Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 28 novembre 2012 à 16h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement :

Je commencerai par répondre aux questions qui m'ont été posées à droite car elles illustrent assez bien l'état du débat. Il se trouve qu'en septembre dernier, j'ai eu à répondre ici à une question au gouvernement le jour même où était célébré le dixième anniversaire de la mort de François Chenut, ce jeune homme sauvagement assassiné en 2002 à Reims parce qu'il était homosexuel. Sur tous les bancs, les visages étaient graves et sincèrement attristés, chacun déplorant que des actes aussi barbares puissent encore se produire dans notre pays. Mais on ne peut déplorer les violences et les discriminations homophobes sans se demander d'où naît l'homophobie. C'est dès le plus jeune âge bien souvent que celle-ci prend racine. Présenter certaines orientations sexuelles comme anormales, en faire des tabous ou, pis encore, les rejeter, c'est laisser s'exprimer une violence à l'égard des homosexuels et risquer que des jeunes soient conduits au suicide parce qu'ils ne se trouvent aucune place dans leur famille, leur entourage, les médias, et d'une manière générale notre société, du fait de leur sexualité.

Notre programme d'actions vise à contrecarrer dès l'école certains réflexes encore trop présents dans notre société. L'école doit porter nos valeurs républicaines de liberté, égalité, fraternité et présenter le monde tel qu'il est, en permettant à chaque enfant de trouver sa place. Les manuels et les programmes scolaires s'autocensurent sur les questions d'orientation sexuelle et d'homosexualité. Madame Duby-Muller, il ne s'agit pas pour le gouvernement de revoir ces manuels – ce n'est pas de notre responsabilité, mais de celle des éditeurs – ni ces programmes, mais d'adresser un message fort à ceux qui sont chargés de les mettre au point sur la nécessité que chaque jeune, quelle que soit son orientation sexuelle, puisse se retrouver dans la société qu'on lui présente au travers des cours qu'on lui donne, des livres qu'on lui lit, des histoires qu'on lui raconte… On en est loin aujourd'hui ! Un enfant qui vit dans une famille homoparentale n'entend jamais parler de cette structure familiale à l'école. Or, plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers d'enfants vivent cette réalité-là. Pourquoi faudrait-il, comme le gouvernement précédent qui a empêché la diffusion du film Le baiser de la lune, s'interdire d'en parler ? Ce temps-là a vécu. Avec un propos bien sûr adapté à chaque âge, il faut parler aux enfants, qui sont des adultes en devenir, du respect entre les sexes, de l'égale dignité des individus quelle que soit leur orientation sexuelle et de l'égale dignité des familles, quelle que soit leur structure.

Monsieur Breton, je ne connais pas la « théorie du genre ». Je connais seulement des recherches sur le genre conduites en sociologie, en histoire, en science politique, en biologie… qui sont tout à fait intéressantes et que nous devons développer pour nous éclairer. En effet, certains problèmes ont une incidence plus grande pour les femmes que les hommes et les politiques publiques auraient intérêt à tenir compte de cet impact différent. Nous avons sollicité la CNCDH pour qu'elle donne une définition précise de l'identité de genre. Pour moi, c'est la dimension sociale de l'identité sexuelle. Il ne s'agit pas de nier la différence entre les sexes mais de reconnaître qu'en fonction de notre sexe, nous sommes conduits à nous inscrire dans des représentations sociales qui trop souvent enferment dans des rôles prédéterminés, inégalitaires au détriment des femmes. Le même phénomène se retrouve s'agissant d'orientation sexuelle.

Madame Olivier, nous développerons les enseignements sur l'égalité et le genre. Nous nous appuierons sur les bonnes pratiques de certaines universités comme Paris-Diderot ou l'Institut d'études politiques de Paris. Nous soutiendrons la production de savoirs scientifiques sur le genre. L'Agence nationale de la recherche notamment lancera des appels à projets sur le sujet.

Plusieurs d'entre vous ont évoqué le domaine du sport. Le précédent gouvernement avait fait adopter une Charte contre l'homophobie qui, hélas, n'a pas été suivie d'effets. Il ne suffit pas de lancer de telles initiatives, il faut les évaluer. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai prévu un comité de suivi de notre programme d'actions. Cette Charte sera renforcée et un dispositif de suivi régulier mis en place en liaison avec Laura Flessel, à qui a été confiée une mission de lutte contre toutes les formes de discrimination dans le sport.

S'agissant de la parité dans les fédérations et les instances dirigeantes sportives, je n'en dirai pas davantage aujourd'hui. Un comité interministériel aux droits des femmes se tient en effet vendredi. Vous serez surpris de la fermeté des mesures que nous prendrons.

