COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION
Mercredi 28 novembre 2012
La séance est ouverte à seize heures trente.
(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la Commission)
La Commission des affaires culturelles et de l'éducation procède à l'audition, ouverte à la presse, de Mme Najat Vallaut-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement, sur le programme d'actions du gouvernement contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre.
Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes. Nous avons souhaité, madame la ministre, vous entendre sur le programme d'actions gouvernemental contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, que vous avez élaboré à la demande du Premier ministre.
Ce programme d'actions, largement transversal, intéresse au plus haut point notre Commission. En effet, la jeunesse, dont le Président de la République a fait l'une des priorités de son quinquennat, est au coeur des compétences de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation. En premier lieu, c'est souvent à l'école que se forment des stéréotypes qui auront la vie dure et que les discriminations à raison de l'orientation sexuelle entraînent des violences psychologiques ou physiques. En deuxième lieu, les médias, qui relèvent également de notre champ de compétences, ont eux aussi un rôle essentiel à jouer. Le service public de l'audiovisuel doit informer et divertir, mais aussi éduquer. Même à l'heure d'internet, la télévision demeure un outil puissant pour sensibiliser à la nécessité de respecter l'Autre et promouvoir un vivre-ensemble sans discrimination. Enfin, le sport fait également partie de nos compétences. Alors que ses valeurs devraient, par nature, aller à l'encontre de toute discrimination, on constate, hélas, à l'occasion de nombreuses manifestations sportives, des dérives et il n'est pas rare d'entendre des propos à caractère discriminatoire à raison de l'orientation sexuelle, d'une extrême violence.
C'est un plaisir pour moi que de venir présenter devant votre Commission les principaux axes de ce programme de lutte contre l'homophobie et la transphobie.
Pourquoi est-ce la ministre des droits de la femme qui a été chargée de ce sujet ? Si l'ensemble des ministères et des administrations doit se sentir impliqué sur un sujet comme celui-ci, il fallait un pilote. C'est pourquoi le Premier ministre m'a demandé de mener à bien cette mission. C'est aussi qu'il y a une proximité entre le combat contre toutes les violences faites aux femmes à raison de leur condition de femme, et ce combat contre toutes les discriminations dont peuvent être victimes des personnes à raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Dans les deux cas, ces violences trouvent leurs racines dans certaines représentations, certains stéréotypes qui, encore en 2012, enferment les sexes et les individus dans des rôles pré-établis. Il y a également une proximité historique entre le mouvement lesbien, gay, bisexuel et transsexuel (LGBT) et le mouvement pour les droits des femmes. De grandes conquêtes les relient. Enfin, la méthode de travail gouvernementale est la même, qu'il s'agisse de promouvoir les droits des femmes et l'égalité entre les sexes ou de lutter contre l'homophobie. Dans les deux cas, les maîtres mots sont transversalité et interministérialité.
Si en matière de droits des femmes je déplore souvent de devoir partir de pas grand-chose, compte tenu de l'absence pendant vingt-six ans d'un ministère de plein exercice, en matière de discriminations liées à l'orientation sexuelle ou à l'identité de genre, j'ai vraiment dû partir de rien. Jamais jusqu'à présent, ni les ministères ni les administrations n'avaient été incités à mener un travail aussi global que celui-ci. Le blocage sur le mariage entre personnes de même sexe et l'homoparentalité inhibait sans doute nos prédécesseurs sur le sujet. Je me suis aperçue en effet qu'il existait dans les administrations beaucoup de projets qui n'attendaient qu'une consigne politique pour être engagés. Il nous a suffi de lever le tabou pour que l'administration se mette en action dans la lutte contre l'homophobie.
Pourquoi ce programme d'actions maintenant ? Tout d'abord, nous savons bien que l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe ne réglera pas tout. L'égalité des droits, qui figurera dans la loi si le Parlement en décide ainsi, est bien entendu un préalable, mais il faut aussi agir plus en profondeur dans tous les domaines de la société pour faire reculer l'homophobie.
Ensuite, le débat sur le mariage et l'adoption pour tous a réveillé certains réflexes homophobes. Nous nous souvenons tous de la violence de certains propos lors du débat sur le PACS, y compris au Parlement. Nous ne voulons pas que cela se répète. Ce plan d'actions, concomitant au débat sur l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, a aussi pour vocation de dire que nous souhaitons un débat serein et respectueux, et que nous ferons preuve de tolérance zéro quant aux dérapages homophobes.
Pour faire évoluer les mentalités, nous entendons nous appuyer sur la jeunesse. Tout d'abord, parce que c'est dès le plus jeune âge que se forgent les représentations sexistes ou homophobes. Ensuite, parce que c'est, un peu plus tard, dans la jeunesse, à l'heure où l'on s'interroge sur sa sexualité, que les violences peuvent être les plus destructrices : on sait que la prévalence du suicide est beaucoup plus forte chez les jeunes homosexuels que chez les jeunes hétérosexuels. Enfin, parce que la jeunesse, ce sont les hommes et les femmes de demain. C'est dès maintenant que se prépare le projet d'une société plus juste, plus respectueuse de la promesse républicaine d'égalité.
Nous voulons agir sur les représentations. Il faut faire reculer les préjugés et les clichés dans les domaines de l'éducation, de la culture, de la recherche et du sport.
Nous avons tous en mémoire les grands combats pour l'égalité : dépénalisation de l'homosexualité en 1981, institution du PACS en 1999, combat dans lequel votre président, Patrick Bloche, a joué un rôle remarquable. Toutes ces luttes ont peu à peu changé notre société. Mais si nous avons modifié la loi, nous n'avons pas assez fait évoluer les mentalités. C'est pourquoi nous en faisons aujourd'hui une priorité.
