l'international.

Avec des comptes assainis, nous serons en mesure d'investir dans l'entreprise. Les perspectives sont très satisfaisantes : nous avons des clients demandeurs de gros volumes dans le monde entier ; plusieurs distributeurs souhaitent vendre nos marques.

Nous souhaitons lancer de nouveaux produits, ce qui n'a pas été le cas depuis plusieurs années. Nous allons enfin pouvoir le faire après avoir résolu quelques problèmes opérationnels majeurs, financiers notamment. L'entreprise a décidé de se recentrer sur ses fondamentaux, et bénéficier d'une main-d'oeuvre très qualifiée et de salariés dévoués est tout à fait essentiel de ce point de vue. Pour avoir dirigé des entreprises aux États-Unis, je peux vous dire que ce n'est pas évident à trouver dans tous les pays.

Ce qui me paraît important, c'est que l'entreprise possède des marques de valeur et peut compter sur des salariés motivés pour développer l'activité. Nous allons nous concentrer sur la clientèle plus que par le passé. Ensuite, nous allons travailler sur notre culture. Nous allons pouvoir dire « oui » au lieu de dire systématiquement « non ». En réponse aux reproches qui lui étaient faits, Jacques Durand a dit un jour : « monsieur Non, on peut aussi le remplacer par monsieur Oui ». Pour moi, c'est exactement ce qu'il faut faire et ce que nous allons faire pour transformer Arc en une entreprise avec des gens qui disent « oui ».

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Je vous remercie d'avoir salué l'action du Gouvernement, notamment du ministre de l'économie Emmanuel Macron.

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Didier Riebel, futur directeur général du groupe Arc International

Les négociations sur le plan de sauvegarde de l'emploi ont été menées dans des délais très courts. Nous avons la chance d'entretenir avec les syndicats une relation très constructive. Dans cette période difficile, ils ont joué leur rôle sans jamais perdre de vue l'intérêt de l'entreprise et la préservation de l'outil industriel.

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Je vous remercie d'avoir accepté de venir devant la représentation nationale, c'est l'ancien maire d'Arques qui vous le dit.

Sur les 60 millions d'euros injectés dans l'entreprise, 30 millions seront consommés par le PSE. Pensez-vous que les 30 millions restants seront suffisants pour financer les évolutions technologiques et commerciales nécessaires pour retrouver les bénéfices ?

Il est prévu de modifier avant la fin du mois de mars le statut de l'entreprise de société anonyme en société par actions simplifiée. Quelles sont les motivations de ce changement rapide ? Est-il annonciateur d'un projet de revente à court terme ?

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Député du Pas-de-Calais, né à Saint-Omer, je suis très intéressé par l'avenir de cette entreprise. Vous avez souligné l'attachement très fort des salariés à l'entreprise, qui donneront le meilleur d'eux-mêmes pour la développer. J'y ajouterai celui des habitants du Pas-de-Calais.

L'entreprise, depuis dix ans, a été malmenée. Les salariés ont beaucoup souffert. J'espère que les prochaines années seront des années de « oui » et que l'entreprise pourra enfin aller de l'avant. Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur la solidité de votre projet industriel ? Pouvez-vous confirmer qu'il s'inscrit dans le temps ?

Quels investissements prévoyez-vous ? Quels moyens entendez-vous consacrer au repositionnement et au développement de nouveaux produits ? Avez-vous l'intention de créer de nouvelles marques, de privilégier le haut de gamme, de mettre l'accent sur le made in France ?

Enfin, quelles sont les garanties pour l'emploi en France ? Qu'en est-il de la réduction de l'endettement ? Aurez-vous les moyens à la fois de réduire la dette, de mettre en place le plan social et de financer votre stratégie ?

Vous affichez de grandes ambitions, mais quels sont les moyens dont vous disposez pour atteindre vos objectifs ? Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

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Je m'interroge sur la future structure du groupe Arc international. La holding AIH restera-t-elle la structure de tête ou sera-t-elle coiffée par une autre ? Dans ce cas, la nouvelle holding sera-t-elle de droit français et qui en seront les actionnaires ?

Il semble que les banques aient abandonné une large partie de leurs créances. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

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Le 17 janvier dernier, près de 250 salariés ont manifesté contre l'abandon du classement de l'usine d'Arques en site amiante, qui permettrait notamment aux salariés exposés de partir plus tôt à la retraite, soit près de 2 000 salariés. À l'issue des négociations, les syndicats ont accepté de renoncer à la demande de classement. Pouvez-vous nous préciser les conditions de la négociation et les enjeux d'un tel classement ?

Quelle est votre stratégie pour transformer la production face à la concurrence internationale ?

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Je vous félicite, monsieur Durand, d'avoir su conserver un esprit familial dans une entreprise de cette taille.

Quels marchés peuvent vous permettre de compenser la perte du marché iranien ? Quelle est votre feuille de route pour donner un essor international à l'entreprise dans les trois prochaines années ?

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Je salue la clarté et la franchise, rares mais bienvenues, des propos que vous avez tenus. Je me félicite d'avoir entendu M. Gollin dire que le coût du travail n'est pas le seul critère de décision et que la France a raison d'insister parfois sur la compétitivité hors coût qui tient à la réputation des marques, à la qualité des produits ainsi qu'à la qualité de la main-d'oeuvre et à son implication. Ce sont aussi les atouts du made in France.

Vous avez souligné la bonne collaboration avec les salariés, la famille Durand, le Gouvernement, mais aussi la région Nord-Pas-de-Calais qui s'est beaucoup investie. Des engagements ont, semble-t-il, été pris de part et d'autre. Quels sont-ils ? Comment comptez-vous tenir les vôtres à court mais surtout à long terme ?

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Quels sont vos projets en matière de recherche et développement. Quels budgets envisagez-vous d'y consacrer ?

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Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International

Plusieurs questions portent sur les moyens injectés dans l'entreprise. Sont-ils suffisants ? Permettront-ils de réussir là où tout le monde avait prédit l'échec ?

La somme de 30 millions d'euros ne correspond pas à ce que nous allons investir mais à l'argent frais que nous allons injecter. Au fur et à mesure que la société générera de la trésorerie – ce qu'elle a d'ailleurs commencé à faire cette année –, nous pourrons la réinvestir dans l'activité. Ces investissements concernent essentiellement la région d'Arques et nos filiales qui garantissent une chaîne de distribution solide.

