La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
En fin de matinée, nous avons appris qu’un Airbus 320 s’était écrasé près de Barcelonnette.
En votre nom à tous, j’adresse mes pensées les plus émues à toutes les victimes de ce drame et présente mes condoléances à leurs proches et à leurs familles.
Le roi d’Espagne, qui venait d’être accueilli à Paris par le Président de la République et le Premier ministre, et que nous devions recevoir dans cet hémicycle demain au cours de sa visite d’État, vient de rejoindre son pays.
Je lui adresse, ainsi qu’à tous les pays touchés par cette catastrophe, un message de solidarité.
Je vous demande d’observer un instant de recueillement.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, avant de vous quitter dans un instant pour accueillir, à la cellule interministérielle de crise, le Président de la République et le roi d’Espagne qui quittera aussitôt la France pour regagner Madrid, je veux vous communiquer les quelques éléments d’information suivants.
Vous avez appris, les uns et les autres, cet accident terrible, cette catastrophe : un Airbus A 320 de la compagnie Germanwings, avec 144 passagers et 6 membres d’équipage à bord, s’est écrasé au nord de Digne, dans le massif des Trois-Évêchés. Il assurait la liaison entre Barcelone et Düsseldorf. Cette catastrophe a eu lieu dans une zone très difficile d’accès. C’est la raison pour laquelle des moyens considérables, provenant de nos armées, de la gendarmerie, de la sécurité civile et du SAMU ont été mobilisés. Un hélicoptère a déjà pu se poser sur la zone de la catastrophe, pour constater malheureusement qu’il n’y avait pas de survivants.
Le ministre de l’intérieur est sur place, où il supervise l’organisation avec les responsables de la gendarmerie, de l’armée et de la sécurité civile. Plusieurs ministres, notamment la ministre des transports, Mme Ségolène Royal, mais aussi des ministres espagnols et allemands, se rendront sur place cet après-midi. Tout est fait, en termes d’organisation, pour arriver au plus vite, en milieu d’après-midi sans doute, sur le site du drame.
Je voudrais à mon tour, au nom du Gouvernement – j’ai eu l’occasion de le faire, bien sûr, au moment où j’accueillais le roi d’Espagne –, exprimer aux proches et aux familles des victimes toute notre compassion, notre solidarité, et leur assurer que la France fera tout pour être à leurs côtés. Une cellule de crise pour ces familles a été ouverte au ministère des affaires étrangères. Tout sera évidemment fait pour leur donner un maximum d’informations, au-delà de l’enquête judiciaire qui est ouverte puisqu’à ce stade, aucune hypothèse ne peut être écartée.
Nous avons une pensée pour toutes ces très nombreuses victimes, pour nos amis espagnols, allemands, turcs, et nous en aurons peut-être une pour des ressortissants d’autres nationalités, mais ce sont évidemment les Espagnols et les Allemands qui sont plus particulièrement éprouvés. Face à ce type de catastrophe, qui est rare sur notre sol comme en Europe, tout sera évidemment fait pour comprendre les circonstances dans lesquelles ce drame est survenu. Pour le moment, l’heure est à l’arrivée des secours, à leur organisation et à la récupération des boîtes noires afin de comprendre ce qui s’est passé. Il faut aussi permettre aux familles de se retrouver le plus vite possible dans un lieu qui leur permettra de rendre hommage à leurs proches. L’heure est donc à la solidarité.
La parole est à M. Guy Geoffroy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Je voudrais tout d’abord, au nom du groupe UMP, témoigner de la tristesse, de l’émotion et de la compassion que nous éprouvons à l’égard des victimes de ce crash aérien – probablement le plus meurtrier qui se soit produit dans notre pays depuis l’après-guerre – et de leurs familles.
Madame la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, notre système éducatif a besoin d’être régénéré, et il ne peut certainement pas l’être par des affirmations péremptoires et encore moins par des micro-réformes aléatoires et, pour tout dire, dérisoires.
Et pourtant, c’est ce que vous faites. Vous vous livrez à des affirmations péremptoires lorsque vous continuez à dire que la réforme des rythmes scolaires se met en place avec l’assentiment général, que tout se passe bien et qu’il n’y a aucun problème. Tout le monde sait qu’il n’en est rien. Les maires, puisqu’ils sont républicains, ont bien sûr appliqué, bon gré et plutôt mal gré, votre décision. Ils se sont pliés à l’imposition que vous en avez faite et qui a conduit les collectivités à financer l’essentiel des actions qu’elles ont essayé de mettre en place.
Vous lancez des micro-réformes aléatoires : c’est le cas, il faut le dire, de ce que vous venez d’annoncer concernant le collège. Deux exemples suffiront, j’en suis persuadé, à montrer combien tout cela est dérisoire.
Premier exemple : les langues. Vous nous annoncez – grande révolution – l’apprentissage des langues dès la classe de cinquième. Or tout le monde apprend que cet enseignement, dispensé à l’heure actuelle à raison de trois heures par semaine pendant deux ans, le sera à raison de deux heures par semaine pendant trois ans. Sur trois années cela n’apportera rien, si ce n’est, peut-être, des choses négatives. L’impact sera en effet le même.
En ce qui concerne les humanités, ensuite, vous venez d’annoncer la suppression pure et simple, dans un « gloubi-boulga » d’enseignements pratiques interdisciplinaires – EPI –, du latin et du grec. Tout cela n’est pas sérieux. Madame la ministre, quand allez-vous enfin réformer sérieusement l’éducation nationale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le député, je conçois que, lorsqu’on a appartenu à une majorité qui a tant détruit à l’école,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
on puisse se sentir frustré d’en voir une autre, depuis 2012, réformer méthodiquement chaque stade de la scolarité.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Après nous être en effet attaqués à l’école primaire, où s’apprennent les fondamentaux, en affectant plus de maîtres qu’il n’y a de classes et en permettant à des enfants de moins de trois ans d’être pré-scolarisés afin d’acquérir plus rapidement les bases du vocabulaire, nous nous attaquons aujourd’hui au collège.
Monsieur le député, nous le faisons car tout le monde s’accorde à dire que le collège va mal et ce depuis des années. L’acquisition par les élèves des fondamentaux que sont le français, les mathématiques et l’histoire-géographie, n’a cessé, ces dernières années, de régresser. Alors qu’un élève sur huit entrant au collège ne maîtrise pas les connaissances requises en français, un élève sur quatre sort du collège sans maîtriser ce qu’il doit maîtriser.
Aussi avons-nous décidé, nous, de prendre le sujet au sérieux et de mener une réforme qui est globale. Nous changeons en effet les programmes de la scolarité au collège pour faire en sorte que les élèves se concentrent sur l’essentiel et pour qu’ils acquièrent les connaissances requises à la fin de leur scolarité obligatoire. Nous changeons également les pratiques pédagogiques pour faire travailler les élèves plus souvent en groupe, pour qu’ils maîtrisent mieux l’oral, et, enfin, pour qu’ils mènent des projets qui leur fasse comprendre le sens des savoirs qu’on leur inculque.
Cette réforme a pour ambition de faire pratiquer plus tôt par les élèves les langues vivantes : la langue vivante 1 sera enseignée dès le cours préparatoire, et la langue vivante 2 dès la cinquième. Tous les spécialistes savent bien qu’une exposition précoce à l’exercice des langues étrangères est une bonne chose pour les jeunes Français, et notre pays accuse un retard en la matière.
Enfin, s’agissant des langues anciennes et du latin, je le redis pour ceux qui auraient des doutes : les élèves bénéficieront exactement du même nombre d’heures qu’aujourd’hui pour les pratiquer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Colette Langlade, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Au nom du groupe SRC, monsieur le président, je souhaite exprimer ici notre émotion après la tragédie survenue aujourd’hui lors du vol Barcelone-Düsseldorf.
Monsieur le ministre des finances, depuis 2012, notre majorité mène de front une mission difficile. Il fallait remettre de l’ordre dans la maison France.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
C’est ce que nous faisons en redressant les comptes publics. Nos efforts portent leurs fruits et vont permettre d’alléger le poids de la dette sur les générations futures.
Nouvelles exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
C’est ce que nous faisons en actionnant tous les leviers pour renouer avec la croissance : pacte de responsabilité et de solidarité, réorientation européenne, symbolisée par la baisse de l’euro, simplification des procédures et trente-quatre plans industriels pour préparer la croissance de demain. Jamais une stratégie aussi ambitieuse n’avait été mise en place pour renouer avec la croissance et l’emploi.
C’est ce que nous faisons enfin en relevant le défi du progrès social, sans lequel les efforts ne peuvent pas être compris : nouvelle prime d’activité pour soutenir le pouvoir d’achat, mise en place du compte pénibilité et du compte formation,…
…élargissement considérable du nombre de bénéficiaires de la complémentaire santé, réforme de la dépendance, généralisation du tiers payant.
Réussir pour la France, telle est la belle mission qui mobilise les énergies de notre majorité, du Gouvernement et de vous-même. Quelles sont les prochaines étapes de cette grande ambition ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Vous le soulignez, madame la députée, il y a aujourd’hui un certain nombre de signes qui montrent que l’activité économique redémarre en France. Ce n’est pas le fruit du hasard.
Rires et exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
C’est le fruit d’une volonté qui a été exprimée au niveau européen, parce que beaucoup de ce qui se passe sur le territoire français dépend des politiques souhaitées au niveau européen.
Avec un euro à un niveau beaucoup plus réaliste, ce qui facilite les exportations et permet donc de créer des emplois dans les industries exportatrices, avec des taux d’intérêt extrêmement faibles, pour financer les investissements publics, mais aussi des investissements dans les entreprises, pour créer des activités et des emplois,…
…avec, vous l’avez dit vous-même, la volonté depuis plusieurs années de faire en sorte que les entreprises retrouvent des marges, puissent à nouveau prendre des décisions et des initiatives, investir et créer des emplois, les marges des entreprises, qui s’effondraient depuis plusieurs années,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP
redeviennent positives, ce qui permet à ces entreprises de se tourner vers l’avenir avec une vision beaucoup plus optimiste.
Cela ne suffit pas, parce que, s’ils sont réels, ces signaux sont encore aujourd’hui ténus.
Il faut donc confirmer. Il faut de la cohérence, de la cohésion, de la persévérance.
Notre politique – la politique économique que vous avez souhaitée à gauche de cet hémicycle – est en train de porter ses fruits. Nous devons poursuivre pour que toutes les décisions qui ont été prises, parfois depuis longtemps – je pense à la mise en place du CICE, à la fin 2012 –, puissent enfin porter leurs fruits. C’est ce qui est en train de se passer. Continuons, accélérons ; c’est ainsi que nous créerons les emplois dont la France a besoin.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
À la veille de sa réélection, Benyamin Netanyahou a fait une terrible promesse : lui Premier ministre, jamais l’État palestinien ne verra le jour. Puis il s’est engagé à renforcer la colonisation de Jérusalem-Est, pour que jamais elle ne puisse devenir capitale du futur État palestinien.
Ces propos sont bien plus qu’une provocation : c’est une déclaration de guerre contre le droit international et contre le processus de paix, qui se trouve anéanti. Tout cela démontre que la droite dure israélienne n’a jamais voulu véritablement négocier avec les autorités palestiniennes.
Comme un grand nombre de diplomates, d’intellectuels, de femmes et d’hommes de paix, juifs et arabes, je suis extrêmement préoccupé par cette position. Elle menace dangereusement la stabilité du Moyen-Orient et la sécurité même d’Israël, à tel point que même les États-Unis envisagent de réévaluer leur partenariat avec Israël.
En décembre dernier, après le vote historique de notre parlement pour la reconnaissance de l’État palestinien, vous aviez affirmé qu’il fallait donner une « ultime chance » à ces négociations, assortie d’un délai de deux ans. Cet agenda est désormais caduc. Netanyahou a clairement tué dans l’oeuf cette ultime chance et fermé la porte au processus de paix.
Face à cette situation nouvelle, j’aimerais connaître votre réaction.
Vous aviez également pris l’engagement solennel qu’en cas d’échec des négociations, la France prendrait sans délai ses responsabilités. Ne croyez-vous pas que la reconnaissance sans délai de l’État palestinien s’impose enfin ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, écologiste et RRDP.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le député, après les élections législatives du 18 mars en Israël, Benyamin Netanyahou a été appelé à constituer un nouveau gouvernement. Nous l’avons félicité et Laurent Fabius a rappelé à cette occasion notre attachement à la solution à deux États. La France est en effet l’amie du peuple israélien et l’amie du peuple palestinien. Pour nous, seule la création d’un État palestinien viable et souverain, vivant dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël dans des frontières sûres et reconnues, en assurant la sécurité d’Israël, permettra une paix durable au Proche-Orient.
Le nouveau gouvernement israélien devra donc prendre rapidement les mesures nécessaires pour relancer des négociations crédibles en vue d’un accord de paix global et définitif. Le Président de la République s’est entretenu en ce sens avec le Premier ministre Benyamin Netanyahou lorsqu’il l’a appelé pour le féliciter le 19 mars.
Sur le fond, notre position n’a donc pas changé depuis le 28 novembre dernier lorsque Laurent Fabius s’est exprimé devant cette assemblée. Il l’a dit ici même, la conséquence logique de notre attachement à la solution des deux États est sans ambiguïté : la reconnaissance de l’État de Palestine n’est pas une faveur, ce n’est pas un passe-droit, c’est un droit. Cette reconnaissance doit intervenir dans le cadre d’un règlement global et définitif du conflit négocié par les deux parties, avec un appui de la communauté internationale selon un calendrier endossé par elle. Nous voulons en effet non une reconnaissance symbolique, mais une solution réelle au conflit du Proche-Orient.
Une telle solution est indispensable, elle est même plus indispensable que jamais lorsque l’on voit le risque terroriste dans cette région. C’est le sens de tous les efforts diplomatiques de la France et de tous les efforts auxquels nous appelons l’Europe et l’ensemble de la communauté internationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Alain Tourret, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la garde des sceaux, la République repose sur deux lois fondamentales : la loi de 1905 sur la laïcité et la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. L’une et l’autre font actuellement l’objet de remises en cause qui risquent de détruire le socle républicain. La loi de 1905 est une loi de liberté. Elle assure et protège contre toutes les idéologies. Chacun est dès lors en droit de revendiquer, pour le moins, la neutralité de l’État face aux différents communautarismes. Notre modèle d’intégration a trop souffert de l’abstention de l’État, alors qu’il appartient à celui-ci de faire prévaloir la laïcité comme le principe du vivre ensemble.
La loi du 29 juillet 1881 est également une loi de liberté, puisqu’elle s’appelle précisément loi sur la liberté de la presse. Cette loi n’a été que rarement remise en cause. Elle assure, rappelons-le, la prescription de trois mois et, éventuellement, en cas d’infraction aggravée, la prescription de douze mois. Elle ne permet ni la garde à vue ni la comparution immédiate. Or, sous prétexte d’apologie de telle ou telle infraction, certains voudraient remettre en cause la loi de 1881 pour transférer les délits de presse vers le code pénal général. Cela aurait pour conséquence de porter les règles de prescription de trois mois à trois ans. Or, en matière de presse, et plus qu’ailleurs, le temps efface tout.
Toucher à la loi de 1881 qui est une loi d’équilibre, déférer devant la justice tous ceux qui écrivent, tous ceux qui publient, tous ceux qui éditent, serait à coup sûr une erreur. Limiter la loi sur la presse aux seuls journalistes serait discriminatoire par rapport aux écrivains, aux syndicalistes, aux hommes politiques et aux simples citoyens. Rappelons que l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme a valeur constitutionnelle et accorde la liberté d’expression à tous les citoyens. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement compte-t-il réviser les lois de 1905 et de 1881 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le député, vous évoquez deux lois de liberté extrêmement importantes qui reposent sur les principes fondamentaux inscrits dans la Constitution. La loi de 1905 sur la laïcité nous permet de vivre ensemble, quelles que soient nos singularités, que l’on croie ou que l’on ne croie pas, quelles que soient nos origines ou nos apparences, comme le dispose l’article 1er de la Constitution. Il n’est pas question de toucher à cette loi encadrant très clairement et très précisément les conditions qui assurent la cohésion et qui garantissent la possibilité pour chaque citoyen d’exercer la plénitude des attributs de la citoyenneté.
La loi sur la presse a été prévue pour protéger la liberté d’expression et la liberté d’opinion, parce qu’elles sont les conditions mêmes d’exercice de toutes les autres libertés. Elle prévoit d’ailleurs des limitations à ces libertés d’expression et d’opinion, lesquelles sont elles-mêmes strictement encadrées, notamment par une procédure spécifique. Le Président de la République a déclaré que la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et toutes les discriminations constituait une grande cause nationale pour cette année 2015. En conséquence, il importe de nous assurer que nous en sommes en mesure de combattre tous les actes ou tous les propos racistes, antisémites et discriminatoires.
Pour cela, nous avons considéré qu’il fallait regarder de près les conditions dans lesquelles les sanctions pénales étaient assurées contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations. Vous avez raison de dire que cette loi protège les journalistes, parce qu’ils sont professionnels, qu’ils sont responsables et qu’ils respectent des règles déontologiques. Il n’en demeure pas moins que nous sommes confrontés aujourd’hui à un contentieux de masse, car nombreux sont ceux en capacité de se livrer au racisme, à l’antisémitisme et aux discriminations. Nous travaillons en concertation avec les médias, les associations et les professionnels d’internet pour trouver la voie, certes étroite, qui sera la bonne.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Yannick Favennec, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, le groupe UDI s’associe à vos propos concernant le crash de l’Airbus ce matin.
Monsieur le Premier ministre, je crois que vous ne connaissez vraiment pas la vie quotidienne des habitants des territoires ruraux. J’en veux pour preuve les mesures annoncées il y a une semaine, comme par hasard juste avant le premier tour des élections départementales. Les expéditives Assises de la ruralité et le déplacement de la moitié de votre gouvernement aboutissent, in fine, à des propositions réchauffées, éloignées des urgences des acteurs ruraux. Vous avez déclaré à cette occasion qu’il fallait réinventer les territoires ruraux. Mais, monsieur le Premier ministre, vos propositions autour des maisons de services publics, des pôles de santé ou de l’aménagement numérique du territoire ont été inventées il y a déjà dix ans !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Visiblement, vous n’avez pas entendu dimanche l’avertissement de la désespérance d’un monde rural qui se sent relégué, déclassé et abandonné, alors qu’il est une richesse et une chance pour notre pays, alors que sa diversité contribue à l’identité de la France. Inspirez-vous de ce que Jean-Louis Borloo avait fait pour les banlieues ! Mettez en place un véritable plan Marshall pour la ruralité, en particulier dans le domaine des infrastructures routières, ferroviaires et numériques !
