Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 16h00
Biodiversité - nomination du président du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

C’est un bon signe, d’autant plus que si la gestation de ce texte a été aussi longue, c’est parce que le ministère de l’écologie a mené un vaste travail de concertation préalable dont je tiens à me féliciter ici.

Il en résulte un texte progressiste, complet et équilibré qui revisite utilement les grands principes structurant la politique de conservation de la biodiversité et qui modernise le dispositif institutionnel français de protection des espaces naturels et des espèces sauvages.

Comme vous l’avez dit, madame la ministre, avec le changement climatique, la perte de biodiversité constitue manifestement la menace environnementale la plus critique à l’échelle planétaire, entraînant des pertes substantielles en termes de performances économiques, de bien-être social et de qualité de la vie. Outre sa valeur intrinsèque, la biodiversité est en effet indispensable au développement durable, dans la mesure où elle conditionne la fourniture de biens et de services essentiels à la vie humaine, à commencer par la nourriture et la séquestration du carbone.

La démarche engagée par votre projet de loi, madame la ministre, doit être appréciée dans le cadre de la politique de l’Union européenne en ce domaine. La stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive comprend en effet un volet ad hoc en faveur de la biodiversité.

Depuis 2012, cette stratégie s’est traduite par un ensemble d’initiatives positives : lancement d’un programme de cartographie et d’évaluation des écosystèmes et des services qu’ils rendent, initiative B4Life qui vise à diffuser de bonnes pratiques en matière de gestion de la biodiversité dans les pays en développement, affectation à la conservation de la nature et à la biodiversité de 55 % des crédits de l’instrument de financement LIFE dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020, verdissement de la politique agricole commune post-2013, adoption d’un règlement relatif au respect du protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, adoption d’un règlement tendant à prévenir et à gérer l’introduction et la propagation des espèces exotiques envahissantes comme la renouée du Japon ou le frelon asiatique par exemple, adhésion à la convention CITES sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, et enfin interdiction ou suspension de l’usage de produits phytosanitaires particulièrement nocifs pour les abeilles. De ce point de vue, madame la ministre, ce que vous avez annoncé pour aider les abeilles à survivre dans de bonnes conditions ne peut que nous rassurer.

L’Union européenne peut au demeurant faire état d’acquis réels, notamment grâce à son réseau Natura 2000, qui est le maillage de zones protégées le plus dense au monde avec 27 308 sites écologiques – soit 18,4 % du territoire communautaire –, dont 1 758 en France. Ce dispositif phare a été complété dans les années 1990 et 2000 par des textes sectoriels concernant la conservation des oiseaux sauvages, la protection des espèces faunistiques et floristiques menacées, la préservation du milieu marin ou encore la gestion de l’eau.

Il n’en demeure pas moins que l’Europe ne parvient pas à contenir la pression sur l’environnement due en particulier à l’essor des activités humaines d’ordre économique, qui vont de l’étalement urbain à l’évolution des modes de consommation. Dans son rapport quinquennal relatif à l’état de l’environnement publié il y a deux semaines, l’Agence européenne de l’environnement dresse un bilan très sombre : seuls 17 % des habitats et des espèces et 11 % des écosystèmes protégés de notre continent se trouvent dans un état favorable, et l’on continue de déplorer des disparitions d’animaux et de plantes.

C’est pourquoi la commission des affaires européennes s’est fortement engagée sur cette question depuis le début de la législature : elle a notamment publié un rapport d’information sur la biopiraterie, un rapport d’information sur le septième programme d’action pour l’environnement, une communication sur le programme LIFE, une communication sur les espèces exotiques envahissantes et un rapport d’information sur l’objectif « Aucune perte nette de biodiversité ». Nous avons également participé au débat sur le présent projet de loi sous la forme d’un rapport d’information pour observations dont j’ai été chargée. Je me suis attachée à y formuler des pistes d’amélioration tout en soulignant mon souci de ne pas remettre en cause l’économie générale du texte, qui est excellente.

Voici quelques-unes de ces pistes. Tout d’abord, il serait utile de donner force de principe fondamental aux notions de mieux-disant environnemental, de non-régression du droit de l’environnement et de compensation. La loi pourrait préciser quelques lignes d’action et d’organisation pour le Comité national de la biodiversité ou pour le Conseil national de protection de la nature, dont le projet de loi renvoie l’essentiel des modalités de fonctionnement et de composition à un décret.

Il me semble indispensable d’intégrer l’Office national de la chasse et de la faune sauvage dans la future Agence française pour la biodiversité, au même titre que tous les autres établissements publics nationaux qui exercent principalement dans des champs ayant un lien avec la biodiversité. En outre, il existe aussi à l’AFB des besoins autres concernant les moyens dont elle dispose.

Enfin, je remercie la commission du développement durable d’avoir adopté deux des amendements que j’ai déposés et qui visent à ajouter à la liste des missions de l’AFB la lutte contre la biopiraterie ainsi que le suivi et l’accompagnement des mécanismes d’accès aux ressources et de partage des avantages, ou APA, qui en découlent. D’une manière générale, pour que le projet de loi ne soit pas moins-disant par rapport au protocole de Nagoya, la place accordée aux communautés d’habitants pourrait être renforcée à chacune des étapes du processus d’APA. C’est pourquoi j’ai également déposé plusieurs amendements à ce sujet.

Madame la ministre, j’émets le voeu que notre débat soit productif et que la loi que nous adopterons tous ensemble soit la plus belle que nous puissions faire.

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