Nous avons été contraints d'interrompre notre activité en Iran. John Kerry trouvera peut-être un accord avec son homologue iranien mais, pour l'instant, les États-Unis n'ont pas le droit de travailler avec l'Iran. Pour compenser cette perte de volumes de vente, nous essayons d'augmenter les volumes sur le marché américain. Il est important de soutenir l'usine aux Émirats arabes unis, car elle nous permet de bien distribuer les produits made in France dans la région. Lorsque les clients achètent un verre, ils veulent du made in France, mais sans réseau de distribution solide sur les marchés étrangers, nous ne pourrons pas les toucher. Les produits seront donc fabriqués localement à raison de 50 à 60 %, le reste le sera en France.

Les 30 millions d'euros seront d'abord consacrés à la modernisation de l'usine afin d'être en mesure de produire des lots plus petits, de meilleure qualité, sans pour cela exploiter notre main-d'oeuvre – les changements d'outils de production sont difficiles et rendent la tâche pénible pour les employés. Nous avons décidé de travailler avec Hitachi consulting, qui est leader dans la production sans gaspillage, pour nous accompagner dans ce processus. Produire sans gaspiller nous permettra de réduire les stocks en ayant plus d'agilité pour répondre à la demande des clients qui, aujourd'hui, veulent être livrés plus souvent en plus petite quantité.

Plusieurs mesures ont déjà été prises en ce sens. Des projets ont été définis depuis une vingtaine d'années par l'entreprise mais souffraient d'un manque de capitaux. Afin de produire de façon plus flexible, les investissements nécessaires – 10 à 15 millions d'euros – seront financés soit par des concours bancaires, soit par nos fonds propres. Nous aviserons en fonction de nos relations avec les fournisseurs.

Il nous faudra installer les nouveaux équipements, les normaliser dans le monde entier et former les employés à leur utilisation. Nous allons également investir dans les processus de développement des produits. Nous sommes plutôt performants en matière de conception. En revanche, le bât blesse sur les délais de mise sur le marché. Nous allons investir pour accélérer la commercialisation dont le circuit est aujourd'hui assez complexe.

Quant à la répartition de l'argent investi, nous voulons d'abord faciliter et accélérer la mise au point de produits et mieux répondre aux attentes du marché en réduisant les stocks. Nous pourrons ainsi générer plus de trésorerie au cours des années à venir. Cette trésorerie nous permettra d'investir davantage. Nous avons établi un programme ambitieux de plusieurs centaines de millions d'euros d'investissements au cours des prochaines années, dont le calendrier n'est pas encore arrêté.

Je pense que les chiffres sont raisonnables et qu'ils nous permettront non seulement d'utiliser au mieux nos capacités en Europe, mais également de nous développer de façon agressive sur des marchés où nous ne sommes pas encore présents.

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Didier Riebel, futur directeur général du groupe Arc International

Nous avons finalisé la cession du site industriel de Blaringhem, qui a été racheté par la communauté de communes de Flandre intérieure, associée à l'agglomération de Saint-Omer, avec des garanties apportées par la région, pour un montant de 25 millions d'euros. Cette somme viendra augmenter notre trésorerie pour démarrer un programme d'investissement ambitieux, qui sera ensuite alimenté par les rentrées générées par l'entreprise elle-même.

Nous avons travaillé en étroite collaboration avec les services de l'État. Il est vrai que la région joue également un rôle important. Nous avons développé avec la région Nord-Pas-de-Calais des programmes en matière d'innovation, de bien-être au travail ou de formation. Nous allons aussi mettre en place un programme intergénérationnel permettant d'intégrer plusieurs dizaines de jeunes dans l'entreprise chaque année, parallèlement à la cessation progressive d'activité de seniors, pour lequel nous souhaitons également travailler avec la région.

S'agissant de la restructuration de la dette, nous avons obtenu un important abandon des dettes de la holding française, à hauteur de 80 à 90 % du montant initial. Le groupe redémarre donc avec une dette très faible, ce qui redonne des marges de manoeuvre à l'entreprise à moyen terme. La capacité d'autofinancement pourra donc être pleinement utilisée pour l'investissement.

Le classement de l'entreprise en site amiante correspond à une demande historique de la plupart des syndicats, dans le but de faciliter le départ en préretraite de près de 2 000 employés. Mais, en raison du très faible taux d'exposition à l'amiante du site, la probabilité d'obtenir le classement était infime, voire quasi nulle. Ce classement était présenté par la direction précédente comme une solution pour un traitement social des sureffectifs. Nous avons, pour notre part, décidé de maintenir la totalité des effectifs sur le site d'Arques.

En outre, ce classement présentait un risque financier important pour l'entreprise, car il ouvrait la voie à des demandes de réparation du préjudice d'anxiété qui pouvaient se chiffrer pour des milliers de personnes à plus de 10 000 euros par personne. Nous ne pouvions pas accepter cette épée de Damoclès. Nous avons donc obtenu de la part des syndicats qu'ils ne poursuivent pas dans cette voie.

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Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International

L'actionnariat est composé de particuliers, dont je fais partie. L'actionnaire le plus important est mon ancien patron, Dick Cashin, qui est investisseur depuis quarante ans aux États-Unis. Son gendre a rejoint l'entreprise et le conseil d'administration. Les familles Ibled et Durand sont également actionnaires. Il était important que nous investissions tous dans les mêmes titres : nous n'aurons pas toujours les mêmes opinions mais nous avons les mêmes intérêts.

Le groupe d'investisseurs est donc restreint. Le seul autre investisseur est Richard Haythornthwaite, PDG de Centrica et directeur non exécutif de Mastercard, ressortissant britannique et vieil ami de M. Cashin. Avec ce petit groupe de personnes, nous pouvons interagir de manière efficace. Richard Haythornthwaite nous apporte son savoir-faire en management, je suis moi-même un manager très expérimenté, Dick Cashin dispose d'une expérience des finances, Didier Riebel, Timothée Durand et toute sa famille nous font également bénéficier de leur expérience. Tous les ingrédients sont ainsi réunis pour assurer l'avenir de l'activité.

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Didier Riebel, futur directeur général du groupe Arc International

S'agissant des produits, il y a une réflexion en cours sur le redéveloppement de certaines marques, voire le lancement de nouvelles. Nous entendons couvrir l'ensemble du marché, de l'entrée de gamme au haut de gamme, alors qu'aujourd'hui le groupe est plutôt centré sur les produits de milieu de gamme. Cela suppose pour nous de conquérir de nouveaux marchés.

