Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames les rapporteures, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, consacré à la biodiversité, est un texte majeur. Au sens global du terme, je pense qu’il traduit une volonté de faire droit à l’éthique et à un certain nombre de valeurs, tout en concrétisant une prise de conscience sur la question des équilibres écologiques dans le monde.
L’infinie diversité des plantes et des animaux rend possible la création d’un système environnemental qui, lui-même, permet l’existence de l’ensemble du vivant, et donc de toute l’espèce humaine. Or, cette biodiversité pour le moins essentielle, complexe et dynamique, est extrêmement fragile. La protéger n’est donc pas un acte législatif comme les autres : l’enjeu n’est rien moins que d’assurer notre survie.
Une fois ce fondement identifié, comment ne pas penser à nos pays d’outre-mer, qui constituent l’autre enjeu essentiel de ce texte ? Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Il en est un que l’on a beaucoup cité et que notre collègue Serville a évoqué tout à l’heure : 80 % de la biodiversité française se trouve dans nos régions, départements et collectivités d’outre-mer.
Répéter ces chiffres, c’est aussi faire prendre conscience la représentation nationale de cette réalité. L’Amazonie qui, comme cela a été dit, ne couvre que 7 % des terres émergées, renfermerait plus de la moitié des espèces animales et végétales du monde. La Polynésie française, à elle seule, renferme 20 % des atolls du monde. La Nouvelle-Calédonie abrite, quant à elle, la deuxième plus grande barrière de corail de la planète, avec 14 280 kilomètres carrés de récifs. Enfin, la Martinique recèle une flore et une faune riche et variée et des écosystèmes patiemment accumulés au fil des millénaires et d’une histoire géologique singulière.
Cependant, un autre constat doit être fait : cette biodiversité, menacée partout dans le monde, l’est plus encore dans non régions, qui sont en même soumises au changement climatique. Après la Guadeloupe, touchée par l’ouragan Hugo, dont les vents avaient atteint 250 kilomètres heure, l’Indonésie a subi un cyclone très violent, avec des rafales à 270 kilomètres heure. Aujourd’hui, c’est l’archipel du Vanuatu qui a été ravagé par le cyclone Pam, mesuré à plus de 320 kilomètres heure !
Il est donc primordial que les populations réapprennent à vivre dans l’environnement exceptionnel qui est le leur, à le protéger, à l’entretenir et à le mobiliser au service de leur survie, mais aussi de leur émancipation. Lorsque nous cherchions des solutions pour l’épanouissement de notre pays, Aimé Césaire me disait volontiers : « Cherche dans la nature et tu trouveras ! » Il avait raison. La biodiversité doit aussi être perçue comme une source d’épanouissement et d’émancipation, tout à la fois individuelle et collective, tout autant culturelle qu’économique et sociale.
Autrement dit, la richesse de sa biodiversité est un atout pour la France. Elle est une source infinie d’innovation et représente un immense potentiel de développement. Ainsi que Gabriel Serville l’a rappelé, ce potentiel se trouve essentiellement dans les outre-mer. Il est donc nécessaire de donner aux outre-mer une place à la hauteur des enjeux, ce que vous avez fait, madame la ministre, en lançant une concertation très en amont. De fait, des avancées assez importantes ont été accomplies en commission et nous avons organisé au ministère de l’environnement un grand séminaire, lors duquel chacun a pu s’exprimer.
La création de l’Agence française pour la biodiversité et la mise en place d’un régime particulier « d’accès aux ressources génétiques et aux connaissances traditionnelles associées, et de partage équitable des avantages découlant de leur utilisation », conformément à l’esprit du protocole de Nagoya, sans toutefois en copier la lettre, sont les dispositions phares de ce texte.
Il faut le dire, l’avant-projet de loi était dénué de toute référence aux outre-mer. Je l’ai regretté. Aucune décentralisation de la gouvernance n’y était, par exemple, prévue. Notre mobilisation a permis quelques avancées. Je pense notamment à la possibilité, pour les assemblées délibérantes des départements et régions d’outre-mer, d’exercer la fonction d’autorité administrative délivrant les autorisations d’accès aux ressources génétiques dans le cadre de la procédure d’APA – accès et partage des avantages.
Si cette avancée était essentielle, elle n’était guère suffisante. Grâce à votre forte implication en commission, madame la ministre, d’autres avancées ont été obtenues. Ainsi, il a été acté que la composition du Comité national de la biodiversité, instance de décision politique clé en matière de biodiversité, s’attachera à « une représentation significative des territoires ultramarins ». De plus, un comité régional de la biodiversité sera créé dans chaque département et région d’outre-mer.
L’avancée à mes yeux la plus importante, et qui répond à une demande très forte, reste cependant la possibilité de créer des délégations de l’AFB dans leurs régions et départements d’outre-mer. À cela s’ajoute le fait que la composition du conseil d’administration de l’AFB devra aussi « concourir à une représentation équilibrée des enjeux liés à la biodiversité, en particulier ultramarine ».
Je note qu’a été ajoutée la possibilité de faire bénéficier du retour de l’APA les pratiques et savoirs traditionnels respectueux de la biodiversité. Cela est essentiel. En outre, il convient de noter que les départements et régions d’outre-mer seront systématiquement consultés lorsqu’un décret les concernant sera pris.
La représentation des outre-mer au sein des instances de gouvernance de la biodiversité est un enjeu majeur, et nous défendrons des amendements en ce sens. L’atelier de travail du 11 février, au ministère de l’écologie, a permis de débattre et de formuler des propositions sur les modalités d’organisation des délégations dans les outre-mer. Les attentes se sont révélées très fortes. Je présenterai, bien sûr, d’autres amendements à ce sujet.
Enfin, je souhaite que ce texte reconnaisse de façon plus précise les connaissances et les savoir-faire traditionnels respectueux de la biodiversité. Cela revêt une importance capitale pour deux raisons. La première, c’est que la biodiversité constitue pour les habitants des territoires ultramarins une opportunité de développement parfaitement endogène. La seconde, c’est que, sans le respect de la différence, donc de la diversité culturelle, aucune biodiversité environnementale ne saurait être utile, suffisante ou parfaite.
L’appropriation collective de la biodiversité, sa bonne connaissance, sa protection et sa valorisation sont des actes majeurs pour la France dans son ensemble, mais surtout pour l’outre-mer, et pour l’ensemble de la planète. C’est un enjeu écologique, c’est un enjeu de société ; c’est aussi un enjeu culturel, dont nous devons nous saisir pour changer le modèle socio-économique et nous assumer, dans une pleine émancipation et en toute conscience.