Intervention de Antoine Herth

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 16h00
Biodiversité - nomination du président du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Herth :

…et puis il y a cette foule obscure de sans-grade, de ruraux butés à qui il faut réapprendre à planter les choux.

Notez bien, madame Royal, que je ne vous fais absolument pas un procès en manque de compétence. Je vous reproche seulement de ne pas assez résister à la pente naturelle des idées préconçues de ceux qui murmurent à vos oreilles. Le résultat ? Un scénario académique avec, comme dans les séries B, le casting habituel des méchants et des gentils, une intrigue archi-revue et, in fine, un dénouement qui ne surprendra personne, car il s’agit de faire un max de com avec un minimum d’idées nouvelles.

C’est bien dommage, car vous teniez pourtant un sujet en or avec la perspective de mettre en oeuvre le protocole de Nagoya. Le beau principe du meilleur partage des bénéfices de l’accès aux ressources génétiques fait sens, et pas seulement à l’échelle du territoire français, hexagonal ou ultramarin. C’est un enjeu mondial. Il mérite à lui seul que nous nous réunissions pour trouver les voies et moyens de lui donner une tournure concrète. Je rejoins en cela les propos de M. Letchimy.

Hélas, le reste du texte ne conserve pas la même hauteur de vue. Ainsi, la commission a adopté un amendement qui recycle une idée vieille de dix ans. Un amendement no 863 rectifié présenté par MM. Delattre et Le Fur avait été adopté à l’occasion de l’examen de la loi d’orientation agricole de 2005 : il portait sur l’interdiction des sacs de caisse. Si l’économie circulaire est encore dans les limbes, elle est en revanche bien réelle lorsqu’il s’agit de recycler des articles de loi !

Par ailleurs, pourquoi légiférer à nouveau sur les pratiques agricoles en matière d’utilisation des produits phytosanitaires ? L’encre de la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt, qui déjà modifiait fondamentalement les règles dans ce domaine, est à peine sèche ! Vous adressant récemment au monde agricole, madame la ministre, vous avez expliqué qu’il était souhaitable que la France se hisse en première position en matière d’agriculture verte ! C’est une préconisation que je partage, mais qui est incomplète si l’on ne rappelle pas en même temps que la France est déjà en tête du combat pour des pratiques plus respectueuses !

À ses risques et périls, d’ailleurs, car innover a un coût. Pour être précis, l’innovation coûte au producteur, mais ne lui rapporte malheureusement pas grand-chose. D’autres se chargent d’engranger les bénéfices. Par un parallélisme des formes, les principes du protocole de Nagoya devraient aussi s’appliquer à nos paysans lorsqu’ils font des progrès en matière de respect de l’environnement.

Ce qui nous sépare, madame la ministre, c’est l’analyse des réalités de terrain. Vous affirmez que le processus Ecophyto est un échec. C’est faux ! Jamais les agriculteurs n’ont réalisé en si peu de temps autant d’évolutions positives dans les pratiques et dans les mentalités ! Mais ce qui est vrai, c’est que le calendrier initial et les objectifs fixés étaient exagérément optimistes. À qui la faute ? Pas aux agriculteurs.

Je vous recommande de ne pas répéter la même erreur en vous enfermant dans une politique d’affichage. Lors de l’examen du projet de loi Macron, nous avons constaté à quel point beaucoup de professions étaient hostiles au changement, même sur des questions somme toute mineures. Malgré la réputation qu’on lui prête, ce n’est pas le cas de la profession agricole qui, saison après saison, doit s’adapter aux instabilités : tantôt celles du climat, tantôt celles du marché, tantôt celles du cadre réglementaire de la politique agricole commune. De grâce, ne chargeons pas la barque, au risque de la faire chavirer ! Soyons garants d’une forme de stabilité et de continuité des règles, et d’un partage équitable des efforts entre tous nos concitoyens.

Mes chers collègues, il existe une différence fondamentale entre un colloque de chercheurs et une séance au Parlement. En écrivant la loi, nous devons aller au-delà des principes généraux. Nous devons nous confronter à l’urgence du temps présent, trouver l’équilibre entre le souhaitable et le possible, tendre le fil du progrès et en fixer les étapes. J’espère que nos débats seront à la hauteur de cette exigence !

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