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Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International

La relance de l'entreprise est un processus qui s'étalera sur plusieurs années. Développer de nouveaux produits prendra du temps. Nos équipes commerciales vont se déplacer à travers le monde ; elles se sont déjà rendues au Proche-Orient. Nous travaillons à l'élaboration de nouveaux produits, mieux adaptés aux besoins des marchés sur lesquels nous voulons nous positionner. Nous devons renforcer notre présence internationale et accroître nos exportations. Pour cela, il faut nous concentrer sur les produits à plus forte valeur ajoutée en nous appuyant sur la réputation de notre marque, sur son patrimoine et son savoir-faire technologique.

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Didier Riebel, futur directeur général du groupe Arc International

S'agissant de l'emploi en France, nous avons pris l'engagement formel, qui sera acté dans le protocole de conciliation, de ne pas procéder à d'autres plans de sauvegarde de l'entreprise dans les trois ans qui viennent.

Par ailleurs, l'augmentation des volumes de production de l'entité française, où se situent 25 % des capacités disponibles, permettra de maintenir le niveau d'emploi actuel, voire de l'augmenter, sans toutefois que nous puissions prendre des engagements fermes en ce domaine.

Des craintes quant à une revente à court terme du groupe se sont exprimées. Pour nous, l'horizon d'investissement dépasse clairement les trois à quatre années qui seront nécessaires pour mettre en oeuvre les projets que nous avons lancés. On ne peut redévelopper un groupe international de cette taille au plan industriel et commercial en quelques mois.

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Timothée Durand, directeur général d'Arc Europe

L'innovation est à l'origine du succès du groupe et elle le restera. Plus de 200 personnes se consacrent à la recherche et au développement à Arques. L'objectif est d'accélérer le développement de nouveaux produits et de redonner de la puissance au processus d'innovation. Nous allons donc accroître les dépenses consacrées à la R&D.

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Tim Gollin, futur président exécutif du groupe Arc International

Nous disposons de la plupart des ressources nécessaires à l'intérieur même du groupe. Nous n'avons pas besoin de recruter des personnes à l'extérieur : nous avons les équipes, nous avons l'expertise, nous avons le savoir-faire, nous avons même les équipements. C'est un message très positif : tout en ayant besoin d'aide, de fonds et d'une culture organisationnelle plus forte, le groupe peut rester tel qu'il est, tout faire par lui-même, car il rassemble les meilleurs atouts. Faire les choses par soi-même fait d'ailleurs partie de la culture dans le Nord-Pas-de-Calais. La proximité avec la ligne de production et le site industriel est très importante pour la communauté.

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Je vous remercie, messieurs, pour vos réponses. Vous nous avez mis du baume au coeur. Le tissu industriel de notre pays comporte de nombreux atouts. La reprise du groupe Arc préfigurera, nous l'espérons, d'autres opérations de ce type en France.

La commission a ensuite examiné pour avis la proposition de loi de M. Bruno Le Roux relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre (n° 2578) sur le rapport de Mme Annick Le Loch.

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Le drame du Rana Plaza, survenu le 24 avril 2013, nous a rappelé avec douleur l'urgence qui s'attache à l'adaptation de notre appareil juridique à la nouvelle donne de la mondialisation. L'allongement et la complexification des circuits de production et de commercialisation ainsi que les fortes disparités en termes de conditions de travail et de protection de l'environnement à l'échelle de la planète autorisent les entreprises à laisser des catastrophes humaines, sanitaires et environnementales se produire sans que leur responsabilité puisse être recherchée. Outre l'effondrement du Rana Plaza, dont le caractère tragique avait marqué l'opinion, citons le cas des infrastructures sportives de la Coupe du monde de football au Qatar, pour la construction desquelles des ouvriers népalais travaillent dans des conditions inhumaines, ou la catastrophe de Bhopal en Inde en 1984.

La France, nation pionnière des droits de l'homme et des travailleurs, ne peut se désintéresser du sort des populations ainsi exploitées : d'une part, ce combat correspond à des valeurs que nous tenons pour universelles ; d'autre part, il y va de notre intérêt tant politique qu'économique et de la sauvegarde de l'environnement.

La proposition de loi déposée par le groupe socialiste, républicain et citoyen est le fruit d'un long travail de réflexion mené conjointement avec le Gouvernement et les autres groupes de gauche de notre assemblée ainsi qu'avec des organisations non gouvernementales (ONG) et des organisations représentatives des salariés et du patronat. Elle tire les leçons des débats qui ont eu lieu récemment lors de l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, et de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, déposée par nos collègues du groupe écologiste. Je tiens ici à saluer le courage et la détermination de notre collègue Danielle Auroi, rapporteure de ce texte : elle a permis qu'un véritable débat s'engage dans notre assemblée sur cette question.

Le texte qui vous est proposé constitue une réponse équilibrée et opérationnelle aux drames présents et à venir. Il doit permettre, à terme, d'engager une démarche européenne autour de ces enjeux.

Il prend appui sur les déclarations de principe et les normes élaborées par des organisations internationales qui ont d'ores et déjà engagé des travaux essentiels sur cette question : principes directeurs de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) à destination des entreprises multinationales ; déclaration de principe tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale de l'Organisation internationale du travail (OIT) ; lignes directrices de la norme ISO 26 000 mise au point par l'Organisation internationale de normalisation ; principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'Homme adoptés à l'unanimité par le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies, le 17 juin 2011.

La France peut également s'appuyer sur les dispositifs adoptés dans les pays étrangers : au Canada, dont le code criminel prévoit depuis 2004 qu'une société est tenue de protéger ses employés et la population environnante contre le risque de dommages corporels et de prendre des mesures raisonnables en ce sens ; au Royaume-Uni, qui a adopté en 2010 une loi ambitieuse contre la corruption prévoyant que la responsabilité d'une entreprise est engagée dès lors qu'elle bénéficie des agissements répréhensibles d'un tiers ; en Suisse, enfin, dont le droit reconnaît que le manque d'organisation d'une entreprise est susceptible d'engager sa responsabilité pénale.

L'article 1er de la proposition de loi oblige les entreprises à établir un plan de vigilance comprenant des mesures de vigilance raisonnables permettant d'identifier et de prévenir la réalisation de risques d'atteinte aux droits de l'Homme et aux libertés fondamentales, de dommages corporels ou environnementaux graves ou de risques sanitaires. Les risques concernés résultent de l'activité tant de la société elle-même que des sociétés qu'elle contrôle ainsi que des sous-traitants ou fournisseurs sur lesquels elle exerce une influence déterminante. Le plan doit viser à prévenir les comportements de corruption active ou passive. Il est publié et la société doit rendre compte de sa mise en oeuvre. Le défaut d'établissement ou de communication de ce plan ainsi que l'absence de rapport sur sa mise en oeuvre exposent la société à une amende civile pouvant aller jusqu'à 10 millions d'euros.