Ce plan, le gouvernement ne l'a pas élaboré seul. Les administrations y ont été associées. Une centaine d'organisations – associations, partenaires sociaux … – ont également répondu à notre invitation pour participer à une large consultation, et nous avons reçu plus d'un millier de pages de contributions.
Quelles en sont les principales mesures ?
Pour lutter plus efficacement contre les violences commises à raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, il importe tout d'abord d'en avoir une meilleure connaissance. Il faut à la fois mieux les mesurer et les analyser. Le gouvernement publiera désormais chaque année les chiffres de l'homophobie – entendue au sens large. Cela sera possible grâce à la réforme engagée du système statistique des ministères de l'intérieur et de la justice. Nous commanderons également une enquête de victimation à l'Institut national d'études démographiques (INED) pour compléter les données sur le sujet, dans le cadre de l'enquête « Virage ».
L'accueil des victimes sera amélioré. Ainsi apporterons-nous un soutien à la ligne d'écoute SOS Homophobie qui a fait ses preuves mais n'a jusqu'à présent jamais été aidée par les pouvoirs publics. Dès l'an prochain, les professionnels au contact des victimes – policiers, gendarmes, magistrats, infirmiers… – seront mieux formés sur le sujet des violences faites aux femmes mais aussi des violences liées à l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Pour le détail de ces formations, je vous renvoie au plan d'actions qui vous a été remis. Afin de faciliter le recueil des plaintes, les policiers et les gendarmes auront à leur disposition des trames d'audition destinées à « guider » le témoignage des victimes.
Enfin, j'ai demandé à la Miviludes, mission de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, de surveiller ce qu'on appelle les « thérapies de conversion », organisées par des centres qui profitent de la vulnérabilité de ceux et celles qui vivent mal leur homosexualité en prétendant les en guérir. La Miviludes m'a assuré être particulièrement vigilante sur ces pratiques.
Tous ces efforts pour lutter contre les violences homophobes et transphobes n'auraient pas de sens si nous ne luttions pas en profondeur contre les stéréotypes.
De l'école primaire à l'université, des actions seront menées. Les enseignants seront mieux formés à l'éducation à la sexualité et à répondre aux questions des enfants sur l'orientation sexuelle. Les questions relatives à l'homosexualité ne seront pas éludées dans cette éducation à la sexualité. Le ministre de l'éducation nationale, Vincent Peillon, et moi-même veillerons à ce que la circulaire du 17 février 2003 soit enfin appliquée dans les établissements.
Enfin, les établissements scolaires doivent ouvrir davantage qu'aujourd'hui leurs portes aux associations, qui sont assurément les mieux placées pour prévenir les réflexes homophobes. Nous faciliterons aux associations l'obtention de leur agrément.
Nous voulons aussi mieux prévenir le suicide chez les jeunes, dont le risque est accru chez les jeunes homosexuels. Vincent Peillon a confié une mission sur le sujet à Michel Teychenné. Ce sera également l'une des priorités de Marisol Touraine, dans le cadre du plan « Santé mentale » en préparation.
Nous renforcerons la Charte de l'homophobie dans le domaine sportif. Ces questions seront également intégrées dans les programmes du BAFA – brevet d'aptitude à la fonction d'animateur. Valérie Fourneyron, ministre des sports, a formulé des propositions en ce sens.
Avec Aurélie Filipetti, ministre de la culture et de la communication, nous inviterons le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) à adresser une recommandation aux chaînes de radio et de télévision pour qu'elles participent davantage à la lutte contre les préjugés et l'homophobie.
L'histoire du mouvement LGBT sera valorisée davantage qu'elle ne l'a été jusqu'à présent, par des projets de documentaires et l'exploitation des archives, nombreuses, qui existent et doivent être sauvegardées.
Au-delà de ces impulsions pour faire évoluer les mentalités, nous engagerons une lutte déterminée contre les discriminations liées à l'orientation sexuelle, notamment dans l'emploi, public et privé, et l'accès aux soins. Avec Michel Sapin, ministre du travail, nous ferons entrer les questions LGBT dans les outils utilisés par les inspecteurs du travail. Les partenaires sociaux, que nous avons reçus pour préparer ce plan d'actions, ont reconnu que la lutte contre les discriminations homophobes dans le monde du travail n'avait pas été suffisante, reposant le plus souvent sur des associations internes aux entreprises, et qu'ils devaient eux-mêmes maintenant se saisir du sujet. Celui-ci sera désormais abordé dans le cadre de la nouvelle grande Conférence sociale annuelle.
Avec Marylise Lebranchu, ministre de la fonction publique, nous ferons entrer la lutte contre les discriminations homophobes dans la Charte de l'égalité dans la fonction publique.
Avec Dominique Bertinotti, ministre de la famille, nous veillerons à ce que l'État se mobilise pour toutes les familles. Les familles homoparentales seront désormais représentées dans les instances comme l'Union nationale des associations familiales (UNAF).
Les personnels de santé et des maisons de retraite seront formés à cette question. Un module sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre sera intégré à leur formation initiale. Une mission a été confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur le sujet spécifique des personnes âgées LGBT, que tout porte à croire encore plus exposées que les autres à l'isolement.
Pour éviter les ruptures dans le parcours des personnes transsexuelles, nous simplifierons ce parcours. On sait combien il est complexe aujourd'hui de changer d'état-civil et la somme de souffrances dont cela s'accompagne.
La notion d'identité de genre est encore mal comprise, comme l'ont montré les débats de l'été dernier lors de l'examen du projet de loi relatif au harcèlement sexuel. Pour intégrer l'identité de genre à notre droit, et notamment utiliser un vocabulaire parfaitement adéquat, nous avons saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), dont c'est le rôle que de qualifier les atteintes aux droits de l'homme. Nous avons cet été complété la composition de la CNCDH où sont désormais représentées des associations comme la Coordination française pour le lobby européen des femmes et l'Inter-LGBT.