Monsieur le Premier ministre, ce n’est pas en vous invitant à la dernière minute au congrès de la FNSEA, jeudi, à Saint-Étienne, que vous allez rassurer nos agriculteurs ! Faites-leur d’abord confiance et faites confiance aux artisans, aux commerçants, aux patrons de PME, à leurs salariés, aux bénévoles associatifs et à tous ces acteurs de terrain, en desserrant le carcan insupportable des normes et des règlements administratifs ! Laissez travailler les élus ruraux en arrêtant de les étouffer par des baisses brutales des dotations de l’État ou par une réforme territoriale qui les pénalise et menace de les faire disparaître !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Monsieur le Premier ministre, quand comprendrez-vous enfin que le cri d’alarme des ruraux, dans les urnes dimanche dernier, pourrait un jour se transformer en cri de révolte, voire en cri de révolution ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Monsieur le député, je regrette le ton polémique que vous avez employé pour poser votre question.
Exclamations sur les bancs du groupe UDI.
La ruralité constitue un véritable atout pour notre pays qui est riche de ses diversités, des innovations, des nombreux talents et des projets qui se développent dans ces territoires.
C’est la raison pour laquelle, avec le Premier ministre, nous avons, depuis le mois de septembre, organisé les Assises des ruralités afin de rencontrer les acteurs et les élus locaux. Comme cela avait été annoncé, nous avons tenu un comité interministériel la semaine dernière. Nous avons voulu avoir une approche globale des préoccupations de ces territoires.
Nous avons répondu point par point à tout ce que les élus de ces territoires avaient exprimé, notamment en ce qui concerne les services publics, en favorisant le déploiement de maisons de santé pluridisciplinaires et l’accélération de la création des maisons de services publics. Vous êtes un peu mal placé, monsieur le député, pour nous donner des leçons. Vous aviez en effet annoncé un certain nombre d’actions que vous n’aviez pas réalisées, alors que ce gouvernement, avec cette majorité, va agir.
Nous avons aussi fait en sorte de ne plus opposer les territoires les uns aux autres, comme vous venez de le faire dans votre question. Nous cherchons davantage les complémentarités entre les territoires urbains et ruraux. Nous avons également renforcé la possibilité pour les territoires de porter des projets ambitieux et importants tels que l’aménagement numérique de notre pays et la résorption des zones blanches ou grises de téléphonie mobile. Vous voyez, à travers ces quelques exemples, que l’accompagnement de l’ensemble des territoires de la République est notre priorité.
Ruralité
Monsieur le Premier ministre, la ruralité souffre.
Votre loi sur la nouvelle organisation de la République inquiète les habitants des villages de France. Le transfert de nombreuses compétences vers l’intercommunalité vide de sens l’action des communes et désespère les 300 000 conseillers municipaux, autant de fantassins de la République.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Le seuil minimum de 20 000 habitants pour les communautés de communes obligera les territoires ruraux à devenir gigantesques. Dans le département du Jura, certains EPCI compteront plus de cent communes ! Certes, des dérogations existent… mais jusqu’à quand ? Ce seuil fatidique est bien inscrit dans votre texte de loi. Qui se chargera demain de la cantine scolaire ou de la réfection des chemins communaux ?
Dans ces territoires, l’inquiétude a désormais fait place à la colère quand, avec la loi sur la biodiversité que vous allez faire voter tout à l’heure, vous accusez les ruraux d’être les fossoyeurs des espèces floristiques et faunistiques.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.
C’est bien comme cela qu’il faut comprendre les attaques en règle de votre majorité contre les agriculteurs et les chasseurs.
« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
Le travail des premiers sera encore plus réglementé, encore plus normé et surveillé alors que ce sont eux qui dessinent et conservent le paysage. Si des milliers d’éleveurs n’étaient pas des passionnés de leurs troupeaux, qui exploiterait les prairies où la biodiversité explose ?
Heureusement, nos paysans entretiennent les haies et les fossés, autant d’abris pour les oiseaux et les batraciens. Si nous n’avions pas les passionnés de la chasse, amoureux de la nature, où en serait l’équilibre cynégétique ? Ils nous aident à contrôler les espèces nuisibles ; sans eux, elles deviendraient destructrices pour toutes les autres. Pour ma part, je fais la différence entre un loup et un mouton : le premier coûte au contribuable, le second nourrit les hommes et enrichit l’économie !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Votre désaveu du monde rural est tel que celui-ci ne sera représenté que par quatre personnes dans l’Agence française pour la biodiversité. Quand allez-vous vous soucier des femmes et des hommes de nos campagnes, monsieur le Premier ministre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le député, je vais d’abord vous répondre concernant l’intercommunalité en milieu rural. Nous avons 19 000 communes de moins de 500 habitants. Ceux-ci ont besoin de services comme tous les autres Français. Or nous savons tous qu’avec une si petite population, il est impossible de créer une halte-garderie ou un dispositif de soutien aux enfants, et que la seule solution pour sauver ces communes, ce sont les intercommunalités. Voilà à quoi nous nous sommes consacrés avec le rapporteur de votre commission des lois ici présent.
Entre un seuil de 5 000 habitants et un seuil de 20 000 habitants, il y a tout de même une différence !
S’agissant des seuils, 5 000 habitants, c’est vraiment un minimum pour pouvoir avoir des services.
Venons-en à la biodiversité. Ségolène Royal est malheureusement, pour les raisons dramatiques que vous savez, éloignée de nous. La loi sur la biodiversité est un texte important pour l’agriculture, pour l’agroalimentaire, pour la pêche ; c’est une loi qui protège l’eau et les littoraux.
Quant à la chasse, monsieur le député, j’ai la grande chance, comme vous, d’habiter en milieu rural. Nos agriculteurs, parfois aussi chasseurs, sont les meilleurs protecteurs de la nature, nous en sommes tous totalement convaincus.
Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Mais eux-mêmes nous demandent de lutter davantage contre le braconnage,…
…d’éviter que des quasi-mafias s’installent, chassant par exemple les bécasses. Les agriculteurs sont conscients de l’importance de la biodiversité, soyez-le vous aussi.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, avant même de poser ma question à Najat Vallaud-Belkacem, je souhaite exprimer mon émotion devant ce terrible accident aérien et dire que je suis choquée qu’un député UMP ait ironisé sur ce crash, notamment via un tweet.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche,
Exclamations et claquements de pupitre sur les bancs du groupe UMP
sous le regard attentif d’une classe de terminale du lycée Marcel-Gimond d’Aubenas que je salue.
Dans la vie des jeunes, le collège tient une place particulière car il intervient alors qu’on est en pleine construction de soi. Mais alors qu’il devrait garantir l’épanouissement intellectuel et personnel, il semble aujourd’hui renforcer leur mal-être : plus de 70 % des élèves disent s’y ennuyer. La jeunesse est une des grandes priorités du quinquennat. Il y a donc urgence à réformer le collège, comme nous l’avons fait pour l’école primaire en en renforçant les moyens.
De nombreux députés du groupe UMP se lèvent et apostrophent l’oratrice.
Asseyez-vous, s’il vous plaît ! Mes chers collègues, un membre de votre groupe aura l’occasion de revenir sur les propos de Mme Buis quand il posera sa question.
Veuillez poursuivre, madame Buis.
Le tumulte se poursuit sur les bancs du groupe UMP. – Plusieurs députés du groupe SRC brandissent des tablettes et des téléphones mobiles pour appuyer les propos de l’oratrice.
Madame la ministre, construire le collège du XXIe siècle, c’est d’abord refuser les inégalités qui se creusent entre la classe de sixième et de troisième,…
Mêmes mouvements sur les bancs du groupe UMP
Arrêtez-la, monsieur le président, il ne sert à rien qu’elle continue à poser sa question !
Construire le collège du XXIe siècle, c’est aussi faire de l’école le lieu de transmission des valeurs républicaines et du civisme.
Construire le collège du XXIe siècle, c’est enfin casser la ghettoïsation dont souffre un certain nombre de collèges, et permettre de rapprocher les territoires.
Madame la ministre, plus de 100 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. Ce mal profond, nous devons le faire reculer. Entre regarder ailleurs et agir, nous avons choisi d’agir. Ma question est donc simple : quel est le plan d’action du Gouvernement ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Mes chers collègues, j’ai tout à l’heure présenté, au nom de tous les députés, nos condoléances, et exprimé l’émotion qu’a suscitée ce drame survenu sur notre territoire.
Il y a des moments où il faut savoir conserver un minimum de lucidité. Devant de tels événements, il faut montrer la solidarité de tous envers toutes les victimes et toutes leurs familles.
Applaudissements sur tous les bancs.
Par conséquent, je le répète, seules comptent l’émotion que nous avons manifestée ici et les condoléances que nous avons présentées aux familles de tous ceux qui ont été touchés par ce drame.
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame Buis, je vous remercie pour votre question car elle porte sur une réforme essentielle dans le système éducatif, celle du collège. Je l’ai dit : nous en avions besoin.
C’est l’occasion pour moi de rappeler que cette réforme n’est pas née de théories élaborées dans des bureaux de la rue de Grenelle : elle s’inspire de ce qui fonctionne sur le terrain depuis des années, grâce à des enseignants motivés et innovants, et qui n’ont pas attendu aujourd’hui pour se retrousser les manches. Je suis allée voir ce qui fonctionne le mieux en termes d’accompagnement personnalisé des élèves pour les faire réussir au collège, en termes de travail en petits groupes – les enseignants savent à quel point il est plus facile d’avoir de petits groupes homogènes dans certains moments délicats –, en termes d’apprentissage des méthodes de travail – apprendre à réviser ses leçons, à prendre des notes, à réaliser un exposé oral, seul ou en groupe. Voilà ce que nous mettons en oeuvre à partir de la rentrée 2016, non pas pour les quelques collégiens qui ont la chance d’avoir des enseignants à l’avant-garde, mais pour tous les collégiens de France.
Cette réforme, je le répète, c’est aussi l’occasion d’exprimer ma confiance au monde enseignant, puisque 20 % du temps scolaire sera désormais à la disposition des équipes pédagogiques pour concevoir des enseignements pratiques interdisciplinaires à travers un accompagnement personnalisé, car nul n’est mieux placé que les enseignants eux-mêmes pour savoir ce dont ont besoin les élèves.
Je conclurai en disant que cette réforme du collège arrive à un moment où nous sommes en train de réformer les programmes, l’évaluation, le brevet, tout en nous attelant à la difficile question de la carte scolaire. C’est donc aussi dans un collège qui se veut socialement plus mixte que les élèves étudieront en 2016. C’est une réforme essentielle pour le pays.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je souhaite tout d’abord adresser les condoléances du groupe écologiste aux familles des victimes de ce terrible accident.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
La pollution atmosphérique est, à juste titre, la première préoccupation environnementale des Français. L’enjeu de santé publique est énorme : décès prématurés, hospitalisations, bronchites chroniques – les dangers sanitaires de cette pollution sont connus. Ces dangers représentent en outre un coût financier important pour la collectivité, qui est évalué, suivant les études, à entre 20 et 30 milliards d’euros pour la France métropolitaine.
Depuis 2012, les particules fines sont classées cancérigènes par l’Organisation mondiale de la santé. Selon cette dernière, sur 7 millions de décès provoqués chaque année par la pollution globale de l’air, plus de 2 millions sont dus à l’inhalation de particules fines.
Monsieur le Premier ministre, la semaine passée, la région Île-de-France a connu un épisode de pollution aux particules fines qui a duré plusieurs jours. Alors que la Ville de Paris et la région Île-de-France pressaient le Gouvernement de mettre en place la circulation alternée à Paris et dans une vingtaine de communes limitrophes, un membre de votre gouvernement a préféré engager une polémique déplacée. Nous savons pourtant que la circulation alternée est une mesure efficace pour lutter contre la pollution atmosphérique : 15 % de la pollution globale est due au trafic automobile. De nombreuses capitales la mettent d’ailleurs en oeuvre à chaque pic de pollution, de manière systématique, depuis des années.
À l’heure où la France a pour ambition de se placer sous le signe de l’exemplarité environnementale, la mise en action des services de l’État a tardé, et c’est regrettable.
Monsieur le Premier ministre, il est incompréhensible pour nos concitoyens que, dès lors que les collectivités sont d’accord pour prendre une telle mesure en cas de pic de pollution, la décision finale appartienne à l’État, et à lui seul. Il est urgent que l’État s’engage à associer systématiquement les représentants des collectivités territoriales à la prise de décision prévue après deux jours de pic de pollution consécutifs. Il serait en outre nécessaire, en cas d’atteinte du seuil d’alerte, de prévoir un mécanisme automatique comprenant une série de mesures concrètes en faveur de la qualité de l’air, dont la circulation alternée. La santé doit être une priorité, monsieur le Premier ministre !
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le député, vous avez bien évidemment raison de souligner que la pollution de l’air a un impact majeur sur la santé et que cela doit être une préoccupation pour tous. Je peux vous assurer que le Gouvernement assume ses responsabilités en mettant en oeuvre des actions proportionnées et graduées. L’an dernier déjà, j’étais intervenue pour faire en sorte que la circulation alternée soit instaurée, compte tenu de la fréquentation accrue des services d’urgence pour des pathologies du type asthme chronique. À l’époque, tous ceux qui, ces derniers jours, ont réclamé la circulation alternée ne faisaient pas preuve du même enthousiasme – mais ce n’est pas de vous ni de votre groupe que je veux parler.
La semaine dernière donc, des mesures proportionnées ont été prises, et la ministre de l’environnement, Mme Ségolène Royal, a décidé de mettre en place une journée de circulation alternée hier.
Au-delà, toutefois, nous avons besoin de mesures de fond, de mesures structurantes. Nous ne devons pas simplement nous attacher aux pics de pollution, nous devons aussi concevoir des dispositifs qui garantiront une meilleure qualité de l’air dans la durée ; tel est l’objet du projet de loi relatif à la transition énergétique, dont une série de dispositions doit permettre d’améliorer la qualité de l’air. Il convient aussi de mieux informer nos concitoyens ; le projet de loi relatif à la santé, qui viendra en discussion la semaine prochaine dans l’hémicycle, comprend des mesures en ce sens.
Vous le voyez : c’est uni que le Gouvernement assume ses responsabilités en matière de santé.
La parole est à M. Martial Saddier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, dans de nombreux départements, le secteur du bâtiment et des travaux publics – le BTP – ainsi que celui de l’hôtellerie-restauration ont souhaité alerter les élus locaux sur la multiplication des recours abusifs à des travailleurs détachés par certaines entreprises.
Déjà fortement touché par la chute de la commande publique, liée entre autres choses à la baisse drastique des dotations de l’État aux collectivités locales, le secteur du BTP subit une concurrence déloyale résultant d’un recours manifestement abusif à la main-d’oeuvre détachée sur de nombreux chantiers. Pour cette catégorie de travailleurs, la législation européenne prévoit en effet que les cotisations sociales applicables sont celles du pays d’origine, alors que le salaire et les conditions de travail relèvent du pays dans lequel ils travaillent.
Permettez-moi, à titre d’exemple, de vous citer le cas du département de la Haute-Savoie. Dans ce département, on dénombrait officiellement quelque 6 890 travailleurs officiels détachés en 2014, dont 78 % dans le secteur du BTP et 11 % dans celui de l’hôtellerie-restauration.
Pour y faire face, la loi dite « Savary » du 10 juillet 2014 a prévu un renforcement des contrôles et des sanctions contre les entreprises ayant recours de manière abusive à des travailleurs détachés. Toutefois, ces dispositions ne se sont pas vraiment traduites en pratique et restent insuffisantes. Les contrôles, tant des URSSAF que de l’Inspection du travail, sont trop rares et ils ne portent pas toujours sur la main-d’oeuvre détachée, ce qui n’est pas de nature à inquiéter les entreprises concernées.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, face à l’exaspération du secteur du BTP, il est temps de régler la question du détachement illégal. Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre cette concurrence déloyale ? Des discussions afin d’uniformiser les charges sociales entre les différents États membres de l’Union européenne sont-elles en cours ? Il est urgent de soutenir nos entreprises !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
« Et du chômage ! » sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, vous avez, par un communiqué de l’Association des maires, alerté le Gouvernement sur la situation dans le département de Haute-Savoie, où il y a énormément de travailleurs détachés. Le problème, vous le savez, n’est pas tant celui du statut du travailleur détaché que celui du recours abusif à cette catégorie de travailleurs, c’est-à-dire du travail détaché illégal, non déclaré. Comme vous l’avez rappelé, deux secteurs sont plus particulièrement confrontés à ce phénomène : celui du bâtiment et celui de l’hôtellerie-restauration.
Pour y remédier, vous et vos collègues avez – et je veux saluer l’action de Gilles Savary en la matière – adopté une proposition de loi, dont les décrets d’application seront publiés au mois d’avril, qui instaure le principe de responsabilité solidaire du donneur d’ordre ; cela est très important.
Au-delà, le projet de loi pour la croissance et l’activité comprend un certain nombre de mesures de nature à répondre à vos légitimes inquiétudes. La première est une forte augmentation de l’amende administrative. La deuxième est la possibilité donnée à l’autorité administrative et au préfet d’arrêter un chantier en cas de fraude manifeste.
La troisième correspond à une disposition que j’ai souhaité prendre afin de protéger plus particulièrement le secteur du bâtiment :…
…il s’agit de l’instauration d’une carte d’identité professionnelle, ce qui permettra d’identifier les travailleurs détachés en situation légale.
J’ajoute que nous allons agir au plan européen pour obtenir une transposition de la directive en matière de transports.
Bref, monsieur le député, vous le constatez : le Gouvernement n’est pas inactif sur le sujet
« Ah bon ? » sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Nous voulons tout à la fois protéger les entreprises qui paient des cotisations et éviter aux travailleurs des conditions indignes de travail.
La parole est à M. Meyer Habib, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Ma question s’adressait au Premier ministre.
Dimanche dernier, à l’issue du premier tour, vous avez, sans la moindre hésitation, comptabilisé dans vos rangs, à gauche, toutes sortes de candidats sous la bannière « union de la gauche ». Il existe dans votre propre camp une inquiétante confusion, qui exige de votre part une clarification. Le trouble s’est installé, et les Français ont le droit de bien comprendre quel est aujourd’hui le périmètre exact de votre majorité, mais aussi celui de la gauche républicaine.
Comptabilisez-vous aussi dans votre camp ces candidats d’extrême gauche qui rejettent l’Europe, s’opposent systématiquement à vos réformes économiques, refusent la réforme territoriale et qui ont fait campagne contre le pacte de responsabilité ? Comptez-vous ceux qui ont lutté sans relâche contre la loi dite Macron, qui attaquent l’action de votre gouvernement et vous ont contraint à recourir à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution ? Faut-il aussi ranger dans vos rangs ces nostalgiques de Castro ou de Chavez, ceux qui, sur le terrain, flirtent parfois ouvertement avec l’islamisme radical et ce nouvel antisémitisme
Exclamations sur les bancs de plusieurs bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste
qui se nomme, je cite le Premier ministre, « antisionisme » ?
