Nous voici réunis pour examiner une proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre moins de deux mois après celle qui avait été défendue par le groupe écologiste.
Je tiens tout d'abord à remercier nos deux collègues, Dominique Potier et Philippe Noguès, qui, depuis de longs mois, travaillent sur ce texte. Tout en poursuivant le même objectif que la précédente, cette seconde proposition de loi est dotée d'un dispositif plus resserré, plus clair, plus précis, donc plus sûr et plus efficace. En effet, si le travail accompli pour la rédaction de la première avait été remarquable en ce que son élaboration avait réuni Parlement et société civile, le groupe socialiste a jugé que certains points méritaient d'être repris. Après analyse, le dispositif proposé s'était révélé fragile sur le plan constitutionnel et complexe sur le plan juridique.
Le présent texte définit plus précisément les nouvelles obligations incombant aux entreprises donneuses d'ordre ; il établit clairement un lien entre le défaut de plan de vigilance et le préjudice constaté ; enfin, il rend possible l'application du droit commun de la responsabilité pour faute.
De bonnes pratiques ont déjà émergé depuis la mise en place de la Plateforme nationale d'action globale pour la responsabilité sociétale des entreprises. Il s'agit d'intégrer dans notre droit le recours à des règles de bonne conduite auxquelles la majorité des entreprises souscrit déjà, dans le respect de notre modèle juridique. Aux termes de l'article 1er, les sociétés anonymes d'une certaine taille seront désormais tenues de mettre en oeuvre un plan de vigilance comportant des mesures raisonnables propres à prévenir les atteintes et les risques préalablement identifiés à travers, notamment, une cartographie des risques pays par pays, une contractualisation des obligations RSE ou encore des audits sociaux et environnementaux à tous les niveaux de la chaîne de valeur. Ainsi, nous passerons de ce que l'on appelle la soft law au droit pur et ferons de la vigilance un devoir véritable, en en tirant toutes les conséquences sur le plan juridique.
L'efficacité de la présente proposition de loi doit être garantie par sa publicité qui permet un contrôle par les personnes justifiant un intérêt à agir de même que par le pouvoir conféré aux juges, soit pour vérifier le contenu et la qualité du plan de vigilance, soit, en urgence, pour s'assurer de son existence et du sérieux de sa mise en oeuvre. La société négligente pourra se voir infliger une amende civile susceptible d'atteindre 10 millions d'euros.
L'article 2 permet, quant à lui, d'engager la responsabilité civile d'une société concernée par un dommage qu'elle aurait raisonnablement pu éviter. Si le juge établit que la mise en oeuvre d'une mesure de prévention aurait pu éviter ou minimiser le préjudice causé, alors la responsabilité de la société pourra être établie dans la limite classique du principe général de territorialité. En d'autres termes, des sanctions pénales s'appliqueront si la victime est française, si l'auteur est français et coupable d'un crime ou encore si l'auteur est français et coupable d'un délit également existant dans le pays où il a été commis.
Afin de fournir à la justice les moyens dont elle a besoin pour faire de la vigilance un devoir réel pour l'ensemble des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre, je vous invite donc, chers collègues, à voter la présente proposition de loi. Ainsi ferons-nous un pas vers une nouvelle génération de droits garants du principe de loyauté et de réciprocité dans un monde globalisé. Ainsi ferons-nous avancer la moralisation des échanges économiques qui fait encore tant défaut aujourd'hui.