La CNCDH sera également saisie pour avis du futur projet de loi réformant le changement d'état-civil. Les propositions des parlementaires sont nombreuses et riches sur le sujet. Un premier travail a été mené à partir d'une proposition de loi de votre ancienne collègue, Michèle Delaunay. Beaucoup d'associations de personnes transsexuelles plaident pour que l'on s'inspire de l'Argentine, où le changement d'état-civil a été rendu plus simple. C'est un sujet délicat où il faut avancer avec prudence, dans le seul souci d'assurer la meilleure protection possible des personnes concernées. Ce travail se poursuit au Sénat, sous la houlette des sénatrices Maryvonne Blondin et Michelle Meunier. Nous le soutenons. Si certaines et certains d'entre vous souhaitent s'y associer, ils seront les bienvenus.
Des consignes seront données immédiatement pour que les personnes transsexuelles puissent utiliser, de manière plus simple, un numéro de sécurité sociale transitoire, ce qui évitera toute rupture dans le bénéfice de leurs droits sociaux. Ce n'est qu'une question d'organisation de l'administration. Pourtant, cela n'avait pas été fait jusqu'à présent, plongeant beaucoup de ces personnes dans de graves difficultés sociales.
Avant notre arrivée aux affaires, un travail avait été engagé sur le parcours de soins des personnes transsexuelles. Interrompu, il va reprendre, animé par les équipes de Marisol Touraine, ministre de la santé. Il s'appuiera sur les propositions du rapport publié par l'IGAS en mai dernier. L'objectif est que ce parcours soit le plus simple et le mieux accompagné possible, avec un libre choix de leur médecin pour les personnes concernées lorsqu'il y a une volonté de passer par la médecine – ce qui n'est pas toujours le cas.
Je termine par le volet international. Il est important que la France porte haut et fort les valeurs et les combats auxquels elle croit. La France s'engagera, comme l'a déclaré le Président de la République à l'Assemblée générale des Nations unies en septembre dernier, dans le combat difficile pour la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet avec les équipes de Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, nos partenaires européens, certains pays du Sud et certaines ONG. Avec l'Afrique du Sud par exemple, c'est le bon moment pour faire accepter des avancées.
La France organisera une conférence européenne sur ce thème de la dépénalisation de l'homosexualité au premier semestre 2013. Même en Europe, il reste beaucoup à faire pour faire progresser les droits des personnes LGBT. Il faut mettre ce sujet à l'agenda de l'Union européenne, ainsi d'ailleurs que de l'Organisation internationale de la francophonie. Nous comptons sur chacun de ces leviers afin de rassembler autour de nous les pays les plus avancés pour progresser.
En écho à notre action internationale, nous améliorerons les conditions d'application du droit d'asile aux personnes LGBT victimes dans leurs pays d'origine de discriminations liées à leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. Une formation spécifique sera dispensée aux professionnels de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
En dépit de son ampleur, l'effort consenti ne constitue qu'un premier pas. Ce programme d'actions a le mérite d'être global. Tout néanmoins n'y figure pas. Nous avons jugé par exemple que la lutte contre la sérophobie, à laquelle nous nous attachons également, notamment avec l'association Aides, ne relevait pas uniquement de la lutte contre l'homophobie et qu'elle devait être traitée dans un cadre plus approprié.
Soyez assurés enfin que ce programme aura des suites. Sa mise en oeuvre sera régulièrement évaluée. Nous avons proposé à toutes les organisations consultées de faire partie du comité de suivi qui sera créé dans les prochaines semaines. Les associations, les partenaires sociaux, les ministères concernés, mais aussi les élus locaux, y seront représentés. Je serai heureuse de recueillir vos commentaires et suggestions sur le sujet.
Je vous remercie, madame la ministre, de cet exposé clair et complet. Ce plan d'actions traduit une volonté politique sans ambiguïté, dont nous sommes heureux, et son caractère interministériel est le gage de sa réussite. Comme vous l'avez dit, il est nécessaire, mais pas suffisant, de voter des lois. Nous allons prochainement en voter une qui fera franchir à la France une nouvelle étape sur le long chemin de l'égalité des droits. Mais cela ne suffira pas et il faut en effet faire évoluer les mentalités.
Je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour ce programme d'actions riche et ambitieux, qui répond à de fortes attentes. Il était important de prendre des mesures. Restera à veiller qu'elles soient appliquées.
Au conseil général de l'Essonne, où nous sommes très engagés dans la lutte contre les discriminations et où nous nous sommes d'ailleurs distingués en accordant à une personne qui s'était ouvertement déclarée homosexuelle son agrément pour adopter un enfant, nous avions rédigé un flyer sur les discriminations dans lequel était abordé le sujet de l'homoparentalité. L'Éducation nationale a refusé que ce flyer soit distribué dans les collèges au motif que l'homoparentalité n'était pas reconnue par la loi. Ne faudrait-il donc rien dire à nos jeunes de cette problématique ? Est-ce par le silence que nous ouvrirons les esprits ?
En association avec l'ensemble des associations LGBT, nous avons également dans l'Essonne mis en place un observatoire des discriminations, lequel, soit dit au passage, travaille aussi sur l'égalité femmes-hommes. Il est important en effet de pouvoir se fonder sur des données précises, quantitatives et qualitatives. Nous compléterons notre plan de lutte contre les discriminations sur la base des relevés de cet observatoire. Nous faisons aussi du « testing », pour l'accès au logement par exemple. Nous sommes heureux de savoir qu'une action analogue à celle que nous menions depuis longtemps sur le plan local sera maintenant déployée au niveau national.
