Intervention de Bruno Nestor Azerot

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 16h00
Biodiversité - nomination du président du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Nestor Azerot :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, qu’est-ce que la biodiversité ? L’homme de sciences qu’est Hubert Reeves nous dit qu’elle est « notre assurance vie sur la vie elle-même ». Habitant une île tropicale exposée aux éruptions volcaniques, aux tremblements de terre, aux cyclones, aux raz-de-marée et aux inondations, j’aurais tendance à répondre que la biodiversité, c’est la condition même de notre vie et de notre adaptation à cette vie naturelle.

Il est d’usage de voir les îles de la Caraïbe comme des endroits paradisiaques. C’est oublier que pour les explorateurs et les premiers habitants, ces îles étaient considérées comme infernales, susceptibles de tous les déferlements, de toutes les maladies. De l’enfer au paradis, il n’y a parfois qu’un pas…Ce pas, c’est celui de l’homme qui avance en conscience, avec son temps et son environnement. Madame la ministre, nous pouvons dire que nous accomplissons ce soir un nouveau pas déterminant dans cette conscience de nous-mêmes, de l’autre et de notre milieu naturel.

C’est important car, je le redis après d’autres, la France est riche d’une exceptionnelle diversité terrestre et marine, tant dans l’Hexagone que dans les outre-mer, présents dans tous les océans.

Je partage globalement vos objectifs. Il était en effet temps, quarante ans après la loi de 1976 sur la nature et plus de vingt ans après celle de 1993 sur la protection et la valorisation des paysages, de dépasser la protection des espaces et des espèces pour envisager globalement les écosystèmes et la biodiversité, et se doter de vrais moyens politiques et concrets pour agir plus efficacement sur le plan scientifique, technologique, sanitaire, économique, social, environnemental, mais aussi démocratique et culturel.

Il était temps, car ce texte est essentiel pour la réussite de la transition écologique de notre pays, transition qui ne peut qu’être énergétique, au vu de l’évolution des dérèglements climatiques sur la biodiversité. Dans nos écosystèmes îliens, nous en percevons l’urgence et l’enjeu.

Il était temps de se doter d’un nouveau paradigme impliquant une vision dynamique de la biodiversité, où les interactions, les mutations, sont de plus en plus observables. En effet, nos savoirs ont évolué. La notion de paysage a changé. Une prairie, une mangrove, étaient des lieux sans intérêt il y a quarante ans. Ce sont des sources de vie aujourd’hui et des espaces à protéger absolument, car réceptacles de la richesse de l’humanité.

Votre texte inscrit cette nouvelle dimension dans le droit, ouvrant ainsi de nouvelles possibilités juridiques, et c’est bien.

Votre projet de loi organise la gouvernance de la biodiversité, crée l’Agence française de la biodiversité, évoque les ressources génétiques, la protection des espèces et des espaces, du paysage, du littoral, et c’est bien – même si la question du financement de l’Agence attend des réponses précises.

J’ai apprécié aussi que vous apportiez de nouveaux éléments en faveur de la protection des abeilles et des pollinisateurs, problème qui nous touche également dans la Caraïbe, ou que vous preniez en compte la nature et les écosystèmes en milieu urbain.

Mais je voudrais en second lieu, madame la ministre, au risque de sortir du sujet, vous donner un autre satisfecit. Nous restons cependant dans le cadre de la protection de la biodiversité. Lorsque vous êtes venue à la Martinique, madame la ministre, je vous avais vivement interpellée, en tant qu’élu local, sur notre incapacité à faire face aux véhicules hors d’usage qui polluent nos territoires et nos communes. Vous aviez été sensible, je le crois, à cette interpellation, et des mesures ont été introduites et votées grâce à vous pour donner aux communes des moyens d’agir afin de préserver leurs territoires.

Je veux ici publiquement vous en remercier, car vous avez su être à l’écoute de la vie concrète et des hommes de terrain.

En effet, militer pour la biodiversité, ce n’est pas se rengorger, se griser de grands mots et de grandes phrases, c’est agir au quotidien pour que la vie reste la vie, que la terre reste la terre, que nos océans restent naturels, que nos îles, fragiles, et nos littoraux, menacés, restent préservés des outrages et des catastrophes.

Et justement, le littoral : c’est de lui que je veux vous parler pour finir, madame la ministre, en vous interpellant à nouveau sur un cas concret, celui du phénomène des algues sargasses qui échouent actuellement sur les côtes antillaises, posant de véritables problèmes environnementaux, mais aussi de santé publique, de développement touristique, d’atonie économique.

Des mesures doivent être prises par les pouvoirs publics pour faire face à ce fléau, car les communes n’ont pas les moyens d’y répondre. C’est pourquoi nous vous demandons, madame la ministre, de classer ce fléau en catastrophe naturelle, ce qui permettra aux acteurs locaux de lutter contre le phénomène, voire de le traiter pour – éventuellement – en faire un atout économique.

À cet effet, nous avons déposé des amendements que nous vous saurions gré d’accueillir favorablement, car nous sommes assaillis par la détresse qui monte des élus, des populations, des familles, des professionnels de santé ou des entreprises, qui ne disposent d’aucun moyen réel et cohérent d’appréhender un tel phénomène.

Cela étant, madame la ministre, nous voterons votre projet qui marque une étape nouvelle dans l’approche française de la biodiversité.

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