La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la biodiversité (nos 1847, 2064) et de la proposition de loi organique de M. Jean-Paul Chanteguet et Mme Geneviève Gaillard et plusieurs de leurs collègues relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (nos 2055 rectifié, 2629, 2107).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames les rapporteures, mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi relatif à la biodiversité a pour ambition de protéger et de valoriser nos richesses naturelles. Il permet une nouvelle alliance entre l’homme et la nature. C’est une chance qui nous est donnée, avant qu’il ne soit trop tard, de nous appuyer sur le vivant pour faire de la France le pays de l’excellence environnementale et de la croissance verte et bleue.
Quarante ans après la loi de portée générale sur la nature, celle de 1976, qui faisait de la protection des espaces et des espèces une cause d’intérêt général, vingt-deux ans après la loi Paysages, que j’avais fait voter ici même en 1993 et qui donnait une base législative à la création des parcs naturels régionaux tout en permettant la labellisation des paysages et des produits de qualité, nous entamons un débat qui dotera la France de la loi la plus en avance dans le monde.
Je veux saluer à cet égard l’ensemble des ONG et toutes les parties prenantes du Conseil national de la transition écologique. Je salue aussi le travail de mon prédécesseur, M. Philippe Martin, qui avait présenté ce projet en conseil des ministres avant que je ne l’enrichisse et complète à ma façon, ainsi que votre important travail en commission, mesdames et messieurs les députés. Je remercie tout particulièrement ceux qui, dans cet hémicycle, représentent les outre-mer, notamment Serge Letchimy et Chantal Berthelot, ici présents, qui se sont beaucoup engagés dans la protection et la reconquête de la biodiversité des outre-mer.
Je salue enfin la présence, dans la tribune du public, de M. Hubert Reeves, qui a accepté de parrainer la future Agence française pour la biodiversité. Comme il le dit simplement et fortement, « la reconquête de la biodiversité est impérative, elle est aussi possible, mais elle nécessite la mobilisation de tous les acteurs, publics et privés et à toutes les échelles. » L’ambition de ce projet de loi et des actions concrètes qui l’accompagnent est précisément d’y parvenir.
Il est urgent d’agir. La biodiversité est un mot encore jeune, apparu en 1985 et consacré lors du sommet de Rio en 1992 – j’y participais en tant que ministre de l’environnement –, pour désigner une réalité aussi ancienne que la vie sur terre, depuis toujours caractérisée par la diversité du vivant dont nous, les humains, sommes partie intégrante.
Certains experts français parlent d’une « sixième extinction de masse ». Le rapport de l’Agence européenne de l’environnement estime que 60 % des espèces sont en situation défavorable en Europe où, en trente ans, 420 millions d’oiseaux ont disparu.
Nous mesurons, en France et dans le monde, l’érosion accélérée, due aux activités humaines, de cette biodiversité vitale : non seulement son ampleur, qu’illustrent la disparition des espèces animales et végétales et la dégradation des espaces et des milieux, mais surtout son rythme, qui a été multiplié par cent et parfois plus et qui excède désormais les capacités de régénération et d’adaptation de la nature. « Nous coupons, nous prévient Hubert Reeves, la branche sur laquelle nous sommes assis : c’est nous qui sommes désormais dans le collimateur de cette destruction. »
Ce projet de loi et les actions dont il sera assorti, notamment les appels à projets, visent à accélérer l’invention d’un nouveau modèle. Telle est l’ambition que je vous propose. Il ne s’agit plus d’agir contre la nature mais d’agir avec elle, de la traiter en partenaire et de faire de l’urgence une chance à saisir, avec la recherche, le génie écologique et tous les emplois liés à la croissance verte et à la croissance bleue, avec le biomimétisme et tous les services rendus par la nature dans tous les domaines : agriculture, santé, alimentation, climat.
La France est un des pays du monde les plus riches en biodiversité et en merveilles de la nature, donc un des plus menacés par la destruction de la biodiversité.
Nous sommes au premier rang européen en termes de diversité d’amphibiens, d’oiseaux et de mammifères, au quatrième rang mondial pour les récifs coralliens, au deuxième rang mondial pour ce qui est de l’étendue de notre domaine maritime, et dans le peloton de tête des dix pays du monde qui abritent le plus grand nombre d’espèces. Mais nous sommes aussi, selon la liste de l’Union internationale pour la conservation de la nature, au sixième rang des pays abritant le plus grand nombre d’espèces menacées.
C’est dire le rôle d’exemplarité qui doit être le nôtre et l’ardente obligation que nous avons à agir.
Bien sûr, la France s’est dotée de moyens d’action et de protection de sa biodiversité et de ses paysages. Certains, comme le Conservatoire du littoral, les parcs nationaux, les parcs marins, les parcs régionaux actuels, ou encore les grands sites, nous ont permis d’enregistrer des progrès, mais, face à la pression de l’activité humaine, cela reste insuffisant pour enrayer la dégradation de notre patrimoine naturel et tirer pleinement parti de son potentiel sans le détruire.
J’en viens aux grandes valeurs de la biodiversité.
Le concept de biodiversité, dit-on, est complexe. Aussi ce projet de loi s’appuie-t-il sur des valeurs que je veux comprises par tous, du chercheur le plus éminent au citoyen. Il faut faire oeuvre de pédagogie. À cet égard, je compte beaucoup sur les enfants, notamment à l’école, pour apprendre ensuite aux adultes la fragilité des milieux, la nécessité d’agir et les capacités dont nous disposons. Tout le monde doit pouvoir s’approprier ces connaissances. Il s’agit d’un formidable mouvement de science participative et de démocratie citoyenne. Vous savez que c’est une de mes convictions profondes : c’est d’abord en ayant accès à la connaissance que l’on peut devenir citoyen du monde.
La première grande valeur est la solidarité écologique, fondée sur la prise en compte des écosystèmes et des innombrables services vitaux qu’ils nous rendent dans des domaines aussi variés que l’agriculture et la régénération des sols, la régulation climatique et la protection de nos littoraux, la qualité de l’air et de l’eau, la pollinisation, les médicaments et bien d’autres choses encore.
À cette occasion, je vous annonce le lancement d’un plan national d’action pour les abeilles et les pollinisateurs sauvages, qui jouent un rôle stratégique dans la chaîne du vivant et pour notre agriculture. Ce plan sera mis en consultation à la fin de cette semaine, en conclusion de nos débats, sur le site du ministère.
La solidarité écologique, c’est la reconnaissance des interactions multiples de ces écosystèmes. La biodiversité est le tissu vivant de la planète dont nous sommes une partie et au sein duquel tout se tient. C’est la capacité d’adaptation de ces écosystèmes qu’il convient de préserver. Le sujet sera au coeur de la conférence de Paris sur le climat.
La deuxième valeur est le principe « éviter, réduire, compenser », qui met l’accent sur l’action préventive et sur la notion de valeur écologique : anticiper plutôt que réparer après coup, en ayant pour méthode l’élaboration partenariale et participative des politiques publiques et privées, condition de l’efficacité, en cohérence avec le chantier que nous avons lancé sur la modernisation et la démocratisation du dialogue environnemental.
La troisième valeur est la mise en mouvement des territoires autour des continuités écologiques, des schémas régionaux de cohérence écologique, des trames verte et bleue – dont toutes les régions se seront dotées avant la fin de cette année – et de l’aménagement durable du territoire.
Quatrième valeur : « innover sans piller ». Il s’agit d’ériger contre la biopiraterie un principe de justice qui fonde le partage équitable des avantages tirés des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles, pour le bénéfice mutuel des territoires et des habitants concernés, de la recherche scientifique, de l’innovation et de l’exploitation commerciale de ces ressources par des secteurs comme l’agroalimentaire ou les industries cosmétiques et pharmaceutiques. Certaines entreprises françaises ont commencé à le faire. La Polynésie, la province Sud de la Nouvelle-Calédonie et le parc amazonien de Guyane ont mis en place des systèmes de partage sur leurs territoires, qui comptent parmi les « points chauds » de la planète, c’est-à-dire les points les plus fragiles.
Cinquièmement, parce que notre patrimoine naturel mérite d’être mieux connu de tous pour être plus efficacement sauvegardé, je tiens à souligner ici l’importance de la mutualisation des savoirs et des sciences participatives qui associent citoyens et chercheurs à la collecte des données scientifiques relatives à la biodiversité. On constate une grande inégalité dans la capacité d’émerveillement et d’observation face à la nature selon que cette capacité a été ou non transmise. Tous les citoyens devraient être en mesure d’admirer ce qui les entoure. Je lancerai d’ailleurs dans quelques jours, avec le Muséum national d’histoire naturelle, pionnier en la matière, le beau programme « 65 millions d’observateurs ».
Le projet de loi prévoit également la création très attendue de l’Agence française pour la biodiversité. Le chef de l’État l’avait promis en 2012 lors d’une conférence environnementale : nous y voici !
Trop d’instances se sont additionnées au fil des ans. Le texte en réunit les missions et en simplifie les structures, avec la création d’une instance unique d’expertise scientifique, le Conseil national de la protection de la nature, et d’une instance de débat qui rassemble toutes les parties prenantes, le Comité national de la biodiversité.
Dans les outre-mer, où les enjeux liés à la biodiversité sont majeurs, il est prévu de mettre en place des comités régionaux de la biodiversité. J’ai souhaité par ce moyen rapprocher la structure de l’agence et les territoires concernés.
L’Agence française de la biodiversité exercera des missions d’appui technique, de conseil et d’expertise pour tous les acteurs de la biodiversité ; de mobilisation des moyens nécessaires aux politiques en faveur de la biodiversité terrestre, marine et des milieux aquatiques ; de gestion des aires protégées et d’appui aux missions de police de l’eau ; d’amélioration des connaissances ; de formation initiale et continue ; de référence et de représentation dans les instances européennes et internationales. L’agence bénéficiera de 60 millions d’euros au titre des investissements d’avenir, ce qui est tout à fait fondé, puisque la biodiversité nous engage vis-à-vis des générations futures.
Elle regroupera l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’Atelier technique des espaces naturels, l’Agence des aires marines protégées, l’établissement public Parcs nationaux de France. Elle privilégiera une logique de réseau, avec des organismes intégrés, des organismes rattachés et d’autres avec lesquels elle passera des conventions de partenariat, comme le Muséum national d’histoire naturelle, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer – l’IFREMER –, ou encore le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement.
Je sais que de nombreuses ONG et nombre d’entre vous auraient souhaité que l’Office national de la chasse soit intégré à l’agence, au même titre que l’ONEMA, mais une bonne contractualisation des relations de l’Office avec l’agence et le rapprochement des équipes dans l’action sur le terrain permettront de dépasser les blocages institutionnels et créeront une dynamique plus positive – j’y serai particulièrement vigilante – que ne l’aurait fait une fusion autoritairement imposée, laquelle aurait en outre pris du temps.
Pour accélérer le mouvement et pour que cette agence, très attendue, puisse être créée tout de suite après la promulgation de la loi, j’ai installé une structure de préfiguration sous le patronage actif et vigilant d’Hubert Reeves et avec pour conseiller scientifique exigeant Gilles Boeuf. Je les en remercie à nouveau très chaleureusement.
Cette agence sera le fer de lance d’une politique volontariste, mobilisatrice, à la fois protectrice et innovante, en lien étroit avec les régions et les territoires.
L’un des objectifs du texte qui vous est soumis, c’est aussi une croissance bleue respectueuse du milieu marin et économiquement durable. C’est notamment la fonction de la création des zones de conservation halieutiques et du renforcement de l’action du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres. Réconcilier économie et écologie, équilibrer pêche et biodiversité, tel est l’objectif. L’importance de notre domaine maritime nous donne en cette matière une responsabilité particulière en même temps qu’un potentiel de développement remarquable à valoriser intelligemment.
Le texte qui vous est proposé aborde également la question des paysages, qui constituent un axe important de protection et de valorisation et auxquels je suis de longue date très attachée. Il est possible aujourd’hui d’aller plus loin en englobant, dans une action vigoureuse ne s’arrêtant pas à nos sites les plus remarquables, les paysages du quotidien, lesquels concernent directement la qualité de vie de tous les Français et contribuent à forger l’image de la France et de ses territoires.
Je viens d’ailleurs de rendre public l’appel à candidatures pour l’édition 2015 du grand prix national du paysage. C’était l’un des dix points du plan d’actions pour les paysages et la place de la nature en ville que j’ai présenté en septembre dernier en conseil des ministres. Et je me réjouis que, désormais, les journées annuelles du patrimoine allient patrimoine naturel et patrimoine culturel.
Nous aurons l’occasion de débattre plus en détail de l’articulation entre l’inscription et le classement, mais une chose est sûre : ce projet de loi vise à renforcer la prise en compte de la qualité paysagère dans tous les projets de territoire et d’aménagement. Le paysage, c’est le cadre de vie des Français ; cela touche à la santé et au bien-être, concerne l’attractivité de la France, l’économie touristique, en particulier les filières d’horticulture, qui créent plusieurs de dizaines de milliers d’emplois, et tous les métiers du paysage qui y sont associés. Tout conduit à prendre davantage soin de ce capital paysager qui est notre bien commun et auquel les Français sont très sensibles, car il y va aussi de notre qualité de vie et de notre identité.
Permettez-moi de conclure par quatre observations qui me tiennent particulièrement à coeur.
La première, c’est que la lutte contre le dérèglement climatique et le combat pour la reconquête de notre biodiversité sont indissociables. C’est la raison pour laquelle je suis heureuse que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte et le projet de loi relatif à la biodiversité s’inscrivent dans une même séquence temporelle. Le réchauffement climatique affecte en effet gravement notre biodiversité, tandis qu’une nature bien protégée et bien valorisée a le pouvoir de nous aider à réduire nos émissions de gaz à effet de serre et à atténuer les effets de la dérive climatique.
C’est aussi pourquoi Alain Vidalies et moi-même avons installé à la fin du mois de janvier le comité national de suivi de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, coprésidée par vos collèges Pascale Got, députée de Gironde, et Chantal Berthelot, députée de Guyane. Ce phénomène d’érosion côtière concerne non seulement les zones dites ultrapériphériques, mais aussi le littoral atlantique.
C’est d’ailleurs pourquoi, parmi les engagements souscrits par la France dans le cadre de la feuille de route dite « Message de la Guadeloupe » adoptée lors de la Conférence internationale sur la biodiversité et le changement climatique, j’ai annoncé l’extension et l’accélération du plan de protection de nos mangroves et des actions de sauvegarde de nos récifs coralliens – la France est le quatrième pays récifal du monde –, ces écosystèmes si protecteurs mais fragilisés.
C’est enfin pourquoi, bien sûr, je veillerai à ce que le sommet de Paris sur le climat de décembre 2015 prenne bien en compte la biodiversité, dimension essentielle de la maîtrise de notre destin énergétique.
Ma deuxième observation porte sur les liens étroits entre biodiversité et santé, liens que reconnaît ce projet de loi en facilitant le recours au traitement naturel de l’eau et en interdisant le rejet en mer des eaux de ballast non traitées. Il complète en cela très utilement les mesures d’interdiction des pesticides et des sacs plastiques à usage unique, dont certaines figurent dans la loi de transition énergétique – je les avais fait adopter par votre commission – et dont les appels à projets « terre saine, ma commune sans pesticides » et « territoires zéro déchet, zéro gaspillage » anticipent l’application.
Le quatrième plan national santé environnement, qui valorise notamment les jardins thérapeutiques et les bienfaits des contacts avec la nature pour les convalescences, s’inscrit pleinement dans cette démarche, qui est également que promeut le projet de loi relatif à la biodiversité.
Troisième observation : la biodiversité est stratégique pour les outre-mer et les outre-mer sont stratégiques pour la biodiversité. C’est une conviction que les élus d’outre-mer portent haut et fort et que je partage avec George Pau-Langevin. Cette dimension transversale irrigue les différents titres de ce projet de loi, car les territoires français d’outre-mer, qui sont les plus exposés à l’érosion de la biodiversité et aux conséquences du dérèglement climatique, sont également ceux qui concentrent 80 % de la biodiversité nationale ; ils ont donc un intérêt immédiat à sa protection et à sa valorisation.
Quatrième et dernière observation : l’enjeu économique et social de la biodiversité est immense, car il y a là un potentiel d’innovations, de création de richesses, d’activités et d’emplois ancrés dans les territoires que je crois absolument fondamental pour donner à notre pays l’élan d’une croissance qui soit à la fois verte – je l’ai dit à propos de la loi de transition énergétique –, mais aussi bleue, dimension qui vient s’ajouter, compte tenu de l’importance du milieu marin s’agissant de biodiversité.
Il suffit de voir par exemple avec quelle rapidité se développent les pratiques et les entreprises du génie écologique, secteur en croissance qui représente déjà plus d’un demi-millier de petites et moyennes entreprises et 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et voyez quelle inspiration puisent dans la nature les chercheurs, les ingénieurs et les entrepreneurs du biomimétisme ! Selon Robert Barbault, qui fut le pionnier de l’approche écosystémique de la biodiversité, disait de la biodiversité qu’elle est une véritable bibliothèque d’innovations au sein de laquelle les bibliothèques de nos différents pays ne représenteraient même pas un bout d’étagère.
L’observation de la biodiversité est une mine de découvertes, de matériaux et de procédés innovants, de technologies d’avenir dont les exemples abondent, à condition que nous ne refermions pas ou ne gâchions pas le grand livre ouvert de la nature. Grands rapaces inspirant les ailes de nos avions modernes, bases moléculaires de la mémoire découvertes grâce à la limace de mer, molécules bénéfiques contre le cancer tirées de l’étoile de mer, bioremédiation par les plantes des sols lourdement pollués, fermetures scratch mises au point grâce aux graines de bardane, bétons légers et résistants inspirés des éponges, propriétés du derme des requins appliquées à la coque des bateaux et mille autres exemples nous montrent que l’avenir s’invente du côté de la biodiversité et que l’excellence française y est un bel atout. À nous de savoir nous saisir d’une telle ressource, tout en la protégeant et en sachant la reconquérir.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la rapporteure de la commission des lois, chers collègues, nous examinons enfin – enfin ! – un texte porteur d’actions et d’espoir en faveur de la biodiversité, mettant fin à la longue traversée du désert commencée après 1976, année d’adoption de la loi relative à la protection de la nature.
Depuis quarante ans, notre appréhension du vivant et de la biosphère a beaucoup changé sur de multiples aspects et, à l’inverse, est demeurée identique sur d’autres, ce que l’on peut d’ailleurs vivement regretter. L’évolution de notre perception a bien sûr suivi logiquement le développement de nos connaissances : des découvertes importantes et l’avancée des technologies nous ont permis d’appréhender plus finement la biodiversité et ses interactions complexes. Elle est toutefois également le résultat de l’impact désastreux de notre développement irraisonné, qui a engendré une érosion vertigineuse de la biodiversité tant terrestre qu’aquatique et marine. Malgré tous les outils qui sont à notre disposition et en dépit de tous les discours bien huilés qui ont pu être tenus sur le sujet, nous avons été incapables depuis plusieurs décennies de stopper ce phénomène.
Je ne reviendrai pas sur un tel constat, et je me contenterai de rappeler les faits sur lesquels s’accordent nos plus grands spécialistes en leur rendant hommage, qu’il s’agisse d’Hubert Reeves, de Robert Barbault, de Jean Dorst, de Jean-Claude Lefeuvre, de Philippe Cury, de Gilles Boeuf ou de bien d’autres, dont les travaux sont tout aussi précieux : la dégradation permanente de la biodiversité est un phénomène continu et le rythme d’extinction des espèces et de leurs habitats est jusqu’à mille fois supérieur à ce qu’il était au moment de la révolution industrielle ; 50 % des espèces animales et végétales pourraient avoir disparu d’ici à la fin du XXIe siècle.
Ce texte très attendu sur la biodiversité vise à réorganiser la protection, la reconquête de la biodiversité et des écosystèmes face au constat dramatique que font les instances nationales, européennes et internationales.
Pourquoi ce texte est-il si attendu ? D’abord, parce que la biodiversité, c’est nous : nous en dépendons, nous sommes en quelque sorte une incarnation résultant de son évolution perpétuelle ; au sens propre, d’ailleurs, notre organisme recèle des millions de micro-organismes, bactéries et autres formes de vie dont nous sommes l’hôte. L’homme est un animal, un mammifère parmi d’autres, qui a, certes, bien réussi.
Il faudra faire l’effort de se souvenir de ce point pour nous dissuader de céder à la tentation continuelle de l’anthropocentrisme, qui veut que tout tourne autour de notre espèce, que tout soit à notre service et que nous ne protégions que ce qui nous est utile. La biodiversité représente en effet notre avenir à tous et à toutes, notre capacité à pouvoir travailler, nous nourrir, nous divertir. Continuer de bénéficier des services qu’elle nous rend sans obérer les capacités des générations futures à faire de même constitue donc un enjeu vital pour l’humanité.
Protéger la biodiversité, c’est affronter nos responsabilités, car le grand massacre est essentiellement lié aux activités humaines. Pour inverser la tendance, il est grand temps de reconnaître, que nous soyons entrepreneur, agriculteur, pêcheur, chasseur, homme ou femme politique, ou simple citoyen, que nous en sommes coresponsables.
Certes, la prise de conscience s’est accélérée depuis la conférence des Nations unies sur le développement durable qui s’est tenue à Rio de Janeiro. Il a fallu attendre dix ans pour que le dispositif, d’abord peu contraignant, le devienne tout à fait, et c’est bien en 2002 à Johannesburg qu’un objectif un peu plus clair a été fixé : stopper la dégradation préoccupante de la biodiversité. Nous nous souvenons tous des propos de Jacques Chirac : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs », propos on ne peut plus justes et auxquels tous, sur ces bancs, nous souscrivons.
Depuis treize ans, en dépit des efforts consentis par notre pays, le constat demeure le même : nous ne progressons pas. Les objectifs arrêtés en 2010 n’ont pas été atteints, c’est donc un échec, comme le montrent le rapport du WWF, les scientifiques, mais aussi les grands observateurs comme Nicolas Hulot et les explorateurs comme Nicolas Vanier et Isabelle Autissier, dont nous connaissons le sérieux et l’engagement.
Pourquoi un tel échec ? Il y a lieu de s’interroger. Tout d’abord, la biodiversité, qui inclut le respect des êtres vivants, faune et flore, est souvent et malheureusement la dernière roue de la charrette de nos sociétés dites développées où l’appât du gain, le productivisme et le bien-être matériel individuel ont été érigés en dogme absolu. Ensuite, nous n’avons jamais été capables de définir le progrès. Au nom d’un progrès sans délimitations éthiques, l’homme est capable de détruire l’intégralité de nos ressources naturelles en les utilisant jusqu’à plus soif. Enfin, nous n’avons pas su résorber l’opposition ancienne et récurrente entre le développement économique et l’équilibre des services rendus par la nature et les écosystèmes.
Bref, un double égoïsme sévit : celui de l’espèce et, en son sein même, celui des individus, ce qui n’est pas tout à fait écologique face au principe diamétralement opposé du primat de la survie de l’espèce au détriment de l’individu. Vous l’avez dit vous-même devant la commission du développement durable, madame la ministre : « Le monde n’est pas, comme on l’a longtemps cru, un entrepôt passif de ressources illimitées à exploiter toujours davantage mais un tissu de relations au sein duquel les activités humaines interagissent étroitement avec la nature – ce qui justifie que nous changions non seulement notre regard, mais plus largement notre modèle de développement afin de mieux respecter et de mieux valoriser ce formidable potentiel, partie intégrante du grand chantier du développement durable ». Pour ma part, je suis intimement convaincue que l’humanité peut évoluer et s’améliorer sans que les homo sapiens ne se transforment en homo exterminator, selon l’expression de Jacques Vernier. Cela exige de la réflexion, de l’action et surtout un changement de comportement radical que seules des politiques publiques partagées par l’ensemble des acteurs sociaux sont susceptibles d’initier.