Ce dispositif se concentre sur les grandes entreprises. Comme le prévoit l'article 1er, l'obligation d'établir un plan de vigilance concerne toute entreprise employant au moins 5 000 salariés en son sein et dans ses filiales, directes ou indirectes, lorsque le siège social est fixé en France, ou au moins 10 000 salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes, lorsque le siège social est fixé en France ou à l'étranger. Même si le choix de ces seuils peut faire l'objet de débats, il me paraît essentiel que l'obligation d'établir un plan de vigilance se concentre sur les grandes entreprises qui sont les plus directement concernées – nous savons tous que les grandes multinationales représentent 80 % du commerce mondial. Ces entreprises disposent, par ailleurs, de moyens humains et financiers suffisants pour les élaborer et les mettre en oeuvre. Afin d'éviter que des variations minimes d'effectifs ne contraignent des entreprises à l'élaboration d'un plan de vigilance pour une durée réduite, il est prévu que l'obligation ne s'applique que lorsque ces seuils sont atteints à la clôture de deux exercices consécutifs.

C'est seulement en cas de manquement aux obligations relatives au plan de vigilance que la responsabilité de la société pourra être recherchée sur les fondements des articles 1382 et 1383 du code civil, ainsi que le prévoit l'article 2 de la proposition de loi. La responsabilité de la société pourra ainsi être recherchée dans les conditions du droit commun, à la condition que soit prouvée l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre l'une et l'autre.

Ce dispositif constitue une évolution par rapport à la proposition de loi discutée en janvier dernier dans notre hémicycle, qui introduisait une présomption simple de faute de la part de l'entreprise. On pourra objecter que le déséquilibre des ressources entre plaignants et entreprises dans ce type d'affaires limite la portée de ce dispositif. Toutefois, l'instauration d'un plan de vigilance dont l'effectivité pourra être contrôlée par le juge constitue une première étape indispensable.

Je souhaite également souligner qu'il s'agit d'une innovation, aucun pays n'ayant actuellement étendu le devoir de vigilance à un tel éventail de risques.

En tant que membre de la commission des Affaires économiques, je voudrais insister sur le fait que ce texte est au service de nos entreprises et de leur compétitivité. L'introduction d'un plan de vigilance obligatoire permettra de valoriser les efforts des entreprises vertueuses qui appliquent déjà des procédures d'identification et de réduction des risques d'atteinte aux droits de l'Homme et à l'environnement – elles sont au nombre d'une centaine en France.

En outre, en assurant une plus grande transparence sur les efforts consentis par les entreprises en ces matières et une meilleure information du consommateur, ce texte rétablira des conditions de concurrence équitables entre ces entreprises et celles qui ne s'astreignent pas aux mêmes obligations ou qui ne s'y conforment qu'à des fins de communication. À l'échelle internationale, l'obligation de vigilance permettra également de rétablir des conditions de concurrence plus équitables entre les entreprises produisant sur le sol français et celles qui recourent au dumping sur les droits de l'Homme et l'environnement en délocalisant certaines de leurs activités dans des pays dont les normes sont moins rigoureuses.

Enfin, le devoir de vigilance constitue un facteur de sécurité pour les entreprises. À l'heure où l'opinion publique est de plus en plus sensible au comportement des entreprises en matière éthique et environnementale, il leur fournit un cadre d'action clair qui leur permettra de réduire le risque d'atteinte à leur réputation. De plus, l'inscription dans la loi d'une procédure clairement définie leur apporte une plus grande sécurité juridique dans un contexte où le devoir de vigilance commence à être reconnu par la jurisprudence, ainsi par la Cour de cassation, comme on l'a vu dans son jugement sur l'affaire du naufrage de l'Erika en septembre 2012.

Telles sont, en substance, les dispositions contenues dans cette proposition de loi, que nos débats permettront d'enrichir. Elle me semble d'ores et déjà constituer une étape essentielle dans la responsabilisation des grandes entreprises transnationales.

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Mme Le Loch a parfaitement défini l'enjeu du débat qui nous réunit aujourd'hui. La proposition de loi que nous examinons constitue une avancée singulière : pour la première fois, la France va montrer l'exemple en ce domaine en proposant des dispositions législatives qui couvrent un champ complet de risques, des atteintes aux droits de l'Homme en passant par les risques pour l'écosystème jusqu'à la corruption.

Ce dispositif s'attache aux plus grandes de nos entreprises, qui, d'elles-mêmes, ont déjà mis en oeuvre des principes de vigilance. Il repose sur une démarche dynamique d'adhésion que nous espérons voir partagée à l'échelle européenne. Par ce biais, pourront être instaurées des règles de commerce engendrant une mondialisation plus heureuse, plus humaine, plus régulée. Tel est le dessein de cette proposition de loi.

Il ne s'agit pas d'un grand soir mais d'un petit matin.

Le texte donne aux entreprises la capacité de garantir l'effectivité des dispositifs de prévention en établissant une possibilité de sanction par les juges. En cas de dommages, il permet d'établir un lien de causalité entre le non-respect du devoir de vigilance et la réparation due aux victimes.

Certes, il ne réglera pas tout, tout de suite. Toutefois, à l'instar du combat contre les paradis fiscaux, il enclenche une dynamique que nous souhaitons irréversible, celle de la défense d'une saine économie, qui ne méprise pas l'homme et met en valeur la production et le juste échange, loin des logiques spéculatives qui considèrent les hommes comme des déchets.

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Lors de la discussion de la proposition de loi du groupe écologiste, nous avions souligné que l'intégration progressive et concrète de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) dans la stratégie de nos entreprises était absolument nécessaire. Elle constitue, d'ailleurs, l'une des conditions pour donner une réalité aux politiques d'aide au développement ainsi qu'à l'efficacité de ces politiques sur le terrain. Toutefois, de telles dispositions peuvent conduire à réduire la compétitivité de nos entreprises par rapport à leurs concurrents qui ne seraient pas soumis aux mêmes obligations. Elles risquent également de complexifier encore leur gestion en ajoutant une strate de contraintes administratives et de risques au plan pénal. Je reconnais cependant que l'enjeu peut en valoir la peine.