Dois-je rappeler que, l’été dernier, certains élus d’extrême gauche ont participé à des manifestations illégales, pro-Hamas, où on a scandé : « Mort aux Juifs ! » ; sans oublier ces maires, comme ceux de Bagnolet, Gennevilliers, Aubervilliers et Valenton, qui, pour flatter leur électorat, ont rebaptisé des places en hommage à des terroristes avérés ou ont élevé ceux-ci au rang de citoyens d’honneur de leur commune ?
Le combat républicain ne peut être ni à géométrie variable ni hémiplégique. Il doit être clair et sans ambiguïté : si « ni… ni… » il y a, ce doit être « ni l’extrême droite ni l’extrême gauche ».
Monsieur le Premier ministre, ne trouvez-vous pas qu’il y a une certaine incohérence, voire une compromission morale, à intégrer cette extrême gauche-là dans votre camp ? Comptez-vous, pour les élections à venir, y compris pour le scrutin de dimanche prochain, dénoncer et refuser toute alliance avec ces candidats comme avec ceux du Front national, avec ces candidats qui déshonorent la gauche républicaine mais aussi les valeurs…
Merci, cher collègue !
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.
Monsieur le député, vous connaissez l’engagement du Gouvernement contre le racisme et l’antisémitisme. Vous avez eu raison de rappeler que, ces dernières semaines, au cours de cette campagne électorale, et alors même que des attaques racistes et antisémites perpétrées sur son sol ont bouleversé notre pays, un certain nombre de propos et de discours ont été proférés, notamment des propos et discours antisémites, racistes et xénophobes, et l’on sait que la xénophobie conduit effectivement au racisme et aux plus grandes tragédies de l’histoire.
C’est pourquoi votre formation politique, l’UDI et avec elle, évidemment, l’ensemble de la gauche, mais aussi des personnalités de l’UMP – je pense notamment au président du Sénat, Gérard Larcher, et à M. Alain Juppé –, se sont prononcées contre cette politique un peu nouvelle de l’UMP, qui consiste à renvoyer dos à dos les républicains et l’extrême droite.
Vives exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.
Je tenais à signaler cette convergence.
Vous vous êtes aussi inquiété, monsieur le député, d’un certain nombre de positions qui ont pu être prises. Vous savez combien le Gouvernement a toujours été inflexible lorsqu’il s’est agi d’interdire un certain nombre de manifestations ou de propos qui avaient rapport avec l’antisémitisme. Pour le reste, monsieur le député, vous le savez, nous ne sommes pas à l’origine d’un quelconque compte global des suffrages. Quant à l’extrême gauche, puisque c’est l’objet de votre question, eh bien, pour le peu qu’elle représente, elle a été comptabilisée comme elle devait l’être. Le Gouvernement, pour sa part, n’a de relations, vous le savez, qu’avec des formations politiques qui s’engagent résolument contre le racisme et l’antisémitisme.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Claude Mathis, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adressait à M. le Premier ministre.
Les résultats du premier tour des élections départementales de dimanche dernier sont un désaveu de la politique actuellement menée.
Ils confirment que vous faites fausse route et que les Français n’en peuvent plus. En effet, au cours de cette campagne, les candidats de toutes tendances ont été violemment interpellés. M. le Premier ministre a dû l’être aussi, lui qui s’est fortement exposé.
Quelle que soit leur sensibilité politique, nos concitoyens en ont ras-le-bol de la hausse chronique des dépenses publiques et du matraquage fiscal de la population, toutes catégories confondues.
Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Entrepreneurs, commerçants, artisans, employés à domicile, salariés qui font des heures supplémentaires, retraités, familles, les Français sont accablés et disent : « Stop ! » Cette situation ne peut durer.
Le constat est sans appel. Malgré un climat économique international bien meilleur, vous avez continué à augmenter les impôts, sans réduire les déficits ni la dette. On compte, en moyenne, deux nouvelles taxes ou augmentations d’impôt par mois.
Depuis 2012, la majorité socialiste a ordonné le prélèvement de plus de 9 milliards d’euros sur la capacité de financement des entreprises.
Vous avez provoqué, de ce fait, une instabilité particulièrement nocive pour l’investissement et la confiance. Plus grave encore, vous avez, à ce jour, ponctionné directement plusieurs dizaines de milliards d’euros sur le pouvoir d’achat des Français.
Vos décisions ont, de plus, considérablement accru l’inéquité fiscale. Le sentiment que certains payent tout et d’autres rien remet en cause le lien entre les Français et l’impôt. Alors, faut-il travailler plus…
Merci, monsieur le député, d’avoir posé votre question sur ce ton, qui tranche avec l’agressivité qui peut parfois régner dans cet hémicycle.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Je voudrais simplement rectifier un certain nombre de constats que vous avez faits, auxquels je ne souscris pas.
Tout d’abord, vous avez évoqué l’augmentation de la dépense publique. Je voudrais vous préciser, par exemple, que, de 2013 à 2014, la dépense de l’État a baissé de 3,3 milliards d’euros.
Rires et exclamations sur certains bancs du groupe UMP.
Je donne les chiffres de l’exécution de budgets de l’État, je ne parle pas de quelque prévision tendancielle. Nous allons poursuivre sur cette voie.
Vous avez évoqué aussi, monsieur le député, sur un ton parfaitement mesuré, l’absence de baisse des déficits publics. Je voudrais néanmoins vous indiquer que cette baisse, dont je vous épargnerai la chronologie, est néanmoins réelle.
Nous aurons l’occasion, à la fin de cette semaine, de publier les chiffres définitifs, qui ne sont pas encore connus aujourd’hui, du solde budgétaire de l’ensemble de l’État, tous opérateurs confondus. Vous vous apercevrez, monsieur le député, que ces chiffres ne sont pas mauvais.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Enfin, en ce qui concerne l’augmentation des impôts, je voudrais vous rappeler, monsieur le député, que les hausses d’impôt – gel du barème, suppression de la demi-part des veuves – sont bien antérieures à notre arrivée au Gouvernement. Je l’ai dit ici, et je le répète, il n’y aura pas d’augmentation d’impôt dans les prévisions et les décisions du Gouvernement.
La parole est à Mme Jacqueline Maquet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, vous portez la réforme de notre système de santé dans le but de le renforcer et de le moderniser.
Le projet de loi relatif à la santé, que nous avons examiné en commission la semaine dernière, comporte de grandes avancées pour les patients : le tiers payant intégral d’ici à 2017, afin que personne n’ait à avancer de l’argent pour se soigner ; le développement des actions de prévention contre l’obésité et le tabac ; la lutte contre les déserts médicaux.
Je tiens à vous parler d’autre une autre grande avancée de ce projet de loi, qui était déjà évoquée dans le plan cancer 2014-2019 : le droit à l’oubli. Cette mesure figurait d’ailleurs dans le programme de François Hollande pour les élections présidentielles. Ce matin, en présence du Président de la République, vous avez signé avec Michel Sapin un protocole d’accord sur le droit à l’oubli.
Qu’est-ce que le droit à l’oubli ? C’est le droit, pour ceux qui ont guéri du cancer, de ne pas avoir à faire figurer, dans leur dossier d’assurance, leur ancienne maladie. Grâce à ce protocole, ils n’auront plus à signaler leur cancer lorsqu’ils voudront contracter un emprunt. Le cancer est une maladie qui marque à vie ; nous ne devons pas accepter que les anciens malades soient marqués au fer rouge, et qu’ils aient toujours à signaler leur maladie dans leur dossier de souscription d’emprunt. Cela leur coûte cher, en temps comme en argent ; ces anciens malades souffrent, toute leur vie, de ces difficultés.
Nous avons tous droit à un projet de vie. Madame la ministre, comment comptez-vous assurer le droit à l’oubli ? Quand sera-t-il effectif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes GDR, écologiste et RRDP.
La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Madame la députée, le Président de la République avait en effet annoncé, en 2013, lors du lancement du troisième plan cancer, sa volonté de mettre en place un droit à l’oubli pour ceux qui ont été malades, mais ne le sont plus. Ces personnes connaissent toujours des difficultés pour obtenir un prêt, ou des conditions d’assurance leur permettant de construire des projets d’avenir.
Ce matin, le Président de la République a concrétisé cet engagement. Il a signé, avec les représentants des assurances, une convention qui permettra aux anciens malades de ne plus avoir à déclarer leur ancienne maladie, passé un certain délai. Concrètement, qu’est-ce que cela veut dire ? D’abord, tout enfant de moins de quinze ans ayant eu un cancer n’aura plus à déclarer sa maladie cinq ans après l’arrêt de son traitement. Ensuite, l’INCA – Institut national du cancer – définira le délai au terme duquel un adulte ayant été malade pourra ne plus déclarer sa maladie, sachant que ce délai ne pourra excéder quinze ans.
Comme vous le voyez, madame la députée, c’est une avancée majeure ; à cet égard, la France est un exemple à l’échelle internationale. Il faut y insister : ce droit à l’oubli, c’est un acte de confiance non seulement pour les anciens malades, mais aussi pour ceux qui sont actuellement touchés par la maladie ; ces derniers peuvent désormais se dire qu’à l’avenir, lorsqu’ils ne seront plus malades, ils pourront à nouveau former des projets d’avenir, comme tout un chacun.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes GDR et UMP.
La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, les résultats du premier tour des élections départementales sont catastrophiques. Ils sont catastrophiques pour vous, bien entendu, puisqu’ils traduisent l’échec du Gouvernement, mais aussi, plus largement, pour notre pays et notre démocratie. Moins d’un électeur sur deux s’est déplacé, et les résultats des votes doivent tous nous interpeller. En politisant cette élection au niveau national, vous êtes responsable d’avoir envoyé au tapis des centaines de conseillers généraux PS ou de gauche, qui ont été éliminés dès le premier tour alors qu’ils n’avaient pas nécessairement démérité localement.
Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Ces résultats m’ont aussi mise en colère ! Les Français remettent en cause la capacité du politique à agir. Ils n’en peuvent plus des discours et des postures. Ils veulent des actes, de la cohérence, des résultats !
En matière d’annonces non suivies d’effet, le Gouvernement excelle. Prenons l’exemple du choc de simplification, voulu et promu par le Président de la République : les Français n’en peuvent plus des contraintes administratives permanentes, complexes et tatillonnes !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Ils ne les comprennent plus, et ne supportent plus les discours contradictoires sur cet enjeu. Demandez aux agriculteurs qui subissent, presque chaque année, de nouvelles normes environnementales ! Demandez aux artisans, qui ne voient pas comment ils pourront appliquer le dispositif kafkaïen du compte pénibilité ! Demandez aux chefs d’entreprise et aux salariés, qui ne savent plus très bien ce que le Gouvernement souhaite en matière de cession d’entreprise ! Demandez à tous les Français, qui ne se retrouvent pas dans votre simplification du mille-feuille administratif !
Les Français veulent que l’action publique soit exemplaire. Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous enfin être cohérent en matière de simplification administrative et obtenir des résultats ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de la réforme de l’État et de la simplification.
Madame la députée, je répondrai à la deuxième partie de votre question, la première n’ayant qu’un lien très éloigné avec le problème de la simplification. D’ailleurs, les questions les plus simples appelant les réponses les plus simples, vous auriez pu être plus directe !
Je vous sais spécialiste du choc de simplification, auquel vous paraissez très attachée. Vous savez donc comme nous qu’en la matière, la France a pris environ dix à douze années de retard sur les principaux pays européens.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Si le Président de la République a décidé de mettre les bouchées doubles à partir du 1er janvier 2014, c’est simplement parce que rien – ou pas grand-chose – n’a été fait auparavant.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Sur les 270 mesures qui ont été annoncées aux Français, 95 % sont engagées et 34 % sont effectives et constatables dans la vie des entreprises ou des particuliers.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Parmi celles-ci, puisque vous voulez des éléments concrets, je rappelle la non-rétroactivité fiscale, la publication des instructions fiscales à date fixe, les marchés publics simplifiés qui ouvrent à toutes les PME de France la commande publique sur la base d’un simple numéro SIRET, l’assouplissement des normes de construction, le raccourcissement des contentieux d’urbanisme, et ainsi de suite.
Vous comprendrez facilement que nous avons déjà bien commencé à travailler sur le stock de règles existantes. Il faut désormais nous attaquer collectivement, sur tous les bancs de cette assemblée, au flux de normes. Il faut arrêter de voter des lois bavardes
Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Chacun devrait s’y mettre, tout particulièrement vous ! À partir du mois de juillet, nous proposerons un dispositif qui permettra de contrôler cela.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Romain Colas, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Notre assemblée a voté il y a quelques semaines un projet de loi sur la dépendance qui va mobiliser 645 millions d’euros par an pour adapter la société au vieillissement. Celui-ci poursuit son parcours législatif, après son adoption la semaine dernière au Sénat. Le défi qu’il propose de relever, celui du bien vieillir, est considérable, essentiel. Dans nos communes et nos départements, nous agissons et nous innovons au quotidien pour le relever.
Avec cette réforme nationale de la dépendance défendue par notre majorité, nous agissons concrètement en faveur du maintien à domicile en revalorisant de façon substantielle l’allocation personnalisée pour l’autonomie – l’APA –, créée par Lionel Jospin au début des années 2000. Nous agissons concrètement en expérimentant des solutions innovantes utilisant les nouvelles technologies et développant la silver economy. Nous agissons concrètement en mutualisant les efforts des professionnels, des associations de soutien aux personnes âgées, des structures dédiées de nos villes et de nos campagnes. Enfin, nous agissons concrètement en créant un droit au répit pour les proches – enfants, cousins, neveux ou nièces – qui viennent en aide à des personnes âgées.
Pour cette majorité, la solidarité intergénérationnelle, ce ne sont pas que des mots, ce sont aussi des actes. Nous devons beaucoup aux générations qui nous ont précédés. Les soutenir, les accompagner et les protéger est notre devoir. Aussi, madame la secrétaire d’État, je souhaiterais connaître l’engagement du Gouvernement en la matière.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le député, le Gouvernement fait de la lutte contre la perte d’autonomie des personnes âgées, de la justice sociale et de l’accompagnement du vieillissement l’une de ses priorités. Il le prouve par cette loi qui permettra d’allouer au vieillissement un budget supplémentaire de 650 millions d’euros au minimum chaque année. Le projet de loi a été adopté à l’unanimité la semaine dernière au Sénat en première lecture. Je me félicite qu’aucun groupe parlementaire ne s’y soit opposé. Les groupes socialiste, UDI, écologiste et radicaux de gauche ont voté ensemble ce projet de loi.
Celui-ci apportera aux personnes âgées une aide matérielle nouvelle au quotidien : une heure par jour d’aide à domicile supplémentaire pour ceux qui sont en situation de plus grande perte d’autonomie et une heure par semaine pour les autres. De plus, elle apportera aux familles, aux aidants, un droit au répit, grâce à une allocation qui leur permettra de recourir soit à un hébergement temporaire, soit à des aides supplémentaires au domicile. Enfin, ce projet de loi est financé, puisqu’il a été construit sur la base des prélèvements de la contribution de solidarité pour l’autonomie – la CASA. Nous engageons des dépenses en mettant en face des recettes, ce qui nous permettra à la fois d’augmenter de 13 % le budget de l’APA, ce qui est inédit, et d’augmenter la compensation de l’État aux départements.
Cette loi irriguera l’ensemble des politiques publiques puisqu’elle constitue un nouveau regard sur le vieillissement. Elle mobilisera les collectivités territoriales et toute la société civile en faveur des personnes âgées, pour que nous développions ensemble solidarité, justice sociale et accompagnement et que nous adaptions notre société à l’un des plus beaux défis que nous ayons à relever dans les années à venir.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
En juin dernier étaient réunis en Normandie tous les chefs d’État et de gouvernement pour célébrer le soixante-dixième anniversaire du Débarquement. Cette cérémonie fut également l’occasion d’avancées diplomatiques sur le dossier ukrainien, qui cristallise les tensions. Le 9 mai prochain, la Russie célébrera les soixante-dix ans de la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie. La France est invitée, comme l’ensemble des pays alliés en 1945. Plusieurs de ces pays ont déjà confirmé leur présence, notamment la République tchèque, la Slovaquie et la Norvège. Diplomate, Angela Merkel a fait savoir qu’elle se rendrait à Moscou le lendemain, le 10 mai, afin d’y déposer une gerbe en hommage à tous les anciens combattants. D’autres pays ont fait savoir qu’ils souhaitaient boycotter cette commémoration, notamment les pays baltes et la Pologne.
Ma première question est simple : la France participera-t-elle aux cérémonies du 9 mai à Moscou, destinées à commémorer avant tout le sacrifice des anciens combattants ? Les Russes n’oublient jamais de mentionner ceux de Normandie-Niemen, qui eurent à la fois un rôle militaire, symbolique et réel pendant ces opérations.
Pour l’heure, nous n’avons toujours pas répondu.
Deuxièmement, avons-nous enfin chiffré le coût des sanctions contre la Russie ? Des entreprises comme Sambre et Meuse, établie dans le Nord, et certains producteurs agricoles font les frais de ces sanctions.
L’Europe est pénalisée, quand des pays comme les États-Unis ne subissent pas le coût de ces sanctions.
Allons-nous enfin mesurer leur coût réel ? Certes, nous faisons partie d’une alliance, mais nous avons également le devoir de regarder la réalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée du développement et de la francophonie.
Monsieur le député, en l’absence de Laurent Fabius, je vous confirme que nous mesurons toute l’importance d’une relation de partenariat constructif avec la Russie.
Nous n’oublions pas non plus, monsieur le député, le rôle décisif qu’elle a joué pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est la raison pour laquelle un détachement de soldats français participera aux commémorations organisées le 9 mai prochain à Moscou. Bien sûr, la France sera présente, mais son niveau de représentation sera décidé avec l’ensemble de nos partenaires européens.
L’importance que nous attachons à notre partenariat avec la Russie ne peut cependant pas conduire à accepter les violations du territoire et de la souveraineté de l’Ukraine, qui durent depuis plus d’un an.
Vous êtes informé de la présence de Mme Merkel le lendemain. Quant à nous, nous avons répondu que nous serons présents, mais laissez-nous décider du niveau de représentation.
Je tiens également à répondre à votre deuxième question, par laquelle vous vous inquiétez du bilan de ce conflit. Nous sommes évidemment conscients du poids de ces sanctions sur l’économie française et européenne.
La France est d’ailleurs toujours forcée d’en atténuer l’impact lors des négociations à ce sujet à Bruxelles. Mais il ne faut pas se tromper : c’est bien la Russie qui souffre aujourd’hui le plus de ces sanctions. C’est elle qui voit son PIB se contracter, sa monnaie se dévaluer, les investissements étrangers se raréfier, les capitaux fuir le pays.
Nous ne vous parlons pas de la Russie, nous vous parlons de la France !
Monsieur le député, cette fermeté reste indispensable pour faire aboutir le processus que nous avons engagé pour sortir de cette crise et pour lequel nous avons déployé énormément d’efforts.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.
L’ordre du jour appelle les explications de vote communes et les votes par scrutin public sur le projet de loi relatif à la biodiversité (nos 1847, 2064) et sur la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité (nos 2055 rectifié, 2629, 2107).
Dans les explications de vote communes, la parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, madame la rapporteure, mes chers collègues, plusieurs mois après son examen en commission du développement durable, je ne peux que féliciter notre assemblée du travail qui a été accompli sur ce projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Je tiens avant tout à remercier Mme la rapporteure, Geneviève Gaillard, pour son implication très forte, mais aussi tous les parlementaires, les administrateurs et les collaborateurs qui se sont investis dans l’examen des 1 500 amendements déposés sur ce texte de quelque 130 articles, et ce malgré un agenda chargé en raison du calendrier électoral. Les auditions organisées par Mme Gaillard, rappelons-le, nous auront permis d’entendre plus de 200 personnes. Je remercie enfin la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qui ne peut être parmi nous aujourd’hui. Elle a su faire sien ce projet de loi, et l’ouverture d’esprit avec laquelle elle a appréhendé les débats parlementaires a permis de parvenir au texte de compromis sur lequel nous allons nous prononcer.
Ces débats, particulièrement riches, ont permis de parvenir à un équilibre entre les différents enjeux environnementaux et économiques liés à la diversité biologique et au vivant. Le texte participe d’ailleurs à l’indispensable évolution des politiques en faveur de la transition écologique, qui dépasse les traditionnelles oppositions entre économie et environnement, entre milieu urbain et ruralité.
Il amorce également un rapprochement entre biodiversité aquatique et biodiversité terrestre. Par parenthèse, j’espère que cette dernière sera mieux représentée au sein de l’Agence française pour la biodiversité – AFB.
Après plusieurs mois de réflexions, de discussions et de négociations, nous sommes parvenus à préciser certains points, relatifs notamment à la transposition dans notre droit du protocole de Nagoya ou aux questions de gouvernance de la future Agence française pour la biodiversité, qui ont été longuement évoqués.
En cette année fortement marquée par la tenue de la conférence mondiale sur le climat, ce texte nous donne l’occasion de dépasser nos différences.
L’équilibre que j’évoquais est également à l’oeuvre dans la prise en compte et la reconnaissance des différents acteurs de la biodiversité. Je salue à cet égard la forte implication des représentants des territoires ultramarins et je les félicite pour leur pugnacité, qui a permis de faire nettement évoluer le projet en faveur de leurs régions, lesquelles concentrent 80 % de la biodiversité nationale. Mais ce texte concerne également les agents de la future Agence française pour la biodiversité, des autres établissements publics, des organismes publics et parapublics, des collectivités, ainsi que les associations, les chercheurs, les professionnels du paysage – avec la reconnaissance très attendue du métier de paysagiste concepteur –, les agriculteurs, les pêcheurs, les sylviculteurs, les industriels, les chasseurs, et, surtout, vous et nous, tous les citoyens, puisque l’espèce humaine est en perpétuelle interaction avec les milieux terrestres et aquatiques.
En plus de réformer la gouvernance de la biodiversité en la dotant, avec la future Agence, d’un outil performant et plus lisible, le texte redéfinit les objectifs assignés aux acteurs en confiant à ceux-ci de nouveaux moyens d’action. Cette reconnaissance des acteurs est évidemment déclinée dans le cadre de la gouvernance, par leur représentation dans les différents organes mais également via l’évolution de l’articulation entre l’AFB, le Conseil national de protection de la nature et le Comité national de la biodiversité.
Concernant la transposition des engagements pris dans le cadre du protocole de Nagoya sur l’APA, l’accès aux ressources et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, cette volonté de compromis a permis de parvenir à une définition de l’utilisation durable des ressources génétiques en relation avec les enjeux qui y sont attachés en matière de recherche d’économies, tout en prenant en compte les connaissances traditionnelles des communautés d’habitants.
Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a parlé de co-construction. Le changement de titre qu’elle a proposé – « projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » – illustre l’enrichissement de ce texte. Il traduit aussi l’ambition de faire de la France un pays exemplaire en matière de transition écologique et la volonté de notre assemblée de relever les défis majeurs auxquels nous, mais surtout les générations futures, serons confrontés.
C’est pourquoi l’enjeu ne peut pas, ne doit pas se réduire aux logiques partisanes traditionnelles, et ce malgré le contexte électoral. Le texte contient autant d’avancées que de concessions, au nom desquelles nous nous devons de dépasser nos différences. Le groupe socialiste, républicain et citoyen, que je représente ici, le votera.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, quel plus beau concept que celui de préserver la biodiversité ? L’homme n’en est-il pas lui-même le fruit et l’un des éléments ? Il se doit d’être le gardien des espèces faunistiques et floristiques qui l’entourent. Pourtant, les cycles naturels et l’activité humaine telle que la déforestation massive, pourraient engendrer à brève échéance la sixième extinction massive des espèces. Face à ce constat, nous devons tous nous mobiliser.
Ce sujet devrait faire consensus, à l’image de ce que nous avons connu avec le Grenelle de l’environnement. Rappelons-nous ces tables rondes, ces réunions régionales où ceux qui ne s’étaient jamais parlé finissaient par échanger de façon constructive. L’esprit du Grenelle, inspiré par Jean-Louis Borloo, soulevait des débats qui rassemblaient au-delà des convictions premières.
Le texte sur la biodiversité aurait dû être ce moment privilégié pour la République, où l’ensemble des citoyens se retrouvent sur l’essentiel. Mais vous n’avez pas voulu de cela ! En laissant libre cours à un acharnement contre ceux qui vivent et travaillent sur les territoires ruraux, vous avez laissé fracasser l’esprit du Grenelle sur le mur des idéologies politiciennes.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
En introduisant le principe de solidarité écologique, vous fragilisez les nouvelles réalisations d’équipements ou d’infrastructures en zones rurales. La modification de la composition du conseil d’administration de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage – l’ONCFS – s’est faite sur le dos des chasseurs qui, je le rappelle, financent largement cet organisme.
Vous n’avez pas voulu nous entendre sur le rôle des agriculteurs dans la biodiversité. Ils ont rappelé, par la voix de leurs organisations syndicales et de leurs chambres consulaires, qu’ils étaient d’accord pour agir en faveur de la biodiversité, mais pas celle qui est définie par les extrêmes. Et si nous avons obtenu, avec nos collègues ultramarins, un élargissement du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité aux élus des territoires d’outre-mer et de la montagne, vous n’avez jamais accepté de revoir le nombre de sièges dévolus à ceux qui travaillent sur le terrain. Ils seront quatre – sur quarante-quatre membres ! – à représenter toutes les composantes économiques, et parmi eux, au maximum deux agriculteurs !
Au final, votre loi crée un organisme de plus, sans même en assurer le financement. Son budget ne correspondra qu’à la consolidation des budgets existants des structures qui le composent. Ce texte ajoute des normes et des contrôles pour les agriculteurs de France. Alors que la crise actuelle nous impose une plus grande souplesse des textes, vous empilez les règlements pour ceux qui travaillent.
Ce texte attache un boulet supplémentaire aux chevilles des agriculteurs de France ! Quelle sera leur compétitivité ? Pourtant, ce sont bien eux qui entretiennent la nature et les paysages. Ce sont eux qui maintiennent les prairies, les haies ou les bosquets, autant d’habitats pour les oiseaux et les batraciens.
Plutôt que de reconnaître leur action au quotidien, vous allez laisser pâlir l’image de nos agriculteurs ! Plutôt que de reconnaître leur rôle de gestionnaire des espaces naturels, vous avez choisi de les condamner à davantage de tracasseries administratives.
Ce texte est un nouveau rendez-vous manqué par ce gouvernement qui n’entend décidément rien de la France qui souffre, de la France rurale. Vous avez préféré, au coeur d’un scrutin local, faire une loi d’affichage, une loi racoleuse à l’adresse de vos alliés politiques, qui vous ont, malgré tout, abandonnés.
Le groupe UMP, dont vous avez refusé la plupart des amendements, ne s’associera pas à cette politique d’affichage et votera contre le texte !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, la biodiversité est un enjeu extrêmement important. Le capital vert s’érode de jour en jour, beaucoup trop d’espèces sont menacées ou ont déjà disparu. La violence du progrès, le pillage de certaines matières premières, la pollution des sols et des océans, la réduction des espaces, le réchauffement climatique : tous les indicateurs de la biodiversité sont au rouge et nous nous demandons tous ce que nous allons léguer à nos descendants. Beaucoup d’experts entrevoient la survenue imminente d’une sixième phase d’extinction des espèces et Gilles Boeuf rappelle justement que « l’homme est aujourd’hui la plus puissante force évolutive de la planète ».
Lors de la première conférence environnementale de 2012, nous avions donc accueilli d’un oeil plus que favorable la proposition du Président de la République de créer une grande agence nationale de la biodiversité dotée de réels moyens, d’autant que cette idée avait déjà été avancée par Jean-Louis Borloo, qui n’avait pas eu le temps de la mettre en oeuvre.
Il apparaissait en effet nécessaire de regrouper ou de fédérer les structures existantes pour avoir une vue globale sur la situation, en métropole comme en outre-mer. Afin de disposer d’analyses solides et fiables dans un contexte de diminution des moyens publics, nous pensions qu’il était indispensable de coordonner et de rendre davantage cohérentes toutes les structures d’expertises dans ce domaine.
Comme d’habitude, hélas, et malgré la qualité du travail de Mme la rapporteure, que je tiens à saluer, ce texte de loi n’a plus rien à voir avec les annonces. Il n’y a plus de grande agence de la biodiversité. Si nous n’avons jamais été favorables à une intégration directe de l’ONCFS et de l’ONF au sein de l’AFB, nous ne pouvons que constater qu’elle se résume à une structure experte des milieux aquatiques. Quel flop ! Le texte ne contient rien sur les moyens d’accompagnement. On met à contribution des organismes déjà saignés à blanc par l’État, je pense notamment aux agences de l’eau.
Nous aurions dû être sur nos gardes, car vous ne cessez de nous faire le coup, monsieur le secrétaire d’État ! On devait, avec la commission Duron, enfin s’engager vers de vraies priorités en matière d’infrastructures. On a abouti, en fait, au pire immobilisme que l’on ait connu sous la Ve République. Le Président de la République s’était engagé à construire 500 000 logements neufs et à rénover autant de logements anciens chaque année. C’était un grand engagement de la première conférence gouvernementale.
L’objectif est atteint à peine pour moitié.
La plus grande loi sur la transition énergétique devait nous être proposée. Et en fait, on est loin des simples objectifs du Grenelle de l’environnement.
Comme d’habitude, le Gouvernement est allé précipitamment rechercher ce qui traînait en magasin, afin de garnir un peu une corbeille de la mariée particulièrement maigre.
Le protocole de Nagoya a été ratifié en octobre dernier et il fallait l’introduire dans notre législation. C’est chose faite, notamment avec des dispositions importantes pour l’outre-mer. À ce sujet, nous ne pouvons que nous réjouir des avancées obtenues, notamment grâce au travail des députés de la Polynésie française, Maina Sage et Jean-Paul Tuaiva. Alors que les territoires d’outre-mer représentent 80 % de notre biodiversité, il était indispensable qu’ils soient convenablement représentés dans les différentes instances de gouvernance. La gestion des réserves naturelles en mer par les acteurs socio-économiques est affirmée, ce qui est aussi une bonne chose. De nouveaux outils d’intervention sont imaginés, nous verrons leur efficacité à l’usage.
C’est habile : comment s’opposer à des mesures de bon sens ? Mais cela n’a plus rien à voir avec ce que vous proposiez et qui était demandé par les acteurs engagés dans la protection de la biodiversité. Jeudi, pour clore nos débats courtois et souvent riches, Mme la ministre de l’écologie s’est lancée dans un vibrant plaidoyer en faveur de son projet de loi. Le lyrisme et l’enthousiasme l’ont entraînée, comme cela peut arriver à certains orateurs, à une conclusion surréaliste. Selon elle, cette loi ne manquera pas d’être un grand exemple au niveau international. Mais ce texte, essentiellement prophétique, se cantonne à des avancées mineures. Nous ne sommes ni des bateleurs de foire ni des casseurs d’assiette et n’avons pas à faire rire nos concitoyens pour attirer leur attention.
Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, nous ne pouvons pas nous opposer à ce projet de loi, car il y a de petites avancées en matière de protection de la biodiversité, et toute avancée est bonne à prendre. Nous ne pouvons cependant pas le voter car il est aux antipodes de ce que nous espérions. Le groupe UDI s’abstiendra donc sur le projet de loi. Quant à la proposition de loi sur la nomination du président du conseil d’administration de l’AFB, nous y serons favorables car, d’une part, nous avons toujours souhaité la création d’une telle agence et, d’autre part, le Parlement doit évidemment jouer son rôle dans cette nomination.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, réconcilier l’homme avec la préservation de la biodiversité, voilà bien tout l’enjeu du projet de loi relatif à la biodiversité qui est soumis à nos suffrages cet après-midi. Voilà bien le défi que nous devons relever pour surmonter les vaines crispations et les contradictions proclamées, entre le développement de l’activité humaine et la formidable et précieuse profusion de la nature.
Car comme l’explique Thierry Gauquelin, certainement un des meilleurs experts sur la biodiversité, à qui la science est redevable, ce paradoxe n’est qu’apparent : « Le bassin méditerranéen, nous dit-il, fait partie des trente-quatre ’’points chauds’’ dans le monde, avec une biodiversité exceptionnelle. Il y a à la fois une diversité importante de milieux et de climats, des îles et des zones de montagne, mais aussi une présence de l’homme très ancienne. Le paradoxe, c’est que cet espace est bel et bien aussi le berceau des civilisations. L’idée communément admise que l’action de l’homme détruit cette biodiversité est ici battue en brèche » Dans le bassin méditerranéen, la cohabitation et l’essor concomitant de l’homme et de la nature dans un espace commun est une réalité.
La biodiversité, richesse patrimoniale et moteur économique, est certes aujourd’hui de plus en plus menacée par la surexploitation, la destruction et la fragmentation des habitats, l’introduction d’espèces envahissantes et les pollutions. Mais cela ne doit pas nous empêcher de trouver des régulations intelligentes pour nous donner les moyens de fonder des compromis qui protègent la nature tout en respectant la culture, et l’homme, comme le prônait au demeurant la directive « Habitat » de l’Union européenne.
Après plusieurs dizaines d’heures d’examen en commission et en séance, et l’adoption de plusieurs centaines d’amendements, le texte issu de nos travaux répond-il à cet objectif ? Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste le pensent, à quelques exceptions près, et voteront majoritairement pour ce projet de loi, car il représente une avancée décisive pour la biodiversité et respecte globalement l’ensemble des activités humaines, habituellement considérées comme néfastes pour la nature.
Près de quarante ans après la loi de protection de la nature de 1976, nous avions besoin d’une évolution de la perception de la biodiversité pour renouveler les grands principes qui structurent la politique de conservation de la biodiversité, en introduisant une vision dynamique des écosystèmes, ainsi que le concept de solidarité écologique. Nous avions besoin d’une simplification et d’une amélioration de la gouvernance des politiques, au niveau national comme régional, et d’une valorisation de l’expertise scientifique et technique pour éclairer les décisions publiques.
Avec l’Agence française pour la biodiversité et les instances de représentations des acteurs, le projet de loi est novateur et ambitieux. Nous ne doutons pas que cet opérateur est voué à un bel avenir. Nous sommes particulièrement satisfaits de l’adoption d’amendements qui affinent la représentation des territoires, en particulier pour les outre-mer, mais également pour la montagne, dont notre groupe est à l’origine.
Nous nous félicitons de l’adoption d’amendements qui protègent nos agriculteurs et nos chasseurs, authentiques passionnés et protecteurs de la nature.
Enfin, à titre personnel, mais dans une communauté de pensée avec les habitants et les élus de la montagne, je suis satisfait de la prise en compte des spécificités des cours d’eau de montagne, notamment pour l’irrigation.
À la suite d’un amendement adopté en commission, votre serviteur conduira une mission pour analyser comment la fragilité du modèle économique de certaines structures agricoles de montagne est prise en compte dans la mise en oeuvre des dispositions de la loi sur l’eau.
Vous pouvez compter sur moi pour pousser des propositions efficaces afin de concilier la préservation des ressources en eau et le maintien d’une agriculture montagnarde. S’il reste des ajustements à effectuer, et nous comptons sur la sagesse de la Haute assemblée pour les apporter, les députés du groupe RRDP sont majoritairement convaincus que ce projet de loi est un bon texte. Nous ne doutons pas qu’il portera de beaux fruits.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous allons enfin voter en séance publique ce projet de loi relatif à la biodiversité et aux paysages. Les projets de loi sur la nature et la biodiversité sont rares ; les écologistes se sont donc évidemment beaucoup mobilisés sur ce texte.
Nous le savons, la dégradation de notre environnement et l’érosion de la biodiversité s’opèrent à un rythme soutenu. Le dernier rapport de l’Agence européenne pour l’environnement nous rappelle bien l’urgence de la situation. Ce n’est qu’un des nombreux rapports publiés et ils sont tous plus sombres les uns que les autres. Nous vivons actuellement la sixième crise massive d’extinction des espèces ; la disparition des espèces animales et végétales a lieu actuellement à un rythme 1 000 fois plus rapide que le rythme naturel. L’érosion de la biodiversité, ce n’est pas seulement la disparition d’une espèce animale et végétale remarquable à l’autre bout de la planète, c’est le bouleversement complet de nos écosystèmes – écosystèmes qui nous permettent de produire de la nourriture, d’avoir de l’eau potable, un air de qualité, bref, de vivre.
Surtout, la France a une responsabilité particulière en la matière, avec des territoires d’outre-mer très riches en biodiversité, notamment endémique ; elle possède le deuxième domaine maritime mondial.
Ce projet de loi permettra-t-il à la France de contribuer à la préservation et à la reconquête de la biodiversité ? Nous ne pouvons pas en être certains, mais il va globalement dans le bon sens et la quasi-totalité des mesures qu’il contient sont un plus pour la préservation de la biodiversité.
Nous nous félicitons par exemple de l’inscription du principe de solidarité écologique dans notre corpus juridique, de la nouvelle architecture des instances compétentes en matière de biodiversité et de la création d’outils nouveaux comme les zones prioritaires pour la biodiversité, les obligations réelles environnementales ou encore les réserves de biosphère. Citons également l’application du protocole de Nagoya sur l’accès aux avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles et leur partage, même si nous aurions aimé aller plus loin sur le sujet de la biopiraterie.
Sur certains sujets, par contre, le texte demeure insuffisant. Je pense notamment à la définition de la biodiversité, qui n’est pas adaptée à la vision dynamique des écosystèmes. Je pense aussi au refus d’intégrer dans notre législation le principe de non-régression du droit de l’environnement, ainsi qu’au manque de mesures concernant l’artificialisation des sols et au manque de lisibilité concernant le découpage territorial des politiques de la biodiversité.
Si nous nous félicitons de la création de l’Agence française pour la biodiversité, nous regrettons qu’elle se fasse a minima et que cet organisme n’intègre pas l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, l’ONCFS. C’est la principale lacune de cette loi, qui déséquilibre l’Agence en n’y intégrant pas les milieux terrestres. Nous avons longuement débattu de cette question mais je tiens à le répéter : une agence pour la biodiversité sans l’ONCFS, et donc sans capacité à agir sur la biodiversité terrestre, ne sera pas pleinement opérationnelle. Il faudra de toute façon dépasser les résistances du monde de la chasse pour, à terme, intégrer l’ONCFS à l’Agence française pour la biodiversité.
De même, le budget de l’AFB demeure insuffisant à ce stade puisqu’il ne s’agit que du budget consolidé des organismes qui intégreront l’Agence. Comment faire davantage sans moyens supplémentaires ? Si la France veut être le pays de l’excellence environnementale, il faut qu’elle s’en donne les moyens !
Autre sujet d’importance : le statut juridique de l’animal sauvage. La commission avait adopté des avancées précieuses en reconnaissant le caractère sensible de l’animal sauvage – comme c’est le cas pour l’animal domestique – et en étendant aux animaux sauvages les sanctions pénales pour actes de cruauté. Sur ce sujet, nous devons absolument avancer et dépasser encore une fois les résistances de certains lobbies ! Je regrette vivement que l’examen en séance ait entraîné un recul sur ce sujet.
Enfin, nous demeurons très inquiets s’agissant des mécanismes de compensation qui prévoient la possibilité de recourir à des réserves d’actifs naturels, autrement dit à la financiarisation de la biodiversité.
L’examen du texte en séance a permis d’avancer sur plusieurs thèmes. Concernant la biodiversité en milieu urbain, les avancées sont importantes, qu’il s’agisse de la perméabilité des sols ou des toitures végétalisées. Je tiens à rappeler l’importance de la biodiversité urbaine, notamment le rôle de la nature dans l’adaptation de la ville au changement climatique.
L’interdiction des pesticides néonicotinoïdes, qui détruisent nos écosystèmes, est une grande victoire. Nous espérons que cette avancée ne sera pas supprimée lors des prochaines lectures et que le Gouvernement soutiendra cette interdiction générale, qui est le seul moyen de sauver notre biodiversité, en particulier nos insectes pollinisateurs.
S’agissant du chalutage en eaux profondes, je retiens de nos débats que l’interdiction est la seule issue et que la position du Gouvernement est incompréhensible. Cessons de tergiverser ! Le chalutage profond, rappelons-le, ne concerne que quelques bateaux : c’est une activité minuscule, mais c’est un ravage pour nos océans !
Dernier sujet, qui a fait l’objet d’un débat passionnant : les delphinariums, dont l’impact sur la biodiversité est patent puisqu’ils s’approvisionnent en prélevant des animaux sauvages dans leur milieu naturel. Le Gouvernement a pris des engagements forts ; j’espère qu’ils seront tenus.
Pour conclure, je rappelle que nous ne pouvons pas attendre encore plusieurs mois avant l’examen en deuxième lecture, comme ce fut le cas entre l’examen en commission et l’examen en séance. La préservation de la biodiversité et de l’environnement doit devenir l’une des priorités de nos politiques actuelles !
Le groupe écologiste aurait certes souhaité aller plus loin sur ce texte, tant la préservation de la biodiversité est un socle fondamental de notre pensée politique, mais nous reconnaissons pourtant que ce projet de loi va dans le bon sens. Nous voterons pour.
Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, annoncé par le Président de la République lors de la conférence environnementale du 14 septembre 2012 puis examiné en commission en juin 2014, le texte du projet de loi de reconquête de la biodiversité a enfin pu être débattu dans notre hémicycle la semaine dernière. Nous nous en réjouissons, car l’objectif fixé par l’ONU de stopper l’érosion de la biodiversité en 2010 n’a pas été atteint. Ce constat appelait la mobilisation du Gouvernement et des parlementaires.
Riche d’une exceptionnelle diversité terrestre et marine tant dans l’Hexagone que dans les outre-mer et présente dans tous les océans, la France ne peut se désintéresser de cette question. Notre pays continue de perdre des espèces à un rythme inégalé. Il fallait réagir en rénovant un cadre législatif vieux de quarante ans. Il était temps que notre pays se propose de dépasser la protection des espaces et des espèces pour envisager les écosystèmes et la biodiversité de manière globale et pour se doter de vrais moyens politiques et concrets afin d’agir plus efficacement.
Nous partageons donc sans réserve les objectifs fixés par ce projet de loi. Parmi les mesures phares de ce texte figure la création en 2016 de l’Agence française pour la biodiversité, parrainée par l’astrophysicien Hubert Reeves. D’autre part, le projet de loi renforce les sanctions pour le commerce illicite d’espèces protégées. Il donne un cadre plus clair au principe de compensation pour les dégâts causés à la biodiversité lors de projets d’aménagement. Il traduit dans la loi française le protocole international de Nagoya encadrant l’exploitation de ressources génétiques naturelles.
Les débats en commission et nos débats de la semaine dernière, en séance publique, ont permis d’améliorer le texte. Ils ont également donné lieu à l’adoption de dispositions controversées sur l’interdiction, à partir de 2016, de certains produits phytosanitaires particulièrement nuisibles aux populations d’abeilles.
Nous avons pu débattre de la question de l’interdiction du chalutage profond, à propos duquel chacun convient de la nécessité d’agir. Pour notre part, nous nous réjouissons du renforcement du principe de solidarité écologique et des garanties concernant l’application du triptyque « éviter, réduire, compenser ».
Nous approuvons également la création dans les outre-mer des délégations territoriales de l’AFB, en lien avec les collectivités, ainsi que la création au sein de l’Agence d’un collège pour les outre-mer.
La modification de la gouvernance de l’eau, avec une représentation accrue des consommateurs dans la composition des comités de bassin et des conseils d’administration des agences de l’eau, constitue également une avancée. De même, les dispositions prises en matière de pillage des ressources génétiques dans les pays en voie de développement vont dans le bon sens.
Le principal point noir reste cependant la question du financement. De nombreux observateurs ont fait valoir que l’érosion de la biodiversité nécessite aussi des financements pour agir. Sur ce point, nous regrettons que le Gouvernement n’ait visiblement pas pris la mesure de l’enjeu. Les budgets sont en baisse, et l’engagement pris par le Premier ministre d’attribuer à la biodiversité une part du plan d’investissements d’avenir est au point mort. Les travaux du groupe « biodiversité » du comité pour la fiscalité écologique n’avancent pas ; la conférence bancaire de la transition écologique n’est en effet réduite qu’aux seuls aspects de la transition énergétique.
À nos yeux, ce texte sur la biodiversité est le complément indispensable de la loi sur la transition énergétique. Il faut dès lors que nous demeurions très attentifs à ce qu’il poursuive son cheminement parlementaire et puisse être encore amélioré afin de devenir la grande loi dont notre pays a besoin pour faire face au défi de la préservation de la biodiversité. Il faut aussi mettre au point des outils qui garantissent les droits et les pouvoirs démocratiques de nos concitoyens, afin de substituer aux logiques d’affrontement des logiques de concertation.
Compte tenu de la qualité de nos débats et des indéniables avancées proposées par ce texte, l’ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera le présent projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi relatif à la biodiversité.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 548 Nombre de suffrages exprimés: 514 Majorité absolue: 258 Pour l’adoption: 325 contre: 189 (Le projet de loi est adopté.)
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.
Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique relative à la nomination du président du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 544 Nombre de suffrages exprimés: 536 Majorité absolue: 269 Pour l’adoption: 351 contre: 185 (La proposition de loi organique est adoptée.)
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Marc Le Fur.
L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, ratifiant l’ordonnance no 2014-1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon (nos 2557, 2663) et du projet de loi, adopté par le Sénat, ratifiant l’ordonnance no 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l’adaptation et à l’entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d’autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon (nos 2558, 2664).
La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des finances, mesdames et messieurs les députés, nous voici à nouveau réunis pour parler des grandes agglomérations de France, qui sont les moteurs d’un développement équilibré et solidaire. La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles du 27 janvier 2014 a créé le statut de métropoles. Elle a, pour les trois principales d’entre elles – Paris, Lyon et Marseille –, mis en place des organisations institutionnelles particulières, adaptées à leurs spécificités, des organisations à même de faire de ces trois aires urbaines des vecteurs de rayonnement et de cohésion pour notre pays.
La création de la métropole de Lyon au 1erjanvier 2015, résultat d’un important travail conduit par les acteurs locaux, constitue une innovation majeure. En effet, sur le territoire de cette toute nouvelle métropole, une seule collectivité territoriale de plein exercice remplace désormais le conseil général du Rhône et la communauté urbaine du Grand Lyon.
Cette fusion permet aujourd’hui de mener une action publique plus intégrée, au bénéfice de tous les citoyens de la métropole et du département. Cette fusion, par exemple, rendra possibles des synergies plus fortes entre les politiques publiques locales, qu’il s’agisse de l’aide sociale, du logement, de l’accompagnement vers l’emploi ou encore de la petite enfance. Les services publics pourront mieux répondre aux besoins de nos concitoyens et l’efficacité de la puissance publique en sera renforcée.
Cette métropole a été créée il y a presque trois mois, soit moins d’un an après la promulgation de la loi. Saluons donc, d’ores et déjà, l’ampleur du travail préparatoire qu’ont mené conjointement le conseil général du Rhône, la future métropole de Lyon, les communes du territoire et les services de l’État, afin d’assurer l’opérationnalité rapide de cette toute nouvelle métropole.
Nous devons aujourd’hui continuer à oeuvrer en faveur de cette opérationnalité. C’est le sens des ordonnances dont nous allons débattre maintenant. La loi MAPTAM prévoyait, vous le savez, d’habiliter le Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, des dispositions permettant de faciliter la création de cette collectivité territoriale à statut particulier, sur le plan financier, comptable et institutionnel.
Ainsi, les projets de loi, que je porte aujourd’hui devant vous, après leur adoption par le Sénat le 10 février dernier, visent à ratifier deux ordonnances différentes.
Il s’agit de prendre certaines mesures nécessaires au bon fonctionnement de la métropole de Lyon et d’entériner certaines évolutions rendues nécessaires par cette même création. Nous allons donc en débattre de manière concomitante au cours de cette séance, comme vous l’avez dit, monsieur le président.
Compte tenu de la date de création de la métropole de Lyon, ces deux projets de loi font l’objet d’une procédure accélérée. Permettez-moi donc, avant d’entrer dans le vif du sujet, de saluer les deux commissions saisies de ces projets de loi, la commission des finances et la commission des lois, ainsi que les deux rapporteurs, MM. Baert et Mennucci, pour leurs travaux.
La première ordonnance, celle du 6 novembre 2014, vise à garantir le volet budgétaire et fiscal ainsi que financier et comptable de la création de la métropole. Elle emporte, pour ce faire, des adaptations et des modifications du code général des collectivités territoriales et du code général des impôts, préparées de façon tripartite par l’État, les services de la communauté urbaine de Lyon et le département du Rhône. Elle contient notamment des mesures permettant de rendre applicables à la métropole de Lyon, collectivité à statut particulier, les législations budgétaires et comptables en vigueur. Elle prévoit, dans le même temps, des adaptations utiles au regard des intérêts propres de cette collectivité et de sa situation spécifique.
Il s’agit aussi de préciser, dans le domaine fiscal, un certain nombre de règles. C’est le cas notamment en matière d’assiette des impositions perçues, de modalités de liquidation, de fixation de taux, d’exonération et de partage de certaines allocations et dotations.
Le Sénat s’était prononcé favorablement sur l’ensemble des dispositions de ce texte, après l’introduction de trois modifications rédactionnelles et techniques. Votre commission des finances, après avoir rappelé l’accord politique et administratif ayant concouru à la création de cette métropole et à la rédaction des ordonnances, a adopté conforme ce projet de loi de ratification. Je m’en félicite, car cela nous permettra de consolider la métropole du Grand Lyon de manière rapide et efficace.
La deuxième ordonnance, celle du 19 décembre 2014, concerne l’adaptation du cadre institutionnel. Il s’agit là de garantir la continuité de l’action publique ainsi que le bon fonctionnement de la nouvelle métropole. À cette fin, elle prévoit que s’applique à la métropole l’intégralité de la législation applicable à un EPCI à fiscalité propre et l’intégralité de la législation applicable à un conseil départemental. Ainsi, la métropole de Lyon se substitue au département du Rhône et à la communauté urbaine de Lyon dans toutes les procédures et conventions en cours auxquelles ils étaient parties.
De surcroît, afin de garantir la cohérence avec les objectifs de la réforme territoriale – mutualisation, clarté, lisibilité –, cette ordonnance introduit des dispositions spécifiques, afin que ne soient pas recréés de doublons. Elle prévoit par conséquent des règles de fonctionnement pour les institutions qui deviennent communes à la métropole et au département du Rhône. Je pense notamment à la maison départementale métropolitaine des personnes en situation de handicap, au service départemental d’archives du Rhône, ou encore au service départemental métropolitain d’incendie et de secours du Rhône.
Enfin, cette ordonnance mentionne explicitement que les circonscriptions territoriales de l’État demeurent inchangées du fait de l’évolution des collectivités territoriales. C’est important : le préfet et le conseil général ne partageront plus la même circonscription. Pour le dire autrement, le « département du Rhône », collectivité territoriale, est désormais une partie du « département du Rhône », circonscription de l’État.
Cette organisation est logique car la réforme territoriale a précisément pour but de mettre en place les organisations les plus adaptées à chacun des territoires, s’éloignant quand cela se justifie de la stricte uniformité. Elle constitue aussi un choix de bon sens car il serait profondément contradictoire de multiplier les structures en créant un préfet territorial pour la seule métropole. L’État a toutefois su faire évoluer son organisation par un décret du 5 février dernier, ce qui renforce encore le caractère innovant de l’organisation des pouvoirs publics dans le Rhône.
Sur ce deuxième projet de loi, le Sénat a aussi introduit de légères modifications rédactionnelles et techniques, et approuvé l’ensemble des dispositions. Après examen, votre commission des lois, a adopté conforme ce projet de loi de ratification et vous m’en voyez ravie.
C’est une étape de plus, une étape importante vers le nouveau cadre institutionnel de la métropole du Grand Lyon. Ce nouveau cadre institutionnel, une première dans notre pays, est un gage de cohérence pour notre action publique. Le Gouvernement espère donc qu’une fois débattu avec vous et voté, il pourra devenir une référence, réutilisable, en tant que de besoin, un jour.
Mesdames et messieurs les députés, ces deux textes que je viens de présenter sont le fruit d’un travail approfondi mené pendant près d’une année entre les services de l’État et les collectivités concernées et avec vos commissions.
Ils sont la clé pour achever le processus de création de la métropole de Lyon, cette métropole innovante et solidaire qui améliorera le quotidien des citoyens. Ils sont surtout une pierre de plus vers la nouvelle organisation territoriale de notre République : une organisation clarifiée, qui valorise la diversité des territoires de France afin d’en faire une véritable force, une organisation mieux adaptée au quotidien de nos concitoyens, fondée sur davantage de coopération, plus de solidarité et moins de concurrence. Faisons en sorte qu’ils soient ratifiés au plus vite.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Patrick Mennucci, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission des lois, chers collègues, la loi no 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles a créé une collectivité dotée d’un statut particulier, la métropole de Lyon.
Elle a ainsi autorisé cette nouvelle collectivité à exercer, sur son territoire, les compétences exercées dans le secteur communal par les métropoles de droit commun ainsi que les compétences préalablement dévolues à d’autres collectivités territoriales, comme la plénitude des attributions d’un département en lieu et place du département du Rhône, la plénitude des attributions d’une communauté urbaine en lieu et place du Grand Lyon, les compétences que lui déléguerait, de façon volontaire, la région Rhône-Alpes et, par délégation aussi, certaines compétences de l’État en matière de logement.
Ainsi, sur l’aire métropolitaine, ne subsistent aujourd’hui que deux échelons de collectivités – la métropole et les communes –, tandis que le département du Rhône subsiste à l’extérieur de ce territoire, dans les frontières de l’ancien département
La loi MAPTAM a également adapté diverses institutions du département au contexte nouveau résultant de la création de la métropole de Lyon telles que le service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, le centre départemental de gestion de la fonction publique ou le service des archives départementales, pour lesquels un partage de compétences entre la métropole et le département est apparu comme la solution la plus pertinente.
Enfin, l’article 39 de la loi MAPTAM a accordé au Gouvernement une habilitation législative au périmètre relativement étendu pour compléter les adaptations du droit en vigueur à l’existence de cette nouvelle collectivité territoriale, dont les implications n’étaient pas toutes connues au moment du débat parlementaire.
Trois ordonnances ont en conséquence été publiées : l’ordonnance du 6 novembre 2014 relative à l’adaptation et à l’entrée en vigueur de certaines dispositions d’ordre budgétaire et financier, l’ordonnance du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon et l’ordonnance du 19 décembre 2014 relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon.
Le 14 janvier 2015, le Gouvernement a déposé trois projets de loi au Sénat visant à ratifier ces trois ordonnances. Néanmoins, le Sénat n’a discuté puis adopté en première lecture que les projets de loi relatifs aux deux premières ordonnances, celles qui vous sont soumises aujourd’hui, chers collègues.
En tant que rapporteur de la commission des lois, je suis chargé de vous présenter le projet de loi relatif à la ratification de l’ordonnance portant diverses mesures d’adaptation du droit à la création de la métropole de Lyon.
Sur le fond, l’ordonnance no 2014-1543 que l’on envisage de ratifier aujourd’hui comprend quarante et un articles, dont il faut bien reconnaître qu’ils sont tous d’une grande technicité. Elle poursuit un double objectif : le titre Ier prévoit le maintien de la circonscription de l’État sur le périmètre de l’ancien département du Rhône et précise le siège de cette dernière, à Lyon. Le titre II prévoit les adaptations nécessaires au fonctionnement de la métropole de Lyon et organise l’exercice partagé des compétences départementales entre la métropole de Lyon et le département du Rhône dans des domaines aussi divers que l’habitat, la voirie, le sport, les transports, la gestion du personnel administratif.
Pour résumer, la commission des lois considère que le champ de l’habilitation a été respecté en ce que l’ordonnance procède essentiellement aux adaptations rendues nécessaires par la création de la métropole de Lyon à la suite de la nouvelle loi. Elle a néanmoins souligné que l’ordonnance procède, à juste titre, à une clarification souhaitable de certaines dispositions légales qui n’avaient pas été expressément visées par la loi MAPTAM.
Tel est notamment le cas des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux compétences de la métropole de Lyon en lieu et place des EPCI à fiscalité propre ou des groupements et syndicats mixtes lorsqu’elles exercent des compétences communales.
Ces précisions sont de nature à éviter des incertitudes quant à l’interprétation des règles applicables et, partant, des contentieux.
De la même manière, en précisant les modalités de transfert de la voirie départementale et intercommunale dans le domaine public de la métropole, l’ordonnance consacre le principe d’un transfert en pleine propriété à titre gratuit non mentionné dans la loi MAPTAM. Ce faisant, l’ordonnance transpose les règles générales régissant le sort des biens en cas de transfert de compétences d’une collectivité à une autre prévues par les articles L. 1321-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, ce qui est bienvenu.
Certains membres de la commission des lois, d’origine lyonnaise, ont toutefois critiqué le fait que l’article 6 de l’ordonnance ne favorise pas l’égal accès des femmes et des hommes à la commission permanente de la métropole de Lyon, méconnaissant ainsi l’article 1er de la Constitution.
Il aurait fallu, selon eux, organiser l’élection des membres de la commission permanente sur le modèle de l’élection des conseillers départementaux, dans la mesure où la métropole va désormais exercer les compétences du département sur son territoire.
Or votre rapporteur, comme la majorité des membres de la commission des lois, a estimé que l’article 6 de l’ordonnance a pu légitimement opérer un autre choix consistant à retenir le mode d’élection des membres des commissions permanentes dans les intercommunalités, dans lesquelles le principe de parité ne s’applique pas, la métropole de Lyon ayant d’abord été pensée par ses initiateurs comme une intercommunalité.
Ce choix reflète celui de la très grande majorité des élus lyonnais, qui avaient pour objectif premier d’assurer la meilleure représentation possible des communes dans l’exécutif de la métropole de Lyon.
En tout état de cause, force est de constater qu’il s’agit là d’une dérogation transitoire au principe de parité, validée par le Conseil constitutionnel dans sa décision relative à la loi MAPTAM, puisque l’ordonnance relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon prévoit un scrutin de liste dans les quatorze circonscriptions à partir de 2020, date à laquelle s’appliquera donc le système bien connu permettant la parité totale.
Pour le reste, je me félicite, comme la majorité des membres de la commission des lois, du fait que la création de la métropole de Lyon ne modifie pas l’organisation déconcentrée des services de l’État et de ce fait ne conduit pas à dupliquer les structures de l’État à l’échelle métropolitaine, cela dans un souci de maîtrise des deniers publics et d’efficacité des services publics de l’État.
Je dois néanmoins vous préciser que nous avons débattu en commission sur la question de savoir si la création de la métropole de Lyon aurait dû conduire le Gouvernement à réviser la carte judiciaire afin de tenir compte de la réduction du périmètre du département du Rhône.
Non !
Je suis certain que le Gouvernement sera de nouveau interpellé sur cette question, mais je rappelle qu’il n’existe aucune obligation constitutionnelle d’adapter l’organisation déconcentrée des services de l’État en fonction des modifications des limites territoriales des collectivités locales.
Vous avez raison !
Si nous suivions nos collègues de Lyon, nous serions amenés, dans le cadre de la loi encore en discussion et qui reviendra en deuxième lecture devant l’Assemblée dans quelques semaines, à modifier la totalité de l’organisation de l’État…
Je suis parfaitement conscient de l’importance de la métropole lyonnaise et très heureux d’être le rapporteur de ce texte, même si j’aurais préféré être rapporteur du texte relatif à la métropole marseillaise – il est vrai que nous avons le temps car il reviendra en deuxième lecture, ce qui nous donnera l’occasion de rediscuter de la fusion du département et de la métropole marseillaise…
Nous le ferons !
Je constate que mon collègue Gaby Charroux est tout à fait d’accord avec moi… Comme quoi il faut que l’histoire puisse se dérouler pour que nous puissions arriver à quelque chose.
Par ailleurs, la très grande majorité de la commission soutient le choix des élus lyonnais d’opter majoritairement en faveur d’une mutualisation des services et des structures du département et de la métropole – archives, services d’incendie et de secours, maisons des personnes handicapées, commission de conciliation en matière d’urbanisme, schéma unique d’accueil des gens du voyage – mis à part les cas particuliers tenant à la spécificité du fonctionnement de certains services, je pense notamment aux offices de tourisme, à l’office public de l’habitat ou encore à la commission d’agrément des assistantes maternelles.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a adopté conforme le projet de loi de ratification de l’ordonnance no 2014-1543 tel que modifié par le Sénat, étant précisé que les trois modifications apportées par notre collègue sénateur et rapporteur sur ce texte, M. Jean-Patrick Courtois, apportent des précisions rédactionnelles utiles dans certaines dispositions du code général des collectivités territoriales que l’ordonnance modifie.
Le sentiment qui prévalait au sein de la commission des lois lors de l’approbation unanime de cette ordonnance fut de saluer l’intelligence des élus de la région lyonnaise et du département du Rhône, en particulier le président du conseil général et le maire de Lyon, qui ont été capables d’adopter une vision politique et administrative que beaucoup d’autres territoires leur envient.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Dominique Baert, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après les Bouches-du-Rhône, le Nord, pour vous parler du Grand Lyon. Après Marseille, Lille, pour vous parler de métropoles. Le projet de loi que j’ai l’honneur de rapporter devant vous, après avoir été adopté par le Sénat, fait partie d’une série de trois projets visant à ratifier des ordonnances prises par le Gouvernement sur habilitation du Parlement dans le cadre de la loi MAPTAM. Il concerne les règles budgétaires, financières, fiscales, comptables et relatives aux concours financiers de l’État applicables à cette collectivité et aux communes situées sur son territoire.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, la métropole de Lyon, devenue réalité depuis le 1er janvier 2015, est le fruit d’un processus original et concerté de mutualisation. La rapidité de création de cette nouvelle collectivité territoriale, résultant de la fusion de la communauté urbaine de Lyon et de la portion du département du Rhône comprise sur son périmètre, est tout à fait remarquable, tant en ce qu’elle résulte de discussions et d’un rapprochement entre grands élus de sensibilités politiques différentes que parce qu’elle priorise la gestion concrète d’un territoire, en rapprochant deux entités : une collectivité, le département, et un établissement public, la communauté urbaine, dont les compétences se complètent plus qu’elles ne se superposent.
Une telle initiative doit beaucoup, on le sait, à la volonté commune du maire de Lyon, M. Gérard Collomb, et du président du conseil général du Rhône de l’époque, M. Michel Mercier.
Cette fusion entraîne de nombreuses conséquences financières et nécessite de modifier des dispositions législatives existantes en matière de fiscalité locale, de concours financiers de l’État, de fonds de péréquation ou de règles budgétaires et comptables.
Entité sui generis, la métropole de Lyon n’est ni une communauté urbaine ni un département : elle doit donc être régie par des dispositions spécifiques. Tel est l’objet de l’ordonnance qui, à travers ses différents articles, détermine le cadre financier du Grand Lyon.
La métropole de Lyon devait tout d’abord continuer à percevoir les ressources propres des communautés urbaines – la CFE, la cotisation financière des entreprises, la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, l’IFER, l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux –, en application de l’article L. 3662-1 du code général des collectivités territoriales.
La question se posait également du partage des ressources « départementales » entre le département du Rhône et la métropole de Lyon. La complexité et la technicité de ces modifications ont conduit le Gouvernement à demander au Parlement l’habilitation à légiférer par ordonnance.
L’article 1er du projet de loi a pour objet la ratification de l’ordonnance no 2014-1335 du 6 novembre 2014.
En ce qui concerne la fiscalité locale, traitée par le titre Ier de l’ordonnance, lequel regroupe vingt-deux articles, la principale difficulté liée à la création de la métropole de Lyon réside dans le fait qu’elle constitue une collectivité sui generis et non un établissement public de coopération intercommunale, ni un département. Il en résulte que les règles juridiques qui s’appliquent aux métropoles et aux départements ne lui sont pas applicables de plein droit. C’est pourquoi l’article 1er de l’ordonnance rend applicables à la métropole de Lyon l’ensemble des articles du code général des impôts applicables aux EPCI dotés d’une fiscalité professionnelle unique.
Les articles 2 et 3 de l’ordonnance portent sur l’encadrement des taux des taxes foncières et de la taxe d’habitation votés par les communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon et par la métropole elle-même.
L’article 4 de l’ordonnance crée la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires du département du Rhône et de la métropole de Lyon, compétente à la fois pour le département et la métropole.
En ce qui concerne l’aménagement de la perception de différentes taxes, l’article 7 de l’ordonnance adapte ainsi, par exemple, les dispositions relatives à la taxe d’aménagement et au versement pour sous-densité.
L’article 8 dispose que la métropole peut décider d’instituer, en lieu et place de tout ou partie des communes situées dans son périmètre, la taxe locale sur la publicité extérieure.
L’ordonnance étend à la métropole les dispositions applicables aux EPCI à fiscalité propre pour la perception de la taxe de séjour, à l’article 9, en matière de prélèvement sur les jeux, à l’article 10, et en matière de versement transports, à l’article 11. Elle prévoit également la perception de la taxe sur les surfaces commerciales, la TASCOM, par la métropole de Lyon.
Le titre II de l’ordonnance comprend, dans les articles 23 à 34, les dispositions relatives aux concours financiers de l’État. La métropole de Lyon peut percevoir les concours financiers versés par l’État aux EPCI et aux départements. L’ordonnance prévoit les modalités d’attribution des concours financiers de l’État à la métropole en tant que département.
Certains concours, comme le versement au titre du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée, le FCTVA, et le concours particulier relatif aux bibliothèques municipales et aux bibliothèques départementales de prêt, sont perçus par la métropole de Lyon dès 2015 dans les conditions de droit commun.
Dans d’autres cas comme la DDEC, la dotation départementale d’équipement des collèges, il n’est pas possible de calculer le concours que doit percevoir la métropole sans avoir recours à un critère de répartition. Aussi l’ordonnance prévoit-elle la répartition de la DDEC entre le département du Rhône et la métropole de Lyon au prorata des surfaces hors oeuvre nette des collèges situés sur le territoire de chacune des deux collectivités territoriales.
De même, la dotation de compensation de la DGF du département du Rhône est répartie entre les deux collectivités territoriales au prorata de la population.
En ce qui concerne les concours perçus par la métropole de Lyon dès 2015, il est prévu une répartition spécifique pour le calcul de la dotation de compensation métropolitaine, car ils ne peuvent être territorialisés. Il en est ainsi du concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, relatif à la prestation de compensation du handicap et de celui concernant l’installation et le fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées.
J’en viens à la dotation de compensation métropolitaine. Aux termes de l’article L. 3663-3 du code général des collectivités territoriales, la CLECT, la commission locale d’évaluation des charges transférées, du département du Rhône est consultée sur les modalités de compensation des charges correspondant aux compétences transférées du département. La CLECT estime le montant de la dotation afin de corriger les effets de la répartition territoriale des produits antérieurement perçus par le département du Rhône de façon à garantir, à la date de la création de la métropole de Lyon, l’égalité des deux taux d’épargne théoriques, métropolitain et départemental. C’est ce que prévoit l’article L. 3663-3 du code général des collectivités territoriales afin de permettre aux deux entités de continuer à fonctionner de manière équitable et à faire face à leurs engagements.
La CLECT a ainsi procédé à une répartition des ressources du département du Rhône, soit 1,5 milliard d’euros de recettes réelles de fonctionnement figurant dans son compte administratif 2015.
Certaines ressources ont pu être territorialisées, notamment les recettes fiscales. Mais pour les concours financiers de l’État, la répartition a été effectuée à partir des critères définis dans l’ordonnance, à savoir au prorata des surfaces des collèges situés sur le territoire de chacune pour la DDEC, au prorata de la population pour la dotation de base de la DGF, et au prorata des charges au titre du RSA pour le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion, le FMDI.
À l’issue de ces travaux, un arrêté du ministre de l’intérieur et du ministre des finances et des comptes publics a fixé le montant de la dotation de compensation métropolitaine à 75,013 millions d’euros, versés par la métropole de Lyon au département du Rhône. Car la métropole, plus urbaine, bénéficie à l’issue des transferts de davantage de ressources et supporte proportionnellement moins de charges que le nouveau département.
Il convient de saluer tout particulièrement l’importance et la qualité du travail réalisé par les groupes de travail bilatéraux, département et communauté urbaine, qui ont eu à ventiler l’intégralité des produits et des charges du département entre la future métropole et le nouveau département. Ce travail préparatoire a permis d’estimer finement le déséquilibre des charges et des produits selon leur territorialisation, et ainsi de définir de manière équitable le montant de la dotation de compensation métropolitaine.
Cette démarche a consisté par exemple à identifier tous les bénéficiaires de l’APA et du RSA, du côté des charges, et à retrouver tous les actes authentiques pour le calcul de la DMTO, du côté des ressources. L’équilibre obtenu recueille un large consensus. Il pourra toutefois être revu au mitan de l’année 2016, l’article L. 3663-8 du code général des collectivités territoriales prévoyant une clause de revoyure en fonction des calculs effectués ex post par la CLECT du département du Rhône.
Le Sénat a adopté un nouvel article 2 apportant des modifications rédactionnelles et de précision à des dispositions introduites dans la législation par l’ordonnance. Dès lors, compte tenu de la nature du texte et de l’accord politique et administratif entre État, département et métropole qui le sous-tend, et ne voyant guère, pour notre part, quelle modification technique essentielle nous pourrions insérer dans le texte en l’état de sa rédaction, et soucieux également et surtout d’être efficace, la commission des finances suggère sur ma proposition d’adopter conforme le projet de loi de ratification, afin de ne plus attendre.
Le calendrier lui-même s’accélère, d’ailleurs, car l’attractivité du nouveau dispositif opère. Ainsi, il ne vous aura pas échappé, madame la ministre, que le président de la nouvelle métropole, Gérard Collomb, vient de déclarer que la communauté de communes de l’Est lyonnais devrait adhérer au pôle métropolitain d’ici le mois de juin et que la communauté d’agglomération de Villefranche Beaujolais doit faire de même au 1er janvier 2016, après l’adoption d’un statut d’observateur jusqu’à la fin de cette année. L’intégration de ces deux nouveaux territoires rhodaniens permettra au nouveau pôle métropolitain de Lyon, qui compte déjà 1,9 million d’habitants, de passer la barre symbolique des 2 millions, signe de l’attractivité du dispositif mis en place. Je vous remercie donc par avance de votre approbation, mes chers collègues.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Georges Fenech.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, comporte des dispositions permettant la création de nouvelles métropoles. Elle a défini pour Paris, Lyon et Marseille des organisations particulières adaptées aux spécificités de ces trois aires urbaines. Je me réjouis d’ailleurs que ce soit M. Patrick Mennucci, élu marseillais, qui ait été désigné comme rapporteur d’un texte concernant Lyon. Je rappelle simplement que la précédente majorité a aussi créé des métropoles par une loi de 2010 : je ne me souviens pas que Gérard Collomb l’ait alors adoptée.
Cela n’avait rien à voir !
Toujours est-il qu’il est en effet à l’origine, avec Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, de l’évolution actuelle, qui a lieu sans réelle concertation, faut-il le rappeler ! D’ailleurs, l’insuffisance de la concertation avec les élus de la région lyonnaise explique sans aucun doute les difficultés auxquelles nous nous heurtons aujourd’hui.
Nous nous penchons donc sur la métropole de Lyon, qui exerce sur son territoire les attributions du département et celles anciennement attribuées à la communauté urbaine, désormais alignées sur les compétences communales transférées aux métropoles de droit commun. Ainsi, depuis le 1er janvier dernier, il ne subsiste plus dans l’aire métropolitaine que deux échelons de collectivités, la métropole et les communes, tandis que le département résiduel du Rhône subsiste hors de ce territoire.
Le Parlement a accordé au Gouvernement une habilitation législative destinée à adapter le droit en vigueur à la métropole. Trois ordonnances doivent être prises sur ce fondement. Le groupe UMP du Sénat ayant approuvé les deux projets de loi de ratification, celui de l’Assemblée nationale adoptera la même position, même s’il entend émettre des réserves et déposer des amendements.
Si l’ordonnance du 6 novembre 2014 relative aux dispositions budgétaires ne pose pas de problème de fond, elle invite cependant à une réflexion plus vaste sur le modèle créé par la métropole de Lyon. La création d’une métropole urbaine absorbant le département sur son territoire et la persistance d’un département du Rhône rural privé de son territoire métropolitain fiscalement riche posent en effet problème. Si elle était généralisée, une telle démarche pourrait bouleverser les mécanismes de péréquation.
Quant à l’ordonnance du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon, elle prévoit des dispositions de nature et aux conséquences très diverses et très techniques, dont la plupart n’appellent aucun commentaire. On peut toutefois s’interroger sur le mode d’organisation que l’État a retenu pour ses propres services, notamment en matière juridictionnelle. L’État n’a pas choisi de conserver pour la totalité de ses institutions le cadre de l’ancien département du Rhône en tant que circonscription déconcentrée. Ainsi, l’ordonnance ne prévoit aucune adaptation de la carte judiciaire résultant de la création de la métropole. Quid de la cour d’assises du Rhône, qui siégera à Lyon, donc hors du département du Rhône ? Qu’adviendra-t-il si un justiciable procédurier, ou bien conseillé, dépose un recours en incompétence territoriale de la cour d’assises du Rhône qui n’est plus dans le département du Rhône mais dans la métropole ? Ces questions auraient mérité, me semble-t-il, d’être précisées dans l’ordonnance. Qu’une question aussi fondamentale n’ait été tranchée ni lors de l’examen de la loi MAPTAM ni lors de la ratification de l’ordonnance prouve que la majorité n’a pas vraiment préparé son projet ou qu’elle ne l’assume pas complètement.
La mise en place de la métropole lyonnaise appelle de notre part plusieurs critiques, qui m’amèneront à déposer deux amendements. En effet, l’article 6 de l’ordonnance prévoyant le recours au scrutin uninominal majoritaire n’impose pas que la commission permanente de la métropole de Lyon soit paritairement composée d’un homme et d’une femme, alors que, sur son territoire, la métropole de Lyon se substitue au département du Rhône et exerce l’intégralité des compétences anciennement dévolues au conseil départemental. Afin d’assurer une égale représentation des deux sexes au sein des instances publiques élues, l’article L. 3122-5 du code général des collectivités territoriales issu de la loi du 17 mai 2013 dispose que la commission permanente des conseils départementaux est paritairement composée de femmes et d’hommes élus au scrutin de liste, avec obligation stricte d’alternance.
Or, bien que les membres de la commission permanente de la métropole de Lyon exercent sur le territoire de la métropole les mêmes compétences que ceux de la commission permanente du département du Rhône, le Gouvernement n’a prévu aucune règle favorisant l’égal accès aux postes des femmes et des hommes. Faut-il rappeler que l’article 1er de la Constitution dispose que la loi favorise leur égal accès « aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ? Par ailleurs, en prévoyant sur ce point fondamental des règles différentes dans la métropole de Lyon et les conseils départementaux, le Gouvernement viole le principe constitutionnel d’égalité devant la loi. Je rappelle simplement à notre rapporteur, M. Mennucci, qu’il ne s’agit plus d’une intercommunalité, puisque c’est l’argument qu’il a avancé. Il ne s’agit plus d’une intercommunalité, mais d’une métropole, c’est-à-dire une nouvelle collectivité territoriale à statut particulier.
Quant à l’argument de l’impossibilité matérielle d’atteindre l’objectif constitutionnel de parité, il ne saurait être invoqué dès lors que le découpage du territoire de la métropole de Lyon en quatorze circonscriptions permettra l’élection de huit à dix-huit conseillers métropolitains, la liste de candidats devant présenter une stricte alternance d’hommes et de femmes. Ainsi, le conseil de la métropole de Lyon comportera suffisamment de représentants de chaque sexe pour que la composition de la commission permanente respecte la parité sous une forme ou une autre. Ce point essentiel fera l’objet de mon premier amendement.
Ma deuxième critique concerne le montant des indemnités des membres de la commission permanente, fixé par l’exécutif de la métropole et actuellement soumis au contrôle de légalité du préfet à la demande du groupe UMP de la métropole. Nous attendons toujours la réponse préfectorale, d’ailleurs !
L’imprécision juridique du texte gouvernemental a permis à la métropole de Lyon de créer une indemnité spécifique qui est à l’évidence contraire aux règles juridiques et détériore l’image que nos concitoyens se font des élus. Je signale d’ailleurs qu’une pétition ayant réuni plus de 40 000 signataires circule en ce moment à Lyon. En effet, le conseil de la métropole de Lyon a adopté le 26 janvier, sous l’autorité de Gérard Collomb, une délibération relative à la fixation de l’indemnité de fonction des élus, conformément à l’article L. 3632-2 du code général des collectivités territoriales. Comme les indemnités des conseillers métropolitains membres de la commission permanente sont calculées à partir de celles des conseillers métropolitains, il a été considéré que les membres de la commission permanente pouvaient percevoir jusqu’à 77 % du traitement mensuel de l’indice brut terminal de l’échelle indiciaire de la fonction publique, soit un montant de 2 927,13 euros. En retenant finalement le taux de 64,3 %, le conseil a fixé leur indemnité à 2 444,34 euros, ce qui représente une majoration de 86,38 % par rapport à l’indemnité de conseiller métropolitain !
Il s’agit à nos yeux d’une interprétation erronée de la loi. La majoration ne peut excéder 10 % et doit s’appliquer non sur la base théorique du taux maximal de conseiller métropolitain mais sur celle du taux voté par l’assemblée, qui constitue l’indemnité maximale. Ce sera l’objet de mon deuxième amendement.
Ma troisième réserve concerne les modalités de l’élection en 2020 des conseillers métropolitains à la suite du découpage préfectoral en quatorze circonscriptions. Ces modalités ont été déterminées sans réelle concertation avec les élus de la métropole dans une précipitation que rien ne justifiait.
Au début du mois d’octobre 2014, le préfet du Rhône a été chargé par le Gouvernement d’une mission de concertation afin de délimiter les circonscriptions électorales en vue de la rédaction d’un prochain projet d’ordonnance à présenter au Conseil d’État, Mais les délais étaient selon nous insuffisants pour mettre en place une réelle concertation. Je rappelle que la loi du 27 janvier 2014 créant la métropole de Lyon n’a pas déterminé le mode de scrutin applicable en 2020. Elle donne au Gouvernement la possibilité de le fixer par ordonnance, puis, en respectant le cadre fixé, de passer par la loi. Les propositions formulées par le préfet dans le cadre de la loi actuelle appellent quelques observations. L’existence de quatorze circonscriptions électorales rend moins lisible l’identité métropolitaine, qui doit être une et indivisible.
D’autre part, le nombre d’habitants est inégal selon les circonscriptions alors que le critère démographique est primordial dans la loi. Il vaudrait mieux que la ville, déjà divisée en arrondissements en matière électorale, ne forme qu’une circonscription. En créer de nouvelles sera incontestablement source de confusion et d’inégalité dans la représentativité. Nous serons donc extrêmement attentifs à la prochaine ordonnance réglementant les modalités du scrutin des conseillers métropolitains. Toutefois, sous réserve de nos observations et amendements, le groupe UMP votera le projet de loi, comme il avait voté la loi MAPTAM.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui invités à examiner en discussion commune deux ordonnances relatives à la métropole de Lyon. La première, celle du 6 novembre 2014, concerne l’adaptation et l’entrée en vigueur de dispositions d’ordre budgétaire et financier. La seconde, celle du 19 décembre 2014, concerne notamment l’organisation des services de l’État dans le territoire et les compétences de la métropole de Lyon. Ces deux ordonnances ont d’ores et déjà été approuvées par le Sénat. Une troisième, relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon, n’a pas encore été examinée par la seconde chambre. La loi MAPTAM du 27 janvier 2014 a créé une collectivité dotée d’un statut particulier, la métropole de Lyon, issue de la fusion inédite de la communauté urbaine de Lyon et du département du Rhône.
Ainsi, la métropole de Lyon est née le 1er janvier dernier, à l’initiative du législateur et sous l’impulsion de l’ancien président du conseil général du Rhône, Michel Mercier, et du président de la communauté urbaine de Lyon, Gérard Collomb. Depuis cette date, ne subsistent plus dans l’aire métropolitaine que deux échelons, la métropole et les communes. La métropole de Lyon exerce désormais sur son territoire les attributions du département en lieu et place du département du Rhône et celles de la communauté urbaine en lieu et place du Grand Lyon. Lui sont également confiées les compétences exercées dans le secteur communal par les métropoles de droit commun et celles que lui déléguerait de façon volontaire la région Rhône-Alpes. Soulignons qu’il s’agit là de l’unique vraie métropole créée par la loi et de la seule à n’avoir bénéficié d’aucune dotation particulière. Saluons à ce titre le travail des acteurs locaux, sans lesquels il aurait été difficile de trouver un accord !
Si accord il y a eu, c’est aussi en raison d’une situation locale bien particulière. La métropole de Lyon existait intellectuellement, elle existait sur le plan scientifique, sur le plan humain et sur le plan économique. Restait à lui donner cette existence juridique qui lui manquait, et que la ratification de ces ordonnances devrait consacrer.
S’agissant des ordonnances, notre collègue sénateur Michel Mercier a souligné l’immense travail accompli au niveau local et national, auquel lui-même a pris une part active.
Ce travail a permis de démontrer que la métropole de Lyon était viable et qu’elle avait d’importantes potentialités – cela a été dit par le rapporteur tout à l’heure.
Il a également prouvé que le département du Rhône, département de 440 000 habitants disposant d’importantes ressources et abritant plus de 35 000 entreprises, était lui aussi viable.
L’ordonnance du 19 décembre, examinée par la commission des lois, organise notamment l’exercice partagé des compétences entre la métropole de Lyon et le département dans un certain nombre de domaines.
Elle a également le mérite de clarifier les compétences de la métropole en lieu et place des EPCI à fiscalité propre ou des groupements et syndicats mixtes.
Le groupe UDI votera ces deux projets de loi qui permettront de faire vivre et de concrétiser la création de cette métropole.
Pour autant, nous souhaitons soulever un certain nombre d’interrogations auxquelles ces deux ordonnances ne répondent pas, madame la ministre.
Le titre Ier de l’ordonnance du 19 décembre précise le territoire d’intervention de l’État à la suite de la création de la métropole.
Il dispose ainsi que « l’évolution des limites des collectivités territoriales est sans incidence sur les circonscriptions administratives de l’État. »
Or, le rôle de l’État sur le territoire de la métropole de Lyon devrait être clarifié, particulièrement dans le contexte actuel de réformes importantes qui bouleversent l’organisation de nos territoires.
Si l’organisation territoriale des services de l’État est maintenue sur le périmètre de l’ancien département du Rhône, on remarque que ce département est le seul de France à être géré par un sous-préfet. N’aurait-on pu confier cette tâche à un préfet, madame la ministre ?
En outre, d’autres interrogations soulevées par Michel Mercier au Sénat demeurent. Y aura-t-il un inspecteur d’académie pour les deux collectivités ? Appliquera-t-on dans la métropole et dans le nouveau département les mêmes règles que dans le département de l’Ain et dans celui de la Loire, qui relèvent du même rectorat ?
Sur le plan de l’organisation juridictionnelle, le département du Rhône compte un tribunal de commerce dont le ressort s’étend sur une très petite partie de son territoire, le tribunal de commerce de Lyon étant compétent sur le reste du département. L’organisation est identique s’agissant des tribunaux de grande instance – notre collègue Fenech peut le confirmer. Or l’ordonnance ne fait aucune mention de l’adaptation de l’organisation juridictionnelle à la création de la métropole. Vous conviendrez cependant, madame la ministre, qu’il s’agit là d’un point essentiel.
S’agissant du volet financier, la création de la métropole peut également susciter quelques interrogations. En effet, elle va priver le département du Rhône de son territoire métropolitain. On peut donc se demander quelles seront les conséquences fiscales et financières de cette réforme.
Pour autant, nous en sommes bien conscients, le département et la métropole ont travaillé en étroite collaboration et l’ensemble des collectivités ont été pleinement associées.
La ratification de ces deux ordonnances sera donc la concrétisation d’un accord local, souhaité par l’ensemble des acteurs. Elle devrait concrétiser la naissance d’une métropole, fruit d’un travail important, tant au niveau national qu’au niveau local. Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous souhaitons avoir quelques précisions sur les sujets ainsi évoqués, et je ne doute pas que vous allez apporter des réponses aux questions que je me suis permis de poser.
Pour autant, dans la lignée de la position du groupe UDI-UC au Sénat, défendue par notre collègue et ami Michel Mercier, le groupe UDI votera en faveur de ces projets de loi qui autorisent la ratification des ordonnances relatives à la métropole de Lyon.
Mais je ne voudrais pas conclure sans dire à mes amis lyonnais, qui sont nombreux ici, et sur tous les bancs, que si j’ai été heureux d’intervenir en tant que Ligérien sur ces projets de loi au nom de mon groupe, je ne suis pas pour autant devenu « Olympique lyonnais » : plus que jamais, je suis resté Vert ! Allez les Verts, vive l’AS Saint-Étienne !
Sourires.
Je ne suis pas non plus « Olympique de Marseille », monsieur Mennucci !
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous voici réunis pour l’examen des projets de loi de ratification des deux ordonnances de 2014 portant création de la métropole de Lyon et adaptation des dispositions législatives du code général des impôts et du code général des collectivités territoriales à la métropole de Lyon.
En effet, deux ordonnances ont été publiées en application de l’article 39 de la loi MAPTAM autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives relatives à la mise en place de la métropole de Lyon. La troisième ordonnance, relative à l’élection des conseillers métropolitains de Lyon, n’a en revanche pas encore été examinée par le Sénat. C’est cette dernière ordonnance qui précisera les modalités d’élection des élus métropolitains.
De 2015 à 2020, les conseillers métropolitains sont désignés selon les mêmes modalités que les autres élus intercommunaux, soit par fléchage sur les listes électorales de la ville de Lyon. Ils sont, de fait, élus au suffrage universel indirect, alors même que la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier…
…et non un simple établissement public de coopération intercommunale au même titre que les autres métropoles de droit commun.
Je rappellerai que la création de la métropole de Lyon est le fruit d’une concertation féconde entre le maire, alors président du Grand Lyon, et le président du conseil général du Rhône de l’époque.
Cette concertation, qui s’est faite au-delà des clivages partisans, correspond à la spécificité d’un territoire et aux besoins et souhaits exprimés par ses habitants. La création de cette métropole permet de rendre plus lisible l’action des collectivités pour les citoyens qui composent l’ensemble du territoire, en fusionnant, en modernisant et en simplifiant de facto l’organisation administrative locale. Cela permettra d’engager de précieuses économies à moyen et long terme. De même, les politiques publiques conduites sur le territoire auront une articulation plus efficiente, notamment par des liens accrus entre le développement économiques et l’insertion.
L’élaboration et la mise en oeuvre de cette jeune instance, âgée de trois mois à peine, ont pu se faire parce qu’élus de Lyon et du Grand Lyon ont su faire prévaloir l’intérêt général local sur les intérêts partisans – et ce chemin devrait être suivi par d’autres métropoles, dont celles de Paris et de Marseille.
Pour revenir sur notre sujet du jour, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale particulière, sui generis, ce qui sous-entend des mesures exceptionnelles et la ratification des deux ordonnances pour confirmer cette spécificité.
Par leur mise en commun et leur maillage, les métropoles rassemblent des aires urbaines cohérentes, sont créatrices de bassins d’emploi, pourvoient au développement économique, social, sportif et culturel, et garantissent un aménagement structuré de leur territoire.
Pour autant, si 80 % des Français vivent en zone urbaine, je voudrais rappeler l’importance de nos zones rurales, qui, pour être dispersés sur l’ensemble de notre territoire de manière parfois inégale, assurent l’homogénéité de notre nation. Avec le groupe RRDP, au nom duquel et avec lequel je m’exprime, je veux redire le rôle majeur des conseils départementaux, garants des solidarités et de l’équilibre de l’ensemble de nos territoires.
En application de cette loi, la métropole de Lyon est autorisée à exercer, sur son territoire, la plénitude des attributions d’un département en lieu et place du département du Rhône, les compétences exercées dans le secteur communal par les métropoles de droit commun, celles que la région Rhône-Alpes lui délègue de façon volontaire, et, par délégation, certaines compétences exercées par l’État en matière de logement.
En effet, à partir du 1erjanvier 2015 a été créé, par l’article 26 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, une collectivité territoriale à statut particulier, au sens de l’article 72 de la Constitution, en lieu et place de la communauté urbaine de Lyon et du département du Rhône, dans les limites territoriales préalablement définies par celle-ci. Dans le même temps, le département du Rhône perdure, mais dans un périmètre géographique réduit. Il est désigné par le terme « nouveau Rhône ».
La loi MAPTAM a aussi prévu l’adaptation de certaines institutions départementales, comme le service départemental d’incendie et de secours, le centre départemental de gestion de la fonction publique ou le service des archives départementales, qui fait désormais l’objet d’un partage de compétences entre la métropole et le département.
Les deux premiers articles de l’ordonnance relative à la création de la métropole de Lyon prévoient le maintien des circonscriptions administratives de l’État, en dépit de la mise en place de la métropole, en parallèle du département du Rhône. L’article 2 prévoit que le siège de la métropole se situe à Lyon.
Les articles 3 à 6 adaptent la législation à la spécificité de la métropole de Lyon, en ce qu’elle exerce les compétences du département et de l’intercommunalité sur son territoire, avec substitution de la métropole au département du Rhône dans toutes les conventions auxquelles il était partie.
Les articles 18 et 19 s’intéressent au statut du personnel entre le département et la métropole.
L’ordonnance partage également les compétences exercées par principe par les départements, afin d’organiser la répartition entre la métropole de Lyon et le département du Rhône. Il en va ainsi de la répartition du financement des dépenses des mineurs placés auprès des services de l’aide sociale à l’enfance. Les articles 8 à 13 s’intéressent au partage en matière de voirie, tandis que les articles 14 et 15 traitent de la politique de l’habitat et les articles 16 et 17 de la répartition en matière d’environnement, de sport, d’aménagement et de gestion de l’eau.
Une mutualisation des services ou structures a pu être décidée, comme dans le domaine des transports avec le choix du maintien d’un syndicat mixte unique sur le territoire du département et de la métropole, le SYTRAL – Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise.
Toutefois, afin de rationaliser les structures, plusieurs instances sont conservées à l’échelle du département, avec simple représentation de la métropole. C’est le cas de l’association départementale d’information sur le logement, de la commission de conciliation en matière d’élaboration de schémas de cohérence territoriale, de schémas de secteur, de plans locaux d’urbanisme et de cartes communales, de la commission consultative d’accueil des gens du voyage du Rhône, du comité départemental des retraités et personnes âgées et du conseil de famille des pupilles de l’État du Rhône.
De plus, l’article 32 prévoit une maison départementale des personnes handicapées commune à la métropole de Lyon et au département du Rhône et l’article 38 crée, en sus de l’Office public d’aménagement et de construction – OPAC – du Rhône, un office public de l’habitat – OPH – de la métropole de Lyon.
Les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables et celles relatives aux concours financiers de l’État font l’objet de la deuxième ordonnance, soumise à discussion commune, que la commission des finances a adoptée conforme suite au vote par le Sénat d’un article 2 nouveau.
Ainsi, le présent projet de loi prévoit la ratification de cette ordonnance, avec validation par le Sénat du respect du champ d’habilitation. De plus, les sénateurs ont ajouté deux articles, l’un visant à la correction d’une erreur de référence dans le code général des collectivités territoriales et l’autre précisant que les infrastructures routières en cours de réalisation par le département du Rhône sur le territoire de la métropole lui étaient transférées de plein droit.
En effet, cette fusion entraîne des effets en matière de fonds de péréquation, de concours financiers de l’État, de fiscalité locale et de règles budgétaires et comptables, avec notamment à résoudre la question du partage des ressources départementales entre le département et la métropole, qui, elle, exercera les compétences départementales sur son territoire.
Ainsi, l’article 1er de l’ordonnance rend applicables à la métropole de Lyon les dispositions du code général des impôts applicables aux EPCI dotés d’une fiscalité professionnelle unique.