L’examen du texte constitue peut-être un moment historique, si du moins chacun ne se retranche pas derrière des réflexes archaïques ou des postures et des certitudes sans fondement acquises au fil du temps. Nous avons mené de nombreuses auditions et tenterons de vous proposer, chers collègues, un texte de compromis ambitieux et volontariste mais en aucun cas stigmatisant pour quiconque. Je remercie ici Mme Viviane Le Dissez, les services de l’Assemblée qui sont nos précieux collaborateurs et votre cabinet, madame la ministre, du travail effectué et des longues discussions que nous avons eues. Viviane Le Dissez et moi-même nous sommes interrogées sur les capacités collectives dont nous disposons pour parvenir à éteindre l’incendie. Je dresse néanmoins un amer constat : si tout le monde se dit prêt à sauvegarder notre biodiversité, celles et ceux qui sont prêts à remettre en question leurs pratiques et volontaires pour retrousser leurs manches sont peu nombreux.
La biodiversité et sa protection ne doivent pas être abordées uniquement dans les milieux intellectuels avertis, les salons et les endroits chics. Il s’agit d’un sujet universel qu’il faut prendre en compte dans toutes nos actions et qui doit transcender tous les clivages politiques au bénéfice de l’intérêt bien compris des générations futures. Mais je doute, car les réticences sont fortes et puissantes au sein de certains groupes, mais aussi parmi bon nombre de nos collègues pour lesquels ladite protection demeure une affaire à traiter plus tard, encore plus tard, toujours plus tard – trop tard ! Le texte propose, d’une part, la reconnaissance de la solidarité environnementale et de la valeur législative du triptyque « éviter, réduire, compenser », et, d’autre part, de nouveaux outils d’une efficacité accrue, parfois impératifs mais le plus souvent contractuels comme les obligations réelles environnementales.
La loi modifie le pilotage de la biodiversité par la création d’un Comité national de la biodiversité et de l’Agence pour la biodiversité, l’AFB, laquelle regroupera en son sein un certain nombre de structures publiques afin de mutualiser les moyens et rationaliser les actions dans le cadre d’une vision élargie de ses missions. À ce sujet, je regrette comme beaucoup d’autres que l’Office national de la chasse et de la faune sauvage en soit absent car il y a sa place au même titre que l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques car il s’agit d’une structure publique financée en partie par l’État et dont les agents sont très compétents. Le pilotage de l’agence a fait l’objet de longs débats centrés en particulier sur la représentation juste et équitable des populations ultramarines. En effet, 80 % de notre biodiversité terrestre et marine se trouve dans nos départements et territoires d’outre-mer, dont il est donc légitime de prévoir la représentation à la hauteur des enjeux qui s’y trouvent concentrés. Je proposerai plusieurs amendements à cette fin.
Un autre outil indispensable a fait l’objet de réticences particulières, même s’il est lui aussi fondé sur le volontariat : les espaces de continuités écologiques. J’ai entendu les craintes qui se sont exprimées ; j’ai essayé de trouver une position acceptable par tous et qui, je l’espère, les apaisera. Il s’agit d’une mesure très attendue. Tout le monde se réjouit et se félicite en effet de la nouvelle définition de la biodiversité que consacre l’entame du texte. Il s’agit d’une définition dynamique rompant avec l’acception « figiste » d’une biodiversité sanctuarisée, sous cloche, au profit d’une reconnaissance des grandes lois des flux et de l’échange et d’une biodiversité en mouvement, correspondant bien à la réalité. Elle a besoin, pour exister en bonne santé écologique, de couloirs, ce qui nous a amenés à supprimer les discontinuités grâce à un outil ad hoc.
Le texte prévoit aussi des mesures visant à mieux protéger le milieu marin et encadrer les activités de la zone économique exclusive. Toutefois, il ne met pas fin au scandale du chalutage en eaux profondes, qui stérilise une partie des fonds marins et fait disparaître des espèces au cycle de vie particulièrement long dont les individus, pris au piège des filets, sont incapables de se reproduire, ce qui met en péril toute vie en eau profonde. Mme Abeille a proposé un amendement pour interdire cette pêche ; je soutiens, avec d’autres, une telle démarche, tout en persistant à croire qu’il importe de donner des perspectives aux pêcheurs. On ne peut plaider pour la préservation de la biodiversité tout en considérant d’un oeil bienveillant des pratiques violentes et stérilisantes des fonds marins ! Je vous demande donc, madame la ministre, de nous éclairer sur votre volonté de faire cesser ces pratiques et sur les perspectives de soutenir les projets de l’Union européenne en la matière, car il y a urgence.
Par ailleurs, nous élargissons la notion de paysage à la nature ordinaire, réformons les procédures des sites inscrits et reconnaissons par amendement le métier de paysagiste concepteur.
Enfin, le texte comporte un titre entièrement consacré à l’accès aux ressources énergétiques et au partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, visant à traduire en droit français le protocole de Nagoya. Ses objectifs principaux sont la lutte contre la biopiraterie et la juste rétribution des communautés conservant des savoirs ancestraux liés à la biodiversité qui grâce à elles bénéficient à tous.
Je conclurai en saluant l’intérêt que porte le Président de la République à la biodiversité dans le contexte de la COP 21, qui ne peut en faire abstraction. La biodiversité souffre du changement climatique mais constitue aussi un moyen de le combattre, car la nature nous enseigne le caractère impératif de l’adaptation. Il nous faut en revanche, dans le contexte de mondialisation, formuler une véritable stratégie de lutte contre les espèces exotiques envahissantes.
Je remercie chaleureusement celles et ceux qui consacrent leur vie à défendre la biodiversité sur le terrain, en France ou à l’étranger, en particulier les associations de protection de la nature, qui sont à nos yeux les sentinelles de nos errements. De même, les lanceurs d’alerte ont su et savent encore, partout où s’élaborent des décisions contraires aux objectifs que nous poursuivons, faire comprendre à celles et ceux qui n’en sont pas convaincus ou qui le contestent que la biodiversité constitue une richesse pour notre pays et non une contrainte et que sa protection et sa reconquête sont créatrices d’emploi et porteuses d’un formidable espoir, susceptible de rassembler en cette période difficile et surtout de mettre en mouvement des générations de plus en plus sensibles à ces enjeux. Je compte sur vous tous, chers collègues, pour qu’à l’issue de l’examen du texte nous soyons fiers du résultat !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, l’Assemblée nationale est aujourd’hui saisie de deux textes : au projet de loi relatif à la biodiversité que vient d’évoquer ma collègue Geneviève Gaillard s’ajoute une proposition de loi organique, c’est-à-dire traitant de l’organisation des pouvoirs publics, relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité. Ce second texte, étant de nature organique, a été examiné par la commission des lois avant de l’être en séance publique.
Le projet de loi relatif à la biodiversité en aborde deux grands types : la biodiversité naturelle et la biodiversité culturale, laquelle est aussi culturelle, c’est-à-dire cultivée par l’homme tout au long de son histoire et façonnant nos paysages sur toute la planète. La première diminue. On sait et on sent que le nombre d’espèces est en péril en raison de l’explosion de la démographie et des activités humaines.
Quant à la biodiversité culturale, elle augmente car l’homme construit de ses mains, et de plus en plus de sa science, une nouvelle biodiversité.
Telle est donc l’interface sur laquelle nous nous penchons. La future Agence française pour la biodiversité, qui n’était qu’une agence parmi d’autres dans le texte initial, fera partie de celles qui sont créées par la loi dans le cadre organique et dont le président sera nommé par le Président de la République, après consultation des commissions compétentes de nos deux assemblées. Il s’agit d’une décision importante, prise sur l’initiative de notre collègue Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable, et de Mme Geneviève Gaillard, rapporteure du projet de loi relatif à la biodiversité.
La proposition de loi organique vise à inscrire la future Agence française pour la biodiversité sur la liste des organismes dont les dirigeants font l’objet d’un avis public des commissions parlementaires avant leur nomination par le Président de la République. Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, le dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution prévoit qu’en matière de fonctions importantes « pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation », le pouvoir de nomination du chef de l’État s’exerce après une audition et un avis public des commissions parlementaires compétentes. La nomination présidentielle peut ainsi être bloquée par le Parlement à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par les commissions des deux assemblées. L’inscription de la nomination du futur président de l’Agence française de la biodiversité au nombre de celles relevant de la loi organique est donc véritablement une décision forte visant à lui conférer une puissance importante sur l’échiquier national parmi les outils dont dispose notre pays.
La liste initiale, arrêtée par la loi organique du 23 juillet 2010, a été augmentée en décembre 2012 du directeur général de la société anonyme BPI-Groupe, structure de tête de la Banque publique d’investissement et en octobre 2013 du président de la future Haute autorité pour la transparence de la vie publique, dont on mesure aujourd’hui tout l’intérêt et toute l’importance. En novembre 2013, la réforme de l’audiovisuel public a eu pour conséquence la suppression de la liste des présidents des organismes audiovisuels publics, désormais nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré l’ajout du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, au motif que « cette fonction n’entre pas dans le champ d’application du dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution ». En tant que rapporteure de la commission des lois du projet de loi organique, j’avais émis des doutes au sujet de la constitutionnalité de l’application de l’article 13 de la Constitution à l’INA, compte tenu des missions qui lui sont confiées.
Ainsi, l’inscription de l’Agence française de la biodiversité sur la liste constitue une décision forte et importante. En août 2014, enfin, le législateur organique a tiré les conséquences de la réforme ferroviaire et ajouté les fonctions dirigeantes de la nouvelle SNCF à celles qui sont soumises à l’avis public des commissions parlementaires préalablement à la nomination par le Président de la République.
Dans le cas de figure qui nous occupe aujourd’hui, il faut souligner que la rédaction initiale du projet de loi relatif à la biodiversité ne prévoyait pas que le président de la nouvelle Agence française pour la biodiversité serait nommé par le chef de l’État mais qu’il serait élu parmi les membres du conseil d’administration. La question de l’avis des commissions parlementaires et de l’application de l’article 13 de la Constitution ne se posait donc pas.
Toutefois, lors de l’examen du projet de loi du 24 au 26 juin 2014, la commission du développement durable de l’Assemblée nationale a prévu, sur la proposition de Mme la rapporteure Geneviève Gaillard – ce dont je la remercie –, que le président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité serait désigné par le Président de la République, donnant à l’agence toute sa force. Nous y sommes, c’est un moment important ! Nous nous inscrivons là dans une dynamique nationale forte. Je salue cette initiative car elle donne davantage d’importance à cette nomination et donc à l’institution. Toutefois, seule une loi organique peut ajouter un organisme à la liste de ceux qui sont soumis à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution. Tel est précisément l’objet de la proposition de loi organique qui vient compléter le projet de loi ordinaire.
Sur le fond, il paraît judicieux que la future Agence française pour la biodiversité soit soumise à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution. Après l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, cette nouvelle agence sera le deuxième grand opérateur de l’État en matière d’environnement. Or l’ADEME fait déjà partie des organismes soumis à la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution. En outre, la nouvelle agence sera un établissement public administratif relevant de l’État, comptant environ 1 200 agents et doté d’attributions importantes. Elle regroupera les compétences de plusieurs organismes existants : l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’établissement public Parcs nationaux de France, le groupement d’intérêt public Atelier technique des espaces naturels et l’Agence des aires marines protégées.
Pour ma part, il me semble qu’il conviendrait d’élargir encore davantage le périmètre de la future agence en l’étendant par exemple à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et à l’Office national des forêts.
Enfin, en guise de dernier argument en faveur de l’application à la nouvelle agence de la procédure d’avis des commissions parlementaires, je rappelle que la biodiversité est mentionnée dans la Charte de l’environnement, qui a valeur constitutionnelle puisque son préambule fait expressément référence à la « diversité biologique ». Il s’agit donc d’une politique publique assez importante pour que le Parlement soit pleinement associé à la nomination par le Président de la République de la personne chargée d’exercer la présidence de ce nouvel organisme.
Pour conclure, je vous invite, chers collègues, à adopter cette proposition de loi organique qui est destinée à entrer en vigueur en même temps que l’Agence française pour la biodiversité, c’est-à-dire à compter du 1er janvier 2016. Elle est suffisamment importante : en termes de biodiversité, notre territoire national abrite tous les climats et tous les substrats, sur lesquels reposent non seulement la subsistance de nombreuses sociétés humaines – qu’il s’agisse de leur habitat et de leur alimentation – mais aussi leur vie culturelle et leur aspiration à la beauté.
Vous avez rappelé, madame la ministre, que votre ministère invite désormais 65 millions d’observateurs à intervenir et à participer à la biodiversité, entre nature et culture. C’est notre histoire, notre avenir, nos paysages ; ils bougent et changent, nous échappent parfois, nous contraignent souvent. Pourtant, notre avenir dépend de ces paysages et de la biodiversité qu’ils abritent.
J’ajoute que j’ai déposé à titre personnel une série d’amendements sur les deux textes en discussion afin d’ouvrir le débat sur la neutralisation du genre pour désigner les fonctions dirigeantes dans toute une série d’organismes publics. Cessons par exemple d’évoquer le « président » du conseil d’administration alors que nous pourrions tout simplement parler de « présidence », pouvant être exercée soit par un président soit par une présidente.
Je tiens en effet à souligner ici que la diversité sexuelle est la première des biodiversités : c’est celle qui a construit l’échelle de l’évolution et qui nous a tous portés. Il me semble donc souhaitable, madame la ministre, que ce soit par le projet de loi sur la biodiversité, que vous défendez, que nous assumions le fait que le genre peut être indéfini et que le « on » peut être neutre. Puisque le français, cette langue sexuée, n’accepte pas le neutre, ni pour les fonctions ni pour les institutions, je souhaiterais donc que l’on remplace partout dans le texte « président » par « présidence », « directeur » par « direction », « délégué » par « délégation » et « gouverneur » par « gouvernance ».
Cela étant dit, je vous remercie et me réjouis de la très belle loi que nous allons examiner cette semaine.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames les rapporteures, chers collègues, je suis d’autant plus satisfait que commence en séance publique l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité que le Gouvernement l’a déposé il y a un an, et que la commission du développement durable en a été saisie la dernière semaine de juin 2014. Cet examen prend toute sa dimension aujourd’hui, en raison de l’évolution des écosystèmes dans le monde et de la perspective des grandes négociations internationales qui porteront tant sur la biodiversité que sur le changement climatique.
Comme l’ont indiqué toutes les personnes que nous avons auditionnées depuis le début de la législature, les systèmes naturels sur lesquels repose le développement économique et humain de nos sociétés continuent de se dégrader, et cette dégradation se produit à une vitesse sans précédent observé. L’empreinte écologique humaine due aux diverses pollutions de l’eau, de l’air et des sols, au bouleversement du climat et à la surexploitation des ressources naturelles a en effet plus que doublé depuis vingt ans. Elle érode au jour le jour la capacité du vivant à évoluer et, en corollaire, elle détruit les services écosystémiques dont nous dépendons.
La communauté internationale a par ailleurs échoué à atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé de réduire de manière significative le taux de perte de biodiversité avant 2010, année internationale de la biodiversité. Au contraire, certains scientifiques considèrent qu’au rythme actuel, la moitié de la biodiversité aura disparu à la fin du siècle. Or, dans une vision dynamique, il est important de souligner les liens que nous entretenons avec le vivant et d’insister sur notre dépendance à l’égard de la richesse de la biodiversité. Le bien-être et la prospérité de l’humanité dépendent de la bonne santé des écosystèmes et des services qu’ils fournissent. Faut-il rappeler que notre pays est à la fois riche de sa biodiversité ordinaire, qu’il se situe par sa position dans l’hémisphère Nord au carrefour de quatre des neuf régions biogéographiques que compte l’Union européenne, ce qui lui confère l’un des patrimoines naturels majeurs d’Europe, et que ce patrimoine s’accroît non seulement grâce à l’exceptionnelle richesse des écosystèmes marins liés à notre si vaste domaine maritime, mais aussi à la biodiversité exceptionnelle des territoires ultramarins ?
L’état actuel de la planète nous oblige à agir. La lutte contre la perte de biodiversité et la lutte contre les dérèglements climatiques sont liées. En cette année particulière où notre pays accueillera la conférence des Nations unies sur le changement climatique, il est utile de rappeler que le texte en discussion s’inscrit parfaitement dans la perspective de la COP 21 : le dispositif législatif que nous adopterons confortera l’action et la voix de la France.
Mme la rapporteure de la commission du développement durable, que je remercie pour son engagement, l’a souligné : ce projet de loi met en exergue le concept de biodiversité et les services que celle-ci nous rend. Il insiste sur la vision dynamique de la biodiversité et fournit de nouveaux outils de lutte contre diverses formes de pollution. Il organise l’accès aux ressources génétiques, renforce la protection des espèces remarquables, organise les obligations de compensation écologique et crée les zones prioritaires pour la biodiversité et les espaces de continuités écologiques. Il améliore aussi les modalités de conciliation entre les activités humaines, qu’elles soient économiques ou scientifiques, et la protection du milieu marin. Il renforce la protection de certaines espèces et le statut d’espèce protégée et, enfin, il réforme le statut juridique des paysages.
L’objectif central du projet de loi concerne sans doute la gouvernance : il prévoit la création d’un grand opérateur de la biodiversité. La genèse de l’Agence française pour la biodiversité a été longue, mais celle-ci fait maintenant l’objet d’un large consensus. Comme l’ADEME dans le domaine de la transition énergétique et écologique, l’AFB a vocation à devenir le fer de lance de la stratégie nationale pour la biodiversité, qui répond elle-même aux exigences des engagements internationaux. Le Président de la République souhaitait faire de la France une nation de l’excellence environnementale ; nul doute que cette agence participera grandement à la réalisation cet objectif.
Il faudra naturellement que l’AFB soit déclinée dans les territoires, là où résident les gisements de biodiversité et là où l’action en faveur de la biodiversité et la lutte contre son érosion peut s’appuyer sur les acteurs économiques et mobiliser l’ensemble de nos concitoyens. Nous ne réussirons en effet à atteindre nos objectifs de préservation, de maintien et de reconquête que si tous les acteurs sont associés et s’investissent pour s’inscrire dans un modèle économique, social et environnemental vertueux.
Le débat reste ouvert sur le périmètre de l’agence et sur ses moyens humains et financiers. À mon sens, notre examen en séance permettra au Gouvernement de préciser ses objectifs et ses engagements car, au-delà des discussions sur l’intégration dans l’agence de tel ou tel organisme, il paraît essentiel de concrétiser le premier pas en considérant que la création de l’agence est une étape essentielle et qu’il sera temps de prolonger ses missions et d’assurer son fonctionnement une fois qu’elle sera mise en place.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, il n’est pas inutile de souligner que l’humanité est à la croisée des chemins : la biodiversité sous toutes ses formes s’érode, les changements climatiques sont avérés, les écosystèmes s’affaiblissent. Nous devons agir collectivement pour faire face à ces défis globaux, et nous devons commencer ici et maintenant.
Nous redéfinissons actuellement notre politique énergétique, pour plus de sobriété et surtout moins de pollution. Nous prenons des mesures ambitieuses visant à réduire la production de nos déchets pour favoriser l’avènement, à terme, d’une économie circulaire. Nous soutenons le développement des transports propres et nous nous dotons progressivement des moyens de rendre soutenables les modèles agricoles et forestiers. Nous sommes conscients de la nécessité de modifier nos modes de production et de consommation pour ne pas épuiser les ressources naturelles de la planète. En d’autres termes, nous nous donnons les moyens de réussir la transition écologique et énergétique. Nous devons nous donner également les moyens d’interrompre l’érosion de la biodiversité. C’est pourquoi je vous invite à adopter ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures, monsieur le président de la commission du développement durable, chers collègues, nous nous félicitons tous de ce projet de loi qui arrive en discussion dans l’hémicycle, plus de neuf mois après son examen en commission et deux ans et demi après la première conférence environnementale pour la transition écologique, lors de laquelle le Président de la République avait annoncé sa mise en chantier. Chi va piano va sano, madame la ministre.
Sourires.
C’est un bon signe, d’autant plus que si la gestation de ce texte a été aussi longue, c’est parce que le ministère de l’écologie a mené un vaste travail de concertation préalable dont je tiens à me féliciter ici.
Il en résulte un texte progressiste, complet et équilibré qui revisite utilement les grands principes structurant la politique de conservation de la biodiversité et qui modernise le dispositif institutionnel français de protection des espaces naturels et des espèces sauvages.
Comme vous l’avez dit, madame la ministre, avec le changement climatique, la perte de biodiversité constitue manifestement la menace environnementale la plus critique à l’échelle planétaire, entraînant des pertes substantielles en termes de performances économiques, de bien-être social et de qualité de la vie. Outre sa valeur intrinsèque, la biodiversité est en effet indispensable au développement durable, dans la mesure où elle conditionne la fourniture de biens et de services essentiels à la vie humaine, à commencer par la nourriture et la séquestration du carbone.
La démarche engagée par votre projet de loi, madame la ministre, doit être appréciée dans le cadre de la politique de l’Union européenne en ce domaine. La stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive comprend en effet un volet ad hoc en faveur de la biodiversité.
Depuis 2012, cette stratégie s’est traduite par un ensemble d’initiatives positives : lancement d’un programme de cartographie et d’évaluation des écosystèmes et des services qu’ils rendent, initiative B4Life qui vise à diffuser de bonnes pratiques en matière de gestion de la biodiversité dans les pays en développement, affectation à la conservation de la nature et à la biodiversité de 55 % des crédits de l’instrument de financement LIFE dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, verdissement de la politique agricole commune post-2013, adoption d’un règlement relatif au respect du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, adoption d’un règlement tendant à prévenir et à gérer l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes comme la renouée du Japon ou le frelon asiatique par exemple, adhésion à la convention CITES sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, et enfin interdiction ou suspension de l’usage de produits phytosanitaires particulièrement nocifs pour les abeilles. De ce point de vue, madame la ministre, ce que vous avez annoncé pour aider les abeilles à survivre dans de bonnes conditions ne peut que nous rassurer.
L’Union européenne peut au demeurant faire état d’acquis réels, notamment grâce à son réseau Natura 2000, qui est le maillage de zones protégées le plus dense au monde avec 27 308 sites écologiques – soit 18,4 % du territoire communautaire –, dont 1 758 en France. Ce dispositif phare a été complété dans les années 1990 et 2000 par des textes sectoriels concernant la conservation des oiseaux sauvages, la protection des espèces faunistiques et floristiques menacées, la préservation du milieu marin ou encore la gestion de l’eau.
Il n’en demeure pas moins que l’Europe ne parvient pas à contenir la pression sur l’environnement due en particulier à l’essor des activités humaines d’ordre économique, qui vont de l’étalement urbain à l’évolution des modes de consommation. Dans son rapport quinquennal relatif à l’état de l’environnement publié il y a deux semaines, l’Agence européenne de l’environnement dresse un bilan très sombre : seuls 17 % des habitats et des espèces et 11 % des écosystèmes protégés de notre continent se trouvent dans un état favorable, et l’on continue de déplorer des disparitions d’animaux et de plantes.
C’est pourquoi la commission des affaires européennes s’est fortement engagée sur cette question depuis le début de la législature : elle a notamment publié un rapport d’information sur la biopiraterie, un rapport d’information sur le septième programme d’action pour l’environnement, une communication sur le programme LIFE, une communication sur les espèces exotiques envahissantes et un rapport d’information sur l’objectif « Aucune perte nette de biodiversité ». Nous avons également participé au débat sur le présent projet de loi sous la forme d’un rapport d’information pour observations dont j’ai été chargée. Je me suis attachée à y formuler des pistes d’amélioration tout en soulignant mon souci de ne pas remettre en cause l’économie générale du texte, qui est excellente.
Voici quelques-unes de ces pistes. Tout d’abord, il serait utile de donner force de principe fondamental aux notions de mieux-disant environnemental, de non-régression du droit de l’environnement et de compensation. La loi pourrait préciser quelques lignes d’action et d’organisation pour le Comité national de la biodiversité ou pour le Conseil national de protection de la nature, dont le projet de loi renvoie l’essentiel des modalités de fonctionnement et de composition à un décret.
