Intervention de Philippe Didier-Courbin

Réunion du 15 novembre 2012 à 9h30
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Philippe Didier-Courbin, adjoint à la directrice générale de la cohésion sociale :

La direction générale de la cohésion sociale, la DGCS, n'a pas pour mission de suivre la politique familiale dans sa globalité, mais de travailler à la bonne articulation entre l'action des caisses comme prestataires d'allocations aux familles et la politique plus générale d'action sociale et de cohésion sociale – qui comprend l'appui aux familles et personnes vulnérables, l'action en faveur de l'égalité entre hommes et femmes et la politique du handicap.

La branche famille contribue à cette politique d'action et de cohésion sociales, en finançant des opérations qui relèvent de son offre globale de services mais également en agissant comme prestataire de services pour l'État, comme gestionnaire de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, et pour les départements, comme gestionnaire du revenu de solidarité active, le RSA. Enfin, les CAF versent les prestations familiales. Ces fonctions sont distinctes et le positionnement et les attentes de l'État envers la CNAF diffèrent selon qu'on considère l'une ou l'autre.

Dans leur rôle de prestataires de services, les caisses ne sont d'ailleurs pas que des opérateurs rémunérés ; elles observent aussi les publics qui bénéficient de ces prestations et cette autre fonction est également précieuse pour la DGCS.

Notre direction générale ne possède pas d'expertise particulière sur le financement de la branche famille. J'observe simplement que, quelle que soit leur nature, ces recettes dépendront toujours de l'activité économique. Mais l'intérêt d'une remarque aussi générale est sans doute limité et je vous renvoie donc pour cette matière à l'exposé de M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale.

Cependant, il est un point sur lequel le sujet nous intéresse : la branche famille doit pouvoir non seulement piloter et financer des prestations, mais également être en capacité de conduire une politique d'action sociale pour laquelle la DGCS propose des orientations, à l'occasion de l'évaluation et de la négociation des COG. C'est dans ce cadre que se confronte la politique familiale, qui a un caractère quasi universel, avec l'action sociale qui, elle, vise des publics précis ou s'applique à des situations spécifiques ou dans des territoires particuliers.

Il n'est pas du ressort de la DGCS de décider si l'universalité de la politique familiale doit être ou non remise en cause. En revanche, nous avons notre mot à dire sur la définition de l'offre de services de la CNAF et des CAF, à travers la négociation de la convention d'objectifs et de gestion.

L'élaboration de la future COG n'en est actuellement qu'au stade des échanges techniques entre la DGCS, la CNAF et la direction de la sécurité sociale. Ces discussions interviennent au moment où se tiennent les ateliers thématiques chargés de préparer la conférence de lutte contre la pauvreté et les exclusions et où Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, vient de lancer une consultation sur les services offerts aux familles. La conférence aura lieu les 10 et 11 décembre prochains et la consultation « autour des familles », selon l'appellation retenue par la ministre déléguée, devrait également déboucher sur des propositions avant la fin de l'année. Les conclusions de l'une et de l'autre influeront indéniablement sur les choix stratégiques qui seront retenus dans la COG. Cependant, sans attendre, nous pouvons nous appuyer sur d'autres éléments pour préparer cette convention.

En premier lieu, s'agissant du bilan de la COG 2009-2012 dressé par l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, des trois grandes priorités de cette convention relevant de la compétence de la DGCS – l'accueil du jeune enfant, l'accompagnement de la mise en oeuvre du RSA et celui de la réforme de l'AAH –, une seule, la première, était très directement liée à la politique familiale, les autres ressortissant de la politique d'action et de cohésion sociales. Il ressort de l'analyse de l'IGAS que les objectifs chiffrés, en matière d'accueil collectif des jeunes enfants, sont en passe d'être atteints et que les résultats sont excellents en ce qui concerne les assistantes maternelles ; en revanche, l'accueil en école maternelle n'a cessé de se restreindre depuis plusieurs années. Il y a là un déséquilibre qui ne pourra être corrigé que par une action combinée des caisses et de l'État, puisque c'est ce dernier qui a la charge des écoles maternelles. D'autre part, si, comme je l'ai dit, les objectifs chiffrés semblent atteints pour la création de places en structures d'accueil collectif, la couverture du territoire demeure très inégale et, malgré des efforts, les réponses apportées ne sont pas assez diversifiées, ni adaptées aux situations particulières. C'est d'ailleurs un constat qui vaut pour bon nombre d'autres actions : les résultats globaux peuvent paraître satisfaisants mais le traitement des cas spécifiques est souvent insuffisant.

Nous disposons également d'un bilan des actions d'appui à la parentalité. Là, le problème tient avant tout à la multiplicité des dispositifs : appui à la scolarité, réseaux d'appui à la parentalité, médiation familiale… Tous ont leur raison d'être, mais un effort de coordination serait souhaitable. À qui s'en remettre pour cela ? Comme l'État définit de grandes orientations dans ce domaine et participe au financement à travers ses services déconcentrés ou à travers les préfets, il reste présent dans le pilotage de ces actions, mais celles-ci bénéficient aussi de financements importants des caisses et, pour certaines, de la contribution de collectivités locales volontaires.

Au niveau national, une première réponse à ce besoin de coordination a consisté en la création d'un comité national d'appui à la parentalité, réunissant des représentants de tous les acteurs concernés, mais le pilotage local reste à constituer et des interrogations demeurent à cet égard. Le rôle de l'État financeur étant modeste, cela justifie-t-il la présence des préfets et des services de la cohésion sociale ? Ne peut-on se reposer uniquement sur les présidents des caisses et sur les présidents des conseils généraux ? Toutefois, s'agissant de l'appui à la scolarité ou de dispositifs centrés sur les territoires relevant de la politique de la ville, un tel désengagement ne serait probablement pas très prudent. Il faut donc que nous réussissions ce niveau ce à quoi nous sommes parvenus au niveau national avec la CNAF et avec l'Association des départements de France.

Cette coordination ne doit d'ailleurs pas se résumer à une réunion annuelle en vue de s'accorder sur les actions à financer : elle doit aussi porter sur le lancement de nouvelles actions dont la nécessité serait apparue, sur l'information des publics pour les aider à s'orienter entre tous les dispositifs existants – ce qui suppose de définir les moyens de toucher l'usager : le choix de la localisation des services, par exemple, n'est pas anodin. Les problèmes de relations entre parents et enfants ne se posent pas qu'aux familles en difficultés sociales ou financières, certes, et il est exclu de ne viser que celles-là, mais il faut néanmoins analyser finement les situations locales pour déterminer dans quelle mesure il convient de cibler des publics particuliers… L'État peut faire valoir des considérations générales, mais ces choix-là ne peuvent être arrêtés qu'au niveau local.

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