Monsieur le Commissaire, je vous remercie de consacrer à la commission des affaires étrangères un peu de votre temps, que nous savons précieux, quatre mois après l'entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker. Vous avez déjà été entendu par la commission des affaires européennes ; nous avions souhaité conduire une audition commune, mais nos agendas respectifs ne l'ont pas permis. En tout état de cause, il me semblait essentiel de ne pas différer cette audition, car nous vivons un moment important pour l'union économique et monétaire.
Important tout d'abord parce que l'arrivée au pouvoir en Grèce d'Alexis Tsipras pose à nouveau la question de l'avenir de la zone euro. À cet égard, il serait intéressant que vous puissiez faire le point sur le suivi par la Commission européenne de la mise en oeuvre des réformes en Grèce, sur l'évolution de la situation économique et financière du pays et sur le climat des discussions avec le gouvernement Tsipras. Après le report d'échéance, des discussions techniques vont, enfin, s'engager. Que peut-on en attendre ? Comment analyser la lenteur de leur démarrage ? Une extension du plan de sauvetage est-elle à envisager ? Quels ajustements du programme peut-on accepter et quels sont ceux qui sont franchement hors de question pour la Commission ?
Ce moment est également important parce que le retour de la croissance en Europe s'amorce, même s'il est lent et progressif, et que des décisions majeures devraient conforter ce mouvement. Le fonds d'investissement stratégique est quasiment défini. Peut-être pourrez-vous nous dire où en sont les discussions à ce sujet, quelles sont les modalités de fonctionnement du fonds et les contributions supplémentaires que les États se proposent d'apporter. Par ailleurs, la Banque centrale européenne vient de lancer son programme d'assouplissement quantitatif (quantitative easing), dont on espère qu'il permettra, couplé à la baisse de l'euro et à la baisse des prix du brut, d'améliorer le financement de l'économie et de doper la reprise. Ce programme, je le rappelle, a été critiqué, notamment en Allemagne, où il est vu comme un signal contraire aux nécessaires efforts d'assainissement des finances publiques et de réformes structurelles. En revanche, il est considéré comme bienvenu en France, notamment par de nombreux membres de notre commission, qui estiment qu'il permettra de soutenir la croissance.
Dans ce contexte, chaque pays, en particulier le nôtre, doit être exemplaire dans le respect de ses engagements. Sur proposition de la Commission européenne, un nouveau délai vient d'être accordé à la France pour ramener son déficit nominal sous la barre des 3 %, l'échéance étant désormais fixée à 2017. Cependant, la recommandation fait état pour 2015 d'un écart de 0,2 point de PIB, soit 4 milliards d'euros, entre les trajectoires de déficit structurel prévues respectivement par le gouvernement français et par la Commission pour parvenir à cet objectif. Par ailleurs, il semble y avoir également une différence d'approche forte entre la France et la Commission s'agissant de la trajectoire du déficit structurel pour 2016 et 2017 et de ses conséquences. On parle, à ce sujet, de 30 milliards d'euros d'économies supplémentaires, mais j'ai lu des chiffres contradictoires dans la presse. Pourriez-vous nous apporter des éclaircissements sur ces points qui demeurent assez confus ? Quelle est votre analyse des efforts réalisés par la France et de sa capacité à respecter ces nouveaux engagements ? Quels échanges cela provoque-t-il au sein de la Commission puisqu'il a été décidé que celle-ci aurait désormais une approche politique des problèmes, approche qui faisait jusqu'alors cruellement défaut ?
Au-delà de cette actualité, nous savons qu'il est nécessaire de maintenir les efforts consentis pour doter l'union économique et monétaire d'un véritable pilier économique, incluant une capacité fiscale et sociale. Il nous serait très utile de vous entendre exposer les différentes initiatives qui sont ou seront les vôtres en ce sens, qu'il s'agisse de l'échange automatique d'informations et de la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, des arrangements contractuels, de la réflexion sur les ressources propres ou de la mise sur pied d'une véritable coordination macro-économique, sans parler de l'harmonisation fiscale et, nous l'espérons, sociale qui reste à construire.
Par ailleurs, l'Ukraine doit consentir un effort très important en matière de réforme économique. Le fardeau financier sera très lourd pour l'Union européenne, qui devra lui apporter un soutien massif. Pourriez-vous faire le point sur les sommes en cause ?
Enfin, peut-être pourrez-vous nous dire un mot de la manière dont s'organise le travail avec vos collègues commissaires, en particulier M. Katainen.