Intervention de Anne-Yvonne Le Dain

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 16h00
Biodiversité - nomination du président du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie de deux textes : au projet de loi relatif à la biodiversité que vient d’évoquer ma collègue Geneviève Gaillard s’ajoute une proposition de loi organique, c’est-à-dire traitant de l’organisation des pouvoirs publics, relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Ce second texte, étant de nature organique, a été examiné par la commission des lois avant de l’être en séance publique.

Le projet de loi relatif à la biodiversité en aborde deux grands types : la biodiversité naturelle et la biodiversité culturale, laquelle est aussi culturelle, c’est-à-dire cultivée par l’homme tout au long de son histoire et façonnant nos paysages sur toute la planète. La première diminue. On sait et on sent que le nombre d’espèces est en péril en raison de l’explosion de la démographie et des activités humaines.

Quant à la biodiversité culturale, elle augmente car l’homme construit de ses mains, et de plus en plus de sa science, une nouvelle biodiversité.

Telle est donc l’interface sur laquelle nous nous penchons. La future Agence française pour la biodiversité, qui n’était qu’une agence parmi d’autres dans le texte initial, fera partie de celles qui sont créées par la loi dans le cadre organique et dont le président sera nommé par le Président de la République, après consultation des commissions compétentes de nos deux assemblées. Il s’agit d’une décision importante, prise sur l’initiative de notre collègue Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, et de Mme Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi relatif à la biodiversité.

La proposition de loi organique vise à inscrire la future Agence française pour la biodiversité sur la liste des organismes dont les dirigeants font l’objet d’un avis public des commissions parlementaires avant leur nomination par le Président de la République. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit qu’en matière de fonctions importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l’État s’exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination présidentielle peut ainsi être bloquée par le Parlement à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les commissions des deux assemblées. L’inscription de la nomination du futur président de l’Agence française de la biodiversité au nombre de celles relevant de la loi organique est donc véritablement une décision forte visant à lui conférer une puissance importante sur l’échiquier national parmi les outils dont dispose notre pays.

La liste initiale, arrêtée par la loi organique du 23 juillet 2010, a été augmentée en décembre 2012 du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, structure de tête de la Banque publique d’investissement et en octobre 2013 du président de la future Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont on mesure aujourd’hui tout l’intérêt et toute l’importance. En novembre 2013, la réforme de l’audiovisuel public a eu pour conséquence la suppression de la liste des présidents des organismes audiovisuels publics, désormais nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré l’ajout du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, au motif que « cette fonction n’entre pas dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution ». En tant que rapporteure de la commission des lois du projet de loi organique, j’avais émis des doutes au sujet de la constitutionnalité de l’application de l’article 13 de la Constitution à l’INA, compte tenu des missions qui lui sont confiées.

Ainsi, l’inscription de l’Agence française de la biodiversité sur la liste constitue une décision forte et importante. En août 2014, enfin, le législateur organique a tiré les conséquences de la réforme ferroviaire et ajouté les fonctions dirigeantes de la nouvelle SNCF à celles qui sont soumises à l’avis public des commissions parlementaires préalablement à la nomination par le Président de la République.

Dans le cas de figure qui nous occupe aujourd’hui, il faut souligner que la rédaction initiale du projet de loi relatif à la biodiversité ne prévoyait pas que le président de la nouvelle Agence française pour la biodiversité serait nommé par le chef de l’État mais qu’il serait élu parmi les membres du conseil d’administration. La question de l’avis des commissions parlementaires et de l’application de l’article 13 de la Constitution ne se posait donc pas.

Toutefois, lors de l’examen du projet de loi du 24 au 26 juin 2014, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a prévu, sur la proposition de Mme la rapporteure Geneviève Gaillard – ce dont je la remercie –, que le président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité serait désigné par le Président de la République, donnant à l’agence toute sa force. Nous y sommes, c’est un moment important ! Nous nous inscrivons là dans une dynamique nationale forte. Je salue cette initiative car elle donne davantage d’importance à cette nomination et donc à l’institution. Toutefois, seule une loi organique peut ajouter un organisme à la liste de ceux qui sont soumis à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution. Tel est précisément l’objet de la proposition de loi organique qui vient compléter le projet de loi ordinaire.

Sur le fond, il paraît judicieux que la future Agence française pour la biodiversité soit soumise à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution. Après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, cette nouvelle agence sera le deuxième grand opérateur de l’État en matière d’environnement. Or l’ADEME fait déjà partie des organismes soumis à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution. En outre, la nouvelle agence sera un établissement public administratif relevant de l’État, comptant environ 1 200 agents et doté d’attributions importantes. Elle regroupera les compétences de plusieurs organismes existants : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’établissement public Parcs nationaux de France, le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels et l’Agence des aires marines protégées.

Pour ma part, il me semble qu’il conviendrait d’élargir encore davantage le périmètre de la future agence en l’étendant par exemple à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et à l’Office national des forêts.

Enfin, en guise de dernier argument en faveur de l’application à la nouvelle agence de la procédure d’avis des commissions parlementaires, je rappelle que la biodiversité est mentionnée dans la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle puisque son préambule fait expressément référence à la « diversité biologique ». Il s’agit donc d’une politique publique assez importante pour que le Parlement soit pleinement associé à la nomination par le Président de la République de la personne chargée d’exercer la présidence de ce nouvel organisme.

Pour conclure, je vous invite, chers collègues, à adopter cette proposition de loi organique qui est destinée à entrer en vigueur en même temps que l’Agence française pour la biodiversité, c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2016. Elle est suffisamment importante : en termes de biodiversité, notre territoire national abrite tous les climats et tous les substrats, sur lesquels reposent non seulement la subsistance de nombreuses sociétés humaines – qu’il s’agisse de leur habitat et de leur alimentation – mais aussi leur vie culturelle et leur aspiration à la beauté.

Vous avez rappelé, madame la ministre, que votre ministère invite désormais 65 millions d’observateurs à intervenir et à participer à la biodiversité, entre nature et culture. C’est notre histoire, notre avenir, nos paysages ; ils bougent et changent, nous échappent parfois, nous contraignent souvent. Pourtant, notre avenir dépend de ces paysages et de la biodiversité qu’ils abritent.

J’ajoute que j’ai déposé à titre personnel une série d’amendements sur les deux textes en discussion afin d’ouvrir le débat sur la neutralisation du genre pour désigner les fonctions dirigeantes dans toute une série d’organismes publics. Cessons par exemple d’évoquer le « président » du conseil d’administration alors que nous pourrions tout simplement parler de « présidence », pouvant être exercée soit par un président soit par une présidente.

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