Il me semble indispensable d’intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage dans la future Agence française pour la biodiversité, au même titre que tous les autres établissements publics nationaux qui exercent principalement dans des champs ayant un lien avec la biodiversité. En outre, il existe aussi à l’AFB des besoins autres concernant les moyens dont elle dispose.
Enfin, je remercie la commission du développement durable d’avoir adopté deux des amendements que j’ai déposés et qui visent à ajouter à la liste des missions de l’AFB la lutte contre la biopiraterie ainsi que le suivi et l’accompagnement des mécanismes d’accès aux ressources et de partage des avantages, ou APA, qui en découlent. D’une manière générale, pour que le projet de loi ne soit pas moins-disant par rapport au protocole de Nagoya, la place accordée aux communautés d’habitants pourrait être renforcée à chacune des étapes du processus d’APA. C’est pourquoi j’ai également déposé plusieurs amendements à ce sujet.
Madame la ministre, j’émets le voeu que notre débat soit productif et que la loi que nous adopterons tous ensemble soit la plus belle que nous puissions faire.
Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Viviane Le Dissez.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, l’année 2015 sera une année essentielle pour la planète : c’est ce que le Président de la République a annoncé aux Français lors de ses voeux tout en rappelant que l’accueil de la conférence pour le climat représente une occasion historique de « nous rassembler […] au-delà de nos différences, pour mettre en commun ce que nous avons de meilleur, pour redonner du sens au progrès ».
Les interférences entre climat et biodiversité sont complexes. L’un et l’autre interagissent. En adoptant des stratégies liées au maintien de la biodiversité – gestion des habitats et des espèces menacées, création de réseaux d’aires protégées, sur terre comme en mer, maintien des écosystèmes indigènes – et à travers l’agriculture et la sylviculture, l’homme peut encore atténuer la résistance des écosystèmes humains et naturels aux changements climatiques à venir.
La « diversité biologique » évolue aussi dans son expression depuis qu’est apparu, il y a un peu moins de quarante ans, le terme de biodiversité. Sa définition est d’ailleurs précisée par le texte qui l’étend à tout le vivant, y compris à la biodiversité dite ordinaire.
Malheureusement, la biodiversité est encore trop souvent considérée comme un luxe des pays riches. Il est important que chaque citoyen se l’approprie et qu’elle ne reste pas le domaine des experts. Gageons que ce texte original, très attendu dans l’Hexagone comme dans les territoires ultramarins, qui concentrent 80 % de la biodiversité nationale, permette une meilleure prise en compte des enjeux liés à la biodiversité qui, je tiens à le rappeler, sont également économiques.
Ce texte répond à cet objectif en opérant un renouvellement de ce concept et en consacrant de nouveaux principes comme celui de la solidarité écologique ou celui illustré par la séquence « éviter, réduire, compenser ».
Il met surtout à la disposition des acteurs une nouvelle organisation rationalisée et de nouveaux moyens, notamment à travers la création de l’Agence française pour la biodiversité, qui occupera évidemment une grande partie de nos débats et représente une avancée considérable, tant pour l’efficacité des politiques publiques que pour leur lisibilité.
De nombreuses inquiétudes ont été relayées s’agissant de la gouvernance de cet opérateur, notamment de la part des outres-mer, en raison de la richesse considérable de leur biodiversité.
La mobilisation de leurs représentants – que je félicite – lors de la préparation de ce texte a d’ailleurs été à la hauteur des enjeux qu’il représente pour ces territoires. Elle devrait surtout nous permettre, grâce à l’engagement de la Mme la ministre et à l’implication de Mme la rapporteure de la commission du développement durable, que je tiens à saluer, de parvenir à une solution équilibrée.
Les débats portant sur le périmètre de l’AFB devraient se poursuivre au cours de l’examen de ce texte, mais nous aurons tout le temps d’en parler. Il en est de même pour l’instauration du quasi-statut commun, très attendue par les agents sur le terrain.
Une autre des grandes avancées de ce texte consiste en la transposition du protocole de Nagoya dans notre droit afin de mettre en place un cadre permettant de garantir un partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles qui y sont associées.
Si l’examen en commission a été l’occasion d’améliorer cette partie du texte et de répondre aux inquiétudes qui avaient été exprimées, je reste persuadée que nos échanges permettront de préciser et clarifier certains points.
La France détient de nombreuses collections qui sont autant de trésors que ce texte permettra de valoriser. C’est pourquoi il est indispensable de parvenir à une mise en oeuvre concertée de ce dispositif. Mais ce projet de loi utilise de nombreux autres leviers afin de répondre aux objectifs de protection et de reconquête de la biodiversité, notamment en matière d’organisation administrative de l’État, d’urbanisme ou encore d’aménagement du foncier.
Je me réjouis par ailleurs du volet consacré au littoral, qui conforte notamment l’action du Conservatoire du littoral alors que nous célébrons cette année les quarante ans de cet établissement public.
Enfin, ce texte opère une réforme de la politique paysagère de la France en modernisant la procédure d’inscription des sites ou en rendant obligatoire l’élaboration d’un atlas de paysages. Nos débats seront peut-être l’occasion de reconnaître la profession de paysagiste concepteur : c’est la position que je défendrai.
De manière générale, je nous souhaite à tous des débats constructifs à travers l’étude des 1 500 amendements qui ont été déposés.
En conclusion, je voudrais alerter sur la perte de la biodiversité, qui limiterait les choix pour les générations futures, et sur l’importance de sauvegarder les espèces vivantes en appliquant le principe de précaution. Et je terminerai mon propos par cette citation de Jean Rostand : « Il faut protéger l’inconnu pour des raisons inconnues ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, la philosophie générale du projet de loi que vous nous proposez sur la biodiversité découle d’un postulat idéologique que nous contestons depuis toujours : les acteurs socio-économiques de nos territoires, tels que les agriculteurs et les éleveurs, sont des personnes à contraindre, à surveiller, voire à punir.
Pour vous, ils n’ont jamais été et ne sont pas les partenaires essentiels du maintien de la biodiversité et du développement durable de notre société et de notre économie.
À partir de ce postulat erroné, votre projet de loi ne met jamais en relief les services écologiques et sociaux immenses rendus par les activités agricoles sur l’environnement et la biodiversité.
Nous oublions trop souvent que la plupart des espaces naturels à préserver sont d’abord des constructions humaines, qui ont été entretenues par des générations d’agriculteurs. C’est l’activité économique de l’élevage et de l’agriculture qui les a façonnés.
À titre d’exemple, en entretenant et en valorisant 13 millions d’hectares de prairies et de parcours montagneux en France, soit 50 % des espaces agricoles et 20 % du territoire, les producteurs de viande, répartis dans 200 000 fermes, constituent les premiers pourvoyeurs de biodiversité.
Les prairies sont indispensables au maintien de la diversité des espèces. Ces espaces, fertilisés principalement avec de la matière organique, souvent pâturés, sont largement reconnus par les spécialistes, avec les haies qui les entourent, comme des infrastructures agro-écologiques. Ils sont aussi de véritables créateurs de paysage, tels le bocage normand ou les collines du Morvan.
Les prairies, qui n’existeraient pas sans l’agriculture – il suffit pour s’en convaincre de regarder les territoires qui ne sont pas cultivés, par exemple les Landes – sont propices à la biodiversité et à l’origine de nombreux services éco-systémiques : préservation des paysages, qualité et stockage de l’eau, lutte contre l’érosion des sols, stockage de matière organique. Elles sont en outre un puits à carbone, vital pour lutter contre le dérèglement climatique.
Le groupe UMP a déposé plusieurs amendements visant à prendre en compte ces services écologiques et sociaux rendus par les activités agricoles ainsi que les conséquences positives sur l’environnement et la biodiversité créées par l’activité économique, notamment l’élevage.
Concernant les nouveaux principes attachés à la protection la de biodiversité, qui figurent à l’article 2, une clarification du principe de solidarité écologique s’impose : que signifie-t-il ? Comment va-t-il s’appliquer ?
Nous nous interrogeons sur l’introduction de la notion de continuité écologique dans un article qui n’a pas vocation à préciser les éléments à préserver. Nous avons ainsi déposé un amendement de suppression de l’inscription en droit de l’environnement du triptyque « éviter, réduire, compenser », car il est déjà inscrit dans la loi de protection de la nature de 1976, qui au demeurant est une très bonne loi. L’introduire dans le droit de l’environnement reviendrait à le faire appliquer dans toute décision et pour tout projet, qu’il soit public ou privé, sans critère restrictif,…
…ce qui constituerait une menace juridique pour tout porteur de projet.
Concernant l’Agence française pour la biodiversité, dont la création est prévue à l’article 9, nous pensons qu’il faut séparer ses missions de celles dévolues à la police de l’environnement, car on ne peut demander aux mêmes personnes d’être juges et parties. En outre, nous refusons d’imposer une redevance supplémentaire aux agriculteurs pour financer cette agence.
Nous demandons que soit renforcée la représentation, au sein du conseil d’administration de l’agence, de la profession agricole, des communes ainsi que des EPCI.
Les membres du groupe UMP ont déposé des amendements concernant tous ces sujets et comptent bien vous faire partager leurs préoccupations.
S’agissant par exemple des nouveaux outils juridiques, l’article 33 crée des « obligations réelles environnementales » : il s’agit de la possibilité de passer par un contrat public-privé pour affecter à des parcelles privées un objectif environnemental. Cette obligation affecte directement la propriété et est transmissible aux propriétaires successifs.
Nous pensons que cette obligation entrave de façon démesurée le droit de propriété et la capacité d’entreprendre. En outre, les fermiers seront obligés de respecter certaines contraintes environnementales qu’ils n’auront ni discutées, ni validées, qui auront été acceptées seulement par le bailleur et le preneur initial, sans être indemnisés pour le coût de ces obligations ou pour la perte de revenus due à leur mise en oeuvre.
L’article 34 crée des zones soumises à contraintes environnementales : encore une contrainte de plus pour les paysans français ! La création de « zones soumises à contraintes environnementales pour la biodiversité » doit être supprimée : cet outil n’est pas satisfaisant puisqu’il impose aux agriculteurs des contraintes, sans aucune concertation, sur un périmètre défini par l’administration.
La mise en oeuvre de telles mesures, sans dialogue ni prise en compte de la réalité du terrain, ne contribuerait qu’à déstabiliser certains cycles de production vertueux, par exemple le développement de l’autonomie fourragère des exploitations, et à décourager les professionnels.
Votre projet de loi est une accumulation de contraintes, d’obligations et d’interdictions affectant les parcelles travaillées par les éleveurs. Ainsi l’interdiction totale de retournement des prairies, pratique déjà largement encadrée pour les agriculteurs bénéficiant de la politique agricole commune, aurait un effet particulièrement négatif sur l’environnement et la biodiversité.
Le texte que vous nous proposez introduit de nouvelles notions qui sont autant de boulets aux chevilles de nos agriculteurs.
Si, madame la rapporteure !
C’est pourquoi nous demandons la suppression de la notion de préservation de la biodiversité comme objectif de l’assolement, la suppression de la notion de remembrement foncier à finalité environnementale, parce que l’agriculture doit d’abord être productive pour nourrir bientôt 9 milliards d’humains, et la suppression de la création de nouveaux espaces de continuités écologiques. Ces outils existent déjà dans tous les schémas de cohérence écologique, et les plans d’action figurant dans les documents d’urbanisme peuvent être mis en oeuvre sans ce nouveau texte.
Concernant les règles de police de l’environnement prévues à l’article 66, les nouvelles sanctions ou nouvelles responsabilités pénales ne doivent pas être prises par ordonnance : elles nécessitent un débat parlementaire à l’issue d’une réelle concertation auprès des différentes parties prenantes.
Enfin, s’agissant de la création d’un atlas départemental de paysages, inscrite à l’article 72, nous nous interrogeons sur la pertinence de l’échelon départemental et nous souhaitons que les acteurs socio-économiques soient associés à l’élaboration de ce document.
En conclusion, d’une façon générale, les dispositions de ce projet de loi complexifient le paysage, non celui que l’on admire, mais le paysage réglementaire actuel ; elles visent à interdire ou à restreindre certaines activités humaines sur le territoire français. Ces restrictions, qui n’existent pas dans les autres pays de l’Union européenne, auront un impact économique négatif important sur les activités forestières et agricoles en France, et sur le développement économique de nos territoires ruraux. Tout cela, alors que la crise économique qui perdure dans notre pays devrait au contraire nous conduire à simplifier les règles, à relancer l’activité économique et à desserrer les contraintes réglementaires et fiscales qui pèsent sur nos entreprises.
Quand comprendrez-vous que le développement, pour être durable, doit reposer sur trois piliers – l’économie, l’environnement et la société – et non pas découler d’une vision idéologique d’une nature préservée, mise sous cloche ? Quand cesserez-vous d’opposer l’homme à la nature, et l’agriculture à l’environnement ? Les parlementaires du groupe UMP essaieront, au cours du débat, de faire évoluer ce texte ; dans le cas contraire, ils prendront leurs responsabilités lors de son vote.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’associer à cette intervention mon collègue Bertrand Pancher, qui est habituellement le porte-parole de notre groupe sur les sujets tels que celui-ci. Il se repose encore un peu, après quelques problèmes de santé. Il devrait être de retour dès demain. Nous lui souhaitons un prompt et solide rétablissement.
Notre pays possède certainement l’un des patrimoines naturels les plus exceptionnels au monde, notamment grâce à nos territoires ultramarins, qui présentent des niveaux de biodiversité pour le moins étonnants. Ainsi, la Polynésie française regroupe, à elle seule, un cinquième des atolls de la planète ; la Guyane est située dans l’un des derniers grands massifs forestiers de la Terre ; la Nouvelle-Calédonie, quant à elle, abrite la deuxième plus grande barrière de récifs coralliens au monde ; et la liste est encore bien longue…
La France s’est déjà dotée de nombreux outils pour préserver cette richesse et la diversité de nos écosystèmes. Je pense notamment à l’une des mesures phares du Grenelle de l’environnement : la trame verte et bleue, qui nous a enfin permis de constituer un véritable réseau de continuités écologiques à la fois terrestres et aquatiques. Dès 2007, le Grenelle de l’environnement avait d’ailleurs, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, placé la notion de biodiversité au coeur de ses travaux. Les conclusions du groupe de travail avaient notamment permis de créer un Observatoire national de la biodiversité, dont les indicateurs renseignent notre société sur l’état de la biodiversité dans notre pays. Ces différentes mesures ont ainsi permis à notre pays de se positionner comme un véritable précurseur sur ces questions, après avoir posé les premiers jalons en 1976 avec la loi relative à la protection de la nature.
Dans ce contexte, le groupe UDI ne pouvait qu’accueillir avec enthousiasme l’annonce faite par le Président de la République, lors de la conférence environnementale de septembre 2012, de l’imminence d’un projet de loi sur la biodiversité. Le Gouvernement avait alors promis qu’il s’agirait du « premier grand texte de protection de la nature depuis la loi de 1976 ». Il aura fallu attendre plus d’un an et demi pour que ce texte soit enfin présenté au conseil des ministres ; puis patienter encore trois mois avant de l’examiner en commission du développement durable, pour, neuf mois plus tard, le discuter dans cet hémicycle.
Cette attente aurait certainement été justifiée si nous nous apprêtions, aujourd’hui, à débattre d’un texte ambitieux et puissant pour la biodiversité. Malheureusement, nous devons nous contenter d’un ersatz de projet de loi, auquel il manque l’esprit si novateur du Grenelle de l’environnement. Nous ne cesserons pourtant de le marteler : l’heure est grave en matière d’environnement, notamment de biodiversité. Sur l’ensemble de notre territoire, près de 165 hectares de milieu naturel sont détruits chaque jour. À ce rythme, la moitié des espèces vivantes présentes dans notre pays pourrait disparaître d’ici un siècle.
En 2010, Jean-Louis Borloo avait déjà donné l’alerte au sujet de l’importance de préserver la diversité biologique, n’hésitant pas à parler d’une « sixième extinction » des espèces vivantes. Plus encore qu’un enjeu national, la biodiversité représente aujourd’hui un enjeu, un défi crucial pour notre planète, dont 60 % des écosystèmes ont été dégradés au cours des cinquante dernières années.
La France a, une nouvelle fois, un rôle à jouer dans cette prise de conscience collective, décisive pour l’avenir de notre pays. Elle a surtout l’opportunité de mobiliser, dès cette année, la communauté internationale, lors de la COP 21, qui devrait enfin permettre de fixer un nouveau cap pour le climat.
Mais, pour ce faire, notre pays doit tout d’abord montrer la voie, servir d’exemple et devenir l’ambassadeur d’un nouveau modèle de vie durable et respectueux de notre environnement. Alors que le candidat François Hollande annonçait un quinquennat résolument vert, nous n’obtenons que des petites lois au rabais, à l’instar de celle sur la transition énergétique. Or le défi qui nous attend est colossal, car il est désormais difficile d’endiguer intégralement les conséquences de l’activité humaine sur notre planète. En 1778, dans son ouvrage Les Époques de la nature, le comte de Buffon écrivait : « La face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme. » Plus de deux siècles après, en 1995, Paul Crutzen, prix Nobel de chimie, faisait entrer l’humanité dans une nouvelle ère : celle de l’anthropocène, en théorisant l’influence de l’activité des hommes sur notre système terrestre.
Il ne faut pas pour autant être fataliste : le développement économique d’un pays n’est pas antinomique avec la protection de l’environnement.
Au contraire, nous devons nous mobiliser, avec tous nos outils et notre savoir-faire, afin de lancer une dynamique internationale d’envergure, vertueuse économiquement, socialement et écologiquement.
Madame la ministre, cette ambition est certainement ce qui manque le plus au projet de loi que vous nous présentez aujourd’hui. Ce texte se cantonne en effet à une simple dimension nationale, alors que la biodiversité ne connaît pas de frontières.
Si ce texte va dans le bon sens, en proposant une vision plutôt dynamique de la biodiversité, il se perd dans des concepts souvent trop vagues, qui desservent l’objectif principal : enrayer la perte de notre biodiversité. Il ne doit pas devenir un miroir aux alouettes, en proposant des concepts séduisants, mais sans réelle portée tant à court qu’à long terme.
Je pense, par exemple, à la multiplication des instances de gouvernance de la biodiversité. Sous couvert d’une simplification, nous voyons apparaître de nouveaux comités et conseils dont la pertinence reste à déterminer. N’eût-il pas été préférable d’améliorer les outils existants, pour éviter un éparpillement dont nous n’avons que trop l’habitude ?
Par ailleurs, le groupe UDI ne peut qu’être déçu du projet de création d’une Agence française pour la biodiversité, que nous appelions pourtant de nos voeux. Comme tout ce projet de loi, les dispositions concernant cette agence restent imprécises ; l’AFB risque même de devenir à terme une institution fourre-tout, honorifique et sans pouvoir de décision ni d’action. Elle souffre en effet d’un réel manque de lisibilité financière : la liste de ses ressources potentielles pousse à s’interroger. Il est notamment question de la contribution des agences de l’eau, alors même – faut-il le rappeler ? – qu’elles devront subir une ponction exorbitante de 175 millions d’euros jusqu’en 2017. Lors de l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2015, le groupe UDI avait salué la sanctuarisation des crédits relatifs au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Mais suffiront-ils vraiment pour préparer la mise en fonctionnement de l’AFB ?
Outre ces légitimes questions sur le financement, nous nous interrogeons aussi sur le déséquilibre de l’expertise de l’AFB. En effet, si le milieu aquatique nous semble particulièrement bien représenté, le milieu terrestre souffre quant à lui de l’absence de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, mais aussi de l’Office national des forêts. Le groupe UDI a donc déposé plusieurs amendements pour mettre en relation ces différentes instances, qui doivent travailler ensemble. Selon nous, il aurait été plus judicieux de créer une grande Agence pour la biodiversité, qui aurait enfin regroupé toutes les entités actuelles, en leur laissant néanmoins une certaine autonomie. Nous ne nous opposerons pas pour autant à la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité : il est absolument essentiel que le Parlement ait un droit de regard sur cette nomination.
Par ailleurs, madame la ministre, il nous semble impératif de mieux associer le monde agricole à la protection de la biodiversité. Nos agriculteurs prennent progressivement conscience de la richesse de notre patrimoine naturel, et oeuvrent de plus en plus à sa protection. Ils sont des acteurs à part entière de cette tâche : vous ne devez pas l’oublier.
Nous conservons de nombreuses et importantes réticences sur ce texte : nous réservons donc notre vote en fonction des avancées obtenues. Certains points nous paraissent néanmoins intéressants. Je pense notamment au titre IV du projet de loi, qui porte sur l’accès aux ressources génétiques ; il s’avère primordial, puisque le protocole de Nagoya a été ratifié le 12 octobre dernier.
Nos collègues députés de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie resteront néanmoins vigilants à certaines dispositions prises dans ce titre, qui apparaissent incompatibles avec la répartition actuelle des compétences. Les territoires d’outre-mer, pionniers en matière de protection de la biodiversité, doivent en effet conserver leur savoir-faire, qui n’est plus à démontrer. Le groupe UDI appelle donc le Gouvernement à associer davantage les territoires ultramarins, dont les spécificités font la richesse de notre biodiversité. Nous nous félicitons, par ailleurs, de constater qu’une délégation de l’AFB sera désormais présente dans chaque bassin océanique ultramarin.
Dans la continuité de la réunion de travail qui a eu lieu le 11 février dernier, nous espérons, madame la ministre, que les engagements que vous avez pris à propos de l’amélioration de la représentativité de la biodiversité ultramarine seront tenus. Je vous en remercie par avance.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames les rapporteures, mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues, « un effort de pédagogie doit […] être fait car il ne suffit pas de dire qu’il faut protéger la nature parce que c’est beau. Il faut expliquer qu’une perte de la biodiversité est une menace pour l’humanité. Le point central est donc bien de faire comprendre le fonctionnement de l’écosystème » aux citoyens. C’est par ces mots que s’exprimait Thierry Gauquelin, l’un des meilleurs spécialistes français de la biodiversité. Ils synthétisent parfaitement les enjeux du projet de loi relatif à la biodiversité que nous examinons aujourd’hui.
C’est le rôle des scientifiques de renseigner les citoyens, et de fournir les éléments d’information nécessaires aux choix politiques. Cette semaine, il nous appartient d’effectuer des choix importants, pour transcrire dans la loi les grandes lignes des préconisations scientifiques. C’est peu dire que ce projet de loi est attendu depuis longtemps, non seulement par les acteurs de la biodiversité, mais également par nos concitoyens. Nous savons que les Français sont, relativement aux habitants des pays similaires, plus sensibles à la perte de la biodiversité – comme le montre une enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, de 2013.
Madame la ministre, au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je me réjouis de la décision d’examiner le projet de loi en séance publique, en dépit d’un agenda parlementaire très chargé. Je tiens à dire qu’au-delà des clivages partisans et des postures politiciennes, nous pouvons – nous devons – nous rassembler sur quelques points qui font consensus, afin de construire un texte de compromis utile et efficace, comme cela a été le cas pour le Grenelle de l’environnement.
Pour nous, il est vital, au sens propre comme au figuré, de préserver la biodiversité ; sa dégradation continue est plus que préoccupante.
Du fait de la diversité de ses paysages, de ses côtes, de sa présence dans de nombreux territoires sur notre planète, en particulier dans nos outre-mer, la France est l’un des pays les plus riches en matière de biodiversité.
Nous avons donc, incontestablement, une responsabilité particulière face aux défis des relations entre les écosystèmes et les êtres humains.
Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises, notamment au cours des conférences environnementales, qui ont abouti à la mise en place de la stratégie nationale pour la biodiversité et au projet de loi que nous examinons.
La principale problématique, à l’instar de celle du réchauffement climatique et des enjeux de la COP 21, reste de trouver les bonnes réponses pour concilier développement économique et respect des écosystèmes.
Il y a urgence à trouver ces réponses, car en France, en Europe, comme partout dans le monde, l’extinction des espèces naturelles est plus rapide que jamais, en dépit des efforts et des actions déjà menées.
Elles disparaissent à un rythme entre cent et mille fois plus rapide que la norme évaluée sans activité humaine.
Si nous avons progressé, seulement 17 % des habitats et des espèces et 11 % des écosystèmes sont aujourd’hui protégés par la législation européenne et se trouvent dans un état favorable. Ce phénomène, en grande partie imputable à des facteurs humains, a des effets indésirables sur de multiples fonctions écosystémiques. La réduction de la biodiversité déstabilise les écosystèmes, voire l’écosystème planétaire.
Avec le changement climatique, la perte de biodiversité constitue sans aucun doute un risque environnemental essentiel à l’échelle planétaire, avec des conséquences significatives en termes de bien-être social, de qualité de vie, de santé, d’alimentation, mais aussi, bien sûr, de paysages et de performances économiques. Car la biodiversité est nécessaire au développement durable.
C’est la biodiversité qui donne les conditions de la fourniture de biens et de services vitaux, notamment pour notre alimentation ou pour la captation du carbone.
L’exemple souvent évoqué par Hubert Reeves, astrophysicien et président de l’association Humanité et biodiversité, que je salue à mon tour, sur le viaduc de Millau est éloquent : sans l’action des algues bleues pour oxyder le fer dissous dans l’eau et produire les minerais, il n’y aurait pas de tableau d’acier possible pour soutenir cet ouvrage d’art.
Si nous sommes confrontés à une crise économique, sociale et aussi morale, et si les questions de sécurité liées au terrorisme sont fondamentales, nous devons aussi nous rappeler que la croissance, l’emploi et la production sont liées à la préservation de la biodiversité, car une crise du vivant comporte aussi des coûts indirects lourds – et certainement sous-estimés.
Pour faire face à ces enjeux, le projet de loi propose d’abord de redéfinir le rôle de l’État dans la protection de la biodiversité.
Les députés du groupe RRDP sont attachés à la réaffirmation du rôle de l’État là où il s’avère nécessaire pour fixer les orientations stratégiques.
Le texte fixe ainsi pour objectif d’optimiser la gouvernance, à travers la création d’un Comité national de la biodiversité, d’un Conseil national de la protection de la nature, et surtout d’une Agence nationale pour la biodiversité.
Elle a pour but d’aider l’État dans la gestion des espaces naturels, de fournir une expertise et d’organiser la recherche.
Le projet de loi a pour ambition d’inscrire dans la loi une définition exhaustive de la biodiversité en envisageant ses trois échelles : maintenir les écosystèmes, sauvegarder les espèces, mais aussi préserver notre patrimoine génétique.
Dans cette perspective, il est la transposition fidèle en droit interne des engagements de Nagoya.
Ce projet de loi présente à nos yeux plusieurs qualités.
Il propose d’abord une simplification de la gouvernance permettant à la fois d’accroître la lisibilité et de renforcer les actions en faveur de la biodiversité.
Au nom du principe de proximité, il propose de créer des comités et agences de la biodiversité dans les régions. Mais il est nécessaire que cette stratégie nationale soit aussi déclinée au niveau local selon des modalités précises et lisibles. C’est une des conditions de l’efficacité des actions visant à préserver la biodiversité, du fait de la diversité des milieux.
Au cours de l’examen en commission fin juin 2014, le projet de loi a été nettement enrichi, et si plusieurs points ont été l’occasion de débats intenses, ce fut dans un esprit de dialogue que nous espérons retrouver en séance publique.
Nous sommes en particulier satisfaits de l’adoption des amendements de notre groupe qui visaient à clarifier en droit la manière dont l’activité agricole doit être envisagée au regard du renforcement de la protection de l’environnement ; nous croyons à la complémentarité entre environnement et agriculture.
Ces amendements sont importants pour reconnaître la biodiversité spécifique supportée par les terrains agricoles, les labours ou les surfaces en herbe, au même niveau que pour les milieux boisés et les surfaces incultes. Ils concourent aussi à favoriser la préservation des continuités écologiques, en considérant non seulement que l’agriculture n’y fait pas obstacle, mais aussi qu’elle en constitue l’un des rouages essentiels.
Ensuite, nous nous réjouissons de l’adoption des amendements qui améliorent les mécanismes de compensation : celui qui inscrit le principe de compensation en dernier ressort après les tentatives d’évitement et de réduction, selon le principe ERC – « éviter, réduire, compenser » –, et qui précise que cela doit se faire en faveur des espèces, des habitats naturels et des services et fonctions écosystémiques affectés, comme celui sur la possibilité de mise en place d’opérations favorables à la biodiversité dénommées « réserves d’actifs naturels », ou encore l’obligation du recours à un opérateur pour les maîtres d’ouvrage manifestement incapables de compenser.
Pour la séance publique, le groupe RRDP a déposé un certain nombre d’amendements touchant à de nombreux aspects du texte.
Nous aurons l’occasion d’en débattre dans les jours prochains, mais sachez d’ores et déjà que nous sommes globalement favorables à certaines des préoccupations exprimées par nos agriculteurs et nos chasseurs, acteurs de la biodiversité qui méritent d’être écoutés.
Compte tenu de leur rôle décisif pour sa protection et de leur authentique attachement à la nature, nous pensons qu’ils doivent être associés à la gouvernance.
Nous préférons une simplification de la norme par une approche plus incitative et contractuelle, qui tienne compte de la réalité du terrain, au plus proche de ceux qui vivent la biodiversité au quotidien.
La présence et l’activité de l’homme peuvent avoir des conséquences néfastes sur la biodiversité, mais les deux peuvent aussi se renforcer mutuellement.
Nous devons rechercher partout les bonnes réponses au défi de la biodiversité et favoriser la cohabitation harmonieuse des hommes et de la nature, qui se protègent et se renforcent mutuellement.
Au-delà de l’examen de ce projet de loi, je veux souligner que nos débats s’inscrivent dans un calendrier et un ensemble de démarches environnementales beaucoup plus larges.
L’année 2015 sera importante, avec bien sûr le vote de la loi sur la transition énergétique, mais aussi, dans quelques jours, la quatrième conférence européenne sur l’eau à Bruxelles, puis, en avril, le septième forum mondial de l’eau en Corée du Sud, et enfin la COP 21, qui doit impérativement aboutir, en décembre prochain, à un accord efficace. Autant de rendez-vous au cours desquels la France se doit – avec humilité – d’être à l’offensive pour se montrer à la hauteur d’enjeux immenses et qui nous dépassent.
Le groupe RRDP espère que notre débat sera une pierre supplémentaire, un signe et un engagement fort témoignant de la détermination de notre pays à progresser résolument sur le chemin d’un respect de l’environnement à la fois pragmatique et responsable.
Dans la fable L’Hirondelle et les Petits Oiseaux, Jean de la Fontaine, né à Château-Thierry, écrivait :
« Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres,
Et ne croyons le mal que quand il est venu. »
Il est temps d’être à l’écoute de notre planète et de l’ensemble des acteurs de la biodiversité et d’anticiper les maux avant qu’ils ne soient advenus. C’est ce qu’attendent nos concitoyens : que nous soyons à la hauteur de la confiance qu’ils nous ont accordée. Ce projet de loi doit y contribuer.
Bien !
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, nous attendons en effet depuis un certain temps – neuf mois – l’examen de ce texte en séance publique. C’est un délai très long, et nous regrettons que ce sujet si important ne soit pas toujours reconnu comme une priorité.
Le groupe écologiste se félicite bien sûr de l’examen d’une grande loi sur la nature, après celle de 1976.
Oui, les projets de loi sur la nature et la biodiversité sont rares. C’est pourquoi ce texte suscite beaucoup d’attentes, de la part des écologistes et des ONG de protection de l’environnement, que je salue, mais également de la part de nos concitoyens, qui vivent très mal la dégradation de leur environnement, et donc de leur qualité de vie.
La dégradation de notre environnement et l’érosion de la biodiversité s’opèrent en effet à un rythme soutenu. Nous le savons, nous vivons la sixième crise d’extinction des espèces. Le tout récent rapport de l’Agence européenne de l’environnement rappelle que l’érosion de la biodiversité est dramatique, et qu’il est urgent d’agir avec force et conviction. Si une politique ambitieuse n’est pas menée rapidement, c’est près d’un tiers des espèces vivant sur terre qui pourrait avoir disparu d’ici à la fin du siècle, et cela entièrement de la faute de l’homme. Et la France a une responsabilité particulière, avec ses territoires d’outre-mer particulièrement riches en biodiversité, notamment endémique, et son domaine maritime, qui est le deuxième au monde.
Le constat est connu, mais pour beaucoup, l’impact de cette disparition de biodiversité semble maîtrisable. Comme pour le réchauffement climatique, c’est la logique de l’adaptation des sociétés à ce bouleversement qui prévaut. On pense qu’on pourra s’adapter, que nos sociétés sont suffisamment résilientes pour se permettre de détruire l’environnement. Mais l’érosion de la biodiversité, ce n’est pas seulement la disparition d’une espèce animale et végétale remarquable à l’autre bout de la planète : c’est le bouleversement complet de nos écosystèmes, qui nous permettent de produire de la nourriture, d’avoir de l’eau potable, de respirer un air de qualité, bref de vivre.
Qu’une espèce disparaisse dans un écosystème, et c’est tout l’écosystème qui est transformé. Ce projet de loi le rappelle bien, en mettant l’accent sur le caractère dynamique de la biodiversité, et sur l’importance qui s’attache à protéger la biodiversité ordinaire.
Permettra-t-il pour autant de stopper cette disparition de la biodiversité ? Ce n’est pas certain, tant la tâche est longue et difficile. Mais du moins apportera-t-il des outils pour préserver et reconquérir cette biodiversité ordinaire.
L’essentiel des dispositions de ce projet de loi vont dans le bon sens, et le groupe écologiste le soutient. Néanmoins, il reste insuffisant et encore timoré sur plusieurs sujets.
La définition de la biodiversité, telle que modifiée en commission, nous semble ainsi pouvoir être améliorée. Datant de la convention sur la biodiversité de 1992, elle n’intègre pas l’idée de biodiversité dynamique et d’interaction entre les écosystèmes. C’est pourtant un point important, qu’il convient de prendre en compte pour mieux préserver notre biodiversité.
De même, il nous paraît essentiel d’intégrer dans notre code de l’environnement le principe de non-régression du droit de l’environnement. Je sais, madame la ministre, que vous avez montré des signes d’ouverture sur ce sujet lors de l’examen du projet de loi sur la croissance et l’activité. Ce principe de non-régression est défendu par de nombreuses associations. Au regard du déclin actuel de notre biodiversité et des atteintes régulières portées à notre environnement, ne pas affaiblir les dispositions réglementaires favorables à la protection de l’environnement paraît un minimum.
La nouvelle architecture des instances compétentes en matière de biodiversité nous convient, avec ce découpage entre l’instance sociétale qu’est le Comité national sur la biodiversité et l’instance scientifique qu’est le Comité national de protection de la nature. Le groupe écologiste défendra des amendements pour donner davantage de poids à ces instances.
Nous avons également proposé des amendements – malheureusement déclarés irrecevables – sur la répartition territoriale des compétences en matière de biodiversité. Si la région est chef de file sur les politiques de la biodiversité, il est nécessaire d’avoir davantage de clarté sur le paysage institutionnel dans ce domaine, le rôle des départements et l’architecture régionale de l’Agence pour la biodiversité.
Nous nous félicitons de la création de cette dernière. Mais si cette agence est attendue depuis longtemps, c’est pour le moment une agence a minima.
Nous reviendrons sur la non-intégration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage qui déséquilibrera fortement l’Agence en défaveur des milieux terrestres. Tous les acteurs de la biodiversité demandent cette intégration, le personnel même de l’ONCFS n’y est pas opposé ; seul le monde de la chasse bloque cette intégration. Nous devons ici penser en termes d’intérêt général et dépasser les intérêts particuliers. Je le dis sans animosité, et sans attaque contre le monde cynégétique, mais une agence pour la biodiversité sans l’ONCFS est un véritable non-sens. Surtout, nous savons que, tôt ou tard, l’ONCFS intégrera l’Agence pour la biodiversité, puisqu’une telle situation n’est pas tenable. Il serait dès lors préférable que l’ONCFS à l’AFB dès la mise en place de la nouvelle agence, plutôt qu’après : il est toujours plus difficile de trouver sa place dans un organisme déjà en place, qui a sa façon de travailler, ses règles et ses mécanismes propres.
Nous aurions également souhaité discuter du financement de l’AFB, qui, pour l’instant, n’est que de 230 millions d’euros, soit le budget consolidé des organismes qui composeront cette institution. À cet égard, j’ai été stupéfaite de voir que les amendements que j’ai proposés n’ont pas passé l’article 40, alors qu’il s’agissait de dégager des ressources nouvelles et aucunement d’instituer une charge pour l’État. Il n’est pas possible de faire plus avec les mêmes moyens, et un financement de 400 millions d’euros serait nécessaire pour une politique de préservation de la biodiversité réellement plus ambitieuse. Nous proposions notamment de financer l’AFB à travers la suppression des aides néfastes à la biodiversité. Le rapport Sainteny de 2011 a listé de nombreuses aides publiques qui ont un impact négatif sur la biodiversité : il est temps d’ouvrir une discussion à propos de leur suppression.
Nous ferons également des propositions pour renforcer les missions de l’agence, notamment dans les domaines de la lutte contre les espèces invasives et de la préservation de la biodiversité des sols.
Un thème, absent de ce texte, me tient particulièrement à coeur : celui de la biodiversité en milieu urbain. Je suis l’élue d’une circonscription urbaine et je sais que la nature en ville a un rôle fondamental à jouer pour améliorer le quotidien de nos concitoyens. La minéralisation excessive de nos zones urbaines nuit à la qualité de vie. La biodiversité participe aussi à l’adaptation de la ville au changement climatique, en luttant notamment contre l’effet de l’îlot de chaleur. Elle joue enfin un rôle important en faveur de la qualité de l’air et pour permettre l’épuration des eaux. Je ferai plusieurs propositions en ce sens.
J’en arrive à un point très sensible : l’examen en commission a permis l’introduction d’un mécanisme de compensation des impacts néfastes que peuvent avoir certains projets sur la biodiversité. Sur ce sujet, je ferai plusieurs remarques. Tout d’abord, la compensation doit être le dernier recours, et la création d’un mécanisme pour compenser risque de pousser certains à zapper les étapes précédentes et primordiales consistant à « éviter » et à « réduire ». Or, nous savons que la compensation ne permet pas de compenser l’intégralité de la biodiversité détruite et que l’on ne peut pas recréer artificiellement un biotope détruit. Par ailleurs, la création de réserves d’actifs naturels doit être strictement encadrée et ne doit pas aboutir à un droit à détruire et permettre à certains de se libérer de leurs obligations en contribuant financièrement à certaines opérations. L’exemple des banques de biodiversité aux États-Unis nous laisse pour le moins perplexes. Aussi, sur cette compensation, proposerons-nous plusieurs amendements.
J’interviendrai également sur plusieurs sujets qui devraient figurer dans ce texte et au sujet desquels nous ferons des propositions.
Sur l’artificialisation des terres, il est nécessaire de mener des actions d’envergure. En effet, nous savons que cette artificialisation est l’une des causes majeures de disparition de la biodiversité, mais nous laissons disparaître tous les sept ans l’équivalent d’un département français sans vraiment rien faire.
Nous reviendrons sur la question des OGM, sur l’interdiction stricte des épandages aériens, sur l’utilisation des pesticides par les collectivités et les particuliers, sur la pollution azotée qui détruit les cours d’eau et les côtes, notamment en Bretagne, et sur l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes. Cette classe de pesticides, nous le savons tous, a un impact dévastateur sur la biodiversité, notamment sur les pollinisateurs. Nous sommes nombreux sur ces bancs à défendre l’apiculture et les services écosystémiques de la pollinisation ; c’est un sujet transpartisan. Il n’est plus possible d’être dans la demi-mesure ; il est au contraire plus qu’urgent d’interdire l’ensemble des pesticides de la classe des néonicotinoïdes. N’attendons pas qu’il soit trop tard.
Je présenterai également des amendements pour préserver la vie marine, en proposant la création d’un statut de sanctuaire marin et en proposant l’interdiction de la pêche au chalut en eaux profondes, qui ravage des espaces de biodiversité qu’il faut impérativement protéger.
Je proposerai également l’interdiction des delphinariums, qui nécessitent de prélever des espèces sauvages, puisque les naissances des cétacés en captivité sont très rares.
Autre sujet qui me tient à coeur et sur lequel nous avons commencé à travailler utilement en commission : celui du statut de l’animal. Les actes de cruauté envers les animaux domestiques sont punis de sanctions pénales ; en commission, nous avons étendu cette sanction aux animaux sauvages. C’est une magnifique avancée. Comment expliquer que l’on puisse torturer un animal sauvage comme un renard, mais pas un chien ? Aussi, je note avec stupeur que de nombreux amendements de suppression de cette mesure ont été déposés. J’espère que le Gouvernement soutiendra les progrès importants qui ont été effectués. Il est temps que notre droit évolue.
J’ai également déposé un amendement pour faire reconnaître, dans le code de l’environnement, le caractère sensible de l’animal sauvage, dans le prolongement des travaux menés récemment, qui ont conduit à la reconnaissance de ce caractère sensible dans le code civil.
Dernier thème qui ne peut être laissé de côté : celui de la chasse. Il est incompréhensible que l’impact de la chasse sur la biodiversité ne soit pas abordé par un texte sur la biodiversité. C’est en considérant l’impact de certaines activités de chasse sur la biodiversité que j’ai déposé plusieurs amendements, visant notamment à interdire la chasse de nuit. Nous avons obtenu quelques avancées importantes en commission, et j’en profite pour remercier M. le président Jean-Paul Chanteguet et Mme la rapporteure Geneviève Gaillard pour la qualité du travail mené en commission et pour leur soutien.
Dernier point, je déplore qu’un amendement ait été adopté en commission qui reconnaît un lien de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture. Comment peut-on considérer que l’ensemble de l’activité agricole a un impact positif sur la biodiversité et l’environnement ? Si c’est le cas pour un certain type d’agriculture, ce n’est pas une généralité – la disparition de la biodiversité dans les plaines de monoculture ou sur les plages bretonnes souillées par les nitrates sont là pour nous le rappeler.
Pour conclure, le groupe écologiste souhaite que les avancées obtenues en commission soient préservées et que nous puissions avancer sur certains sujets. Cela conditionnera bien sûr notre vote final qui, à cette heure, est très favorable, comme vous le savez.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteures, chers collègues, aujourd’hui arrive devant la représentation nationale l’un des textes les plus ambitieux de cette législature. Ce projet de loi relatif à la biodiversité s’attaque en effet à la lourde tâche de réorganiser l’action publique en matière de protection et, surtout, de reconquête de notre environnement. Malheureusement, comme souvent lorsqu’il s’agit de textes ambitieux, il pourrait susciter un certain nombre de déceptions.
Il faut dire que concilier intérêts écologiques et économiques n’a jamais été une mince affaire. Les velléités publiques en faveur de la croissance verte se heurtent systématiquement à des intérêts privés contradictoires et ce, alors même qu’il existe désormais un consensus au sein de la classe politique française autour de l’idée que notre développement ne pourra pas se réaliser sans intégrer de façon volontariste les préoccupations environnementales.
Qu’on se le dise, les plus déçues seront probablement, une fois de plus, les populations d’outre-mer. L’ironie de la situation est patente dans la mesure où 80 % de la biodiversité française se trouve en dehors de l’Hexagone. Avec une telle concentration de la biodiversité nationale sur seulement 15 % du territoire, tous s’attendaient pourtant à ce qu’une attention particulière soit portée à nos régions, départements et collectivités ultramarines. Pourtant, de façon surprenante, ces territoires sont les parents pauvres du texte présenté aujourd’hui devant nous.
Car, si le Gouvernement se lance avec courage dans la lutte contre la phase d’extinction de masse de la biodiversité qu’a empruntée notre pays dans une indifférence quasi-générale depuis quelques années déjà, il faut bien avouer que l’une des composantes essentielles de l’équation semble avoir été oubliée. Je veux parler ici, bien évidemment, des populations riveraines de la biodiversité.
Madame la ministre, je ne veux surtout pas remettre en cause ici les ambitions que vous vous êtes données. De nombreuses dispositions sont inédites en droit français et attendues depuis très longtemps par les acteurs de la biodiversité comme par la société civile. Les principes de compensation de la perte de biodiversité et le régime de partage équitable des avantages en font partie.
Ce régime d’accès et de partage des avantages – APA – est particulièrement bienvenu en Guyane où les populations autochtones voyaient jusqu’à présent leurs ressources génétiques et leurs savoirs faire traditionnels exploités sans aucune contrepartie. Là où, cependant, le bât blesse, c’est indéniablement du côté de l’AFB, bras armé de votre projet de loi. Cette sorte de super-agence aura la lourde tâche d’assister techniquement et financièrement l’ensemble des acteurs de la biodiversité, en particulier les collectivités. Elle devra aussi aider à l’élaboration de la politique de lutte contre le biopiratage et organiser le régime APA. Elle sera donc naturellement amenée à développer une relation privilégiée avec les territoires réservoirs de biodiversité – en somme, avec les outre-mer.
Le problème, c’est que nulle part dans le texte il n’est assuré aux outre-mer une représentation juste au sein des organes décisionnels de l’AFB ; je dis bien : nulle part. Au mieux leur promet-on des places d’observateurs. Ces territoires auront donc le droit d’assister, mais pas de décider, alors même qu’ils sont détenteurs de l’immense majorité du trésor écologique national. Ce serait là un nouveau camouflet pour ces collectivités accusant de forts retards de développement, où le tout-protection voulu par des directives européennes est déjà difficilement acceptable pour les populations locales, lesquelles aspirent, on ne peut plus légitimement, à exploiter leurs ressources naturelles.
C’est pourtant grâce à l’outre-mer que la France possède le deuxième domaine maritime mondial, incluant 55 000 kilomètres carrés de récifs coralliens et de lagons. C’est grâce à l’outre-mer qu’elle détient 83 000 kilomètres carrés de forêt amazonienne, véritable poumon de la planète. C’est toujours grâce à l’outre-mer qu’elle est présente dans cinq hot spots de la biodiversité, ce qui constitue un véritable record mondial. C’est bien simple : plus de 98 % de la faune vertébrée et 96 % des plantes endémiques à la France sont situés outre-mer.
Comment expliquer alors que le passage de ce texte en commission n’ait pas permis de définir une gouvernance de l’AFB assurant aux représentants et spécialistes de ces territoires une place de choix, ou, à défaut, une représentation juste au regard de leur participation au patrimoine naturel national ? Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir entendue, madame la ministre, répéter à l’envi l’importance des territoires ultramarins pour la biodiversité et pour la croissance verte. Mais pour leur attribuer quel rôle in fine ? Certainement pas celui d’acteurs de leur propre destin.
Pourtant, si l’on souhaite vraiment enclencher une nouvelle dynamique verte, il est indispensable que les populations s’emparent des outils mis à leur disposition et que l’on comprenne enfin que toute politique publique de protection environnementale est vouée à l’échec si l’on oublie qu’il est avant tout question ici d’organiser des bassins de vie. La protection de notre environnement ne peut être qu’une figure de style. C’est un élément fondamental de cohésion sociale qui nécessite une véritable appropriation de la biodiversité par les populations de ces bassins de vie. Cela est valable aussi bien en France hexagonale qu’en outre-mer.
Les outre-mer sont prêts à relever le grand défi du XXIe siècle qu’est la croissance verte et veulent montrer au reste de la France l’exemple de ce qui est possible. Pour cela, ils ne demandent qu’à être mieux valorisés et traités avec équité.
Madame la ministre, ce gouvernement a toujours pu compter sur mon soutien ; il l’aura une fois de plus sur ce texte, le plus important, sûrement, pour la Guyane, département recouvert à 97 % par la forêt amazonienne et abritant sur un sixième du territoire national près de 50 % de notre biodiversité. Toutefois, ce soutien sera évidemment conditionné à l’assurance que les outre-mer soient représentés de façon juste et équitable dans toute instance amenée à connaître de leur patrimoine naturel. Dans l’attente des débats qui auront lieu sur les amendements, je tiens, d’avance, à vous en remercier.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames les rapporteures, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, consacré à la biodiversité, est un texte majeur. Au sens global du terme, je pense qu’il traduit une volonté de faire droit à l’éthique et à un certain nombre de valeurs, tout en concrétisant une prise de conscience sur la question des équilibres écologiques dans le monde.
