Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 4 mars 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

Merci Madame la Présidente. Je vais être très rapide car je pense que beaucoup d'entre vous ont suivi le processus qui a amené la Commission européenne à présenter le 27 février 2015 sa recommandation relative à la procédure de déficit excessif relative à la France, et qui sera soumise, pour adoption définitive, au Conseil Ecofin le 10 mars prochain. Il nous a semblé intéressant de faire un point d'étape à ce stade car ce dossier est évolutif. Vous vous souvenez sans doute que, lors de la présentation, le 28 novembre dernier, de son avis sur les projets de budget pour 2015 des États membres de la zone euro, la Commission européenne avait souligné le risque de non-conformité au pacte de stabilité et de croissance du projet de la France pour 2015 ainsi que le caractère limité des progrès réalisés en matière de réformes structurelles. Surtout, elle avait considéré qu'à la date de son examen la France n'avait pas pris de mesures suivies d'effets pour corriger son déficit public excessif en 2014.

Sur ce dernier point, la Commission européenne avait toutefois indiqué son intention de réexaminer, au printemps 2015, sa position à la lumière de la loi de finances pour 2015 et des réformes structurelles engagées par le Gouvernement français. Le Gouvernement français avait effectivement fait un choix assumé jusqu'au projet de loi de finances pour 2015, de dire que compte tenu de la situation économique, il décidait de ne pas procéder au-delà d'un certain montant, aux ajustements budgétaires prévus. Le Gouvernement a assumé ce choix devant la Commission, et devant les Français. Suite à un échange de courrier, il y a eu un ajustement réalisé dans le cadre du projet de loi de finances, et dans ce cadre, la Commission a différé son avis définitif sur la situation des finances publiques de la France.

En conséquence, la Commission européenne a présenté, le 27 février 2015, sa recommandation relative à la procédure pour déficit excessif relative à la France. L'élément à souligner dans la recommandation de la Commission est le délai supplémentaire de deux ans proposé, afin que la France revienne à un déficit inférieur à 3 %. C'est un succès pour la France, que certains voulaient sanctionner. La Commission a pris en compte les efforts menés par la France, et le fait que la France a réalisé un certain nombre de réformes structurelles, ainsi que la conjoncture économique européenne marquée par une faible croissance et une faible inflation. C'est une décision qui permet de poursuivre l'ajustement budgétaire à un rythme de croissance atone.

Soulignant que le déficit public de la France pour 2015 devrait s'établir à 4,1 % du PIB selon ses prévisions d'hiver, soit au-delà de l'objectif de 2,8 % du PIB fixé par le Conseil dans sa recommandation du 21 juin 2013, la Commission européenne considère que la situation économique dégradée à laquelle la France doit faire face explique cet écart et justifie de fixer un nouveau délai à la France pour ramener son déficit public sous le seuil des 3 % du PIB.

Vous trouverez le détail de la procédure de déficit excessif dans le texte de ma communication, je ne reviens pas sur celui-ci qui comporte une forte dimension juridique et technique. Avec cette proposition de recommandation, la Commission européenne entend témoigner de sa volonté, affichée depuis la définition en juillet dernier de ses orientations politiques par son président Jean-Claude Juncker, de soutenir la croissance tout en assurant la crédibilité du pacte de stabilité et de croissance.

Je me félicite de la proposition de la Commission européenne de reporter le délai de deux ans, qui répond aux conclusions adoptées par la commission des Affaires européennes le 17 décembre dernier, dans lesquelles elle « considér[ait] que le risque de déflation auquel la France doit aujourd'hui faire face constitue une circonstance exceptionnelle telle que définie dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire et le règlement no 146697 révisé ; rappel[ait] que la France mène une action résolue de modernisation de son économie ; estim[ait] en conséquence justifié de procéder à une nouvelle appréciation du rythme d'ajustement des finances publiques françaises ».

Alors que la nouvelle trajectoire d'ajustement budgétaire fait débat, la poursuite des reformes structurelles est consensuelle, c'est le point important. Il y a un débat, et c'est cela à mon sens l'enjeu de la discussion qui s'ouvre, qui porte sur plusieurs points. D'abord sur le rythme d'ajustement budgétaire. Dans la loi du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, la France propose une trajectoire d'un déficit nominal de 4,1 % du PIB en 2015, de 3,6 % du PIB en 2016 et de 2,7 % du PIB en 2017, avec un effort structurel de 0,6 en 2015, de 0,2 en 2016 et 0,3 en 2017. La trajectoire d'ajustement budgétaire proposée par la Commission européenne dans sa recommandation du 27 février 2015 donne un déficit public nominal de 4 % du PIB en 2015, 3,4 % en 2016 et 2,8 % en 2017. Les chiffres sont donc assez proches avec des petites différences, surtout sur l'effort structurel, prévu par la Commission à 0,5 en 2015, 0,8 en 2016 et 0,9 en 2017. Pour arriver à des résultats similaires, la Commission estime donc qu'il faudrait faire des efforts structurels plus importants. C'est là que se situe le débat, la France ayant affirmé qu'elle ne changerait pas sa trajectoire, ce qui s'ajoute au débat de la mesure du déficit structurel. Ces débats sont également politiques : le Gouvernement français affirme qu'il n'ira pas plus loin que les 50 milliards d'économie décidées qui vont constituer un effort important. Pour la France, il est hors de question de procéder à des économies supplémentaires. Nous espérons un retour à la croissance, avec une sortie progressive de la crise : ce n'est pas le moment de prendre des mesures qui pourraient être récessives, d'autant que la faible inflation rend difficile les économies. Ces deux éléments font que la France ira plaider cette position qui n'est pas celle de la Commission européenne, au Conseil.

Sur le plan de l'approfondissement des réformes, je pense que le Gouvernement y est prêt, que cela sera la position du Gouvernement, et qu'il y va de l'intérêt de la France.

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