Voilà que six semaines à peine après le renvoi en commission du texte de nos collègues du groupe écologiste, nous examinons une proposition de loi qui porte sur le même sujet. Certes, le contenu a quelque peu changé : d'une responsabilité juridique permanente des entreprises, on passe à l'obligation d'élaborer et de rendre public un plan de vigilance ; des précisions ont été apportées quant aux seuils et quant aux conditions de contestation. Nous prenons acte de cette évolution, mais déplorons que ce texte, pas plus que le précédent, ne se soit appuyé sur une étude d'impact comme on pourrait s'y attendre s'agissant de dispositions comportant de lourdes conséquences pour les entreprises. Cette absence conduit à se demander quel type de dialogue a pu être mené durant ces six semaines d'intervalle avec les entreprises potentiellement concernées.

Combien de sociétés se verraient appliquer l'obligation d'un plan de vigilance ? Où en sont-elles en matière de vigilance ? Combien ont déjà adopté la norme ISO 26000 ? Quelle est leur situation financière ? Quels délais auraient-elles pu demander pour se conformer aux obligations que le texte veut leur imposer ? Quel travail représenterait pour elles l'élaboration de plans de vigilance et leur mise en oeuvre ? Quelles obligations s'imposent à leurs concurrents directs, dont le siège se situe hors de France ? Poser ces questions aurait permis de mieux éclairer la discussion à laquelle vous nous invitez aujourd'hui.

Si nous soutenons le principe d'un devoir de vigilance sans doute davantage aujourd'hui qu'il y a six semaines au vu de la forme qu'il prend, nous estimons ne pas avoir suffisamment d'éléments pour juger des conséquences de ces nouvelles dispositions pour les entreprises.

Le devoir de vigilance qui s'appliquera à nos entreprises peut se heurter, sur le terrain, à un cadre réglementaire qui n'y est pas favorable, à un droit du travail qui ne serait pas compatible avec les exigences qu'il imposerait, à certaines règles relatives à l'environnement. L'obstacle des réglementations locales pourrait toutefois être contourné si l'on autorise les entreprises à tenir compte dans leur plan des spécificités propres à chaque pays où elles sont présentes.

Ironie de notre calendrier, le 29 janvier, lors de la discussion de la proposition de loi écologiste, le Premier ministre était en Chine, accompagné d'une délégation d'industriels. Dans la presse, il n'a été mentionné nulle part qu'il aurait évoqué le respect du droit du travail, la protection de l'environnement ou la lutte contre la corruption, volets pourtant indispensables à la mise en oeuvre de la RSE. Tout cela me fait dire que nous devons non seulement placer nos entreprises dans une position d'exemplarité mais aussi nous assurer que les pays où elles sont implantées font le même chemin dans leur législation.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.

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La proposition de loi déposée par le groupe SRC fait un petit pas vers l'introduction d'un devoir de vigilance qui s'imposerait aux grandes entreprises, aux très grandes entreprises même, car le seuil de 5 000 salariés envisagé est dix fois supérieur à celui proposé par l'Europe.

L'initiative est exceptionnelle, certes ; elle répond aussi aux attentes de la société civile. Rappelons que 160 000 citoyens ont soutenu la démarche du groupe écologiste et que, selon un sondage CSA commandé par le Forum citoyen pour la RSE, publié mardi 27 janvier, 80 % des Français interrogés estiment que les multinationales doivent être tenues responsables juridiquement des catastrophes humaines et environnementales provoquées par leurs filiales et sous-traitants. Preuve est faite que nos concitoyens soutiennent une initiative visant la justice et l'équité et que nul n'est dupe du chantage que tentent d'exercer les multinationales qui ne cherchent qu'à conforter leur impunité. Des drames comme le Rana Plaza ne peuvent se reproduire sans conséquences pour les sociétés mères.

Si l'intention de cette proposition de loi est louable et partagée, son contenu reste très en deçà de la proposition de loi déposée par les quatre groupes de gauche il y a plus d'un an et défendue le 29 janvier dernier par ma collègue Danielle Auroi dans le cadre de la niche du groupe écologiste.

Préparé en étroite concertation avec les ONG et soutenu par 250 d'entre elles, ce texte s'inscrivait dans la droite ligne des principes directeurs fixés par les Nations unies et l'OCDE en instaurant une obligation de vigilance assortie d'une obligation de moyens pour les grands groupes. Son dépôt avait enclenché une dynamique collective comme l'ont montré les initiatives du groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Nous espérons vivement que nos débats permettront de créer les conditions d'une convergence avec le groupe majoritaire. C'est dans cette perspective que nous présenterons des amendements conjoints pour améliorer le contenu du texte actuel et lui donner davantage de force.

Les bonnes pratiques et l'adoption de principes ne suffisent pas. Il est impératif pour l'accès des victimes à la justice de mettre en place des outils permettant d'identifier les responsabilités tout au long de la chaîne de valeur. Or, ce principe de responsabilité solidaire, nous ne le retrouvons pas dans la rédaction actuelle de la proposition de loi. Son inscription dans la loi est pourtant une étape essentielle à franchir pour éviter que la responsabilité des puissants ne se dilue dans la chaîne de production. Nous avons déposé un amendement pour combler cette lacune. Madame la rapporteure, c'est la responsabilité criminelle des multinationales que nous devons faire valoir quand elle est en cause.

D'autres questions se posent. Je pense en particulier aux seuils fixés pour déterminer quelles entreprises doivent être soumises à l'obligation d'élaborer un plan de vigilance, au renvoi au Conseil d'État des modalités d'application ou encore à la définition des liens de sous-traitance. C'est en fonction des avancées qui seront apportées en commission et en séance, et donc des éventuelles convergences qui se dessineront avec la proposition de loi que nous avions déposée, que le groupe écologiste arrêtera sa position finale.

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Nous voici réunis pour examiner une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre moins de deux mois après celle qui avait été défendue par le groupe écologiste.

Je tiens tout d'abord à remercier nos deux collègues, Dominique Potier et Philippe Noguès, qui, depuis de longs mois, travaillent sur ce texte. Tout en poursuivant le même objectif que la précédente, cette seconde proposition de loi est dotée d'un dispositif plus resserré, plus clair, plus précis, donc plus sûr et plus efficace. En effet, si le travail accompli pour la rédaction de la première avait été remarquable en ce que son élaboration avait réuni Parlement et société civile, le groupe socialiste a jugé que certains points méritaient d'être repris. Après analyse, le dispositif proposé s'était révélé fragile sur le plan constitutionnel et complexe sur le plan juridique.