L’infinie diversité des plantes et des animaux rend possible la création d’un système environnemental qui, lui-même, permet l’existence de l’ensemble du vivant, et donc de toute l’espèce humaine. Or, cette biodiversité pour le moins essentielle, complexe et dynamique, est extrêmement fragile. La protéger n’est donc pas un acte législatif comme les autres : l’enjeu n’est rien moins que d’assurer notre survie.
Une fois ce fondement identifié, comment ne pas penser à nos pays d’outre-mer, qui constituent l’autre enjeu essentiel de ce texte ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il en est un que l’on a beaucoup cité et que notre collègue Serville a évoqué tout à l’heure : 80 % de la biodiversité française se trouve dans nos régions, départements et collectivités d’outre-mer.
Répéter ces chiffres, c’est aussi faire prendre conscience la représentation nationale de cette réalité. L’Amazonie qui, comme cela a été dit, ne couvre que 7 % des terres émergées, renfermerait plus de la moitié des espèces animales et végétales du monde. La Polynésie française, à elle seule, renferme 20 % des atolls du monde. La Nouvelle-Calédonie abrite, quant à elle, la deuxième plus grande barrière de corail de la planète, avec 14 280 kilomètres carrés de récifs. Enfin, la Martinique recèle une flore et une faune riche et variée et des écosystèmes patiemment accumulés au fil des millénaires et d’une histoire géologique singulière.
Cependant, un autre constat doit être fait : cette biodiversité, menacée partout dans le monde, l’est plus encore dans non régions, qui sont en même soumises au changement climatique. Après la Guadeloupe, touchée par l’ouragan Hugo, dont les vents avaient atteint 250 kilomètres heure, l’Indonésie a subi un cyclone très violent, avec des rafales à 270 kilomètres heure. Aujourd’hui, c’est l’archipel du Vanuatu qui a été ravagé par le cyclone Pam, mesuré à plus de 320 kilomètres heure !
Il est donc primordial que les populations réapprennent à vivre dans l’environnement exceptionnel qui est le leur, à le protéger, à l’entretenir et à le mobiliser au service de leur survie, mais aussi de leur émancipation. Lorsque nous cherchions des solutions pour l’épanouissement de notre pays, Aimé Césaire me disait volontiers : « Cherche dans la nature et tu trouveras ! » Il avait raison. La biodiversité doit aussi être perçue comme une source d’épanouissement et d’émancipation, tout à la fois individuelle et collective, tout autant culturelle qu’économique et sociale.
Autrement dit, la richesse de sa biodiversité est un atout pour la France. Elle est une source infinie d’innovation et représente un immense potentiel de développement. Ainsi que Gabriel Serville l’a rappelé, ce potentiel se trouve essentiellement dans les outre-mer. Il est donc nécessaire de donner aux outre-mer une place à la hauteur des enjeux, ce que vous avez fait, madame la ministre, en lançant une concertation très en amont. De fait, des avancées assez importantes ont été accomplies en commission et nous avons organisé au ministère de l’environnement un grand séminaire, lors duquel chacun a pu s’exprimer.
La création de l’Agence française pour la biodiversité et la mise en place d’un régime particulier « d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, et de partage équitable des avantages découlant de leur utilisation », conformément à l’esprit du protocole de Nagoya, sans toutefois en copier la lettre, sont les dispositions phares de ce texte.
Il faut le dire, l’avant-projet de loi était dénué de toute référence aux outre-mer. Je l’ai regretté. Aucune décentralisation de la gouvernance n’y était, par exemple, prévue. Notre mobilisation a permis quelques avancées. Je pense notamment à la possibilité, pour les assemblées délibérantes des départements et régions d’outre-mer, d’exercer la fonction d’autorité administrative délivrant les autorisations d’accès aux ressources génétiques dans le cadre de la procédure d’APA – accès et partage des avantages.
Si cette avancée était essentielle, elle n’était guère suffisante. Grâce à votre forte implication en commission, madame la ministre, d’autres avancées ont été obtenues. Ainsi, il a été acté que la composition du Comité national de la biodiversité, instance de décision politique clé en matière de biodiversité, s’attachera à « une représentation significative des territoires ultramarins ». De plus, un comité régional de la biodiversité sera créé dans chaque département et région d’outre-mer.
L’avancée à mes yeux la plus importante, et qui répond à une demande très forte, reste cependant la possibilité de créer des délégations de l’AFB dans leurs régions et départements d’outre-mer. À cela s’ajoute le fait que la composition du conseil d’administration de l’AFB devra aussi « concourir à une représentation équilibrée des enjeux liés à la biodiversité, en particulier ultramarine ».
Je note qu’a été ajoutée la possibilité de faire bénéficier du retour de l’APA les pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité. Cela est essentiel. En outre, il convient de noter que les départements et régions d’outre-mer seront systématiquement consultés lorsqu’un décret les concernant sera pris.
La représentation des outre-mer au sein des instances de gouvernance de la biodiversité est un enjeu majeur, et nous défendrons des amendements en ce sens. L’atelier de travail du 11 février, au ministère de l’écologie, a permis de débattre et de formuler des propositions sur les modalités d’organisation des délégations dans les outre-mer. Les attentes se sont révélées très fortes. Je présenterai, bien sûr, d’autres amendements à ce sujet.
Enfin, je souhaite que ce texte reconnaisse de façon plus précise les connaissances et les savoir-faire traditionnels respectueux de la biodiversité. Cela revêt une importance capitale pour deux raisons. La première, c’est que la biodiversité constitue pour les habitants des territoires ultramarins une opportunité de développement parfaitement endogène. La seconde, c’est que, sans le respect de la différence, donc de la diversité culturelle, aucune biodiversité environnementale ne saurait être utile, suffisante ou parfaite.
L’appropriation collective de la biodiversité, sa bonne connaissance, sa protection et sa valorisation sont des actes majeurs pour la France dans son ensemble, mais surtout pour l’outre-mer, et pour l’ensemble de la planète. C’est un enjeu écologique, c’est un enjeu de société ; c’est aussi un enjeu culturel, dont nous devons nous saisir pour changer le modèle socio-économique et nous assumer, dans une pleine émancipation et en toute conscience.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte soumis à notre examen, pour un projet de loi porté par le ministère de l’écologie est, disons, de facture classique ! On y retrouve tour à tour de grandes déclarations de principes, quelques friandises pour les lobbies environnementalistes, des dispositions pour muscler l’administration du ministère et puis, pour ne pas changer, puisqu’il faut marquer les esprits, quelques mesures autoritaires en direction du monde agricole. Pas très original, comme scénario !
Cela démontre une fois de plus que l’intelligentsia germanopratine qui inspire les ministres successifs, si prompte à donner des leçons de remise en cause des schémas de pensée, de modification des pratiques, voire de révolution écologique, est absolument incapable de s’appliquer à elle-même ces principes lorsqu’il s’agit de rénover l’arsenal législatif !
Malheureusement, la France est un pays de castes. Il y a la caste de ceux qui savent tout sur tout et en parlent brillamment,…
…et puis il y a cette foule obscure de sans-grade, de ruraux butés à qui il faut réapprendre à planter les choux.
Notez bien, madame Royal, que je ne vous fais absolument pas un procès en manque de compétence. Je vous reproche seulement de ne pas assez résister à la pente naturelle des idées préconçues de ceux qui murmurent à vos oreilles. Le résultat ? Un scénario académique avec, comme dans les séries B, le casting habituel des méchants et des gentils, une intrigue archi-revue et, in fine, un dénouement qui ne surprendra personne, car il s’agit de faire un max de com avec un minimum d’idées nouvelles.
C’est bien dommage, car vous teniez pourtant un sujet en or avec la perspective de mettre en oeuvre le protocole de Nagoya. Le beau principe du meilleur partage des bénéfices de l’accès aux ressources génétiques fait sens, et pas seulement à l’échelle du territoire français, hexagonal ou ultramarin. C’est un enjeu mondial. Il mérite à lui seul que nous nous réunissions pour trouver les voies et moyens de lui donner une tournure concrète. Je rejoins en cela les propos de M. Letchimy.
Hélas, le reste du texte ne conserve pas la même hauteur de vue. Ainsi, la commission a adopté un amendement qui recycle une idée vieille de dix ans. Un amendement no 863 rectifié présenté par MM. Delattre et Le Fur avait été adopté à l’occasion de l’examen de la loi d’orientation agricole de 2005 : il portait sur l’interdiction des sacs de caisse. Si l’économie circulaire est encore dans les limbes, elle est en revanche bien réelle lorsqu’il s’agit de recycler des articles de loi !
Par ailleurs, pourquoi légiférer à nouveau sur les pratiques agricoles en matière d’utilisation des produits phytosanitaires ? L’encre de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt, qui déjà modifiait fondamentalement les règles dans ce domaine, est à peine sèche ! Vous adressant récemment au monde agricole, madame la ministre, vous avez expliqué qu’il était souhaitable que la France se hisse en première position en matière d’agriculture verte ! C’est une préconisation que je partage, mais qui est incomplète si l’on ne rappelle pas en même temps que la France est déjà en tête du combat pour des pratiques plus respectueuses !
À ses risques et périls, d’ailleurs, car innover a un coût. Pour être précis, l’innovation coûte au producteur, mais ne lui rapporte malheureusement pas grand-chose. D’autres se chargent d’engranger les bénéfices. Par un parallélisme des formes, les principes du protocole de Nagoya devraient aussi s’appliquer à nos paysans lorsqu’ils font des progrès en matière de respect de l’environnement.
Ce qui nous sépare, madame la ministre, c’est l’analyse des réalités de terrain. Vous affirmez que le processus Ecophyto est un échec. C’est faux ! Jamais les agriculteurs n’ont réalisé en si peu de temps autant d’évolutions positives dans les pratiques et dans les mentalités ! Mais ce qui est vrai, c’est que le calendrier initial et les objectifs fixés étaient exagérément optimistes. À qui la faute ? Pas aux agriculteurs.
Je vous recommande de ne pas répéter la même erreur en vous enfermant dans une politique d’affichage. Lors de l’examen du projet de loi Macron, nous avons constaté à quel point beaucoup de professions étaient hostiles au changement, même sur des questions somme toute mineures. Malgré la réputation qu’on lui prête, ce n’est pas le cas de la profession agricole qui, saison après saison, doit s’adapter aux instabilités : tantôt celles du climat, tantôt celles du marché, tantôt celles du cadre réglementaire de la politique agricole commune. De grâce, ne chargeons pas la barque, au risque de la faire chavirer ! Soyons garants d’une forme de stabilité et de continuité des règles, et d’un partage équitable des efforts entre tous nos concitoyens.
Mes chers collègues, il existe une différence fondamentale entre un colloque de chercheurs et une séance au Parlement. En écrivant la loi, nous devons aller au-delà des principes généraux. Nous devons nous confronter à l’urgence du temps présent, trouver l’équilibre entre le souhaitable et le possible, tendre le fil du progrès et en fixer les étapes. J’espère que nos débats seront à la hauteur de cette exigence !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, qu’est-ce que la biodiversité ? L’homme de sciences qu’est Hubert Reeves nous dit qu’elle est « notre assurance vie sur la vie elle-même ». Habitant une île tropicale exposée aux éruptions volcaniques, aux tremblements de terre, aux cyclones, aux raz-de-marée et aux inondations, j’aurais tendance à répondre que la biodiversité, c’est la condition même de notre vie et de notre adaptation à cette vie naturelle.
Il est d’usage de voir les îles de la Caraïbe comme des endroits paradisiaques. C’est oublier que pour les explorateurs et les premiers habitants, ces îles étaient considérées comme infernales, susceptibles de tous les déferlements, de toutes les maladies. De l’enfer au paradis, il n’y a parfois qu’un pas…Ce pas, c’est celui de l’homme qui avance en conscience, avec son temps et son environnement. Madame la ministre, nous pouvons dire que nous accomplissons ce soir un nouveau pas déterminant dans cette conscience de nous-mêmes, de l’autre et de notre milieu naturel.
C’est important car, je le redis après d’autres, la France est riche d’une exceptionnelle diversité terrestre et marine, tant dans l’Hexagone que dans les outre-mer, présents dans tous les océans.
Je partage globalement vos objectifs. Il était en effet temps, quarante ans après la loi de 1976 sur la nature et plus de vingt ans après celle de 1993 sur la protection et la valorisation des paysages, de dépasser la protection des espaces et des espèces pour envisager globalement les écosystèmes et la biodiversité, et se doter de vrais moyens politiques et concrets pour agir plus efficacement sur le plan scientifique, technologique, sanitaire, économique, social, environnemental, mais aussi démocratique et culturel.
Il était temps, car ce texte est essentiel pour la réussite de la transition écologique de notre pays, transition qui ne peut qu’être énergétique, au vu de l’évolution des dérèglements climatiques sur la biodiversité. Dans nos écosystèmes îliens, nous en percevons l’urgence et l’enjeu.
Il était temps de se doter d’un nouveau paradigme impliquant une vision dynamique de la biodiversité, où les interactions, les mutations, sont de plus en plus observables. En effet, nos savoirs ont évolué. La notion de paysage a changé. Une prairie, une mangrove, étaient des lieux sans intérêt il y a quarante ans. Ce sont des sources de vie aujourd’hui et des espaces à protéger absolument, car réceptacles de la richesse de l’humanité.
Votre texte inscrit cette nouvelle dimension dans le droit, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités juridiques, et c’est bien.
Votre projet de loi organise la gouvernance de la biodiversité, crée l’Agence française de la biodiversité, évoque les ressources génétiques, la protection des espèces et des espaces, du paysage, du littoral, et c’est bien – même si la question du financement de l’Agence attend des réponses précises.
J’ai apprécié aussi que vous apportiez de nouveaux éléments en faveur de la protection des abeilles et des pollinisateurs, problème qui nous touche également dans la Caraïbe, ou que vous preniez en compte la nature et les écosystèmes en milieu urbain.
Mais je voudrais en second lieu, madame la ministre, au risque de sortir du sujet, vous donner un autre satisfecit. Nous restons cependant dans le cadre de la protection de la biodiversité. Lorsque vous êtes venue à la Martinique, madame la ministre, je vous avais vivement interpellée, en tant qu’élu local, sur notre incapacité à faire face aux véhicules hors d’usage qui polluent nos territoires et nos communes. Vous aviez été sensible, je le crois, à cette interpellation, et des mesures ont été introduites et votées grâce à vous pour donner aux communes des moyens d’agir afin de préserver leurs territoires.
Je veux ici publiquement vous en remercier, car vous avez su être à l’écoute de la vie concrète et des hommes de terrain.
En effet, militer pour la biodiversité, ce n’est pas se rengorger, se griser de grands mots et de grandes phrases, c’est agir au quotidien pour que la vie reste la vie, que la terre reste la terre, que nos océans restent naturels, que nos îles, fragiles, et nos littoraux, menacés, restent préservés des outrages et des catastrophes.
Et justement, le littoral : c’est de lui que je veux vous parler pour finir, madame la ministre, en vous interpellant à nouveau sur un cas concret, celui du phénomène des algues sargasses qui échouent actuellement sur les côtes antillaises, posant de véritables problèmes environnementaux, mais aussi de santé publique, de développement touristique, d’atonie économique.
Des mesures doivent être prises par les pouvoirs publics pour faire face à ce fléau, car les communes n’ont pas les moyens d’y répondre. C’est pourquoi nous vous demandons, madame la ministre, de classer ce fléau en catastrophe naturelle, ce qui permettra aux acteurs locaux de lutter contre le phénomène, voire de le traiter pour – éventuellement – en faire un atout économique.
À cet effet, nous avons déposé des amendements que nous vous saurions gré d’accueillir favorablement, car nous sommes assaillis par la détresse qui monte des élus, des populations, des familles, des professionnels de santé ou des entreprises, qui ne disposent d’aucun moyen réel et cohérent d’appréhender un tel phénomène.
Cela étant, madame la ministre, nous voterons votre projet qui marque une étape nouvelle dans l’approche française de la biodiversité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je voudrais d’abord remercier notre président de commission, M. Chanteguet, qui a permis à Geneviève Gaillard, notre rapporteure, ainsi qu’à Viviane Le Dissez, la porte-parole de notre groupe sur ce texte, de venir en Guyane dans le cadre de la préparation de ce projet de loi sur la biodiversité. je veux l’en remercier, parce que sa sensibilité est bien réelle, sur ce dossier. Je précise qu’un représentant du groupe UMP, M. Guillaume Chevrollier, était également du voyage.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec le projet de loi relatif à la biodiversité, nous allons débattre d’un sujet fondamental, vital, qui est malheureusement méconnu de nos concitoyens, et trop souvent absent des débats publics.
La nation française, qui est présente sur plusieurs continents, océans et zones bioclimatiques, dispose d’un patrimoine biologique, terrestre et maritime exceptionnel.
Face à l’accélération, au cours des dernières décennies, de la dégradation de ce patrimoine national, du pillage de nos ressources et de la spoliation des savoirs traditionnels de nos populations, notre pays se devait de se doter d’une législation adaptée.
Le projet de loi relatif à la biodiversité est une première réponse à cette impérieuse nécessité. Il introduit, en droit interne, le dispositif « Accès et partage des avantages » ou APA, acté par le protocole de Nagoya, signé par la France en 2011. Ce dispositif, défini au titre IV du présent texte, reconnaît et réglemente les conditions d’accès aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels détenus par les communautés d’habitants. Il établit un partage juste et équitable des avantages financiers qui pourraient en découler. Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de nos débats.
Ce texte consacre par ailleurs le caractère dynamique de la biodiversité et introduit le principe de solidarité écologique, soulignant ainsi l’interdépendance entre la diversité biologique et les sociétés humaines.
Il place également la connaissance, ou plus exactement le besoin de connaissance, au rang d’action d’intérêt général, essentielle à l’atteinte des objectifs que se fixe ce texte.
Mais les grands principes ne valent que dans leur mise en cohérence et dans leur application concrète, que doit assurer une bonne gouvernance de la biodiversité. C’est l’objet de l’Agence française pour la biodiversité. Elle mobilisera les moyens nécessaires aux politiques publiques en matière de biodiversité et améliorera la diffusion et la valorisation de la connaissance en sensibilisant nos concitoyens et en améliorant la formation des acteurs.
Afin d’être parfaitement efficiente et opérationnelle, l’Agence française pour la biodiversité se doit de refléter l’ensemble de la biodiversité nationale. Madame la ministre, je sais que nous pouvons compter sur vous, que vous irez dans ce sens, et je tiens à saluer ce choix.
La Guyane doit prendre toute sa place et sa visibilité sur la scène nationale et internationale, compte tenu des enjeux que représentent le développement durable, la préservation des ressources, la sauvegarde et la valorisation de la biodiversité.
Cela a été dit par nos collègues, une grande partie de notre biodiversité, objet de nos débats, se situe en Guyane. L’apport de la forêt guyanaise dans le bilan carbone de la France nous permet, mes chers collègues, de ne pas être déficitaires. Il est estimé à 150 millions d’euros par an.
La croissance démographique exponentielle à l’oeuvre en Guyane, mais aussi les manques en termes de développement social et économique, nous imposent de définir une stratégie de développement endogène et durable, au service des générations présentes et futures. Nous devons trouver un équilibre qui prenne en compte la biodiversité tout en répondant à nos besoins alimentaires et énergétiques.
Nous devons également nous donner les moyens de la connaissance, de la préservation et de la valorisation, par et pour notre jeunesse, de notre patrimoine naturel. L’université de Guyane doit offrir à nos jeunes l’opportunité de devenir les acteurs de demain. Madame la ministre, vous avez parlé d’éducation : je suis totalement en phase avec vous.
Préserver la biodiversité, c’est donc préserver l’environnement dans lequel elle s’invente et se réinvente chaque jour. C’est continuer à combattre le fléau que représentent l’orpaillage illégal et la pêche illicite. C’est aussi et surtout reconnaître les droits de ceux qui oeuvrent, depuis des siècles, pour la préservation et la valorisation de cette biodiversité : communautés autochtones, communautés d’habitants, communautés locales…Nous sommes tous unanimes pour saluer l’action qu’elles mènent pour conserver, développer et transmettre aux générations futures leurs terroirs et leurs savoirs ancestraux, qui constituent leur identité et, plus encore, l’histoire de l’humanité, notre histoire.
Ce n’est donc pas seulement la nature en soi que nous devons protéger, cela ne suffit pas. Ce qu’il faut protéger, c’est la possibilité pour toutes les différences d’exister… Ainsi, du nouveau peut apparaître et nous surprendre, nous questionner, nous améliorer.
Il nous faut protéger et valoriser nos différents modèles de société, encore présents sur notre territoire. Il s’agit d’une source d’inspiration, à l’heure du changement climatique et du risque d’impasse auquel nous avons à faire face. Il s’agit d’une écologie culturelle et identitaire que nous devons considérer comme une garantie pour l’avenir, mais aussi comme un bien commun pour les générations futures.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’objectif fixé par l’ONU de stopper l’érosion de la biodiversité en 2010 n’a pas été atteint et que nous continuons de perdre des espèces à un rythme inégalé, le projet de loi sur la biodiversité, examiné il y a plus de neuf mois en commission, arrive enfin dans notre hémicycle.
J’ai longuement discuté de ce texte avec les représentants ligériens de la profession agricole, qui est pleinement concernée car elle joue un rôle majeur dans la gestion d’espaces riches en biodiversité. Nous devons préserver et améliorer la biodiversité dans les territoires, tout en y maintenant une activité économique.
L’agriculture et la forêt couvrent environ 80 % du territoire et influencent donc directement ou indirectement la biodiversité de ces espaces. La préservation de la biodiversité dans les milieux agricoles répond ainsi à une attente sociétale, mais aussi à une attente du monde agricole en matière de services environnementaux et de protection des terres agricoles.
Avec six titres et soixante-treize articles, votre projet de loi tente de réorganiser la protection de la biodiversité dans le but de la renforcer, mais aussi de supprimer les doublons et d’offrir enfin un guichet unique aux porteurs de projets.
Vous vous appuyez sur le triptyque « éviter, réduire, compenser » qui date de la loi de protection de la nature de 1976. Ces mesures sont d’abord des mesures d’évitement, puis de réduction des impacts. Si elles n’ont pas permis d’éviter une perte écologique, alors des mesures de compensation sont à appliquer.
Je ne reviendrai pas sur les exemples récents et emblématiques que sont Sivens et Notre-Dame-des-Landes…Mais creuser des mares, planter des arbres, fabriquer des refuges pour espèces protégées, déplacer des espèces menacées comme le flûteau nageant, le triton marbré, le triton crêté ou le grand capricorne, tout cela fait désormais partie de l’appareillage technico-juridique que doit comporter tout projet d’aménagement du territoire et de construction d’infrastructure : aéroport, autoroute, ligne ferroviaire, zone commerciale, etc.
Si les conditions d’équivalence entre la dégradation écologique et les mesures de compensation ne sont pas précisées par votre projet de loi, les outils disponibles pour mener cette compensation sont, eux, nommément désignés.
Le maître d’ouvrage pourra ainsi réaliser des actions de compensation écologique de sa propre initiative, sur son terrain ou sur le terrain d’autrui. Il pourra également recourir à un opérateur de compensation ou contribuer au financement d’une réserve d’actifs naturels lui permettant de se libérer de ses obligations en contribuant financièrement à ces opérations.
Votre texte, madame la ministre, va ainsi créer en droit français des banques d’actifs « biodiversité », ce qui permettra à la CDC-Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, de servir de banque de compensation. Nous avons d’ailleurs auditionné son directeur, M. Laurent Piermont, en novembre 2013, et il nous a expliqué les modalités de création de cette banque d’actifs naturels qui se trouve dans la plaine de la Crau, zone de steppe semi-aride des Bouches-du-Rhône, à proximité de zones protégées.