Mme Pompili demande que soient créées des places d'accueil pour les jeunes homosexuels en rupture avec leur famille. Le Président de la République a réaffirmé son objectif de 5 000 places d'hébergement d'urgence sur le quinquennat. Les situations douloureuses que peuvent vivre les jeunes homosexuels seront bien entendu regardées avec une particulière attention dans ce cadre.

Je ne m'étendrai pas sur le délit de racolage passif, me contentant de dire que nous sommes nombreux ici à souhaiter son abrogation.

S'agissant de l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels, vous connaissez la position du gouvernement. Il n'en est pas moins important que le débat aille à son terme au Parlement, où un texte peut toujours être enrichi.

Mme Corre m'interroge sur les moyens d'associer l'ensemble des territoires à notre programme d'actions. Aujourd'hui, d'un territoire à l'autre, selon le volontarisme des élus, les individus n'ont pas accès aux mêmes droits, aux mêmes protections et aux mêmes services. Notre rôle est de généraliser les bonnes pratiques de certaines collectivités – je pense par exemple à celles de l'agglomération de Montpellier – afin d'éviter les ruptures d'égalité. Je me suis engagée à associer étroitement l'Association des maires de France, l'Association des départements de France et l'Association des régions de France à la mise en oeuvre de notre plan. Les collectivités doivent être exemplaires, notamment en matière de ressources humaines. De même, les subventions qu'elles accordent aux associations devraient être conditionnées à l'engagement de lutter fermement contre l'homophobie.

Plusieurs d'entre vous souhaitent en savoir davantage sur la future campagne d'information. Elle débutera dans les établissements scolaires en janvier 2013 – nous y travaillons – puis elle sera, dans le courant de l'année, étendue au grand public, portant notamment sur les droits des victimes. L'homophobie demeure en effet un délit très difficile à dénoncer. Il faut que les victimes puissent mettre des mots sur ce qu'elles vivent.

Madame Martinel, oui, l'éducation à la sexualité, rendue obligatoire par la loi de 2001, devrait sortir des cours de SVT, car il s'agit d'abord de l'apprentissage de certaines valeurs de respect et d'égalité. Je le dis pour couper court à tous les fantasmes, il ne s'agit pas de traiter des pratiques sexuelles mais d'apprendre par exemple aux jeunes garçons que quand une fille dit « non », c'est « non », et aux jeunes filles que leur corps leur appartient et qu'elles ne sont pas obligées de dire « oui ». S'agissant d'homosexualité, il s'agit d'apprendre à toutes et tous qu'il existe différentes orientations sexuelles sans hiérarchie de valeur.

Les enseignants devront bénéficier d'une formation pour parler de ces sujets délicats. Des modules spécifiques seront prévus dans les futures écoles du professorat. Il faut aussi que les établissements scolaires ouvrent davantage leurs portes aux associations qui sont les mieux placées pour traiter de ces sujets. Quand c'est une ancienne victime de violences sexuelles ou d'homophobie qui parle aux jeunes, son discours a un impact beaucoup plus fort.

J'ai entendu la suggestion de Michel Pouzol de créer un observatoire durant le débat sur le mariage pour tous afin d'éviter les dérapages. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de mettre en place une structure particulière. Notre vigilance est déjà absolue. Tous les ministères et administrations sont mobilisés. Le travail préparatoire à l'élaboration de ce programme d'actions a été l'occasion de faire prendre conscience de certaines réalités dramatiques, comme le taux de suicide chez les jeunes homosexuels.

Dans ce débat, dont le gouvernement et le Président de la République font tout pour restaurer la sérénité, ne nous laissons pas entraîner sur le terrain des dérapages. Ne répondons pas à la violence verbale par la violence verbale. Gardons toujours présent à l'esprit que nous parlons de personnes et de familles et que les mots qui blessent ne s'oublient jamais.

Il appartient aussi aux médias de prendre leurs responsabilités. Bien que nous prenions le soin de parler de « mariage pour tous », on entend encore souvent parler de « mariage homosexuel » comme si nous créions un droit spécifique, communautariste, pour quelques-uns, alors qu'il s'agit seulement d'ouvrir des droits existants à certaines personnes qui en étaient exclues, sans aucunement porter préjudice à ceux qui y avaient accès.

Pour conclure, j'indique que nous nous tenons à la disposition de ceux d'entre vous qui le souhaitent pour venir dans vos circonscriptions présenter ce plan d'actions. C'est par une incessante pédagogie que nous dissiperons certains fantasmes comme il s'en est exprimé ici encore. (Applaudissements)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion