Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames les rapporteures, chers collègues, je suis d’autant plus satisfait que commence en séance publique l’examen du projet de loi relatif à la biodiversité que le Gouvernement l’a déposé il y a un an, et que la commission du développement durable en a été saisie la dernière semaine de juin 2014. Cet examen prend toute sa dimension aujourd’hui, en raison de l’évolution des écosystèmes dans le monde et de la perspective des grandes négociations internationales qui porteront tant sur la biodiversité que sur le changement climatique.
Comme l’ont indiqué toutes les personnes que nous avons auditionnées depuis le début de la législature, les systèmes naturels sur lesquels repose le développement économique et humain de nos sociétés continuent de se dégrader, et cette dégradation se produit à une vitesse sans précédent observé. L’empreinte écologique humaine due aux diverses pollutions de l’eau, de l’air et des sols, au bouleversement du climat et à la surexploitation des ressources naturelles a en effet plus que doublé depuis vingt ans. Elle érode au jour le jour la capacité du vivant à évoluer et, en corollaire, elle détruit les services écosystémiques dont nous dépendons.
La communauté internationale a par ailleurs échoué à atteindre l’objectif qu’elle s’était fixé de réduire de manière significative le taux de perte de biodiversité avant 2010, année internationale de la biodiversité. Au contraire, certains scientifiques considèrent qu’au rythme actuel, la moitié de la biodiversité aura disparu à la fin du siècle. Or, dans une vision dynamique, il est important de souligner les liens que nous entretenons avec le vivant et d’insister sur notre dépendance à l’égard de la richesse de la biodiversité. Le bien-être et la prospérité de l’humanité dépendent de la bonne santé des écosystèmes et des services qu’ils fournissent. Faut-il rappeler que notre pays est à la fois riche de sa biodiversité ordinaire, qu’il se situe par sa position dans l’hémisphère Nord au carrefour de quatre des neuf régions biogéographiques que compte l’Union européenne, ce qui lui confère l’un des patrimoines naturels majeurs d’Europe, et que ce patrimoine s’accroît non seulement grâce à l’exceptionnelle richesse des écosystèmes marins liés à notre si vaste domaine maritime, mais aussi à la biodiversité exceptionnelle des territoires ultramarins ?
L’état actuel de la planète nous oblige à agir. La lutte contre la perte de biodiversité et la lutte contre les dérèglements climatiques sont liées. En cette année particulière où notre pays accueillera la conférence des Nations unies sur le changement climatique, il est utile de rappeler que le texte en discussion s’inscrit parfaitement dans la perspective de la COP 21 : le dispositif législatif que nous adopterons confortera l’action et la voix de la France.
Mme la rapporteure de la commission du développement durable, que je remercie pour son engagement, l’a souligné : ce projet de loi met en exergue le concept de biodiversité et les services que celle-ci nous rend. Il insiste sur la vision dynamique de la biodiversité et fournit de nouveaux outils de lutte contre diverses formes de pollution. Il organise l’accès aux ressources génétiques, renforce la protection des espèces remarquables, organise les obligations de compensation écologique et crée les zones prioritaires pour la biodiversité et les espaces de continuités écologiques. Il améliore aussi les modalités de conciliation entre les activités humaines, qu’elles soient économiques ou scientifiques, et la protection du milieu marin. Il renforce la protection de certaines espèces et le statut d’espèce protégée et, enfin, il réforme le statut juridique des paysages.
L’objectif central du projet de loi concerne sans doute la gouvernance : il prévoit la création d’un grand opérateur de la biodiversité. La genèse de l’Agence française pour la biodiversité a été longue, mais celle-ci fait maintenant l’objet d’un large consensus. Comme l’ADEME dans le domaine de la transition énergétique et écologique, l’AFB a vocation à devenir le fer de lance de la stratégie nationale pour la biodiversité, qui répond elle-même aux exigences des engagements internationaux. Le Président de la République souhaitait faire de la France une nation de l’excellence environnementale ; nul doute que cette agence participera grandement à la réalisation cet objectif.
Il faudra naturellement que l’AFB soit déclinée dans les territoires, là où résident les gisements de biodiversité et là où l’action en faveur de la biodiversité et la lutte contre son érosion peut s’appuyer sur les acteurs économiques et mobiliser l’ensemble de nos concitoyens. Nous ne réussirons en effet à atteindre nos objectifs de préservation, de maintien et de reconquête que si tous les acteurs sont associés et s’investissent pour s’inscrire dans un modèle économique, social et environnemental vertueux.
Le débat reste ouvert sur le périmètre de l’agence et sur ses moyens humains et financiers. À mon sens, notre examen en séance permettra au Gouvernement de préciser ses objectifs et ses engagements car, au-delà des discussions sur l’intégration dans l’agence de tel ou tel organisme, il paraît essentiel de concrétiser le premier pas en considérant que la création de l’agence est une étape essentielle et qu’il sera temps de prolonger ses missions et d’assurer son fonctionnement une fois qu’elle sera mise en place.
Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, il n’est pas inutile de souligner que l’humanité est à la croisée des chemins : la biodiversité sous toutes ses formes s’érode, les changements climatiques sont avérés, les écosystèmes s’affaiblissent. Nous devons agir collectivement pour faire face à ces défis globaux, et nous devons commencer ici et maintenant.
Nous redéfinissons actuellement notre politique énergétique, pour plus de sobriété et surtout moins de pollution. Nous prenons des mesures ambitieuses visant à réduire la production de nos déchets pour favoriser l’avènement, à terme, d’une économie circulaire. Nous soutenons le développement des transports propres et nous nous dotons progressivement des moyens de rendre soutenables les modèles agricoles et forestiers. Nous sommes conscients de la nécessité de modifier nos modes de production et de consommation pour ne pas épuiser les ressources naturelles de la planète. En d’autres termes, nous nous donnons les moyens de réussir la transition écologique et énergétique. Nous devons nous donner également les moyens d’interrompre l’érosion de la biodiversité. C’est pourquoi je vous invite à adopter ce projet de loi.