La compensation écologique institue donc une double promesse. La promesse de remplacer ce qui est détruit à un endroit par un bout de nature restauré par l’activité humaine à un autre endroit. Et la promesse de pouvoir poursuivre la construction de nouvelles infrastructures tout en préservant l’environnement. L’enjeu est donc de rendre plus claires, plus visibles, plus transparentes et plus efficaces les actions de compensations portées par différents acteurs.
Afin d’articuler au mieux l’efficacité écologique et les potentialités économiques de la compensation, il est déterminant de reconnaître le rôle majeur que pourraient jouer les agriculteurs. Au-delà même de la création de richesses écologiques et économiques qui pourrait en découler, cette reconnaissance apporterait des opportunités de développement à un certain nombre de territoires ruraux, tout en favorisant plus largement la diffusion d’une vision moderne de l’agro-écologie.
Lors des débats du 25 juin 2014, la commission du développement durable a clairement exprimé sa volonté d’ouvrir les contrats de compensation aux agriculteurs, quel que soit leur statut. Pourtant, la rédaction actuelle de cet article ne répond pas pleinement à cette ambition, puisqu’elle exclut aujourd’hui les agriculteurs qui ne sont pas propriétaires du terrain qu’ils exploitent. Je défendrai donc un amendement afin que cette possibilité de contractualiser des mesures de compensation soit ouverte à tous les agriculteurs, qu’ils soient propriétaires ou simples locataires exploitants.
Concernant la gouvernance, plusieurs points doivent être soulignés sur lesquels je reviendrai lors de la discussion de l’article 8. Je pense d’ailleurs que nous y reviendrons aussi à l’occasion des débats sur la disposition relative aux produits phytosanitaires introduite par voie d’amendement – avancement du délai de l’interdiction de ces derniers dans les lieux publics, nouvelles règles sur les cuves, interdiction de l’épandage aérien…
Nous avons déjà rejeté ces mesures lors de la discussion de loi d’avenir pour l’agriculture et j’espère qu’une fois de plus le bon sens prévaudra.
En défendant mes amendements, j’aurai l’occasion d’évoquer de nombreuses autres dispositions qui méritent d’être précisées ou supprimées.
Madame la ministre, si je salue les bonnes intentions de ce texte, je déplore qu’il impose des contraintes nouvelles aux acteurs socioprofessionnels et aux porteurs de projets alors que notre pays traverse une crise économique durable et qu’il aurait plutôt besoin d’une simplification des procédures administratives et réglementaires, ainsi que d’un allégement de la fiscalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la présidente de la commission des lois, mesdames les rapporteures, chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner à mon tour l’importance de ce texte car au-delà du terme – qui est un peu technique – de biodiversité, celle-ci joue un rôle majeur dans notre vie : elle est en effet indispensable à notre bien-être et à notre avenir.
Au moment où toutes les données convergent pour souligner qu’elle se porte mal, le temps est venu de voter une loi ambitieuse comportant des outils forts, pour mobiliser et pour agir.
La France, deuxième espace maritime au monde, doit être exemplaire dans le domaine de la protection de la nature et de la biodiversité.
Quelques mots sur ces différents points.
Oui, la biodiversité est au coeur de nos vies et de notre avenir. Elle est notre bien commun : elle nous soigne, nous nourrit, nous habille, elle est partout indispensable à notre vie quotidienne.
C’est aussi une force économique pour la France, assurant des services qui contribuent aux activités humaines – on parle de services écosystémiques. Il serait d’ailleurs intéressant de les évaluer, ainsi que le coût de leur éventuelle disparition.
La biodiversité est aussi une source d’innovation et elle représente, dès lors, une valeur potentielle importante.
Dans la chaîne du vivant, tout interagit, se tient et se complète – les exemples pourraient être nombreux, que ce soit dans le domaine de la régulation climatique, de la protection de nos littoraux ou de l’épuration de l’air et de l’eau, sans oublier les médicaments qui, d’abord, proviennent de la nature.
Mais, on l’a dit, la biodiversité est malheureusement menacée aujourd’hui – il y a urgence à agir – par les pressions qui s’exercent sur elles telles que la pollution, le réchauffement climatique ou l’artificialisation des sols.
Les derniers bilans disponibles en France en témoignent : 22 % seulement des habitats d’intérêt communautaire et 28 % des espèces d’intérêt communautaire sont en bon état de conservation.
On évoque parfois, comme cela a été le cas tout à l’heure, la sixième crise de la disparition des espèces.
Une nouvelle approche en faveur de la biodiversité est donc nécessaire.
La France, deuxième espace maritime au monde, a de ce point de vue une responsabilité particulière.
Je souligne aussi que l’année 2015 est particulièrement importante pour la biodiversité puisque, sur le plan international, Paris accueillera du 30 novembre au 11 décembre la 21e Conférence des parties à la convention cadre des Nations unies.
La quatrième Conférence européenne sur l’eau, quant à elle, se déroulera dans quelques jours, à la fin du mois de mars, et précédera de quelques semaines seulement le septième forum mondial de l’eau qui se tiendra en Corée du Sud au mois d’avril.
Sur le plan national – faut-il le rappeler ? –, les objectifs de résultats fixés par la directive-cadre sur l’eau devaient être atteints, en principe, l’année prochaine, or ce ne sera pas le cas pour la moitié des cours d’eau de France et d’Europe.
D’ici la fin de l’année, les premiers plans de gestion des risques liés aux inondations devront également être mis en place.
Avec cette loi, madame la ministre, la France franchit une étape importante pour la biodiversité.
L’action publique en faveur de cette dernière a été définie voilà quarante ans. Et vous avez rappelé, madame la ministre, la loi que vous avez défendue voilà vingt-deux ans, la loi paysage.
Je rappelle également qu’au cours des conférences environnementales des deux dernières années, le Gouvernement s’était engagé à porter une grande loi devant le Parlement. Désormais, c’est chose faite : elle est là !
Monsieur le président Chanteguet, nous avons examiné ce texte au mois de juin 2014. Nous avons longuement et sérieusement travaillé afin de l’enrichir.
Il est innovant car il considère la biodiversité dans son ensemble. Il ambitionne aussi de s’intéresser aux différentes facettes de l’action publique – l’encadrement réglementaire mais aussi l’organisation de l’État et des opérateurs ainsi que la gouvernance.
Il promeut également de nouveaux outils de protection et de reconquête. Oui, il faut décloisonner, mutualiser, assurer la transversalité des politiques publiques nécessaires à cette préservation et à cette reconquête.
De surcroît, il crée un outil institutionnel qui a vocation à être le bras armé de la politique pour la biodiversité avec l’Agence française pour la biodiversité – nous aurons l’occasion d’en parler lors de nos débats.
Enfin, il introduit un chapitre consacré aux paysages dans le cadre d’une vision large – et c’est une bonne chose – incluant avec pertinence les paysages du quotidien, les patrimoines naturels et culturels.
Voilà quelques mois, en tant que rapporteur pour avis du programme « Paysages, eau et biodiversité » du PLF pour 2015, je soulignais un certain nombre de points.
Je rappelais notamment que cette action mobilise de nombreux acteurs de nature et de taille différentes sur tout le territoire national sur les plans étatique, régional, départemental et local et qu’elle s’appuie sur de multiples partenariats – avec les collectivités, les entreprises, les associations.
J’ajoutais que l’action de l’État en matière de paysage – le chiffre est peu connu – pèse 4 000 emplois et, au sein d’une vingtaine d’opérateurs, 5 000 emplois.
À ces chiffres, il convient d’ajouter des milliers d’emplois directs et indirects publics et privés – en grande partie, d’ailleurs, en milieu rural, et non délocalisables.
Le tissu associatif est également concerné, avec près de 4 000 emplois en plus du bénévolat.
Il faut aussi ajouter les emplois dans les éco-activités, évalués dans notre pays à 450 000, la progression étant en l’occurrence de près de 7 % par rapport à 2011.
Je conclurai en disant qu’avec cette nouvelle loi, il s’agit bien de se diriger vers un nouveau modèle de développement.
Pour réussir, il faut mobiliser tous les acteurs, toute la puissance publique de l’État – ce texte, d’ailleurs, la renforce – mais aussi les collectivités locales de proximité, qui doivent être impliquées selon des modalités à préciser.
Il convient aussi de mobiliser l’ensemble des acteurs associatifs, toute la société civile et tous les citoyens.
Telle est la condition de notre réussite collective.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mesdames les rapporteures, chers collègues, les systèmes naturels sur lesquels repose le développement économique et humain de nos sociétés se dégradent à une vitesse jamais observée auparavant.
Le respect des êtres vivants mérite une mobilisation forte et active face aux principales menaces que sont le changement climatique, les pollutions, les espèces exotiques envahissantes, l’artificialisation des sols, la surexploitation.
Il est grandement temps de relancer la volonté nationale de protéger les espèces et espaces remarquables et de prendre en compte les continuités écologiques.
Le projet de loi présenté cette semaine contient les outils essentiels qui permettront, d’une part, de mesurer les impacts du changement climatique et, d’autre part, d’évaluer les effets des politiques menées en faveur de l’environnement.
L’Agence française pour la biodiversité peut se projeter au-delà d’un regroupement et d’une nouvelle organisation.
Les actions en faveur de la conservation ou la gestion des organismes vivants contribueront à la mobilisation pour les solutions mises en place par la communauté internationale.
Il est important que l’Agence française pour la biodiversité soit porteuse, pour la France, de l’indispensable évaluation de l’impact du changement climatique et, dans une dynamique positive, qu’elle soit porteuse du suivi des actions engagées par de multiples acteurs pour les faire connaître et contribuer à l’engagement international.
Le projet de loi prévoit la création d’un comité d’orientation réunissant des représentants concernés par les milieux marins.
Si des directives-cadres régissent les domaines de l’eau et des milieux marins, il convient de construire la politique en faveur de la biodiversité terrestre en partenariat avec les organismes de connaissance et de conservation de la faune et de la flore.
Un deuxième comité d’orientation concernant les divers organismes vivants terrestres pourrait équilibrer les sujets d’intervention et décliner efficacement le plan d’action pour la stratégie nationale en faveur des milieux dans leur ensemble.
La présence dans la gouvernance des représentants des parcs, ou encore,des conservatoires botaniques nationaux, serait ainsi confortée.
À cette occasion, je souhaite saluer la tâche essentielle accomplie, souvent dans la discrétion, par ces organismes. Laboratoires naturels à ciel ouvert, ils contribuent par leur travail à approfondir la connaissance de la faune, de la flore ainsi que des habitats et permettent la conservation des espèces. Il convient de leur apporter toute l’assurance d’une pérennité structurelle et financière.
Le texte revient sur la réglementation des parcs naturels régionaux, renforçant leurs capacités d’action comme porteurs de projets globaux de développement durable territoriaux, précisant leurs objectifs en matière de paysage, simplifiant la procédure de classement en allongeant la durée de labellisation à quinze ans au lieu de douze et, enfin, rétablissant le rapport de compatibilité entre les chartes des parcs et les autres documents d’urbanisme.
La possibilité d’établir une coopération institutionnelle entre l’État et les collectivités territoriales en s’appuyant sur ce qui existe déjà pour la culture est une réelle avancée.
Les établissements publics de coopération environnementale seront chargés d’accroître et d’améliorer les connaissances sur l’environnement, leur diffusion, la sensibilisation et l’information des publics, d’apporter un concours scientifique et technique auprès des pouvoirs publics et d’assurer la conservation d’espèces ou la mise en place de restauration des milieux.
Ce nouvel outil permettra aux organismes existant sous divers formats de se retrouver dans un statut pérenne et reconnu.
Pour conclure, je me félicite des mesures concernant le littoral, en premier lieu celles qui confortent l’action du conservatoire du littoral et des rivages lacustres, dont je souligne l’action essentielle et indispensable, notamment sur la partie de notre littoral atlantique encore préservée mais néanmoins fragile au regard des potentiels fonciers comme de l’érosion côtière.
Dans ce domaine, plusieurs dispositions intégrées dans le code de l’environnement en application de la stratégie nationale de gestion du trait de côte conforteront notamment les actions du GIP Littoral aquitain qui, aux côtés de l’Observatoire du littoral et du réseau scientifique de recherche, engage des réflexions essentielles face aux choix difficiles et coûteux qui doivent être faits par les élus locaux.
Enfin, je salue une destinée atypique mais favorable qui me permet, après avoir étudié ce projet de loi mais manqué son examen en commission de développement durable, de participer à sa discussion et à son vote en séance.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale commune est close.
La parole est à Mme la ministre.
Je remercie bien sûr Mmes les rapporteures ainsi que M. le président de la commission et l’ensemble des intervenants, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent.
Nous avons beaucoup convergé, les uns et les autres, au service de l’intérêt général et de la biodiversité. Il relève maintenant de notre responsabilité de faire connaître et comprendre ce concept de biodiversité, qui est assez complexe mais qui renvoie à notre vie quotidienne.
J’ai évoqué tout à l’heure le rôle des enfants qui peuvent transmettre à leurs parents ce qu’ils apprennent à l’école, les grands-parents étant quant à eux souvent des observateurs attentifs de la nature pouvant eux aussi transmettre des connaissances à leurs petits-enfants. La biodiversité comporte une dimension très intergénérationnelle, ce qui fait d’elle, aussi, un sujet passionnant.
Je me réjouis donc de commencer avec vous ce débat parlementaire.
Nous abordons le titre Ier de ce texte, relatif aux principes fondamentaux. Si la discussion des amendements risque de nous faire peut-être parfois perdre un peu de vue la cohérence et la richesse de ce projet, il me paraît important de souligner ce que ces principes ajoutent au code actuel de l’environnement.
J’ai déjà évoqué tout à l’heure de nouvelles valeurs, notamment la volonté d’inscrire la préservation de la biodiversité dans une vision beaucoup plus dynamique que celle de la loi de 1976 sur la protection de la nature.
Est également nouvelle l’inscription dans la loi des interactions entre l’homme et les activités humaines, en particulier à travers les concepts de services éco-systémiques et de solidarité écologique qui n’existaient pas voilà une quarantaine d’années.
Ce titre Ier complète donc la définition de la biodiversité avec la notion dynamique de processus, il réaffirme la séquence « éviter, réduire, compenser » pour toutes les atteintes à la biodiversité – ce qui confère un cadre clair, logique et cohérent aux actions qui pourront être conduites –, il introduit le principe de solidarité écologique car nos écosystèmes sont interdépendants, mais aussi de complémentarité entre les activités humaines, en particulier l’agriculture, la sylviculture et l’environnement.
Ce titre Ier fait également de la connaissance de la biodiversité une action aussi importante que sa préservation. Il reconnaît pour la première fois dans la loi les services écosystémiques, c’est-à-dire les services rendus par les écosystèmes, au premier rang desquels la pollinisation, et affirme que la biodiversité est aussi une source d’innovation. Il protège les continuités écologiques, qui contribuent à l’aménagement durable des territoires. Il clarifie les rôles, en désignant la région comme l’échelon de mise en oeuvre, grâce aux stratégies régionales de biodiversité, tout en faisant une place aux collectivités infrarégionales, et même aux citoyens – nous l’évoquions tout à l’heure – ainsi qu’aux entreprises, car il existe des filières économiques très importantes dans le domaine de la biodiversité.
Ces grands éléments clés – la définition de la notion de biodiversité, celle de valeurs nouvelles, qui s’inscrivent dans la loi aujourd’hui – constituent des avancées considérables, à partir desquelles les différents titres et articles vont désormais se décliner au cours de ce débat, que je me réjouis de conduire, en dialogue avec vous.
La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinquante.
J’appelle en premier lieu, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi relatif à la biodiversité.
La parole est à Mme Françoise Dubois, première oratrice inscrite sur l’article 1er.
L’article 1er a pour objectif de renouveler les concepts et le vocabulaire présents au début du code de l’environnement. Il s’agit de donner une vision complète de la biodiversité, intégrant l’ensemble des êtres vivants, puisque la biodiversité assure les fonctions indispensables à toutes les formes de vie et nous rend des services essentiels : source d’alimentation, maintien de la qualité de l’eau, de l’air et des sols, atténuation des phénomènes naturels. Or de nombreuses pressions pèsent aujourd’hui sur elle, qui menacent l’équilibre global du système – tous les milieux sont concernés.
Cet article rappelle aussi que la biodiversité est à la fois le produit de processus biologiques toujours en cours et de la géodiversité. Il s’agit également d’introduire le principe de solidarité écologique – mais là, j’empiète un peu sur l’article 2 –, reconnaissant l’interdépendance des différents écosystèmes au sein desquels vit et prospère l’humanité. Ce principe met en exergue l’importance des interactions positives et négatives entre la préservation de la biodiversité et les activités humaines. Le concept de continuité écologique, introduit en 2009, s’est traduit par des démarches structurantes, qui contribuent à l’aménagement durable du territoire.
La France possède un patrimoine naturel exceptionnel et doit se doter de nouveaux outils, plus ambitieux, pour protéger cette biodiversité remarquable.
Nous sommes nombreux à penser que c’est la biodiversité des sols, et non les sols eux-mêmes, qu’il faut intégrer dans le « patrimoine commun de la nation ». En effet, si les sols intègrent le patrimoine commun de la nation, cela rendra obligatoire leur protection de toute pollution, de toute dégradation. Les sols agricoles seraient concernés par cette nouvelle forme de protection, ce qui tuerait l’agriculture.
Par ailleurs, l’actuelle rédaction du projet de loi prévoit que l’agriculture préserve les continuités écologiques, mais ne reconnaît pas les services environnementaux rendus par les agriculteurs. Or ces continuités pourraient entraîner des contraintes supplémentaires pour l’agriculture, comme l’interdiction de certaines activités. Accepterez-vous nos amendements reconnaissant le rôle positif de l’agriculture pour la biodiversité, en ajoutant un principe de complémentarité entre l’agriculture et la biodiversité ?
Concernant les obligations réelles environnementales, nous sommes également assez sceptiques : vous voulez permettre aux propriétaires publics ou privés de s’obliger et d’obliger les propriétaires successifs à mettre en oeuvre sur le long terme des mesures environnementales comme l’obligation de produire de manière biologique, de produire sans produits phytosanitaires, de ne pas drainer des terres, de ne pas irriguer, de ne pas couper des haies…Ces obligations ne sont pas rémunérées aujourd’hui et pourraient avoir des conséquences économiques fortes sur les exploitations. Avez-vous des garanties à apporter à nos exploitants ?
Les futures zones prioritaires pour la biodiversité, dans lesquelles les préfets pourraient imposer aux agriculteurs, sans rémunération, certaines pratiques agricoles comme l’implantation de certaines cultures, le retard de fauche, l’implantation de haies, l’interdiction d’intrants ou la restauration de zones humides, inquiètent également les agriculteurs. Une étude d’impact a-t-elle été réalisée, madame la ministre ?
Cet article 1er est représentatif du texte que vous nous proposez. Il pourrait être largement consensuel, parce que certains grands principes sont évidemment partagés par l’ensemble des parlementaires de cet hémicycle. Reconnaître que les espaces naturels sont à la fois ceux qui sont issus du monde terrestre et ceux qui sont issus du monde maritime me semble par exemple une évidence. Pourtant, vous avez vous-même rappelé, madame la ministre, qu’un certain nombre d’amendements avaient peut-être fait perdre de la hauteur à ce texte. Et de fait, certains amendements nous inquiètent beaucoup.
Quand on parle de « paysage », on voit bien ce que cela signifie. Mais le texte va désormais préciser que le paysage est à la fois diurne et nocturne. Pourquoi parler de paysage nocturne ? Est-ce parce que le texte entend combattre l’éclairage artificiel ? Par ailleurs, il est question dans cet article d’êtres vivants, mais vous savez très bien que la notion d’être vivant n’existe pas juridiquement, et que les scientifiques eux-mêmes ont bien du mal à préciser ce qu’est un être vivant.
S’agissant des sols, mon excellent collègue, Dino Cinieri, a bien précisé que les sols sont un élément du patrimoine, mais qu’ils y contribuent également. Je reprendrai d’ailleurs la parole à ce sujet à l’occasion de l’examen d’un amendement que j’ai déposé dans ce sens. Madame la ministre, rappelez l’essentiel, évitez d’écrire une loi bavarde, et n’ajoutez pas aux textes qui sont déjà connus des éléments qui n’apportent rien.
Monsieur le président, madame la ministre, cet amendement tend à supprimer l’alinéa 4 de l’article 1er.
Il propose de maintenir la définition du contenu du patrimoine commun de la nation, telle que prévue par l’article L. 110-1 du code de l’environnement.
En premier lieu, la notion d’être vivant n’est définie nulle part. En second lieu, cela signifie notamment que tous les hommes, sans considération de tout autre critère juridique tels que leur nationalité ou leur lieu de résidence, font partie de notre patrimoine national.
Par ailleurs, le code de l’environnement prévoit que leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d’intérêt général. Or la restauration, la remise en état, la gestion et le maintien des « êtres vivants » conduit, de notre point de vue, à un non-sens juridique. Il est donc proposé de revenir à la rédaction initiale, à savoir : « espèces animales et végétales ».
La commission a rejeté cet amendement – je crois que ce n’est pas la peine de faire trop de juridisme dans ce texte. Par ailleurs, je suis un peu surprise d’entendre que certains ici ne font pas la différence entre ce qui est vivant et ce qui est inerte.
Je suggère également le retrait de cet amendement. Il semble que le seul reproche qui soit fait à cet article est de compléter une définition afin qu’elle soit plus riche et plus compréhensible. Cet article ajoute à la définition de la biodiversité une notion dynamique en prenant en compte les interrelations entre les écosystèmes.
Pour répondre partiellement aux intervenants sur l’article, depuis la loi de 1976, il y a quarante ans, grâce aux différents travaux de recherche et aux connaissances de plus en plus pointues sur la question de la biodiversité, nous avons pu compléter la qualité et la finesse de la définition de la biodiversité, à la demande des chercheurs eux-mêmes.
La biodiversité englobe des espaces, ressources et milieux naturels, à la fois terrestres et marins, ainsi que les sites et paysages diurnes et nocturnes. Oui, il y a des paysages nocturnes affectés par la pollution causée par l’excès de lumière artificielle, ce qui touche directement la biodiversité et la vie des insectes, par exemple. Les êtres vivants, par définition, entrent aussi dans cette définition de la biodiversité.
Cet article ajoute également : « Les processus biologiques et la géodiversité, les sols concourent à la constitution de ce patrimoine », ce qui n’était pas prévu jusqu’à présent.
Enfin, par une phrase certes complète, mais très précise, cet article ajoute à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ce que l’on entend par biodiversité, ou diversité biologique : la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. En effet, chaque écosystème fait partie d’un tout plus ample, c’est la toile du vivant. L’article précise enfin que la biodiversité comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes.
C’est une définition importante, car sur sa base, nous pourrons conduire des actions pédagogiques – j’évoquais les écoles tout à l’heure – à partir de l’explicitation et du travail sur chacun de ces termes qui permettent d’enrichir, de poser des questions et de susciter la curiosité intellectuelle, le tout en complétant le terme de biodiversité, à la fois trop simple et assez complexe, et qui mérite donc une explication.
Un débat a été soulevé sur la notion d’être vivant. Bien évidemment, les êtres vivants englobent, par définition, les êtres humains. Nous faisons partie de cette chaîne du vivant, et cette prise de conscience devient urgente car pendant trop longtemps, nous avons pensé que les activités humaines pouvaient se développer par la prédation et la dégradation des écosystèmes végétaux et animaux.
Je rappelle quelques éléments chiffrés : il existe 7,7 millions d’espèces animales, 600 000 espèces de champignons, 300 000 espèces de plantes. Bref, nous voyons que cette diversité biologique extrêmement riche mérite bien qu’on lui consacre une dizaine de lignes dans le code de l’environnement, sans que l’on puisse le lui reprocher. Je suggère donc le retrait de cet amendement.
L’amendement no 1451 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 91.
Il me semble qu’il serait pertinent de préciser dans les principes fondamentaux évoqués par cet article 1er que la biodiversité est à la fois naturelle et anthropique. Elle est à la fois consubstantielle à la Terre depuis sa naissance et créée et constituée par l’homme, pas seulement en terres agricoles et forestières. Le pied de l’homme a foulé tous nos territoires et il me paraît donc pertinent de dire que cette biodiversité est à la fois naturelle et anthropique.