Le présent texte définit plus précisément les nouvelles obligations incombant aux entreprises donneuses d'ordre ; il établit clairement un lien entre le défaut de plan de vigilance et le préjudice constaté ; enfin, il rend possible l'application du droit commun de la responsabilité pour faute.

De bonnes pratiques ont déjà émergé depuis la mise en place de la Plateforme nationale d'action globale pour la responsabilité sociétale des entreprises. Il s'agit d'intégrer dans notre droit le recours à des règles de bonne conduite auxquelles la majorité des entreprises souscrit déjà, dans le respect de notre modèle juridique. Aux termes de l'article 1er, les sociétés anonymes d'une certaine taille seront désormais tenues de mettre en oeuvre un plan de vigilance comportant des mesures raisonnables propres à prévenir les atteintes et les risques préalablement identifiés à travers, notamment, une cartographie des risques pays par pays, une contractualisation des obligations RSE ou encore des audits sociaux et environnementaux à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Ainsi, nous passerons de ce que l'on appelle la soft law au droit pur et ferons de la vigilance un devoir véritable, en en tirant toutes les conséquences sur le plan juridique.

L'efficacité de la présente proposition de loi doit être garantie par sa publicité qui permet un contrôle par les personnes justifiant un intérêt à agir de même que par le pouvoir conféré aux juges, soit pour vérifier le contenu et la qualité du plan de vigilance, soit, en urgence, pour s'assurer de son existence et du sérieux de sa mise en oeuvre. La société négligente pourra se voir infliger une amende civile susceptible d'atteindre 10 millions d'euros.

L'article 2 permet, quant à lui, d'engager la responsabilité civile d'une société concernée par un dommage qu'elle aurait raisonnablement pu éviter. Si le juge établit que la mise en oeuvre d'une mesure de prévention aurait pu éviter ou minimiser le préjudice causé, alors la responsabilité de la société pourra être établie dans la limite classique du principe général de territorialité. En d'autres termes, des sanctions pénales s'appliqueront si la victime est française, si l'auteur est français et coupable d'un crime ou encore si l'auteur est français et coupable d'un délit également existant dans le pays où il a été commis.

Afin de fournir à la justice les moyens dont elle a besoin pour faire de la vigilance un devoir réel pour l'ensemble des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, je vous invite donc, chers collègues, à voter la présente proposition de loi. Ainsi ferons-nous un pas vers une nouvelle génération de droits garants du principe de loyauté et de réciprocité dans un monde globalisé. Ainsi ferons-nous avancer la moralisation des échanges économiques qui fait encore tant défaut aujourd'hui.

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Dominique Potier est peut-être trop modeste : ce sera un petit matin plutôt qu'un grand soir, mais ce sera un beau matin. Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Il faut savoir avancer par petits pas, car leur addition peut mener à de grands pas.

Pour faire un parallèle avec un sujet de nature différente, les avancées en matière de lutte contre le recours illégal aux travailleurs détachés ont pris du temps. C'est étape après étape que nous avons réussi à déterminer les responsabilités au bon niveau, y compris celles des donneurs d'ordre vis-à-vis de sous-traitants qui se retrouvaient coincés entre les obligations qui leur étaient imposées et les pressions économiques ou commerciales qu'ils subissaient par ailleurs.

De même, en matière de responsabilité sociale et environnementale des entreprises, nous avons trouvé la bonne manière d'avancer et je suis convaincue que nous arriverons un jour à nos fins – le plus rapidement possible, je l'espère, pour que des drames comme celui du Rana Plaza ne se reproduisent pas.

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Tout le monde connaît l'attachement particulier de Dominique Potier à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises, et la fougue avec laquelle il défend cette proposition de loi pour faire avancer la moralisation de la vie économique et la régulation des échanges mondiaux. Nous ne pouvons que partager son ambition.

M. Tetart, vous avez souligné l'absence d'étude d'impact. Vous le savez, il est rare d'accompagner une proposition de loi d'une telle étude. Du reste, ce texte est équilibré, pragmatique et immédiatement applicable. Les entreprises françaises potentiellement concernées, au nombre de 150, sont déjà en mesure d'élaborer des plans de vigilance. Les efforts très concrets que nombre d'entre elles ont déjà fournis, en s'appuyant sur les avancées internationales que nous avons rappelées, vont trouver une formalisation juridique avec l'intégration dans notre droit des règles de bonne conduite.

Brigitte Allain a pointé la taille des entreprises visées par le texte. Il s'agit, en effet, de grandes entreprises telles qu'elles sont définies dans notre droit. Quant à la responsabilité juridique des entreprises, elle peut être pleinement établie grâce à notre texte alors que la proposition de loi de janvier 2015 ne prévoyait qu'une présomption de responsabilité.

M. Hervé Pellois s'est félicité de l'intégration dans notre droit des règles de bonne conduite. Il s'agit, en effet, d'une étape significative. Nous espérons que la France sera rejointe dans sa position pionnière par plusieurs pays de l'Union européenne.

La Commission en vient à l'examen des articles.

Article 1er (article L. 225-102-4 [nouveau] du code de commerce) : Obligation d'un plan de vigilance pour les sociétés mères et les entreprises donneuses d'ordres

La Commission est saisie de l'amendement CE1 de Mme Danielle Auroi.

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Le seuil prévu réduit à très peu le nombre de sociétés devant prévoir un plan de vigilance. Nous proposons donc de l'abaisser en le rapprochant de celui prévu dans la directive sur le reporting extra-financier du 15 avril 2014, qui oblige les entreprises d'une certaine taille à inclure dans leur rapport de gestion une déclaration non financière comprenant des informations relatives aux questions environnementales, sociales et de personnel, ainsi qu'au respect des droits de l'Homme et à la lutte contre la corruption.

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Avis défavorable. Si la discussion sur les seuils doit demeurer ouverte, je crois important que nous disposions d'une expertise plus précise sur le nombre et le type d'entreprises qui seraient concernées par le seuil proposé dans l'amendement. Le seuil de 5 000 salariés est celui qui est retenu dans notre droit pour distinguer les entreprises de taille intermédiaire des grandes entreprises. Or ce sont ces dernières que nous devons viser. De plus, il est reproché au texte d'introduire davantage de complexité dans la vie des entreprises, ce qui ne correspond pas à l'objectif que nous nous sommes fixé. C'est pourquoi il est préférable, à ce stade, de maintenir un seuil élevé, car nous sommes certains que les entreprises concernées disposent de moyens financiers et humains suffisants pour élaborer le plan de vigilance.