Il faut encourager les études sur le genre. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche incite les universités à mettre au point des licences comportant au moins deux modules obligatoires sur le genre. Et dès 2013, l'approche de genre sera explicitement intégrée dans les appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche. Les enseignants, de la maternelle à l'université, devront être mieux formés au genre. En effet, le genre n'est pas une notion toujours bien comprise, comme on a pu le constater dans certains débats ici même. Un effort de pédagogie est donc nécessaire.
J'aborderai enfin un sujet qui n'est pas directement lié au présent programme d'actions. Il serait urgent d'instaurer la parité dans les instances de décision du sport. Il y a très peu de femmes aux niveaux supérieurs d'encadrement et de responsabilité dans le domaine sportif. Sur 111 fédérations sportives, seules 11 ont une femme à leur tête et aucune femme ne dirige l'une des 31 fédérations du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Celui-ci avait pourtant adopté il y a quelques années, une charte sur la lutte contre les discriminations, visiblement restée au stade de voeu pieux. Les inégalités sociales pèsent lourdement dans l'accès des filles au sport : seules 32 % des filles originaires d'une zone d'éducation prioritaire (ZEP) pratiquent un sport en club contre 80 % dans les classes moyennes et supérieures. Puisque l'égalité ne progresse jamais d'elle-même, pour remédier à cette situation, il convient de donner toute leur place aux femmes dans l'encadrement sportif, aux postes administratifs et techniques, mais aussi pour évaluer les besoins et les attentes des femmes qui doivent être pris en compte dans la définition des politiques sportives. Pourrez-vous insister auprès de votre collègue ministre des sports, si jamais celle-ci n'en était pas déjà convaincue, ce que je ne crois pas, sur la nécessité de parvenir à la parité dans les instances dirigeantes sportives ?
La lutte contre l'homophobie est une cause juste qui doit transcender les clivages politiques. Il est inacceptable que quiconque puisse être victime de discriminations en raison de son orientation sexuelle. C'est encore plus vrai pour les adolescents qui, en train de construire leur identité, sont plus vulnérables que les adultes. C'est dans cet esprit que sous les quinquennats précédents avaient été créés en 2004 la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), puis en 2011 le Défenseur des droits, afin de lutter contre toutes les discriminations sexistes, racistes et homophobes, prohibées par la loi ou les conventions internationales.
Sur le plan international, nous ne pouvons qu'encourager l'action du gouvernement en faveur de la dépénalisation universelle de l'homosexualité et de la reconnaissance des libertés fondamentales dans le monde.
Sur le plan national, la lutte contre les violences homophobes, la sensibilisation de tous les acteurs dans les administrations, le milieu scolaire, le monde du travail, le milieu sportif – où sera renforcée la Charte contre l'homophobie qu'avait fait adopter la précédente majorité –, la prévention du suicide, l'accompagnement des jeunes et des personnes âgées, sont autant de mesures qui vont dans le bon sens.
Nous nous contenterons de deux remarques. La première concerne les programmes scolaires. La volonté de la ministre de présenter dans les manuels l'orientation sexuelle de certains écrivains et philosophes comme un élément déterminant de leur oeuvre nous paraît un contresens. Notre rôle est d'assurer le respect de chacun, pas d'instaurer une hiérarchie de valeur entre homosexualité et hétérosexualité. Proust, Gide ou Verlaine auraient-ils souhaité que leur homosexualité soit tenue pour la clé principale de leur oeuvre ?
Ma seconde remarque concerne le projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples de même sexe. Dans le débat citoyen que nous demandons à la majorité depuis plusieurs semaines, il ne s'agirait pas de se prononcer pour ou contre la constitution de couples d'hommes ou de femmes mais de faire apparaître tous les enjeux du projet, en matière notamment de filiation et d'intérêt supérieur de l'enfant.
Madame la ministre, le groupe Écologiste tient à vous dire sa grande satisfaction et salue le travail que vous menez en faveur de l'égalité. Les violences et les discriminations liées à l'orientation sexuelle ou l'identité de genre doivent être fermement condamnées et combattues. Les données chiffrées qui figurent dans le plan d'actions témoignent de l'urgence qu'il y a à lutter contre l'homophobie, la lesbophobie et la transphobie. Il faut faire évoluer les mentalités pour s'attaquer aux racines des discriminations qui transforment la vie de celles et ceux qui en sont victimes en cauchemar – harcèlement pouvant conduire jusqu'au suicide, agressions verbales, et même parfois physiques, discriminations à l'embauche et dans l'accès aux responsabilités, inégalités salariales… Pour combattre ces discriminations, il faut des mesures fortes et concrètes comme en comporte votre programme d'actions.
Celui-ci répond aux priorités identifiées par les écologistes, nous nous en félicitons. Je n'insisterai que sur quelques points qui nous paraissent essentiels : dimension transversale de l'action, souci d'étayer les enquêtes – c'est en prenant en compte l'ampleur et la complexité du phénomène qu'on pourra mieux le combattre –, sensibilisation et formation des personnels d'enseignement, de sécurité, du secteur sanitaire et social, des milieux professionnels, des mouvements d'éducation populaire aux discriminations liées à l'orientation sexuelle et l'identité de genre – c'est un grand pas que nous demandions depuis longtemps. Nous saluons de même la volonté de mieux accompagner les victimes, ainsi que la reconnaissance de la problématique particulière des personnes transsexuelles.