Dans un texte fondateur d’une politique publique nationale puissante en matière de biodiversité, il est bon de préciser que l’homme en a été et en est encore un acteur important, voire essentiel. La nature n’est bien souvent pas naturelle, surtout chez nous, alors qu’elle devient progressivement, par l’effet d’un texte tel que celui dont nous débattons, un patrimoine commun de la nation, et donc de l’humanité.
La loi devient ainsi un outil interne de changement en faveur de la biodiversité, tout autant que l’instrument d’une présence et d’une parole internationale, par exemple dans le cadre des grandes conventions qui façonnent de fait le droit de l’environnement au plan international.
Ma proposition est donc de préciser dans ce texte fondateur que la biodiversité pouvait être à la fois naturelle et anthropique.
Mme Le Dain souligne que la biodiversité est un concept évolutif. Nous savons que certaines évolutions sont le fait de la nature elle-même tandis que d’autres sont le fait de la main de l’homme et de l’anthropisation progressive des milieux. Cela dit, je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire d’introduire cette notion à l’article L. 110-1 du code de l’environnement. La force de cet article tient précisément à son caractère synthétique, et je demande donc à Mme Le Dain de retirer son amendement.
Je suggère également le retrait de cet amendement, qui me paraît même un peu dangereux. Beaucoup de nos paysages ont été forgés par la main de l’homme, tel que le Marais poitevin, qui a été creusé par les moines au XIe siècle et qui est aujourd’hui un grand site de France, classé comme un paysage naturel et deuxième zone humide d’Europe. Je crains qu’en distinguant la nature naturelle et la nature anthropique, on aboutisse à des revendications pour donner un statut juridique différent à chacune, ce qui affaiblirait finalement les critères de protection de ce qui ne serait plus considéré comme naturel. Ce serait vraiment contre-productif pour la biodiversité. Même si je comprends bien le souci de Mme Le Dain, je suggère donc le retrait de cet amendement.
Je remercie la rapporteure et la ministre d’avoir apporté ces précisions, car je crois qu’elles étaient nécessaires dans notre débat. Il convient de souligner que l’homme est consubstantiel au paysage et à la nature. Au bénéfice de ces observations, je retire mon amendement.
L’amendement no 91 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 1017 deuxième rectification.
L’objet de cet amendement est de reconnaître et de valoriser les services qui nous sont rendus par les écosystèmes, et leurs valeurs d’usage. C’est en expliquant les services rendus par les écosystèmes que nous pourrons mieux faire comprendre les raisons pour lesquelles nous devons les protéger.
La commission a repoussé cet amendement. Il faut être très prudent, il n’est pas nécessaire d’aller aussi loin dans la définition de la biodiversité. En plus, introduire les valeurs d’usage peut nous amener à des situations contraires aux objectifs du texte que nous étudions. Je propose donc à Mme Abeille de retirer son amendement.
Même avis.
L’amendement no 1017 deuxième rectification est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 90 et 350 rectifié.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 90.
Cet amendement rédactionnel porte sur les sols. Les sols constituent un espace naturel qui a longtemps été oublié dans le vocabulaire public, sauf s’il s’agit de les défricher. Ils font partie de tout ce qui a trait à la diversité, et ils se situent actuellement dans le texte après les processus biologiques et la géodiversité. Or les sols – c’est l’agronome qui parle – se situent exactement entre les processus biologiques et la roche inerte. Ils sont vraiment à l’interface entre les deux, et il me semble donc pertinent de les placer, dans l’énumération, entre les processus biologiques et la géodiversité.
Mais je suis ravie de constater que les sols ont été réintroduits dans ce texte, parce qu’ils étaient formidablement oubliés alors qu’ils sont un merveilleux support pour l’agriculture et bien d’autres choses, y compris les pâturages et les forêts.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 350 rectifié.
Avis favorable.
Les amendements identiques nos 90 et 350 rectifié sont adoptés et les amendements nos 119, 288, 510, 581, 612, 613, 658, 695, 778, 779, 868, 929, 1255 et 1294 tombent.
Je suis saisi de trois amendements, nos 226, 949 et 1324, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 226 et 949 sont identiques.
La parole est à M. Michel Lesage, pour soutenir l’amendement no 226.
Cet amendement concerne la définition du terme biodiversité. Il semble que celle qui a été retenue date un peu, puisqu’elle est issue de la convention sur la diversité biologique de 1992. Évidemment, depuis plus de vingt ans, les choses ont évolué, en particulier au plan scientifique. Les notions d’interaction manquent dans la définition qui est proposée à l’alinéa 7 de l’article 1er. Il serait donc souhaitable de le compléter.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 949.
Nous partageons exactement la même préoccupation que M. Lesage, il nous semble vraiment nécessaire de prendre davantage en compte cette idée d’interaction entre les écosystèmes, et par là, l’aspect de continuité écologique. La définition qui nous est proposée est maintenant ancienne, et celle que nous proposons correspond beaucoup mieux à l’esprit et au contenu du texte de loi.
Il est important de définir le terme biodiversité dans le droit français. En effet, compréhensible et utilisée par tous, sa traduction juridique devient incontournable. Mais la définition proposée dans la version actuelle du projet de loi correspond à l’article 2 de la convention sur la diversité biologique, qui date de 1992, soit plus de vingt ans. Elle omet les dernières avancées scientifiques à savoir la notion d’interactions, primordiale pour expliquer le fonctionnement dynamique de la biodiversité, dont la qualité de notre avenir dépend. Ainsi, il est proposé d’adopter la nouvelle définition portée ces dernières années par la communauté scientifique française via les écrits de Robert Barbault ou encore Jacques Weber.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
L’idée des auteurs de ces amendements est de donner une définition plus moderne de la biodiversité, mettant beaucoup plus l’accent sur la dynamique. Je tiens simplement à rappeler que la commission a repoussé ces amendements, car nous avons repris dans ce texte la définition donnée par la convention de 1992 à laquelle cent quatre-vingt-quatorze États ont participé. Il nous apparaît préférable de conserver cette définition telle quelle, cela permet de garantir une parfaite articulation du droit français et du droit international. Avis défavorable sur ces amendements.
Je suggère le retrait de ces amendements, car ils sont satisfaits au sens où nous avons intégré à l’article 1er la notion de solidarité écologique. Par définition, la solidarité écologique inclut les interactions. Il serait en effet embêtant, alors que nous nous préparons à la conférence de Paris sur le climat, que la France fasse des modifications toute seule.
Je comprends bien l’idée de faire évoluer la définition depuis 1992, sachant malgré tout que la préoccupation des auteurs de ces amendements me semble prise en considération par la mention de la solidarité. Innover tout seul et changer la définition de la convention internationale pour la biodiversité biologique pourrait être mal perçu par l’ensemble des pays du monde qui se sont entendus sur un texte fort, qui a été adopté et sert de socle.
Cela n’empêche pas que dans les actions opérationnelles – notamment celles que nous aurons à définir avant, pendant et après la conférence de Paris sur le climat – en particulier celles qui portent sur l’adaptation, l’agenda des solutions, dont les services rendus par la nature, nous prendrons en considération la dynamique de la biodiversité et la question des interactions entre les écosystèmes.
Madame la ministre, vous venez de dire que la biodiversité est dynamique, cela semble une évidence. Cela a été prouvé par Darwin : les espèces évoluent. Simplement, elles évoluent pour la plupart dans les milieux marins et terrestres, dont une partie dans le sol.
Je regrette que nous n’ayons pas eu de discussion sur le fond à propos du sol. Nous avions présenté un certain nombre d’amendements qui sont tombés parce qu’il y a eu un tour de passe-passe en inversant deux mots. C’est sans doute juste, madame Le Dain, mais c’est gênant car nous n’avons pas évoqué les problèmes réels du sol en discutant cet article 1er et ses amendements.
Même si le sol a été ajouté à l’article 1er à l’issue de cette première discussion, il convient de distinguer, d’une part, le patrimoine commun défini dans le code de l’environnement et constitué par l’ensemble de la biodiversité, et, d’autre part, l’ensemble du patrimoine public et privé notamment constitué par les sols. Je regrette que nous n’ayons pas eu cette discussion de fond.
L’amendement no 226 est retiré.
Je comprends que cet amendement ne sera pas adopté : je vais donc également le retirer.
Cela étant, madame la ministre, nous aurions pu aborder le problème d’une autre façon. Notre proposition de nouvelle définition de la biodiversité, beaucoup plus actualisée, aurait pu être un signe de l’engagement de la France dans le cadre de la conférence sur le climat qu’accueillera notre pays. Je retire donc mon amendement avec regret. Peut-être pourrons-nous en rediscuter en deuxième lecture.
L’amendement no 949 est retiré.
L’amendement no 1324 est retiré.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement no 349.
L’amendement no 349, accepté par le Gouvernement, est adopté.
Il va sans dire que le projet de loi relatif à la biodiversité marque le passage de la nature à la biodiversité. L’alinéa 7 de l’article 1er dispose : « On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, ainsi que celle des écosystèmes. » Le texte intègre donc de façon explicite la définition de la biodiversité contenue dans la convention de Rio sur la diversité biologique signée et ratifiée par la France. Or, dans cette définition, l’homme n’est pas cité comme élément particulier de cette biodiversité : il est un parmi toutes les espèces. L’amendement no 1313 vise donc à intégrer l’homme dans cette définition.
La commission a repoussé cet amendement. Tout à l’heure, nous avons discuté des êtres vivants et de la biodiversité. L’homme est bien évidemment inclus parmi les êtres vivants : il n’est, à ma connaissance, ni un caillou, ni du granit. Puisque l’homme fait partie des êtres vivants, il n’y a pas lieu d’adopter cet amendement.
Même avis.
L’amendement no 1313 n’est pas adopté.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 162, 293, 946 et 1221.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 162.
Cet amendement vise à préciser que toute valeur reconnue par la société en matière de biodiversité doit inspirer la politique menée dans ce domaine.
Depuis les années 1970, la protection de la nature repose sur le primat de la valeur intrinsèque de la nature et de la biodiversité, valeur de non-usage. Or, dans la ligne de la convention sur la diversité biologique, les nouvelles politiques internationales de conservation de la biodiversité incitent à s’appuyer sur l’ensemble des valeurs reconnues par la société, y compris les valeurs d’usage reconnues comme légitimes telles que la chasse, la pêche, la cueillette et la randonnée.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 293.
Il est important de faire référence à toutes les valeurs reconnues à la biodiversité par la société pour inspirer l’action dans ce domaine. Depuis les années 1970, la protection de la nature repose sur le primat de la valeur intrinsèque de la nature et de la biodiversité, valeur de non-usage. Or, dans la ligne de la convention sur la diversité biologique, ratifiée par la France le 1er juillet 1994, et des politiques de l’Union internationale pour la conservation de la nature, les nouvelles politiques internationales de conservation de la biodiversité incitent à s’appuyer sur l’ensemble des valeurs reconnues par la société, y compris les valeurs d’usage reconnues comme légitimes telles que la chasse, la pêche, la cueillette, la randonnée, mais aussi l’alimentation et l’énergie.
La commission a repoussé ces amendements. En effet, vous remarquerez que l’article 2 est consacré aux principes fondamentaux : il n’apparaît donc pas opportun d’y insérer une référence aux valeurs d’usage de la biodiversité. Par ailleurs, comme je l’ai dit tout à l’heure en répondant à Mme Abeille, je crains que de tels ajouts dépassent les grandes frontières que nous souhaitons préserver, dans un souci d’équilibre de ce projet de loi.
Le Gouvernement n’est pas du tout choqué par ces amendements. Je comprends bien ce qu’ils signifient : en incitant à la prise en compte des valeurs d’usage comme les médicaments, la chasse, la pêche, la cueillette, la randonnée, l’alimentation ou l’énergie, ils soulignent le fait que la biodiversité ne doit pas être mise sous cloche, mais qu’elle doit aussi être appréhendée sous l’angle des interrelations avec les humains. C’est d’ailleurs le principe que je défends quand je dis qu’il faut rechercher une nouvelle harmonie entre la nature et les humains. Il ne faut pas considérer la nature sans les hommes, mais avec eux. Il ne faut pas non plus penser que les hommes agissent contre la nature, mais qu’ils sont intégrés dans des interrelations puisqu’ils font partie de la chaîne du vivant. S’agissant de la prise en compte des valeurs d’usage, je m’en remets donc à la sagesse de l’Assemblée.
Je veux souligner l’importance de l’article 2, qui introduit à la fois le principe de solidarité écologique – nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure – et le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, reconnaissant les surfaces agricoles comme porteuses d’une biodiversité spécifique et variée. À ce titre, je suis très heureuse d’avoir lu aujourd’hui que la FNSEA et l’ensemble des organisations agricoles adhéraient à la stratégie nationale pour la biodiversité. Je salue cette initiative, qui illustre une prise de conscience croissante de la question de la biodiversité.
Dans le cadre de la mobilisation de la société civile pour la préparation de la conférence sur le climat, il est très important de voir de fortes convergences qui semblent se dessiner.
Les amendements identiques nos 162, 293, 946 et 1221 ne sont pas adoptés.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 950.
Il s’agit de défendre une application stricte du principe de précaution, très souvent attaqué, notamment par les lobbiesindustriels. Les menaces sanitaires et environnementales qui pèsent notamment sur la biodiversité sont de plus en plus fortes et présentes : pesticides, perturbateurs endocriniens, nanoparticules… Si certains veulent se débarrasser du principe de précaution, les écologistes veulent au contraire lui donner plus de force. Rappelons ici la fameuse phrase de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Le développement technologique et scientifique doit obéir à des règles strictes, sous le contrôle du peuple et des élus, dans une logique de prise en compte claire des impacts sur l’environnement et la santé.
La formulation actuelle du principe de précaution prévoit qu’en cas de « risque de dommage grave et irréversible », des « mesures effectives et proportionnées » doivent être prises, mais « à un coût économiquement acceptable ». L’amendement no 950 vise à supprimer la notion de coût économiquement acceptable. En effet, si les dommages sont graves et irréversibles pour notre environnement et notre biodiversité, la question des coûts ne devrait pas se poser.
La commission a repoussé cet amendement. Il nous paraît inutile de rouvrir le débat sur le principe de précaution – on a d’ailleurs voulu le faire il y a peu de temps –, car nous connaissons la fragilité qui pourrait être mise en avant.
Je me souviens des débats que nous avons eus à l’époque où nous travaillions sur la Charte de l’environnement. Nous avons trouvé un équilibre qui nous permet d’avancer. D’ailleurs, on constate aujourd’hui que cette notion de coût économiquement acceptable n’a pas empêché de revenir sur un certain nombre de projets et d’en continuer d’autres, qui étaient d’intérêt général et qui permettaient d’avancer, avec des études particulières. C’est pourquoi la commission ne s’est pas montrée favorable à cet amendement.
L’amendement no 950, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 43 et 400.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 43.
Le triptyque « éviter, réduire, compenser » est déjà inscrit dans notre législation, depuis la loi relative à la protection de la nature du 10 juillet 1976. L’introduire dans les principes fondamentaux du droit de l’environnement revient à le faire appliquer pour toute décision, tout projet public ou privé, sans aucun critère restrictif. Il est donc proposé de restreindre l’application de ce triptyque aux seuls projets et décisions publiques actuellement soumis à cette obligation du fait des différentes réglementations environnementales en vigueur.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 400.
Mon amendement est identique à celui défendu par notre collègue Cinieri. Nous avons déjà inscrit ce triptyque dans la loi de 1976. Il convient de veiller à ne pas introduire des normes supplémentaires qui compliqueront tous les projets, qu’ils soient publics ou privés.
Madame la ministre, vous avez évoqué la prise de position des organisations agricoles, qu’il s’agisse de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, des Jeunes agriculteurs, de Coop de France ou de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, nos agriculteurs appliquent cette prise de position tous les jours, dans la mesure où ils oeuvrent en faveur de la biodiversité dans le cadre de leur travail.
La commission a repoussé ces amendements. Nous considérons que le triptyque « éviter, réduire, compenser » est un complément indispensable à la législation actuelle. Certes, ce concept existe déjà, puisqu’il a été introduit dans la loi en juillet 1976, mais l’énoncer dans le présent projet de loi permet de lui donner beaucoup plus de lisibilité. Notre commission a essayé d’améliorer la rédaction initiale du projet de loi – nous aurons l’occasion d’en reparler. Enfin, il me semble opportun de préciser encore ce triptyque, qui est fondamental si nous voulons véritablement avancer en matière d’évitement et de réduction des atteintes à la biodiversité.
Je suggère aux auteurs de ces amendements de les retirer, dans la mesure où ils sont satisfaits. Comme vous le savez, les principes de compensation, de réduction et d’évitement existent déjà. Ce qui est nouveau, c’est l’ordre de la séquence : « éviter, réduire, compenser ». Il convient d’éviter avant de réduire, et de réduire avant de compenser – le respect de cet ordre coûte d’ailleurs moins cher au maître d’ouvrage.
Dans le contexte actuel, plus les règles sont claires, plus les infrastructures peuvent être construites rapidement, à condition de respecter les règles. Cela participe à la fois d’une cohérence liée à la biodiversité et d’une clarification des règles. En respectant cet enchaînement, nous limiterons les contentieux tout en diminuant le coût de conciliation entre l’équipement du pays et la protection indispensable de nos écosystèmes.
Les amendements identiques nos 43 et 400 ne sont pas adoptés.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 157.
Il s’agit d’un amendement de repli qui propose de substituer aux alinéas 5 et 6, l’alinéa suivant : « 2° Au 2°, les mots « action préventive » sont remplacés par le mot « évitement ».
Le 2° du II de l’article L. 110-1 du code de l’environnement permet déjà la mise en oeuvre du triptyque « éviter-réduire-compenser » concernant les atteintes à l’environnement, nous venons d’en parler.
Il n’est pas inutile toutefois de substituer à l’action préventive, le terme d’évitement, moins abstrait. Cela permet en outre de maintenir le mot « correction » qui doit être conservé sans être explicité, car il permet une certaine souplesse de la législation et ne limite pas les actions correctives à la réduction et à la compensation.
L’amendement no 157, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 66 et 120.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 66.
Il est important de souligner que la compensation n’est pas une fin en soi. Elle doit être la plus limitée possible, et pour cela, tout doit être entrepris pour, en amont, éviter et réduire les atteintes à l’environnement.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 120.
La commission a repoussé ces amendements. Nos collègues proposent d’élargir le domaine d’application de la séquence « éviter, réduire, compenser » à l’ensemble du droit de l’environnement. Pourquoi pas ? Mais dans le même mouvement, ils en réservent l’application aux seuls cas d’atteintes significatives à l’environnement. En d’autres termes, cette formulation aboutirait très facilement à sortir du périmètre de mise en oeuvre de la séquence « éviter, réduire, compenser » toutes les atteintes supposément limitées à l’environnement et ce, alors même qu’une atteinte grave à celui-ci n’est souvent que la somme d’atteintes plutôt apparemment limitées.
De plus, cela générerait un certain nombre de difficultés contentieuses devant les juridictions lorsque la question du caractère significatif ou non d’une atteinte à l’environnement leur serait posée.
Une telle rédaction affaiblirait considérablement la loi, d’une part, et serait, d’autre part, source de contentieux. La formule « atteintes significatives à l’environnement » n’est pas un concept très clair et est sujette à contestation. Il est préférable d’en rester à une définition claire et simple des atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit.
Les amendements identiques nos 66 et 120 ne sont pas adoptés.
L’amendement no 1295, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
La commission demande le retrait de l’amendement car il tend à la mobilisation du principe d’équivalence écologique plutôt qu’à celui de l’équivalence financière. L’amendement est d’ores et déjà satisfait par les pratiques actuelles.
L’amendement étant satisfait, j’en demande également le retrait.
L’amendement no 802 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 92.
Il s’agit à l’alinéa 6, de substituer aux mots : « les atteintes qui n’ont pu être évitées et », les mots «, lorsque cela est possible, les atteintes notables qui n’ont pu être évitées et suffisamment ».
Il s’agit d’être cohérent avec l’article R. 122-4-7 du code de l’environnement qui définit le mécanisme de compensation et reprend ces concepts, les rendant plus clairs et plus applicables pour les maîtres d’ouvrage et les opérateurs.
Il s’agit d’une mise en cohérence entre le code de l’environnement tel qu’il est rédigé et les principes que nous adoptons ici pour éviter des interprétations futures par les maîtres d’ouvrage et les opérateurs.
La commission a repoussé cet amendement qui propose d’ajouter des locutions pour le moins étonnantes : « lorsque cela est possible, les atteintes notables… ». Nous risquons de nous retrouver dans des situations délicates. Je suggère le retrait de cet amendement.
Je demande également le retrait de l’amendement car l’imprécision des termes peut être source de contentieux et s’éloigne de la norme de la loi. Cela étant, j’ai bien entendu le message que vous vouliez faire passer visant à affiner les concepts. Mais en l’occurrence, cela serait contre-productif pour la cause que nous défendons.
L’amendement no 92 est retiré.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel qui vise à substituer aux mots : « services et fonctions écosystémiques affectées », les mots : « fonctions écologiques affectées ».
En effet, les services écosystémiques sont les bénéfices que l’homme retire des écosystèmes. Certains sont essentiels comme la régulation du climat, la régulation des inondations, la purification de l’eau, la pollinisation. Toutefois, certains services de loisirs de nature ne doivent pas être compensés en tant que tel.
L’objectif de la compensation est bien de compenser les impacts sur le bon fonctionnement des écosystèmes. Suite aux analyses juridiques et après consultation des organisations non gouvernementale et des experts, le Gouvernement propose cet amendement rédactionnel qui clarifie les enjeux.
L’amendement no 1463 est adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 951.
L’inscription dans les grands principes du droit de l’environnement du triptyque « éviter, réduire, compenser » est une véritable avancée, que la commission a permis de renforcer en accentuant le caractère chronologique.
Il s’agit avant tout d’éviter, puis de réduire les atteintes à l’environnement et à la biodiversité. La compensation ne doit intervenir qu’en dernier recours. Elle s’apparente en effet à un droit à polluer selon la logique « je peux dégrader cet espace, car j’en protège un autre ».
Le présent amendement vise à encadrer plus strictement ce principe en le soumettant à un objectif d’absence de perte nette de biodiversité, voire un gain de biodiversité, dans une logique de surcompensation.
En visant cet objectif, on est au moins sûr que nous n’allons pas aboutir à une perte de biodiversité.
La commission a accepté cet amendement. La formulation proposée présente l’avantage d’être souple et pragmatique. En effet, le principe de l’absence de perte nette de biodiversité est un objectif à atteindre et n’est pas assorti de mesures de contraintes ou d’interdictions, ce qui nous semble important et intéressant.
Même avis que la commission.
L’amendement no 951 est adopté.
L’amendement no 843, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Pour éviter l’insécurité juridique des décisions publiques et des projets individuels autorisés par l’État, il est proposé de ne pas intégrer le concept de solidarité écologique dans les principes fondamentaux du droit de l’environnement.
La commission a repoussé cet amendement. Nous avons eu l’occasion de dire – Mme la ministre l’a rappelé et nous avons été un certain nombre à le souligner lors de la discussion générale – que le principe de solidarité écologique était très important. Je présenterai ultérieurement un amendement visant à proposer un principe de solidarité écologique entre les territoires.
Par cet amendement, il s’agit d’apporter une base législative très solide à un principe qui s’appliquera aux seules autorités publiques et qui sera ensuite appelé à se décliner sous forme de politique territoriale contractuelle.
Il s’agit en effet d’un concept très important, novateur par rapport à l’avancée sur la définition de la biodiversité. Il s’agit de prendre en compte l’interdépendance entre les différents écosystèmes. Par définition, ces écosystèmes sont solidaires, de même que les activités humaines sont solidaires de la biodiversité animale et végétale.
C’est faute d’avoir correctement rempli ce devoir de solidarité à l’égard de la nature que nous subissons aujourd’hui de graves reculs en matière de biodiversité.
