Intervention de Martine Pinville

Séance en hémicycle du 24 mars 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation du développement des services à la personne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Pinville :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, chers collègues, dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a inscrit à son programme de travail l’évaluation du développement des services à la personne. Nous avons ainsi demandé à la Cour des comptes de procéder à une étude générale sur l’ensemble du champ des services d’aide à la personne, qui comprenne un volet plus ciblé sur les services aux personnes âgées en perte d’autonomie. Le rapport nous a été présenté le 10 juillet 2014.

Parallèlement, l’année dernière, ma collègue Bérengère Poletti et moi-même avons travaillé en nous concentrant sur la tarification des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, l’APA à domicile. Puis nous avons mené un deuxième cycle d’auditions et de tables rondes, en nous fondant sur les constats et recommandations de la Cour des comptes.

Précisons, en préambule, les contours du secteur des services à la personne. Cette politique publique transversale a un impact sur nombre de ménages, de salariés et d’employeurs : elle mobilise des aides publiques – en termes de dépenses fiscales, allégements de charges sociales, formation professionnelle – et soulève des questions de société, qui concernent la petite enfance, le handicap, la perte d’autonomie, ou encore la dépendance. Au terme de nos travaux, nous avons fait une quinzaine de propositions qui s’articulent autour de trois axes : améliorer l’efficience des aides publiques aux services à la personne ; mieux structurer et professionnaliser le secteur ; mieux répondre aux défis du maintien à domicile des personnes âgées. Si nous nous sommes accordées pour donner un nouvel élan aux services à la personne, nos avis divergent quelque peu, si je puis dire, sur la définition du champ des activités éligibles aux aides fiscales et sociales et sur le ciblage de la réduction et du crédit pour l’emploi d’un salarié à domicile.

À titre personnel, dans un contexte budgétaire contraint, je défendrai en effet une logique de réorientation des aides vers les publics fragiles.

Évoquons tout d’abord le débat dont le champ des services à la personne éligible aux aides publiques est l’objet. Ce champ est très vaste, puisque pas moins de vingt-trois activités sont soutenues – le fait est unique en Europe. En vertu de la liste actuelle, n’importe quel couple d’actifs peut, par exemple, bénéficier d’un crédit d’impôt pour des cours à domicile. Pouvons-nous nous permettre de dépenser de l’argent public pour des aides si générales ? Je propose donc de mieux cibler les aides publiques dont bénéficient les services de confort actuellement soumis à un taux de TVA de 20 %, en les réservant aux personnes dépendantes.

Le deuxième débat que nous avons eu a porté sur le ciblage des avantages fiscaux liés à l’impôt sur le revenu.

Avec le système actuel, 22 % des personnes qui déclarent des dépenses de services à la personne n’ont droit à aucun avantage fiscal. Or, parmi elles, il y a des retraités non imposables, c’est-à-dire des personnes aux revenus modestes, dont certaines sont en perte d’autonomie et ont d’importants besoins en termes d’aide à domicile. Les avantages fiscaux liés aux services à la personne et le niveau des plafonds de dépenses éligibles ne pourraient-ils donc être plus justes et plus efficaces ? En effet, ces avantages fiscaux bénéficient plus fortement aux ménages les plus aisés. Par contre, les retraités modestes, comme je l’indiquais, en sont privés.

Nous avons adopté un nouveau barème de l’impôt sur le revenu pour 2015, en vertu duquel seront désormais exonérés des retraités à qui leurs revenus permettraient d’avoir davantage recours à des services d’aide à domicile, d’autant plus qu’ils en ont souvent réellement besoin. Je propose donc d’élargir le bénéfice du crédit d’impôt à tous les bénéficiaires de l’APA, c’est-à-dire les personnes évaluées en GIR 1 à 4. Pour financer cette mesure, je propose d’abaisser à son seuil d’efficacité, c’est-à-dire 7 000 euros, le plafond des dépenses éligibles, tandis que les autres plafonds spécifiques seraient abaissés de façon homothétique. L’idée d’un abaissement de plafond a d’ailleurs recueilli l’assentiment de tous les experts que nous avons entendus.

De plus, la création d’un plafond différencié pour la garde d’enfants de moins de trois ans à domicile pourrait être mise à l’étude, en comparaison avec d’autres améliorations qui pourraient être apportées à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.

Enfin, je pense qu’il serait important de réorienter en direction des personnes qui en ont le plus besoin l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi d’un salarié à domicile. L’exonération du fait de l’âge date de 1948. L’espérance de vie en bonne santé n’était alors pas celle que l’on connaît aujourd’hui. On pourrait porter à 80 ans l’âge requis pour bénéficier de cette exonération tout en étendant son champ aux personnes en perte d’autonomie – on pourrait commencer à partir du groupe iso-ressources no 5, ou GIR 5. Cela permettrait de préserver son caractère préventif et de tenir compte des fragilités temporaires qui peuvent apparaître.

Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, pourraient, quant à elles, instituer, à l’échelle intercommunale ou départementale, une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du secteur des services à la personne, en priorité dans les bassins d’emploi où des postes sont à pourvoir. Ces deux mesures de transversalité et de gestion par bassin d’emploi permettraient de lutter contre le temps partiel subi.

Ajoutons que l’absence de mesure salariale générale dans la branche de l’aide à domicile a entraîné – même si je sais que vous avez procédé à un rattrapage, madame la secrétaire d’État – une baisse du pouvoir d’achat et les salaires ont subi une érosion, pour se trouver à présent au niveau du SMIC, alors qu’ils le dépassaient de 10 % en moyenne.

Dans le but, notamment, d’améliorer l’attractivité de ces métiers, nous devons également envisager d’établir des passerelles entre les métiers du secteur médico-social et du secteur sanitaire. Cela passe notamment par l’unification du diplôme d’auxiliaire de vie sociale et de celui d’aide médico-psychologique, ou AMP. Pour faciliter les parcours professionnels, il serait aussi utile d’instaurer des équivalences de diplômes entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social et de créer des passerelles entre les métiers des services à la personne et ceux exercés dans les établissements.

En ce qui concerne le maintien à domicile des personnes âgées, la coordination des acteurs concernés me semble nécessaire. Rappelons, à cet égard, les enjeux. La mise en oeuvre d’une politique volontariste en faveur du maintien à domicile conditionnera les décisions prises par les personnes et les familles. Elle sera même indispensable, notamment pour réduire le besoin de places d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, même si on sait que la volonté de ces personnes est déjà, dans la majeure partie des cas – plus de 80 % –, de rester à domicile.

Notre rapport revient sur deux problématiques essentielles : premièrement, la coexistence d’une offre planifiée aux tarifs conventionnés avec une offre aux tarifs libres ; deuxièmement, l’enjeu de mieux coordonner les secteurs de l’aide à domicile et du soin.

Sur le premier point, les conseils généraux, liquidateurs de l’APA, ont aussi un pouvoir de tarification. Ils assurent une planification de l’offre au moyen d’appels à projets. Les services retenus au titre de l’appel à projets sont dits autorisés et font l’objet de cette tarification. En permettant à de nouvelles structures privées aux tarifs libres d’intervenir auprès des personnes dépendantes, le plan Borloo de 2005 a créé des difficultés. Dans certains départements, l’arrivée des acteurs privés a déstabilisé le tissu associatif existant. Certains conseils généraux ont, dès lors, pratiqué des tarifs plus bas pour les services non autorisés, ce qui est problématique au regard du droit de la concurrence – on attend notamment des réponses de la part de l’Europe.

L’objet des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens est de dépasser la dualité entre ces deux régimes de l’autorisation et de l’agrément. Les CPOM permettront de mettre en rapport les tarifs avec les contraintes de quasi-service public que devront assumer les organismes de service, qu’ils soient agréés ou autorisés. Il est souhaitable, par exemple, qu’ils permettent de mieux rémunérer les organismes de services à la personne qui interviennent en zones rurales, par exemple auprès des personnes isolées.

Sur le deuxième point, la solution passe également par ces CPOM. Nous souhaitons voir se développer les services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD, qui proposent une offre intégrée autour de la personne âgée mais sont confrontés à une réglementation et un contexte financier complexes – je sais, madame la secrétaire d’État, que vous avez travaillé à cette question dans le cadre de l’élaboration du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Et, pour surmonter la complexité administrative actuelle, d’autres CPOM permettront de définir les missions et les financements conjoints des conseils généraux et des ARS.

Voilà, madame la secrétaire d’État, mes propositions, dont la plupart sont également le fait de ma collègue Bérengère Poletti. J’espère qu’elles permettront un meilleur développement des services à la personne et seront de nature à accompagner la mise en oeuvre de la loi d’adaptation de la société au vieillissement.

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