Sur le plan international, n'oublions pas que les relations entre personnes de même sexe demeurent interdites dans plus de 70 pays et que les peines encourues vont de la prison à la peine de mort. C'est pourquoi nous soutenons le projet de résolution des Nations unies appelant à la dépénalisation universelle de l'homosexualité. Nous militons de même pour que le transsexualisme soit retiré de la liste des maladies mentales établie par l'OMS. Nous apprécions le travail accompli sur le droit d'asile pour les personnes persécutées dans leur pays d'origine en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre.
Certains points devraient faire l'objet d'une attention renforcée. J'espère que nos échanges permettront de préciser les positions du Gouvernement. Nous pensons que l'OFPRA devrait être de nouveau rattaché au ministère des affaires étrangères, et non plus au ministère de l'intérieur. Les questions relatives au droit d'asile relèvent en effet du respect des droits humains et non de la sécurité intérieure.
Pour nous, l'histoire du mouvement LGBT devrait figurer dans les programmes d'histoire et d'éducation civique. Il ne nous parait pas suffisant de mobiliser le CSA ni de valoriser les archives par le biais du ministère de la culture.
Pour prévenir le suicide des jeunes victimes d'homophobie, il nous semblerait judicieux d'organiser des campagnes nationales de prévention à destination du grand public et d'améliorer l'accompagnement de ces jeunes, mais aussi des familles, car il en est qui peuvent être « LGBT-phobes ». Il faudrait aussi augmenter le nombre de places d'accueil pour les jeunes LGBT, majeurs ou mineurs, en rupture avec leur famille.
Nous souhaiterions également qu'une réflexion soit lancée sur la création d'une autorité administrative indépendante sur le modèle de la HALDE, dotée de réels moyens d'investigation et de sanction. Cette autorité pourrait procéder à une compilation et une analyse des données statistiques, en lien avec l'INSEE.
De même, l'attribution des subventions publiques aux entreprises et associations, ainsi que des marchés publics, devrait intégrer une « civi-conditionnalité » de prévention des violences et des discriminations à l'encontre des personnes LGBT.
Nous demandons aussi que soient d'urgence revues les dispositions sanctionnant le racolage passif. La situation actuelle met en effet en danger les personnes se prostituant, notamment les personnes LGBT, et pose de graves problèmes sanitaires.
Je souhaite enfin parler du mariage pour tous. Ce projet est très attendu pour faire progresser l'égalité. Si ce programme d'actions ainsi que le projet de loi relatif au mariage pour tous constituent une avancée pour les familles homoparentales, nous souhaitons que la procréation médicalement assistée (PMA) soit ouverte aux couples homosexuels. Les enfants des familles LGBT doivent disposer des mêmes droits et protections que les autres, et les enfants nés à l'étranger de gestation pour autrui être reconnus grâce à une procédure simplifiée de transcription de leur état-civil.
En conclusion, je vous félicite, madame la ministre, pour votre méthode de travail, fondée sur une large discussion avec les associations et l'ensemble des partenaires.
Je m'associe aux félicitations qui vous ont déjà été adressées, madame la ministre. Ce programme d'actions témoigne d'un élan nouveau et d'une volonté politique sans précédent chez un gouvernement français dans la lutte contre l'homophobie. Il était temps !
Il est le fruit d'une large consultation avec les associations, les partenaires sociaux et les élus dans un cadre interministériel. Plus d'une centaine d'organisations ont été consultées. Cette association de toute la société civile en fait l'originalité. Ce mouvement ne doit pas s'arrêter une fois les grands axes définis. Comment pensez-vous associer l'ensemble du territoire de la République à la dynamique que vous souhaitez enclencher ? Comment entendez-vous relever le défi de faire bouger l'ensemble de la société française, la France des villes et des banlieues, mais aussi la France rurale, trop souvent le parent pauvre des politiques de lutte contre les discriminations ?
Je serai prudent dans ce que je vais dire. En effet, le « flicage » de la pensée et des propos sur ces sujets incite à la prudence.
Dans son esprit et sa philosophie, ce programme d'actions propose rien moins que d'introduire définitivement dans notre société la théorie du genre. Or, cela mériterait un débat. Cette idéologie, fondée sur le déni de l'altérité sexuelle pour construire un individu nouveau, déconnecté de toute appartenance à un sexe, se propage depuis quelques années dans notre pays. Enseignée d'abord à Sciences Po, cette théorie s'est ensuite diffusée dans les manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) des classes de première – nous avions eu l'occasion d'aborder ce sujet lors de la précédente législature – et infuse désormais toute notre société. J'en veux pour preuve une exposition qui va débuter prochainement au Forum départemental des sciences de Villeneuve d'Ascq où des filles et garçons de trois à six ans seront invités à « faire des choix selon leurs envies et leur potentialités sans se sentir déterminés par leur sexe », ou bien encore l'intitulé d'un programme de formation à l'intention de professionnels de la petite enfance : « Éduquer sans les lunettes du genre : un défi à relever pour les milieux de la petite enfance ». Le projet de loi relatif au mariage pour tous y fait écho également puisqu'on y revendique le caractère prétendument interchangeable de l'homme et de la femme.
Si toute lutte contre les discriminations fait a priori l'unanimité, ce ne doit pas être un prétexte pour généraliser cette théorie du genre. Celle-ci ne présente aucun caractère scientifique. C'est une construction intellectuelle idéologique. On ne saurait bouleverser ainsi notre société en agissant en catimini ou en passant en force. Nos concitoyens doivent savoir ce que contient cette idéologie et à quoi elle conduirait. Afin que toute la lumière soit faite, nous allons proposer la création d'une commission d'enquête sur le développement de la théorie du genre en France. La pédagogie sur ces questions ne peut être à sens unique : nous demandons un véritable débat. Êtes-vous disposée, madame la ministre, à travailler avec la représentation nationale ? Soutiendrez-vous notre demande d'une commission d'enquête ou, comme sur le mariage homosexuel, passerez-vous en force ?
J'adresse à mon tour mes félicitations à Mme la ministre. À notre collègue Xavier Breton, dont j'apprécie par ailleurs la franchise et l'honnêteté intellectuelle, je conseille d'aller visiter l'exposition « Bêtes de sexe » qui se tient actuellement au Palais de la découverte, consacrée à la sexualité des animaux et qui montre comment la sexualité se construit.
Qui est scientifique et non idéologique !
J'en viens à mon propos. Comme l'a excellemment dit notre président, en ces domaines, même si les principes qu'elle pose sont essentiels, la loi ne suffit pas. Un travail considérable restera à faire pour faire changer les attitudes et lutter contre les stéréotypes. Une fois la loi votée, une réflexion sur les savoirs devra être engagée, en lien avec le ministère de l'éducation nationale. Comment organiserez-vous le suivi de l'application de la future loi en milieu scolaire ?
Je salue ce plan d'actions contre toutes les formes d'homophobie. La tâche de bâtir la société de tolérance que nous appelons, je l'espère, tous de nos voeux, ne pouvait être laissée aux seules associations. Ce plan vient à point nommé alors que va prochainement s'ouvrir au Parlement le débat sur le mariage pour tous. Sur le sujet, bien des propos entendus, y compris dans des enceintes républicaines, ont d'ores et déjà outrepassé la limite. Et je crains que lors du débat dans l'hémicycle, trop d'amalgames blessants ne soient encore faits. Nous partons de très loin quand, comme on l'a entendu lors de récentes manifestations, certains prétendent par exemple qu'il n'y aurait qu'un pas de l'homoparentalité à l'inceste ! Ce programme d'actions n'a jamais été aussi nécessaire et tous les parlementaires devraient commencer par s'en appliquer les principes. Je me féliciterais si une cellule de veille pouvait être mise en place ici.
Beaucoup reste à faire dans le domaine du sport, où les propos sexistes demeurent trop fréquents et où la performance est encore souvent associée à la virilité. Comme cela a été fait pour lutter contre le racisme, une action devra être menée dans les centres de formation mais aussi les clubs de supporters pour lutter contre l'homophobie.
Vous pouvez compter sur nous, madame la ministre, pour relayer ce plan d'actions dans nos circonscriptions.
Tout en partant de rien, comme vous l'avez dit, madame la ministre, vous avez réussi à mener à bien la mission interministérielle qui vous a été confiée et à élaborer un programme d'actions clair, réfléchi et partagé, qui non seulement s'attache à des actions immédiates mais vise aussi à lutter en profondeur contre les idées toutes faites. Sachant que pour mettre à bas certains préjugés, il n'est d'autre moyen que d'informer, encore informer et toujours informer, quels outils d'information est-il prévu d'utiliser et dans quels délais seront-ils mis en oeuvre ?
Notre société avait un cruel besoin de ce programme d'actions. La difficulté est qu'il touche avec la sexualité, au plus intime des individus, à des tabous. Il nous faudra du courage à tous, et nous l'aurons, comme d'autres en ont eu avant nous sur des sujets semblables. Je pense ainsi aux combats courageux qu'a menés cette grande figure de notre histoire qu'est Simone Veil pour des causes considérées aujourd'hui comme allant de soi. Tous les jours, au travail, dans la rue, sur un champ de foire ou un terrain de sport, on peut constater qu'il suffit de prononcer le mot « homosexuel » pour que cela provoque sourires en coin, regards entendus ou propos graveleux. Un travail de fond est nécessaire et c'est quotidiennement qu'il faut faire oeuvre de pédagogie.
Alors que nous avons besoin de moyens sur le terrain, ceux-ci sont pour l'heure très limités. Il faudrait mener, en lien avec le ministère de la culture, tout un travail sur la littérature, le théâtre, la danse, le cinéma… et traiter différemment de l'homosexualité dans les écoles, les collèges, les lycées et auprès du grand public, de façon que ce sujet devienne familier, naturel. Dès qu'on n'aura plus honte de parler de l'homosexualité et que cela ne fera plus ricaner, la partie sera gagnée. Pour ce faire, nous avons besoin, madame la ministre, que vous nous accompagniez.
Je vous félicite, madame la ministre, d'avoir élaboré aussi vite ce programme d'actions. La notion d'identité de genre n'est pas nouvelle, et il serait dépassé de rouvrir un débat sur le sujet, monsieur Breton.
Comment faire pour que ce ne soit pas les professeurs de sciences de la vie et de la terre (SVT) ou les médecins et infirmiers scolaires qui traitent de l'homosexualité, de façon médicale, comme si une orientation sexuelle différente de la « norme » était une maladie ? Au-delà de la lutte contre les discriminations, il faut réclamer pour tous le droit à l'indifférence.
Je me joins aux félicitations adressées à Mme la ministre. Merci, madame, d'avoir lancé ce grand chantier. L'ouverture du mariage à tous les couples fera progresser l'égalité et la justice dans notre pays qui, je l'espère, sera suivi par d'autres. Je voudrais profiter de ce moment historique pour dénoncer que la ligne rouge ait, hélas, été déjà souvent franchie. Nous sommes submergés de courriers et courriels au contenu obscurantiste, pour ne pas dire davantage, qui devraient faire honte à leurs auteurs. Je crains que ces dérives, qui ne sont certes pas majoritaires, ne s'accentuent dans les semaines à venir. Est-il prévu un observatoire du débat qui va s'ouvrir, afin de prévenir les dérapages ? Il faudrait réaffirmer que certains propos ne sont tout simplement pas acceptables et ne devraient pas être relayés.
Enfin, puis-je me permettre de rappeler à notre collègue Xavier Breton qui prétend que la théorie du genre n'est pas « scientifique » que, devant ses juges, Galilée ne put s'empêcher de dire « Et pourtant elle tourne ! » ?
J'adresse moi aussi mes félicitations à la ministre. On se souvient de la polémique déclenchée en 2010 par le film pédagogique Le Baiser de la lune destiné aux élèves de CM1-CM2 pour introduire à la question de l'homosexualité. Le ministre de l'éducation de l'époque, Luc Chatel, tout en se disant favorable à la lutte contre l'homophobie ainsi qu'à la sensibilisation des collégiens et des lycéens à cette question, jugeait prématuré d'en traiter dès le primaire. Les écoliers d'aujourd'hui sont pourtant les collégiens et les lycéens de demain. Et l'homophobie est la première cause de suicide chez les jeunes. Au moment où s'engage le débat sur le mariage pour tous, il est indispensable de lutter dès l'école primaire contre les préjugés homophobes ou liés à l'identité de genre. Quelles actions spécifiques sont prévues dans ce cadre ?
Le programme d'actions gouvernemental prévoit des modules de formation à ces questions dans la formation initiale des personnels d'enseignement et d'éducation. Qu'en est-il de la formation continue ?
Merci, madame la ministre, de votre travail sur lequel les citoyens, les responsables associatifs et les élus pourront s'appuyer pour donner tout son sens au principe d'égalité républicaine.
L'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples de même sexe constituera, comme le PACS, une avancée sociétale majeure. Nous avons l'opportunité de changer l'image sociale du mariage civil qui sera la reconnaissance devant tous du désir de deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, de partager durablement un projet de vie. Ces cérémonies, ces sorties de mairie, feront progresser la lutte contre l'homophobie et rappelleront à chacun la valeur universelle de la loi.
Au-delà des campagnes de lutte contre les discriminations, expliquera-t-on par des campagnes grand public que l'homosexualité n'est ni une maladie ni un handicap, ni une anomalie ni une exception ? Quand la présentera-t-on sous un jour banal, de façon que tous aient droit, comme le disait Martine Martinel, à l'indifférence ?
Je commencerai par répondre aux questions qui m'ont été posées à droite car elles illustrent assez bien l'état du débat. Il se trouve qu'en septembre dernier, j'ai eu à répondre ici à une question au gouvernement le jour même où était célébré le dixième anniversaire de la mort de François Chenut, ce jeune homme sauvagement assassiné en 2002 à Reims parce qu'il était homosexuel. Sur tous les bancs, les visages étaient graves et sincèrement attristés, chacun déplorant que des actes aussi barbares puissent encore se produire dans notre pays. Mais on ne peut déplorer les violences et les discriminations homophobes sans se demander d'où naît l'homophobie. C'est dès le plus jeune âge bien souvent que celle-ci prend racine. Présenter certaines orientations sexuelles comme anormales, en faire des tabous ou, pis encore, les rejeter, c'est laisser s'exprimer une violence à l'égard des homosexuels et risquer que des jeunes soient conduits au suicide parce qu'ils ne se trouvent aucune place dans leur famille, leur entourage, les médias, et d'une manière générale notre société, du fait de leur sexualité.
Notre programme d'actions vise à contrecarrer dès l'école certains réflexes encore trop présents dans notre société. L'école doit porter nos valeurs républicaines de liberté, égalité, fraternité et présenter le monde tel qu'il est, en permettant à chaque enfant de trouver sa place. Les manuels et les programmes scolaires s'autocensurent sur les questions d'orientation sexuelle et d'homosexualité. Madame Duby-Muller, il ne s'agit pas pour le gouvernement de revoir ces manuels – ce n'est pas de notre responsabilité, mais de celle des éditeurs – ni ces programmes, mais d'adresser un message fort à ceux qui sont chargés de les mettre au point sur la nécessité que chaque jeune, quelle que soit son orientation sexuelle, puisse se retrouver dans la société qu'on lui présente au travers des cours qu'on lui donne, des livres qu'on lui lit, des histoires qu'on lui raconte… On en est loin aujourd'hui ! Un enfant qui vit dans une famille homoparentale n'entend jamais parler de cette structure familiale à l'école. Or, plusieurs dizaines, voire centaines, de milliers d'enfants vivent cette réalité-là. Pourquoi faudrait-il, comme le gouvernement précédent qui a empêché la diffusion du film Le baiser de la lune, s'interdire d'en parler ? Ce temps-là a vécu. Avec un propos bien sûr adapté à chaque âge, il faut parler aux enfants, qui sont des adultes en devenir, du respect entre les sexes, de l'égale dignité des individus quelle que soit leur orientation sexuelle et de l'égale dignité des familles, quelle que soit leur structure.
Monsieur Breton, je ne connais pas la « théorie du genre ». Je connais seulement des recherches sur le genre conduites en sociologie, en histoire, en science politique, en biologie… qui sont tout à fait intéressantes et que nous devons développer pour nous éclairer. En effet, certains problèmes ont une incidence plus grande pour les femmes que les hommes et les politiques publiques auraient intérêt à tenir compte de cet impact différent. Nous avons sollicité la CNCDH pour qu'elle donne une définition précise de l'identité de genre. Pour moi, c'est la dimension sociale de l'identité sexuelle. Il ne s'agit pas de nier la différence entre les sexes mais de reconnaître qu'en fonction de notre sexe, nous sommes conduits à nous inscrire dans des représentations sociales qui trop souvent enferment dans des rôles prédéterminés, inégalitaires au détriment des femmes. Le même phénomène se retrouve s'agissant d'orientation sexuelle.
Madame Olivier, nous développerons les enseignements sur l'égalité et le genre. Nous nous appuierons sur les bonnes pratiques de certaines universités comme Paris-Diderot ou l'Institut d'études politiques de Paris. Nous soutiendrons la production de savoirs scientifiques sur le genre. L'Agence nationale de la recherche notamment lancera des appels à projets sur le sujet.
Plusieurs d'entre vous ont évoqué le domaine du sport. Le précédent gouvernement avait fait adopter une Charte contre l'homophobie qui, hélas, n'a pas été suivie d'effets. Il ne suffit pas de lancer de telles initiatives, il faut les évaluer. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai prévu un comité de suivi de notre programme d'actions. Cette Charte sera renforcée et un dispositif de suivi régulier mis en place en liaison avec Laura Flessel, à qui a été confiée une mission de lutte contre toutes les formes de discrimination dans le sport.
S'agissant de la parité dans les fédérations et les instances dirigeantes sportives, je n'en dirai pas davantage aujourd'hui. Un comité interministériel aux droits des femmes se tient en effet vendredi. Vous serez surpris de la fermeté des mesures que nous prendrons.
Mme Pompili demande que soient créées des places d'accueil pour les jeunes homosexuels en rupture avec leur famille. Le Président de la République a réaffirmé son objectif de 5 000 places d'hébergement d'urgence sur le quinquennat. Les situations douloureuses que peuvent vivre les jeunes homosexuels seront bien entendu regardées avec une particulière attention dans ce cadre.
Je ne m'étendrai pas sur le délit de racolage passif, me contentant de dire que nous sommes nombreux ici à souhaiter son abrogation.
S'agissant de l'ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples homosexuels, vous connaissez la position du gouvernement. Il n'en est pas moins important que le débat aille à son terme au Parlement, où un texte peut toujours être enrichi.
Mme Corre m'interroge sur les moyens d'associer l'ensemble des territoires à notre programme d'actions. Aujourd'hui, d'un territoire à l'autre, selon le volontarisme des élus, les individus n'ont pas accès aux mêmes droits, aux mêmes protections et aux mêmes services. Notre rôle est de généraliser les bonnes pratiques de certaines collectivités – je pense par exemple à celles de l'agglomération de Montpellier – afin d'éviter les ruptures d'égalité. Je me suis engagée à associer étroitement l'Association des maires de France, l'Association des départements de France et l'Association des régions de France à la mise en oeuvre de notre plan. Les collectivités doivent être exemplaires, notamment en matière de ressources humaines. De même, les subventions qu'elles accordent aux associations devraient être conditionnées à l'engagement de lutter fermement contre l'homophobie.
Plusieurs d'entre vous souhaitent en savoir davantage sur la future campagne d'information. Elle débutera dans les établissements scolaires en janvier 2013 – nous y travaillons – puis elle sera, dans le courant de l'année, étendue au grand public, portant notamment sur les droits des victimes. L'homophobie demeure en effet un délit très difficile à dénoncer. Il faut que les victimes puissent mettre des mots sur ce qu'elles vivent.
Madame Martinel, oui, l'éducation à la sexualité, rendue obligatoire par la loi de 2001, devrait sortir des cours de SVT, car il s'agit d'abord de l'apprentissage de certaines valeurs de respect et d'égalité. Je le dis pour couper court à tous les fantasmes, il ne s'agit pas de traiter des pratiques sexuelles mais d'apprendre par exemple aux jeunes garçons que quand une fille dit « non », c'est « non », et aux jeunes filles que leur corps leur appartient et qu'elles ne sont pas obligées de dire « oui ». S'agissant d'homosexualité, il s'agit d'apprendre à toutes et tous qu'il existe différentes orientations sexuelles sans hiérarchie de valeur.
Les enseignants devront bénéficier d'une formation pour parler de ces sujets délicats. Des modules spécifiques seront prévus dans les futures écoles du professorat. Il faut aussi que les établissements scolaires ouvrent davantage leurs portes aux associations qui sont les mieux placées pour traiter de ces sujets. Quand c'est une ancienne victime de violences sexuelles ou d'homophobie qui parle aux jeunes, son discours a un impact beaucoup plus fort.
J'ai entendu la suggestion de Michel Pouzol de créer un observatoire durant le débat sur le mariage pour tous afin d'éviter les dérapages. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de mettre en place une structure particulière. Notre vigilance est déjà absolue. Tous les ministères et administrations sont mobilisés. Le travail préparatoire à l'élaboration de ce programme d'actions a été l'occasion de faire prendre conscience de certaines réalités dramatiques, comme le taux de suicide chez les jeunes homosexuels.
Dans ce débat, dont le gouvernement et le Président de la République font tout pour restaurer la sérénité, ne nous laissons pas entraîner sur le terrain des dérapages. Ne répondons pas à la violence verbale par la violence verbale. Gardons toujours présent à l'esprit que nous parlons de personnes et de familles et que les mots qui blessent ne s'oublient jamais.
Il appartient aussi aux médias de prendre leurs responsabilités. Bien que nous prenions le soin de parler de « mariage pour tous », on entend encore souvent parler de « mariage homosexuel » comme si nous créions un droit spécifique, communautariste, pour quelques-uns, alors qu'il s'agit seulement d'ouvrir des droits existants à certaines personnes qui en étaient exclues, sans aucunement porter préjudice à ceux qui y avaient accès.
Pour conclure, j'indique que nous nous tenons à la disposition de ceux d'entre vous qui le souhaitent pour venir dans vos circonscriptions présenter ce plan d'actions. C'est par une incessante pédagogie que nous dissiperons certains fantasmes comme il s'en est exprimé ici encore. (Applaudissements)
Madame la ministre, nous vous remercions pour votre présentation et vos réponses. Il n'est pas si fréquent qu'une ou un ministre soit applaudi à la fin d'une audition.
La séance est levée à dix-huit heures.