Pas du tout, monsieur Myard. Il s'agit précisément de respecter deux données essentielles de la vie démocratique : le vote du peuple grec – dès lors qu'un peuple exprime sa volonté de changement, obliger le nouveau gouvernement à mener exactement la même politique que le précédent serait un déni de souveraineté et de démocratie – et le respect des engagements pris par la Grèce envers ses partenaires européens et le Fonds monétaire international. D'un côté, certains membres de l'Eurogroupe ont pu penser que nous allions imposer à la Grèce la totalité du mémorandum ; de l'autre, le gouvernement grec aurait souhaité s'affranchir davantage de la discipline commune. Nous sommes en train de converger.
À l'heure même où nous parlons, se tient à Bruxelles la première réunion de négociation entre les représentants des institutions – Banque centrale européenne, Fonds monétaire international, Commission européenne et Mécanisme européen de stabilité –, que nous n'appelons plus la Troïka, et le gouvernement grec. Dans les jours qui viennent, des missions techniques – j'insiste sur ce qualificatif – se rendront à Athènes pour vérifier les faits. Nous apprenons à travailler ensemble. Il s'agit, tout d'abord, de clôturer le programme d'aide, puis d'aboutir à des arrangements ultérieurs qui permettront à la Grèce et à l'Union européenne de poursuivre leur coopération. Au demeurant, certaines réformes sont consensuelles. Lorsque le gouvernement grec dénonce une situation humanitaire catastrophique, comment ne pas l'entendre ? Lorsque l'on évoque la construction d'un État de droit et la lutte contre l'évasion et les inégalités fiscales, comment s'y opposer ?
S'agissant de l'Ukraine, nous cherchons une solution à la fois diplomatique et économique. Je rappelle que l'Union européenne a élaboré un nouveau programme d'assistance macro-économique et financière d'un peu plus de 2 milliards d'euros sur les deux prochaines années, dans le cadre de l'aide globale d'environ 15 milliards de dollars qui a été mise sur pied autour du FMI. Chacun sait qu'il est indispensable d'aider le gouvernement ukrainien à mener les réformes nécessaires, mais ce n'est qu'un début. Il faut être conscient que l'ampleur des besoins sera considérable et que nous devrons inventer des mécanismes afin d'y répondre.
Étant également commissaire à la fiscalité et à l'union douanière, je souhaiterais dire un mot des questions fiscales, qui figurent en tête de l'agenda de la Commission. Le 18 mars, je présenterai un paquet sur la transparence fiscale qui comportera notamment une proposition de directive sur l'échange automatique d'informations en matière de tax ruling. Cette pratique, qui permet à une entreprise de prévoir son imposition, n'est pas en soi condamnable ; vingt-deux États membres l'utilisent et je l'ai moi-même promue lorsque j'étais ministre de l'économie et des finances, car la prévisibilité de l'imposition est un élément d'attractivité pour les investisseurs étrangers. Toutefois, l'opacité peut favoriser des détournements ou des optimisations excessives qui permettent d'échapper à l'impôt. Or, cela est devenu insupportable à l'opinion publique. Nous voulons donc favoriser la transparence dans ce domaine, car de la transparence naît la justice. De surcroît, nous pourrons ainsi séparer le bon grain de l'ivraie, c'est-à-dire les tax ruling profitables aux entreprises de ceux qui créent des rentes de situation.
Cet été, je présenterai un deuxième paquet fiscal relatif à la compétitivité, qui reprendra notamment le projet d'harmonisation des bases de l'impôt sur les sociétés. Le Président Juncker m'a confié une mission très claire : il souhaite que la Commission agisse en faveur la transparence, jusqu'au bout, et de la compétitivité.
Par ailleurs, la taxe sur les transactions financières fait désormais l'objet d'un projet de coopération renforcée entre onze États membres, parmi lesquels figurent les quatre grandes économies de la zone Euro : France, Allemagne, Italie et Espagne. Je suis raisonnablement optimiste et entièrement mobilisé pour que l'accord qui n'a pu être conclu en 2014 le soit en 2015. En effet, les problèmes ont été bien identifiés, une présidence permanente a été désignée et la Commission, qui participe à nouveau aux travaux à la demande des États membres, apporte son expertise technique et son soutien politique. J'espère que nous aboutirons, cet été, à un projet de taxe sur les transactions financières, dont il faudra définir les bases, les procédures et les usages.
Enfin, un mot sur la coopération entre les commissaires. Je travaille davantage avec M. Dombrovskis qu'avec M. Katainen. Cette coopération se passe bien ; nous sommes complémentaires, notamment au plan politique, ce qui peut être utile pour assumer ensemble certaines décisions.