Intervention de Dino Cinieri

Séance en hémicycle du 16 mars 2015 à 16h00
Biodiversité - nomination du président du conseil d'administration de l'agence française pour la biodiversité — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDino Cinieri :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que l’objectif fixé par l’ONU de stopper l’érosion de la biodiversité en 2010 n’a pas été atteint et que nous continuons de perdre des espèces à un rythme inégalé, le projet de loi sur la biodiversité, examiné il y a plus de neuf mois en commission, arrive enfin dans notre hémicycle.

J’ai longuement discuté de ce texte avec les représentants ligériens de la profession agricole, qui est pleinement concernée car elle joue un rôle majeur dans la gestion d’espaces riches en biodiversité. Nous devons préserver et améliorer la biodiversité dans les territoires, tout en y maintenant une activité économique.

L’agriculture et la forêt couvrent environ 80 % du territoire et influencent donc directement ou indirectement la biodiversité de ces espaces. La préservation de la biodiversité dans les milieux agricoles répond ainsi à une attente sociétale, mais aussi à une attente du monde agricole en matière de services environnementaux et de protection des terres agricoles.

Avec six titres et soixante-treize articles, votre projet de loi tente de réorganiser la protection de la biodiversité dans le but de la renforcer, mais aussi de supprimer les doublons et d’offrir enfin un guichet unique aux porteurs de projets.

Vous vous appuyez sur le triptyque « éviter, réduire, compenser » qui date de la loi de protection de la nature de 1976. Ces mesures sont d’abord des mesures d’évitement, puis de réduction des impacts. Si elles n’ont pas permis d’éviter une perte écologique, alors des mesures de compensation sont à appliquer.

Je ne reviendrai pas sur les exemples récents et emblématiques que sont Sivens et Notre-Dame-des-Landes…Mais creuser des mares, planter des arbres, fabriquer des refuges pour espèces protégées, déplacer des espèces menacées comme le flûteau nageant, le triton marbré, le triton crêté ou le grand capricorne, tout cela fait désormais partie de l’appareillage technico-juridique que doit comporter tout projet d’aménagement du territoire et de construction d’infrastructure : aéroport, autoroute, ligne ferroviaire, zone commerciale, etc.

Si les conditions d’équivalence entre la dégradation écologique et les mesures de compensation ne sont pas précisées par votre projet de loi, les outils disponibles pour mener cette compensation sont, eux, nommément désignés.

Le maître d’ouvrage pourra ainsi réaliser des actions de compensation écologique de sa propre initiative, sur son terrain ou sur le terrain d’autrui. Il pourra également recourir à un opérateur de compensation ou contribuer au financement d’une réserve d’actifs naturels lui permettant de se libérer de ses obligations en contribuant financièrement à ces opérations.

Votre texte, madame la ministre, va ainsi créer en droit français des banques d’actifs « biodiversité », ce qui permettra à la CDC-Biodiversité, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, de servir de banque de compensation. Nous avons d’ailleurs auditionné son directeur, M. Laurent Piermont, en novembre 2013, et il nous a expliqué les modalités de création de cette banque d’actifs naturels qui se trouve dans la plaine de la Crau, zone de steppe semi-aride des Bouches-du-Rhône, à proximité de zones protégées.

La compensation écologique institue donc une double promesse. La promesse de remplacer ce qui est détruit à un endroit par un bout de nature restauré par l’activité humaine à un autre endroit. Et la promesse de pouvoir poursuivre la construction de nouvelles infrastructures tout en préservant l’environnement. L’enjeu est donc de rendre plus claires, plus visibles, plus transparentes et plus efficaces les actions de compensations portées par différents acteurs.

Afin d’articuler au mieux l’efficacité écologique et les potentialités économiques de la compensation, il est déterminant de reconnaître le rôle majeur que pourraient jouer les agriculteurs. Au-delà même de la création de richesses écologiques et économiques qui pourrait en découler, cette reconnaissance apporterait des opportunités de développement à un certain nombre de territoires ruraux, tout en favorisant plus largement la diffusion d’une vision moderne de l’agro-écologie.

Lors des débats du 25 juin 2014, la commission du développement durable a clairement exprimé sa volonté d’ouvrir les contrats de compensation aux agriculteurs, quel que soit leur statut. Pourtant, la rédaction actuelle de cet article ne répond pas pleinement à cette ambition, puisqu’elle exclut aujourd’hui les agriculteurs qui ne sont pas propriétaires du terrain qu’ils exploitent. Je défendrai donc un amendement afin que cette possibilité de contractualiser des mesures de compensation soit ouverte à tous les agriculteurs, qu’ils soient propriétaires ou simples locataires exploitants.

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