Il s’agit donc d’un élément clé qui fait considérablement progresser la définition, et donc les actions qui accompagnent la protection et la reconquête de la biodiversité.
L’amendement no 44 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 427.
Le principe de solidarité écologique doit aussi se comprendre dans sa dimension territoriale, dimension en vertu de laquelle un écosystème, un milieu écologique complexe aux fonctionnalités évidentes, s’il coûte à une collectivité du point de vue de sa conservation de sa valorisation, peut le plus souvent bénéficier à un territoire voisin ou non.
Une décision publique le concernant peut ainsi avoir un impact au-delà de ses contours et même au-delà des limites institutionnelles de la collectivité territoriale qui l’abrite. Toute décision publique, pour être parfaitement éclairée, doit prendre en compte ces interactions territoriales.
La commission a donné un avis favorable à cet amendement.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui est d’ailleurs déjà mis en application. S’agissant de la politique de l’eau, on ne s’arrête pas aux frontières départementales, régionales ou communales. Les solidarités entre l’amont et l’aval sont une application de ce principe auquel le Gouvernement est favorable.
L’amendement no 427 est adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 57, 121 et 1296.
La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement no 57.
Il semble donc nécessaire de souligner le caractère positif de certaines interactions entre les activités humaines et les écosystèmes pour qu’elles soient bien identifiées et intégrées dans les évaluations environnementales des politiques et des projets.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 121.
Nous pourrions tous nous retrouver autour de cet amendement. S’agissant d’interactions, il en est de négatives, chacun en convient, mais il en est aussi de positives. Preuve en est le fait que 98 % du territoire national sont mis en oeuvre par l’action de l’homme. On ne peut pas considérer que tout ce qui a été fait est négatif.
Cela serait donner un signe fort de dire à tous ceux qui travaillent au quotidien pour maintenir la biodiversité – les agriculteurs, mais aussi toutes celles et ceux qui ont affaire à la biodiversité – que les interactions positives seront prises en compte.
L’amendement est défendu. Je partage complètement ce qui vient d’être dit par nos deux collègues.
La commission a repoussé ces amendements car il est bien évident que les interactions comprennent les interactions tant positives que négatives. On nous reproche souvent de faire des lois qui parlent trop et entrent trop dans les détails. Tenons-nous en au mot « interactions ».
Les amendements identiques nos 57, 121 et 1296, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 229 et 954.
La parole est à M. Michel Lesage, pour soutenir l’amendement no 229.
L’amendement no 229 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 954.
Cet amendement est identique à celui de M. Lesage et concerne encore la complémentarité entre l’agriculture et la biodiversité. Si vous le permettez, je souhaiterais défendre en même temps que celui-ci, l’amendement no 955.
Je souhaite en effet supprimer le principe de complémentarité entre l’agriculture et l’environnement adopté lors de l’examen du texte en commission, et cela pour plusieurs raisons – mes collègues du groupe écologiste et moi-même avons du reste déposés plusieurs autres amendements en ce sens. Nous touchons là, en effet, aux grands principes du droit de l’environnement – le principe « éviter, réduire, compenser », le principe « pollueur-payeur » et le principe de précaution, invoqué par une profession qui n’a rien à faire dans les premières lignes de notre code de l’environnement.
Comme le précise l’exposé sommaire de mon amendement, de simples considérations logistiques et juridiques devraient suffire pour supprimer ce principe. De fait, ces principes généraux du droit de l’environnement peuvent entraîner des effets juridiques en s’imposant aux personnes publiques et privées et les directions des affaires juridiques sont souvent très promptes à nous alerter sur certains risques juridiques. Or, je doute qu’il y ait eu dans ce cas une analyse juridique. On nous rappelle souvent que nous écrivons le droit : veillons donc à ne pas écrire n’importe quoi.
Surtout, bien qu’un certain type d’agriculture – principalement, bien sûr, l’agriculture biologique – puisse avoir un rôle favorable dans la préservation de la biodiversité, reconnaître à l’ensemble de l’agriculture ce même rôle bénéfique était vraiment un non-sens, comme je l’ai déjà dit dans ma déclaration liminaire.
Je ne lancerai pas ici un débat sur l’agriculture, mais la liste des effets néfastes de l’agriculture sur la biodiversité et l’environnement est très longue – je citerai seulement les effets des pesticides sur les pollinisateurs et la pollution des milieux, la destruction des sols du fait de la culture productiviste, gavée d’intrants chimiques, le saccage des côtes bretonnes par les algues vertes à cause des nitrates déversés par l’industrie porcine et l’effondrement de la biodiversité dans les plaines de monoculture. Les exemples sont nombreux et prendre celui de l’apport de certains secteurs agricoles, comme les prairies de montagne, pour défendre l’ensemble de l’agriculture, ce n’est vraiment pas aider à la réorientation de notre modèle agricole et à la protection de la biodiversité.
Il est indispensable de supprimer ce principe ou, au minimum, d’en réduire la portée à l’agriculture biologique, comme le propose l’amendement de repli no 955. Adopter un tel principe ouvrirait en effet une boîte de Pandore : pourquoi ne pas reconnaître un lien de complémentarité entre les forêts et l’environnement – ce qui aurait plus de sens – ou entre les littoraux et l’environnement, ou même entre l’industrie et l’environnement, au motif que certaines espèces de chauves-souris aiment à nicher dans les sites industriels ?
Un tel principe n’a pas sa place ici et il est, je le répète, indispensable de le supprimer.
La commission a repoussé cet amendement. J’entends bien les arguments de Mme Abeille, mais il y a plusieurs façons de prendre les choses. Tout d’abord, la complémentarité entre l’agriculture et l’environnement existe et peut précisément conduire – c’est du moins ce que j’espère – les agriculteurs et la profession à se remettre en cause dans leurs pratiques intensives et à engager une réflexion collective sur l’avenir de notre planète. Il est donc important d’envoyer ce message aux agriculteurs pour pouvoir avancer dans ce domaine.
Avis défavorable, car les activités agricoles sont à la source d’une biodiversité. Le Gouvernement soutiendra d’ailleurs l’amendement qui élargit ce principe de complémentarité à la sylviculture.
Étant bien entendu qu’il ne s’agit pas ici de n’importe quelle agriculture, mais bien de celle qui est compatible avec la protection de la biodiversité, l’agriculture est à l’origine de la biodiversité et protège les espaces naturels, les reconstruisant même parfois – je pense notamment aux espaces humides, aux prairies, à la replantation de haies, à la présence des troupeaux dans les campagnes françaises et à la production de fruits et légumes, c’est-à-dire à tout ce qui fait que l’identité de la France ne serait pas ce qu’elle est aujourd’hui sans la diversité des pratiques agricoles qui ont forgé le territoire rural et construit les paysages de la ruralité.
Je me souviens avoir écrit un livre intitulé Pays, paysans, paysages, qui expliquait comment des paysages remarquables étaient aussi à l’origine de produits remarquables et qu’en consommant ces produits, nous contribuons précisément à la préservation de ces paysages. Cela n’empêche pas de continuer à encourager l’agriculture à évoluer – notamment à réduire l’emploi des pesticides, ce qui est aussi l’objectif de ce projet de loi. Il faut encourager la profession agricole à évoluer, dans son propre intérêt. C’est ce qu’elle fait et il convient donc de reconnaître la complémentarité de l’agriculture et de l’environnement.
Après les propos qui viennent d’être tenus pour défendre cet amendement, je tiens à rappeler que, depuis des décennies, l’agriculture évolue et les agriculteurs se remettent quotidiennement en cause : ils n’attendent pas particulièrement ce texte de loi pour savoir comment à la fois produire et préserver l’environnement. Je rappelle que, grâce à eux, 7 milliards d’humains peuvent manger tous les jours. Et si ce n’est malheureusement pas le cas pour tous, c’est parce qu’il n’y a peut-être pas assez de production sur cette planète.
Ainsi, nous allons quand même avoir un petit débat sur l’agriculture. Comme l’a dit Mme la ministre, de nombreux paysages, en France et ailleurs, qu’il s’agisse des forêts ou des prairies, ont été modelés par le travail de l’homme, mais le travail de l’homme a aussi détruit, et parfois gravement – il a notamment détruit les haies, ce qui a été une énorme perte pour la biodiversité.
Si, c’est encore le cas ! En fait, l’agriculture intensive, très majoritaire sur le territoire de notre pays, n’est pas complémentaire de la biodiversité et elle n’a rien à faire dans ce texte de loi. Certains agriculteurs font certes des efforts et prennent en compte la nécessité de protéger l’environnement et de faire survivre la planète. C’est bien de cela, en effet, qu’il s’agit, monsieur Sermier : on ne pourra pas continuer à nourrir la planète avec des sols que l’on est en train de tuer progressivement ou de laisser mourir. On sait bien qu’aujourd’hui, seule l’agriculture biologique permet une agriculture durable.
Certains agriculteurs réduisent les intrants et s’efforcent de trouver des solutions plus compatibles avec la protection de l’environnement et de la biodiversité, mais nos eaux sont polluées et la France doit payer des amendes parce qu’elle ne respecte pas les normes européennes sur les nitrates. Beaucoup de choses ne vont pas, même si certains, heureusement, font des efforts. Ce n’est pas soutenir ces efforts que de dire que les agriculteurs ont déjà fait beaucoup, que c’est très bien ainsi et que ce qu’ils font aujourd’hui est complémentaire de la biodiversité. Ce n’est pas juste.
J’ai bien entendu l’explication de Mme la ministre, mais je maintiens cet amendement, ainsi que l’amendement no 955, relatif à l’agriculture biologique, car c’est la seule qui soit réellement compatible.
Je souhaite apporter quelques compléments en faveur de l’agriculture, notamment de l’agro-écologie, dans le contexte de la loi d’avenir récemment votée. Dans certaines régions, les agriculteurs font beaucoup d’efforts et, dans certains bassins versants où l’on trouvait des algues vertes, elles ont disparu – on peut le constater tous les jours, comme a pu le faire M. Manuel Valls lui-même lorsqu’il est venu dans les Côtes-d’Armor, vendredi et samedi derniers. Il est vrai qu’il reste beaucoup d’efforts à faire, mais il faut aussi reconnaître ce qui a été fait, ce qui est fait, et l’engagement des agriculteurs, notamment celui qu’ils ont pris aujourd’hui même en faveur de la biodiversité.
L’amendement no 954 n’est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 1530 rectifié, 439, 440 et 441, pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement no 1530 rectifié.
Cet amendement, adopté par la commission, tend à mentionner aussi à l’alinéa 10 les activités sylvicoles, qui sont également concernées. Il importe en effet de ne pas les oublier.
La parole est à Mme Maina Sage, pour soutenir les amendements nos 439, 440 et 441.
L’amendement no 439 permettrait de nuancer l’utilisation du terme d’« agriculture », susceptible – on peut le comprendre – de freiner certains. Le remplacer par l’emploi du terme d’agro-écologie serait peut-être plus approprié et plus positif.
Notre objectif est bien d’appuyer le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, mais il nous semble préférable d’utiliser ce concept développé dans la loi d’avenir agricole. Nous soutenons pareillement l’utilisation du terme de « gestion durable des forêts », afin de renforcer également la prise en compte de la sylviculture et des métiers de la sylviculture.
Les deux amendements nos 440 et 441, variantes du précédent, sont défendus. Ils tendent à souligner qu’il importe d’associer les métiers liés à la forêt à la préservation de la biodiversité.
La commission a repoussé ces amendements. En effet, les métiers liés à la forêt peuvent recouvrir un champ très large – pourquoi pas l’ébénisterie ? L’amendement no 441 nous a paru être le plus intéressant mais, là encore, il serait bon d’insérer le mot « sylviculture ». Je suis, je le répète, favorable à l’amendement no 1530 rectifié. Quant aux autres, la commission les a repoussés.
J’émettrai plutôt un avis favorable sur l’amendement no 439, qui évoque « l’agro-écologie et la gestion durable des forêts, reconnaissant les surfaces agricoles et forestières comme porteuses d’une biodiversité spécifique et variée, les activités agricoles et forestières ». Il reconnaît le rôle de l’agriculture, tout en soulignant l’importance de l’agro-écologie, qui est l’une des priorités que défend M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, ainsi que la gestion durable des forêts. Il permet donc une reconnaissance globale du rôle de l’agriculture tout en montrant dans quelle direction il faut aller en matière d’agro-écologie et de gestion durable des forêts. Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement no 439, aux dépens des autres amendements, certes intéressants, mais peut-être moins complets et dont je suggère donc le retrait.
Oui.
Nous avons beaucoup débattu de cet amendement no 1530 rectifié en commission. Je le maintiens donc.
L’amendement no 1530 rectifié n’est pas adopté.
L’amendement no 439 est adopté et les amendements nos 440 et 441 tombent, ainsi que les amendements nos 1018, 955, 1046, 930, 1297 rectifié, 122, 136, 290, 509, 584, 616, 643, 705, 780, 781, 879 et 1353.
Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 163, 753, 1222 et 1080, pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 163, 753 et 1222 sont identiques.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement no 163.
Il convient de tirer les conséquences et d’inscrire dans le droit positif le principe de conservation par l’utilisation durable des ressources biologiques, prôné par la Convention sur la diversité biologique, le Conseil de l’Europe et l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN.
Il importe donc, dans le code de l’environnement, de faire directement référence à la Résolution 2.29 relative à la déclaration de principes de l’UICN sur l’utilisation durable des ressources biologiques sauvages, adoptée au Congrès mondial de la nature, qui décrit précisément ce principe de conservation par l’utilisation.
La parole est à Mme Florence Delaunay, pour soutenir l’amendement no 753.
En matière de gestion et de conservation de la biodiversité, la liste des principes cités à l’article L. 110-1 du code de l’environnement n’inclut pas les nouveaux concepts et principes internationaux relatifs à l’utilisation durable de la biodiversité.
Il convient donc d’inscrire dans le droit positif le principe de conservation par l’utilisation durable des ressources biologiques en faisant référence, dans le code de l’environnement, à la Résolution 2.29 relative à la déclaration de principes de l’UICN sur l’utilisation durable des ressources biologiques sauvages, adoptée au Congrès mondial de la nature, qui décrit précisément ce principe de conservation par l’utilisation.
L’amendement no 1080 est en discussion commune avec ces amendements identiques. La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir cet amendement.
Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?
La commission a émis un avis défavorable. Certes, l’UICN a donné cette définition il y a quelque temps, mais ces amendements ne font pas référence à l’état de conservation des espèces ni aux capacités « impactantes » des activités. À tout le moins, il serait bon et judicieux de définir ce que sont les activités qui n’impactent pas la biodiversité et les ressources qui peuvent être utilisées – l’utilisation durable, en effet, cela peut signifier beaucoup de choses ! La commission a donc repoussé ces amendements.
Les amendements identiques nos 163, 753 et 1222, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
L’amendement no 1080, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 953.
Cet amendement vise à introduire dans les grands principes du droit de l’environnement un principe de « mieux-disant environnemental » afin de renforcer la prévention des atteintes à la biodiversité en obligeant les aménageurs à renforcer leur responsabilité environnementale.
Contrairement à l’argument qui nous avait été opposé en commission, la prise en compte de l’option la plus favorable à la préservation de la biodiversité n’empêche absolument pas de tenir compte d’autres critères – sociaux, économiques, etc. – et ne fait pas primer l’environnement : les autres critères sont pris en compte et, en ce qui concerne la préservation de la biodiversité, c’est le critère du « mieux-disant » qui devra être retenu.
Dans la passation de marchés publics, un tel principe aurait une vraie utilité, tout comme pour la réalisation et l’aménagement d’ouvrages publics comme des aéroports ou des barrages. Un tel principe obligerait à étudier toutes les options envisagées en termes d’impact sur l’environnement et la biodiversité.
La commission a repoussé cet amendement. La reconnaissance d’un tel principe me semble en effet extrêmement dangereuse dès lors que la preuve de l’inexistence d’une décision alternative plus favorable à l’environnement ne pourra jamais être apportée et que, s’ils sont sans limite, la mobilisation des moyens financiers et techniques permet toujours de faire mieux. Ce sont l’ensemble des projets, plans ou programmes susceptibles d’affecter la biodiversité qui risqueraient de se trouver bloqués.
Je suggère le retrait de cet amendement parce que le critère du mieux-disant ne peut pas être imposé par la loi quand il s’agit de critères multiples qui concourent à une décision autant publique que privée. Votre amendement est satisfait par le principe « éviter, réduire, compenser ». Il serait sinon très difficile d’objectiver l’existence d’une solution alternative.
L’amendement no 953 est retiré.
La parole est à Mme Laurence Abeille, pour soutenir l’amendement no 952.
Ainsi que je l’ai déjà fait en commission, je voudrais défendre à nouveau cet amendement, porté par l’ensemble des ONG environnementales, qui vise à inscrire le principe de non-régression du droit de l’environnement comme un principe général du droit de l’environnement.
Il s’agit, en introduisant ce principe dans la loi, de concrétiser la formule dite du « cliquet », selon laquelle le législateur ne peut faire régresser le niveau de garantie environnementale existant. Il s’agit bien d’une non-régression du droit de l’environnement, c’est-à-dire un principe juridique applicable, et pas une non-régression de la biodiversité, qui est un objectif politique.
Cette inscription fait sens à un double titre : d’une part, dans la mesure où il ne faudrait pas que la volonté de simplification se traduise par une moindre protection réglementaire vis-à-vis des atteintes à l’environnement et, d’autre part, parce que la complexification constante du droit peut avoir pour effet de réduire ce niveau de protection.
La non-régression est reconnue dans plusieurs pays anglo-saxons au travers de la référence au standstill, et il est largement consacré en droit international. Inscrire ce principe dans notre législation permettrait de mettre en oeuvre une obligation juridique internationale qui figure dans la Convention sur la diversité biologique de 1992, laquelle précise que « chaque partie maintient en vigueur les dispositions législatives et autres dispositions réglementaires nécessaires pour protéger les espèces et les populations menacées », ce qui implique l’interdiction de supprimer ou de réduire les mesures de protection de la biodiversité.
Le projet de loi pour la croissance et l’activité que nous avons examiné récemment vise à simplifier les règles en matière environnementale, principalement par ordonnances. Il est indispensable que la simplification ne débouche pas sur un abaissement des normes de protection.
Madame la ministre, vous avez annoncé, lors des questions au Gouvernement le 29 janvier dernier, que le Gouvernement est tout à fait ouvert au dépôt et au vote de l’amendement visant à garantir la non-régression en matière de droit de l’environnement. Nous sommes très nombreux sur ces bancs à vous soutenir ; à quelques mois de la COP 21, la France s’honorerait d’inscrire un tel principe dans la législation.
La commission a déjà largement débattu de cet amendement ; je tiens à le rappeler parce que c’est important. Cet amendement constitue pour nous tous une perspective stimulante, mais il me semble qu’il se heurte à des difficultés juridiques et pratiques extrêmement sérieuses. Il est difficile aujourd’hui de l’accepter, la mise en oeuvre de ce principe impliquant que chaque mesure d’ordre législatif ou réglementaire relative à la protection de l’environnement fasse l’objet d’une étude préalable garantissant un effet soit nul, soit positif, sur le niveau de protection déjà atteint. Chacun mesure bien les coûts techniques et les délais supplémentaires induits, sans parler bien entendu de la multiplication des contentieux qui pourraient survenir. C’est la raison pour laquelle la commission a repoussé cet amendement.
C’est un beau débat que pose cette question de la non-régression. Je suggère le retrait de votre amendement : vous avez satisfaction puisque nous venons d’adopter un amendement avec l’avis favorable du Gouvernement qui prévoit un objectif de « non-perte nette ». Celui-ci me paraît beaucoup plus opérationnel dans la mesure où le principe de non-régression est réglé par la question de la compensation.
En effet, dans le cadre du triptyque « éviter, réduire, compenser », on peut très bien prévoir un mécanisme de compensation : ainsi, une régression partielle, par exemple une déforestation, sera compensée par une replantation, voire une replantation supérieure.
En cas de contentieux visant la non-régression dans un espace limité, alors même qu’il y a eu compensation, on risque en effet de connaître des blocages contentieux qui seront défavorables à la protection de l’environnement, puisque cela peut même tenir en échec le principe de la compensation. Je pense donc que vous avez satisfaction de façon beaucoup plus opérationnelle avec l’objectif de non-perte nette.
Si je poursuis avec l’exemple que je viens de donner, la compensation doit être au minimum égale ou, mieux, présenter un solde positif, mais certainement pas une perte nette. Il y a donc non-régression dans la mesure où il ne doit pas y avoir de perte nette en cas de compensation.
Dans la mesure où vous avez satisfaction, je suggère le retrait de votre amendement qui, au fond, a le mérite d’avoir ouvert un débat intéressant sur la façon de concevoir et de concilier l’équipement, le développement, la création d’emplois et d’activités et la progression de la biodiversité.
Comment compense-t-on ? Il peut y avoir des régressions partielles sur certaines parties du territoire si, à proximité, il y a une compensation plus que nette de cette régression : cela évite des contentieux partiels sur des territoires qui ont dû s’équiper mais qui ont trouvé des compensations supérieures au recul dans certains endroits, sous le contrôle du juge, bien évidemment.
L’amendement no 952 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour soutenir l’amendement no 93.
Je suggère, dans cet article 2, qui traite des principes généraux, d’ajouter un 8° qui préciserait la notion de « principe de contribution raisonnée à l’évolution de l’environnement des activités humaines touchant à la géodiversité et aux sols. »
De facto, les activités humaines se déploient bien souvent au-delà des zones dites naturelles et des secteurs agricoles, notamment dans les villes et par les infrastructures qui les desservent. Les ouvrages d’art – routes, ponts, tunnels, voies diverses – font apparaître, au moment de leur construction, des ruptures dans les écosystèmes par l’apparition, parfois, de paysages minéraux, avec la mise à nu des sols et des roches. Généralement, cela ne dure pas – plus on est en zone humide, plus c’est colonisé rapidement ; plus on est en zone sèche, moins la colonisation par les micro-organismes, les végétaux puis les animaux se fait rapidement – et de nouveaux écosystèmes apparaissent.
Il convient de reconnaître qu’il n’y a pas seulement une destruction mais également une contribution à l’apparition de nouveaux écosystèmes : je pense par exemple aux terrils miniers dans le Nord ou aux fossés qui séparent parfois la création d’autoroutes, voire simplement de routes. Ainsi, dans ma région, en Languedoc-Roussillon, la route Montpellier-Ganges ou la route Montpellier-Clermont-l’Hérault, qui a coupé la montagne pour permettre d’aller un peu plus vite et de manière un peu plus confortable que par le passé. Une recolonisation se fait et il serait bien que la loi reconnaisse la contribution de ces nouveaux écosystèmes.
Je parle bien de contribution non pas nette, mais raisonnée : on touche là à quelque chose qu’il faut regarder, voire accompagner. Le ministère de l’environnement, depuis plus de vingt ans, mène cette politique d’accompagnement de la recolonisation des carrières, des terrils, voire des mines à ciel ouvert, et il me semble pertinent de le rappeler et de le motiver ici.
La commission a repoussé cet amendement. Si nous sommes tous d’accord avec le constat que vous faites dans votre exposé sommaire, ces dispositions m’apparaissent extrêmement floues. Je crains qu’elles ne soient pas vraiment comprises et qu’elles ne trouvent pas leur place dans ces grands principes que nous venons de définir.
En revanche, ce principe serait probablement plus efficace lors de l’établissement de documents d’orientation car ils pourraient réellement y trouver leur place ; mais ce n’est pas dans la loi qu’on pourrait l’inscrire.
Même avis que la commission.
L’amendement no 93 n’est pas adopté.
Il est important de mener une vraie réflexion sur le principe de non-régression en matière d’environnement. Il est donc proposé que le Gouvernement, dans un délai de deux ans après la promulgation de la présente loi, remette au Parlement un rapport sur l’opportunité de mettre en place ce principe et de l’inscrire dans le code de l’environnement.
L’amendement no 442, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté à l’unanimité.
L’article 2, amendé, est adopté.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi et de la proposition de loi organique relatifs à la biodiversité.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quinze.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly