Intervention de Stéphane Saint-André

Séance en hémicycle du 19 mars 2015 à 15h00
Faciliter l'exercice par les élus locaux de leur mandat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Saint-André :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes réunis pour l’examen final de la proposition de loi visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. Ce texte résulte d’un consensus qui s’illustre par l’adoption conforme en première lecture de six articles, auxquels s’ajoutent cinq articles votés conformes en seconde lecture par le Sénat. Ce consensus est allé à son terme comme en témoigne l’accord de la commission mixte paritaire réunie ce mardi 17 mars.

La commission ayant repris les principales dispositions du texte que nous avions étudiées le 22 janvier dernier, je reprendrai en partie ce que mon collègue Olivier Falorni avait exprimé en deuxième lecture.

Nous sommes ainsi satisfaits qu’il soit rappelé que l’élu exerce ses fonctions avec impartialité, diligence, dignité, probité et intégrité, qu’il poursuit le seul intérêt général à l’exclusion de tout intérêt particulier, qu’il veille à cesser tout conflit d’intérêts et s’engage à ne pas utiliser les ressources et les moyens mis à sa disposition à d’autres fins que l’exercice de son mandat ou de sa mission, qu’il s’abstient de prendre des mesures lui accordant un avantage personnel, qu’il participe aux réunions avec assiduité et reste responsable de ses actes durant son mandat. Ces règles de bonne conduite vont de soi mais il n’était pas inutile de les préciser.

Pour autant nous déplorons la suspicion jetée sur les élus locaux via le recours à une nouvelle législation en ce domaine, l’instauration d’une charte des bonnes pratiques de mandat pour l’élu local insinuant, à défaut, une mauvaise pratique antérieure de leurs mandats par les élus.

Nous validons le calcul du montant des indemnités perçues par les élus locaux, eu égard à l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique. Pour autant, nous ne sommes pas totalement satisfaits par le barème mis en place.

En effet, les indemnités allouées sont dégressives, en fonction de la population de la commune, passant de 17 % de l’indice 1015 pour les communes de moins de 500 habitants à 145 % du même indice pour les communes de plus de 100 000 habitants. Or, il faut bien le reconnaître, si les problèmes rencontrés par les maires ne sont pas les mêmes en fonction de la taille de la commune, la responsabilité civile et pénale de l’élu peut être engagée quelle que soit la taille de celle-ci, et les risques sont tout aussi importants, si ce n’est plus, dans les petites communes qui ne disposent pas d’un service administratif et juridique conséquent et structuré.

De même, le nombre d’adjoints étant plus faible dans les petites communes, les maires de celles-ci ne sont pas moins sollicités que leurs homologues des grandes villes, bien au contraire mais, dans une logique de réduction du nombre des communes, il peut paraître judicieux de limiter les indemnités allouées aux élus des petites villes.

Nous sommes également favorables à la mise en place d’une égalité de traitement entre les membres des organes délibérants et les élus assumant des fonctions exécutives ou ayant reçu un mandat spécial, pour le remboursement des frais de garde d’enfants et d’assistance à la personne occasionnés par l’exercice des mandats.

En effet, l’exercice effectif d’un mandat par un élu, y compris lorsque celui-ci ne dispose pas d’une fonction exécutive, demande un engagement complet et expose l’élu à supporter des frais subsidiaires liés à l’obligation d’être présent aux réunions et aux conseils. La mise en place d’une dégressivité des indemnités perçues, susceptible d’atteindre la moitié de l’indemnité pouvant être allouée, eu égard à la participation réelle des élus locaux aux séances plénières et aux réunions des commissions, nous semble d’ailleurs être une bonne disposition, la participation de l’élu local aux travaux préalables des commissions et aux séances plénières étant nécessaire à l’exercice effectif du mandat local.

D’autres dispositifs visant à sanctionner la non-participation des élus aux réunions auraient pu être trouvés, mais nous ne nous opposons pas à cette mesure. En effet, il nous paraît tout à fait concevable de conserver un mandat local et un mandat national et de pouvoir exercer les deux de manière effective, la non-participation aux travaux d’une des deux fonctions entraînant alors résolument une baisse des indemnités allouées pour l’exercice de ce mandat, confié par le peuple.

Nous sommes également satisfaits par la mise en place, pour les élus locaux, d’un droit à suspension du contrat de travail pendant l’exercice des fonctions électives, ainsi que d’un droit à la réintégration professionnelle à leur expiration, participant de la conservation de représentants pleinement investis dans leurs missions.

Dans le même temps, nous souscrivons au renforcement des mesures d’adaptation de l’emploi pour les élus.

Ainsi, la reconnaissance d’un congé de formation professionnelle ou d’un bilan de compétences constitue une avancée intéressante pour l’ensemble des élus. Nous saluons d’ailleurs l’abaissement, en première lecture, du seuil de population des communes dont les adjoints se voient reconnaître cette possibilité de 20 000 à 10 000 habitants, car il apparaissait inéquitable de faire bénéficier de ce dispositif les seuls élus des grandes villes.

La proposition permet d’intégrer l’exercice d’une fonction élective locale ou d’un mandat électoral à la liste des activités susceptibles de permettre l’obtention d’un diplôme ou d’un titre délivré, au nom de l’État, par un établissement d’enseignement supérieur, au titre du dispositif de la valorisation des acquis de l’expérience. Mme la ministre vient de nous détailler cette mesure. En coordination avec la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie locale, cette disposition permet de reconnaître les connaissances acquises par les élus dans le cadre de l’exercice de leurs mandats. Nous sommes satisfaits par l’encadrement du montant ouvert pour les dépenses de formation, celui-ci ne pouvant être inférieur à 2 % du total des dépenses des indemnités de fonction.

Toutefois, certaines dispositions de ce texte nous étonnent.

Nous pensons, à l’instar des sénateurs, qu’il aurait été judicieux de redéfinir et préciser la notion de prise illégale d’intérêts pour les élus locaux en introduisant l’élément moral, et en précisant que celle-ci s’entend de la prise d’un « intérêt personnel distinct de l’intérêt général », afin de restreindre le champ d’application de ce délit. La commission des lois de l’Assemblée nationale, sous l’impulsion du rapporteur Philippe Doucet, a supprimé cette précision et en est restée à la définition générale de la prise illégale d’intérêts prévue par l’article 432-12 du code pénal.

En inscrivant dans la charte de l’élu local que l’élu reste responsable de ses actes durant son mandat devant l’ensemble des citoyens de la collectivité territoriale, cette proposition de loi permet également de rouvrir le nécessaire débat sur la responsabilité pénale des élus locaux.

Le dispositif prévu par l’article 5 bis, visant à mettre en oeuvre un droit individuel à la formation reconnu aux élus et pouvant concerner les formations sans lien avec l’exercice du mandat de l’élu, nous laisse circonspects. Nous nous sommes, avec constance, opposés à la professionnalisation des fonctions électives car les mandats des élus doivent demeurer une mission reconnue et accordée par le corps électoral à titre provisoire, cette limitation de durée gageant de la bonne application de l’exercice effectif, dont l’objet est la satisfaction de l’intérêt général, contingent d’un État.

Notre collègue Alain Tourret avait pu le dire car le débat est ancien : « Faut-il vivre pour la politique, ou vivre de la politique ? ». Éviter la professionnalisation permet de reconnaître la spécificité des fonctions électorales exercées et nous sommes fermement attachés à cette distinction. C’est pourquoi nous notons que cette proposition de loi permet de reconnaître les droits et garanties des élus locaux.

Pour autant, nous restons attentifs à ce qu’elle n’aille pas à rencontre de ses objectifs en reconnaissant un droit au travail de l’élu et, plus globalement, à une reconnaissance de la profession d’élu local.

Accorder des droits pour plus de sécurité nous semble être un des atouts de cette proposition de loi, mais nous ne souhaitons pas aller plus loin que le texte issu de la commission mixte paritaire. Ce texte représente une formidable avancée pour le statut de l’élu, dont on parle depuis des décennies. Pour toutes ces raisons, le groupe RRDP le votera.

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