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On ne peut accepter un tel seuil ; les très grandes entreprises ne peuvent être les seules concernées. Les entreprises impliquées dans le drame du Rana Plaza ne seraient pas visées par le texte tel qu'il nous est proposé. Je maintiens donc mon amendement.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE17 de la rapporteure pour avis.

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Le texte prévoit que le périmètre du plan de vigilance couvre les activités des filiales directes ou indirectes d'une société, c'est-à-dire les sociétés dont elle possède plus de la moitié du capital social. Or ce périmètre paraît trop restreint, une entreprise transnationale pouvant fort bien déterminer la conduite d'une autre sans pour autant contrôler plus de la moitié de son capital. Nous proposons donc d'élargir le périmètre du plan de vigilance aux sociétés sur lesquelles est exercé un contrôle exclusif tel qu'il est défini à l'article L. 233-16 du code du commerce. Ce contrôle résulte de la détention de la majorité des droits de vote ou de la désignation pendant deux exercices successifs de la moitié des membres des organes d'administration, de direction ou de surveillance d'une autre entreprise ou encore du droit d'exercer une influence dominante en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle examine, en discussion commune les amendements CE2 de Mme Danielle Auroi et CE18 de la rapporteure pour avis.

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L'alinéa 3 dispose que le plan de vigilance doit couvrir les activités des sous-traitants et des fournisseurs sur lesquels la société exerce une « influence déterminante ». Cette notion est trop restrictive. L'intention des auteurs de la proposition de loi est sans doute de limiter les controverses nées lors du drame du Rana Plaza sur la portée de la notion de « relation d'affaires » liant la société à ses fournisseurs, qui permet de déterminer le périmètre de la « diligence raisonnable ». Mais cet alinéa risque de produire des effets pervers, car les sociétés mères pourraient décider de limiter leurs relations avec certains sous-traitants et fournisseurs afin de réduire leur exposition aux risques. C'est pourquoi nous proposons de retenir la notion plus large de relation d'affaires, en référence aux principes directeurs de l'OCDE.

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Avis défavorable à l'amendement CE2. L'amendement CE18 tend à substituer au critère, de fait trop restrictif, de l'influence déterminante, celui de l'existence d'une relation commerciale établie, définie par la jurisprudence comme « une relation durable dont chaque partenaire peut raisonnablement anticiper la poursuite pour l'avenir ». En effet, lorsque les commandes d'un fournisseur sont dispersées entre plusieurs donneurs d'ordre – ce qui était le cas dans l'affaire du Rana Plaza –, aucun d'entre eux n'exerce réellement une influence déterminante.

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La notion de relation commerciale établie n'est pas clairement définie. Je maintiens donc mon amendement et je m'abstiendrai sur celui de Mme la rapporteure pour avis.

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Je souhaiterais rassurer Mme Allain : le critère de « l'existence d'une relation commerciale établie » est plus large que celui de « l'influence déterminante ».

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La relation commerciale établie est mentionnée à l'article L. 442-6 du code de commerce, et elle est définie par la jurisprudence comme « une relation durable dont chaque partenaire peut raisonnablement anticiper la poursuite pour l'avenir ».

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Cette notion suscite des interrogations. On connaît, hélas ! la roublardise de certaines sociétés, qui pourraient échapper à l'obligation prévue dans le texte en n'entretenant avec des entreprises que des relations ponctuelles pour l'exécution d'un contrat très important.

La Commission rejette l'amendement CE2.

Puis elle adopte l'amendement CE18.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE3 de Mme Danielle Auroi et CE27 rectifié de la rapporteure pour avis.

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Outre qu'une telle disposition peut avoir un aspect dilatoire, il n'y a pas lieu de préciser les modalités d'application du plan de vigilance par un décret en Conseil d'État, car celles-ci découlent de l'application de principes directeurs d'organisations internationales dont la France est membre. L'article 8 de la loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale dispose ainsi que « la France encourage les sociétés ayant leur siège sur son territoire et implantées à l'étranger à mettre en oeuvre les principes directeurs énoncés par l'Organisation de coopération et de développement économiques à l'intention des entreprises multinationales et les principes directeurs sur les entreprises et les droits de l'Homme adoptés par le Conseil des droits de l'Homme de l'Organisation des nations unies. »

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Avis défavorable à l'amendement CE3. L'amendement CE27 rectifié réduit le champ d'application du décret en Conseil d'État que Mme Allain propose de supprimer, en en excluant notamment le contenu du plan de vigilance. Il prévoit, en effet, que ce décret en précisera les modalités de présentation et d'application. Cette précision est d'autant plus utile que des modalités de présentation homogènes faciliteront la comparaison des plans de vigilance publiés par les entreprises.

La Commission rejette l'amendement CE3.

Puis elle adopte l'amendement CE27 rectifié.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CE22 de la rapporteure pour avis.

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Il n'y a pas lieu de déroger aux règles de compétence juridictionnelle de droit commun en précisant que seules les juridictions civiles ou commerciales sont compétentes.

La Commission adopte l'amendement.

Elle en vient à l'amendement CE4 de Mme Danielle Auroi.

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Pour que le devoir de vigilance des sociétés mères soit effectif, le juge doit pouvoir demander que le plan de vigilance soit mis en oeuvre. En outre, s'il constate qu'un dommage est imminent, il doit pouvoir enjoindre à la société mère de prendre toutes les mesures possibles pour l'éviter. N'oublions pas, en effet, qu'il s'agit avant tout de prévenir la réalisation de dommages.

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Avis défavorable. L'amendement CE4 est satisfait par la rédaction actuelle de la proposition de loi, qui permet au juge d'enjoindre à la société de rendre compte de la mise en oeuvre du plan conformément au I de l'article 1er. Par ailleurs, le texte prévoit un recours en référé qui est précisément destiné à permettre au juge d'exiger de l'entreprise qu'elle prenne les mesures réclamées par une situation d'urgence.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE23 de la rapporteure pour avis.

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Il s'agit de supprimer la faculté pour les parties de demander au juge d'infliger une amende civile. Ce dernier est seul compétent pour prononcer une telle amende ; il ne peut être sollicité en ce sens par des parties.

La Commission adopte l'amendement.

Elle est ensuite saisie de l'amendement CE5 de Mme Danielle Auroi.

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La proposition de loi prévoit une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 10 millions d'euros. Un tel plafond garantit implicitement les sociétés concernées contre la prise en charge des catastrophes les plus coûteuses, qui sont aussi a priori les plus graves. Nous proposons donc de supprimer ce plafond et de prévoir une sanction financière en rapport avec le chiffre d'affaires du groupe concerné afin de permettre au juge de tenir compte de la capacité financière des entreprises concernées.

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Avis défavorable. L'amende civile de 10 millions d'euros prévue par le texte n'est pas destinée à indemniser des victimes ou à réparer des dommages ; elle vise à inciter les entreprises à se conformer à leurs obligations en matière d'établissement, de publication et de mise en oeuvre du plan de vigilance. Les dispositions relatives à la réparation des préjudices subis du fait des activités d'une entreprise figurent, quant à elles, à l'article 2. Le montant de l'amende, de 10 millions au plus, qui devra être déterminé par le juge en fonction de la situation de l'entreprise et de l'importance des manquements constatés, est suffisamment dissuasif.

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Le juge peut également prononcer une astreinte dont le montant n'est pas plafonné. Le souci manifesté par Mme Allain de prévoir une sanction proportionnelle à la dimension de l'entreprise et à la défaillance constatée pourra donc être pris en compte dans ce cadre.

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Nous faisons bien la distinction entre l'indemnisation du préjudice et l'amende civile. Mais il me paraît dangereux de prévoir un plafond dès lors que l'on ne connaît pas les capacités financières des entreprises concernées.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l'amendement CE29 de la rapporteure pour avis.

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Certaines charges peuvent être déduites du résultat fiscal d'une entreprise. Afin de lever toute ambiguïté sur ce point, nous proposons d'inscrire dans le texte que l'amende civile infligée pour manquement à l'obligation d'établir un plan de vigilance n'est pas déductible du résultat fiscal.

La Commission adopte l'amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l'adoption de l'article 1er modifié.

Article 2 (article L. 225-102-5 [nouveau] du code de commerce) : Responsabilité des entreprises en cas de manquement au devoir de vigilance

La Commission est saisie de l'amendement CE7 de Mme Danielle Auroi.

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La proposition de loi présente un risque, car les sociétés mères pourraient tenter de s'exonérer de leurs responsabilités en prouvant que le dommage survenu n'est pas la conséquence du non-respect de leur obligation de vigilance. Les articles 1382 et 1383 du code civil obligeant à réparer les dommages causés par son seul fait, ces sociétés auront beau jeu de démontrer que le dommage est dû à une faute du sous-traitant. Or ces derniers ont beaucoup moins de moyens financiers et ne pourront pas réparer intégralement les préjudices causés. C'est pourquoi cet amendement vise à tenir les sociétés mères pour solidairement responsables lorsqu'elles n'auront pas respecté leur engagement. La probabilité est forte, en effet, que les dommages auraient pu être évités ou atténués si elles avaient respecté leur devoir de vigilance.

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Avis défavorable. L'amendement vise à introduire une présomption de responsabilité de la société mère. Or, au moins dans un premier temps, ce dispositif paraît trop sévère pour les entreprises. S'agissant de la responsabilité solidaire de la société, le droit commun de la responsabilité, auquel renvoie la proposition de loi, est suffisamment protecteur. Il permet, par exemple, au juge d'imputer la charge de la réparation du préjudice à la société la plus solvable, qui peut ensuite se retourner contre ses partenaires. Il permet donc d'obtenir la réparation du préjudice de façon sûre et rapide sans que la responsabilité solidaire de la société mère doive être mentionnée dans la loi.

La Commission rejette l'amendement.

Puis elle examine les amendements CE24 et CE25 de la rapporteure pour avis.

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L'amendement CE24 est un amendement de cohérence, compte tenu de l'adoption de l'amendement CE22.

Par ailleurs, les associations étant des personnes au sens juridique du terme, il est inutile de les mentionner explicitement dans le texte. C'est pourquoi l'amendement CE25 vise à supprimer les mots : « ou toute association » à l'alinéa 3.

La Commission adopte successivement les amendements CE24 et CE25.

L'amendement CE6 de Mme Danielle Auroi est retiré.

La Commission examine l'amendement CE26 de la rapporteure pour avis.

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Il s'agit de préciser, en cohérence avec l'ajout effectué au dernier alinéa de l'article 1er, que l'amende fiscale prévue à l'article 2 ne peut constituer une charge déductible du résultat fiscal.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 2 modifié.

Après l'article 2

La Commission est saisie de l'amendement CE8 de Mme Danielle Auroi.

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Par cet amendement, nous proposons de rendre les victimes de la négligence des multinationales éligibles au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

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Avis défavorable. Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions est alimenté par un prélèvement sur les contrats d'assurance de biens. Il n'a donc pas vocation à indemniser les dommages résultant des activités d'une entreprise.

La Commission rejette l'amendement.

Article 3 : Applicabilité à Wallis-et-Futuna

La Commission est saisie de l'amendement CE30 de la rapporteure pour avis.

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La proposition de loi prévoit explicitement l'applicabilité de son article 1er à Wallis-et-Futuna, mais non celle de son article 2, qui est pourtant tout aussi justifiée. Cet amendement vise à réparer cet oubli, en étendant aux îles Wallis-et-Futuna la possibilité de demander réparation des dommages commis par une société lorsqu'elle a manqué aux obligations relatives au plan de vigilance.

La Commission adopte l'amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l'adoption de l'article 3 ainsi rédigé.

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Je m'abstiendrai sur l'avis rendu par la Commission, le groupe UMP réservant son choix en attendant la lecture du texte qui sortira de la Commission des Lois.

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Je regrette qu'aucune ouverture n'ait été possible. J'espère que, d'ici à l'examen de la proposition de loi en séance publique, nous pourrons travailler ensemble pour la rapprocher du texte qu'avait présenté le groupe écologiste. En l'état, celui-ci s'abstiendra sur l'avis rendu par la Commission.

La Commission émet un avis favorable à l'adoption de l'ensemble de la proposition de loi modifiée.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 10 mars 2015 à 17 heures

Présents. – Mme Brigitte Allain, M. Yves Blein, M. Dino Cinieri, M. Yves Daniel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Christian Franqueville, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Jacqueline Maquet, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, M. Éric Straumann, M. Jean-Marie Tetart, Mme Clotilde Valter

Excusés. – M. Damien Abad, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Denis Baupin, M. Jean-Claude Bouchet, M. François Brottes, Mme Pascale Got, M. Antoine Herth, M. Kléber Mesquida, M. Germinal Peiro, M. Bernard Reynès, M. Michel Sordi, Mme Catherine Troallic

Assistaient également à la réunion. – M. Serge Bardy, M. Philippe Noguès, M. Dominique Potier