Les articles 2 et 3 portent sur l’encadrement des taux des taxes foncières et de la taxe d’habitation votés par les communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon et par la métropole elle-même. Les articles 9 et 11 de l’ordonnance étendent à la métropole les dispositions applicables aux EPCI à fiscalité propre pour la perception de la taxe de séjour et pour le versement transport. L’article 16 prévoit enfin la perception par la métropole de la taxe sur les surfaces commerciales.
Enfin, notons qu’à l’issue des travaux de la commission locale d’évaluation des charges transférées, un arrêté du ministre de l’intérieur et du ministre des finances et des comptes publics a fixé le montant de la dotation de compensation métropolitaine à 75,013 millions d’euros, versés par la métropole de Lyon au département du Rhône.
Disons-le, la métropolisation a la capacité de répondre aux enjeux de demain. La métropole est en mesure de devenir un acteur efficace au plan européen et international. La métropole de Lyon, la première, moteur de cette nouvelle conception territoriale, remplit déjà parfaitement ce rôle grâce aux engagements des élus locaux et, soulignons-le, au travail sans relâche des services. La métropole de Lyon constitue une chance pour son territoire et pour l’ensemble de ses concitoyens. Le groupe RRDP votera ces projets de loi.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.
Très bien !
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, au 1er janvier 2015, douze métropoles ont été mises en place sur le territoire national. Celle de Lyon se distingue par son statut spécifique, dans la mesure où les autres constituent des intercommunalités.
Créée par la désormais célèbre loi MAPTAM du 27 janvier 2014, la métropole de Lyon est une collectivité territoriale à statut particulier. Elle est issue de la fusion de la communauté urbaine de Lyon, EPCI à fiscalité propre, et du département du Rhône dans les limites du périmètre intercommunal. La métropole de Lyon exerce en conséquence, sur son territoire, les attributions du département et celles anciennement exercées par la communauté urbaine, désormais alignées sur les compétences communales transférées aux métropoles. Ainsi, sur l’aire métropolitaine, ne subsistent aujourd’hui que deux échelons de collectivités – la métropole et les communes –, tandis que le département du Rhône subsiste en dehors de ce territoire.
Un statut spécifique a été élaboré pour cette nouvelle collectivité territoriale, unique à ce jour dans notre organisation territoriale. Le législateur a accordé au Gouvernement une habilitation législative destinée à adapter le droit en vigueur à cette création. Trois ordonnances ont été prises sur ce fondement. Nous sommes aujourd’hui appelés à en ratifier deux : celle du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole et celle du 6 novembre 2014 relative aux règles budgétaires et financières. Ces deux ordonnances sont entrées en vigueur le jour de la création de la métropole.
Je rappellerai tout d’abord que nous avions voté contre la création de cette nouvelle collectivité et la partition du département du Rhône. Nous déplorons que la création d’une telle collectivité, unique dans notre organisation territoriale, se soit faite en écartant systématiquement les populations : on peut considérer, en effet, qu’elle a eu lieu sans réelle concertation.
En témoigne le rejet des amendements que nous avions déposés lors du débat sur le projet de loi MAPTAM, qui tendaient à organiser une telle consultation. Nous avions également réfuté l’objectif initial annoncé de réduction des coûts de la dépense publique car nous continuons de combattre cette logique d’austérité. Pour nous, l’objectif premier devrait plutôt consister à répondre aux besoins des populations, en particulier des plus fragilisées. Je pense bien entendu aux différents quartiers bénéficiant de la politique de la ville, nombreux au sein de la métropole. Je pense aussi à la paupérisation, qui progresse dans plusieurs des communes rurales relevant du nouveau Rhône.
Or, la création de cette nouvelle collectivité ne permettra probablement pas de répondre à ces besoins. Les mécanismes de péréquation et de solidarité financière qui pouvaient jusqu’à présent être mis en oeuvre par l’ancien conseil général du Rhône ne pourront plus jouer avec la même ampleur, malgré la redevance que la métropole de Lyon versera au département.
Les deux ordonnances qui sont aujourd’hui soumises à notre approbation sont évidemment nécessaires, principalement pour adapter le code général des collectivités territoriales, mais aussi pour assurer les ressources de la nouvelle collectivité en question. Cela étant, par cohérence avec leur refus de la création de cette nouvelle collectivité, les députés du groupe GDR ne pourront ratifier ces deux ordonnances…
…même si la métropole lyonnaise est, elle, en ordre de marche, ce qui est encore très loin d’être le cas de celle de Marseille, pour ne citer que cet exemple.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 19 décembre 2013, le Parlement adoptait de manière définitive le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce texte répondait à deux objectifs et reposait sur un postulat.
Le premier objectif consistait à ouvrir le chantier de la clarification de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales. Dans ce cadre, la loi a donné corps au concept constitutionnel de « chef de file » et a créé dans chaque région une conférence territoriale de l’action publique chargée de coordonner les actions des différentes collectivités et d’adapter leur mise en oeuvre aux spécificités des territoires régionaux.
Le second objectif était de reconnaître le fait métropolitain en créant une nouvelle catégorie d’EPCI dans nos grandes aires urbaines : les métropoles, dotées de compétences très intégrées.
Le postulat, enfin, était de bâtir une loi qui repose sur l’intelligence de nos territoires et qui ne soit pas vécue comme un acte de défiance de l’État envers les élus locaux mais, au contraire, comme un soutien à leurs initiatives.
Les articles 26 à 39 de la loi MAPTAM, regroupant les dispositions spécifiques à la métropole de Lyon, sont l’illustration de cette volonté du Gouvernement et de sa majorité de respecter ce postulat et de réaliser les deux objectifs de la réforme. En effet, c’est sous l’impulsion de l’actuel maire de Lyon, Gérard Collomb, et de l’ancien président du conseil général du Rhône, Michel Mercier, que le législateur a fait le choix de créer une collectivité territoriale à statut particulier : la métropole de Lyon. Cette dernière, qui a vu le jour le 1er janvier dernier, est issue de la fusion inédite de la communauté urbaine de Lyon et du département du Rhône dans les limites du périmètre intercommunal existant. Ainsi la métropole de Lyon exerce, sur son territoire, la plénitude des attributions d’un conseil départemental, en lieu et place du département du Rhône, ainsi que celles d’une communauté urbaine, en lieu et place du Grand Lyon. Elle exerce également les compétences des métropoles dites de droit commun, de même que les compétences que pourront lui déléguer, de façon volontaire, la région Rhône-Alpes ou l’État.
La métropole de Lyon constitue donc une innovation institutionnelle sans précédent, même s’il faut rappeler qu’elle s’inscrit dans un strict respect de l’article 72 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel, dans sa décision no 2013-687 du 23 janvier 2014, a d’ailleurs déclaré conformes à la Constitution les articles 26, 33 et 37 de la loi MAPTAM, y compris s’agissant de certains points dérogatoires au droit commun pendant la période dite transitoire. Sur ce sujet, un point avait fait particulièrement débat, à savoir la possibilité pour le maire de Lyon de présider la métropole et donc de cumuler, à titre transitoire, deux fonctions exécutives locales. Dans son considérant 64, le Conseil constitutionnel a tranché cette question, en estimant que « le législateur pouvait, à titre transitoire et afin de permettre la mise en place des institutions de la métropole de Lyon, ne pas prévoir d’incompatibilité entre les fonctions de président du conseil de cette métropole et celles de maire », sous réserve, évidemment, que cette transition s’achève lors du prochain renouvellement général des conseils municipaux.
Aujourd’hui, nos travaux nous amènent à nous pencher de nouveau sur la métropole de Lyon. En effet, pour des raisons de complexité et de technicité, l’article 39 de la loi MAPTAM avait autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures de nature législative pour compléter les adaptations du droit en vigueur à l’existence de cette nouvelle collectivité territoriale à statut particulier, notamment en matière fiscale, dont les implications n’étaient pas toutes nécessairement connues au moment du débat parlementaire.
Trois ordonnances ont, en conséquence, été publiées, dont deux font aujourd’hui l’objet d’un projet de loi de ratification : l’ordonnance no 1543 du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon, examinée par notre commission des lois, et l’ordonnance no 1335 du 6 novembre 2014 relative à l’adoption et à l’entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d’autres dispositions législatives, qui a été examinée par la commission des finances.
L’ordonnance du 19 décembre 2014 comprend 41 articles et poursuit un double objectif : définir le territoire d’intervention de l’État à la suite de la création de la métropole de Lyon, fixer le siège de cette dernière et prévoir les adaptations nécessaires au fonctionnement de la métropole de Lyon et du département du Rhône. L’ordonnance clarifie l’organisation des services et la répartition des compétences, et je me félicite qu’elle mutualise des instances qui n’ont pas vocation à être dédoublées et qu’elle ne remette pas en cause le maillage territorial par l’État. En outre, certaines dispositions relatives au statut du personnel de la métropole de Lyon seront également à même de rassurer ces personnels sur leurs droits.
L’ordonnance du 6 novembre 2014, quant à elle, compte 44 articles et permet de prendre les mesures nécessaires pour rendre applicables à la métropole de Lyon les législations fiscales et financières, budgétaires et comptables, avec les adaptations utiles tenant compte des intérêts propres à cette collectivité et à sa situation particulière. Dans ce cadre – cela a été dit – la métropole de Lyon est assimilée de manière générale à un EPCI à fiscalité professionnelle unique et pourra percevoir les concours financiers versés par l’État aux EPCI comme aux départements.
Je veux saluer, sur ces sujets, la qualité du travail réalisé par les groupes de travail bilatéraux, réunissant le département et la communauté urbaine, qui ont eu la charge de ventiler l’intégralité des produits et des charges du département entre la future métropole et le « nouveau » département du Rhône. C’est d’ailleurs sur ce travail que l’État s’est appuyé pour la préparation de ces ordonnances.
Comme rapporteur du projet de loi MAPTAM, adopté en décembre 2013, je peux assurer que ces ordonnances respectent le périmètre qui avait été fixé à l’article 39 de ladite loi. Le groupe socialiste votera donc évidemment ces deux projets de loi de ratification, qui s’inscrivent pleinement dans le cadre fixé par l’article précité.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la loi du 27 janvier 2014, dite MAPTAM, a défini une organisation particulière pour l’aire urbaine de Lyon : la métropole de Lyon exerce sur son territoire – qui abrite 59 communes – les attributions du département et celles exercées par la communauté urbaine, dorénavant alignées sur les compétences communales transférées aux métropoles de droit commun. Le Parlement a accordé au Gouvernement une habilitation législative destinée à adapter le droit en vigueur à la métropole. Trois ordonnances ont été prises, dont deux nous concernent aujourd’hui. La troisième, relative au mode de scrutin applicable en 2020 n’a pas encore été examinée par le Sénat. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur le mode de scrutin prévu pour 2020, qui appelle bien des remarques. Ces dernières ont d’ailleurs été exprimées à M. le préfet lors de la consultation – brève, pour ne pas dire précipitée – des parlementaires et des élus locaux : remarques sur le nombre de circonscriptions, leur disparité, la partition de Lyon en six circonscriptions et la coexistence de nombres pairs et impairs de conseillers par circonscription, qui fausse le jeu de la prime majoritaire.
Petite parenthèse à laquelle je ne résiste pas : à l’occasion des élections départementales, les habitants de la métropole ont découvert qu’ils ne votaient pas, puisque les conseillers communautaires sont devenus métropolitains un peu à leur insu.
Certains ont même alors découvert la substitution de la métropole au conseil général. C’est dire que l’on n’en avait guère fait la publicité lors des élections municipales, et pour cause.
Ratifier deux ordonnances qui respectent l’habilitation ne vaut pas débat sur le statut de la métropole, dont l’existence est effective depuis le 1er janvier 2015. Il nous faudrait discuter de la pertinence du territoire et du nouveau Rhône, de la place des communes au sein de la métropole et de la réalité de cette partition, dès lors que des compétences restent gérées en commun, qu’elles soient prévues par la loi, imposées par les structures existantes – beaucoup de structures vont rester communes et servir les deux territoires – ou établies par convention. Un certain nombre d’entre elles ont déjà été examinées en conseil de métropole. Il ne faudrait pas que la métropole devienne une structure de convention.
L’ordonnance no 1335 contient les mesures permettant de rendre applicables à la métropole les législations budgétaires et comptables. Elle précise utilement certaines règles fiscales. Cela n’appelle pas de réserves, mais gardons-nous de croire que le modèle créé est facilement généralisable. Nous en avons mesuré la complexité, comme l’atteste l’examen de plus de 600 000 lignes de compte.
L’ordonnance no 1543 assure l’adaptation du cadre institutionnel. Je ferai deux observations. S’agissant de l’organisation des services de l’État, le choix qui est fait est de conserver le cadre de l’ancien département. Nous verrons si cela peut tenir dans la durée. Les différences opposant les territoires, les populations, les besoins respectifs des uns et des autres conduiront peut-être aussi à une partition de fait dans le cadre des services et des différentes structures.
Ainsi, la carte judiciaire n’est pas adaptée à la nouvelle situation. J’évoque ici le ressort des tribunaux de grande instance et des tribunaux de commerce.
Deuxième observation : L’article 6 complète les dispositions relatives aux modalités de désignation des membres de la commission permanente du conseil de la métropole autres que les présidents et les vice-présidents. Il prévoit que les membres sont élus au scrutin uninominal majoritaire. Or ce scrutin est contraire au principe constitutionnel de parité. Je défendrai donc un amendement visant à substituer à ce mode de scrutin un scrutin de liste identique à celui en vigueur pour les commissions permanentes des conseils départementaux.
Madame la ministre, je pense que nous pouvons saisir l’occasion de défendre le principe de parité qui ne nous est souvent présenté que comme un simple principe : or il faudrait qu’il passe, aussi, dans la réalité.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la métropole de Lyon est née le 1er janvier 2015 et nous ratifions, par ces projets de loi, deux des trois ordonnances nécessaires à son fonctionnement.
Je voudrais, une fois encore, saluer la clairvoyance de Gérard Collomb et de Michel Mercier qui ont pris l’initiative de créer la métropole de Lyon. Sans cette initiative du président de la communauté urbaine de Lyon et du président du conseil général, il ne se serait sans doute rien passé dans l’immédiat et peut être n’aurions-nous pas, non plus, avancé aussi vite dans la perspective de la création d’autres métropoles dans un avenir proche.
Si cette création a été possible aussi rapidement, c’est que la métropole de Lyon pré-existait dans les faits, même si elle n’avait pas d’existence juridique. Car toute l’histoire du développement de l’agglomération lyonnaise depuis deux siècles consiste en une révision continue des frontières du département pour y contenir une agglomération qui a toujours débordé sur les départements voisins, l’Isère et l’Ain.
Et cette extension s’est accompagnée, depuis la création de la communauté urbaine, d’un transfert continu de compétences vers cette communauté. Mais il restait tout un pan des prérogatives d’une métropole qui ne relevait pas de la communauté urbaine. Si les grandes métropoles ont une face brillante, parce qu’elles créent de la richesse et attirent des compétences, elles portent aussi, en leur sein, de profondes inégalités. L’agglomération lyonnaise est prospère, mais elle compte sur son territoire 46 000 bénéficiaires du revenu de solidarité active, le RSA.
Si l’on veut répondre pleinement à ces deux aspects, il faut pouvoir mener à la fois des politiques de développement économique et urbain et des politiques sociales visant à prendre en charge les plus fragiles. En réunifiant, au sein de la métropole, les compétences de l’ancien département et celles de la communauté urbaine, la métropole de Lyon constitue une collectivité territoriale de plein exercice, à la dimension de notre époque, associant comme on le dit à Lyon, l’urbain et l’humain.
Je voudrais saluer l’énorme travail accompli, tant au niveau local que national, pour aboutir à ces ordonnances dans les délais prescrits, c’est-à-dire avant le 31 décembre 2014, date de la fin de l’habilitation du Gouvernement. Sous la houlette de la présidente de la chambre régionale des comptes, les fonctionnaires de la communauté urbaine et du département ont notamment examiné, trié et affecté un nombre tout à fait considérable de mandats. La métropole de Lyon ne se construit pas au détriment du nouveau département, car il existe une dynamique évidente entre la métropole et le nouveau département du Rhône qui, avec 440 000 habitants, restera un département aussi peuplé que, par exemple, la Savoie.
Le travail d’analyse des comptes a montré que la nouvelle organisation allait faire apparaître un déficit d’une quarantaine de millions d’euros au détriment du nouveau département. Une dotation de compensation annuelle de 75 millions d’euros sera par conséquent versée par la métropole au nouveau département pour permettre, au moment de leur création, un taux d’autofinancement égal dans les deux institutions.
Enfin, la meilleure preuve de cette volonté de complémentarité réside dans le maintien de certains services communs et, plus encore, dans la création, en 2015, à partir du Sytral, d’une nouvelle autorité organisatrice des transports dans la métropole et dans le nouveau département. Elle réunira les quatre organismes qui intervenaient précédemment dans ce domaine. En conclusion, un vote conforme sera à la fois la reconnaissance de la qualité du travail accompli et l’inscription dans la loi d’une belle aventure pour Lyon comme pour le Rhône.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je ne reviens pas sur les arguments que je développerai à l’occasion de l’examen des amendements. S’agissant de l’organisation de l’État, deux remarques s’imposent. Premièrement, l’organisation des cours d’assises, comme celle des cours d’appel, des tribunaux de grand instance et des tribunaux d’instance, ne dépend en rien des limites des départements et des régions : il s’agit de la carte judiciaire. D’autres cartes ne sont d’ailleurs absolument pas liées à la géographie administrative de nos territoires.
Si la ministre de la justice doit revoir, dans le cadre de la réforme de l’État, ce qui est possible, la carte judiciaire, elle pourra se poser ces questions, mais la tendance – que l’opposition appelle fortement de ses voeux – est, vous le savez tous, plutôt à la diminution du nombre de juridictions ainsi qu’à la baisse des dépenses publiques.
Ne laissons surtout pas croire aux citoyens qu’il existe un lien quelconque entre le code de l’organisation judiciaire et la répartition des collectivités territoriales, qu’elles soient des métropoles à statut particulier ou d’une autre nature. Il n’y a aucun lien entre ces deux éléments autre que l’histoire.
D’aucuns se posent la question de savoir si le code de l’organisation judiciaire, ou la carte judiciaire, ou d’autres cartes, imposent de maintenir, par exemple, un rectorat dans le lieu où siège le conseil régional. Or il faut équilibrer la présence des services de l’État sur le territoire. On peut très bien se poser beaucoup de questions sur cette réforme territoriale de l’État, mais elle n’a rien à voir, je le répète, avec les limites territoriales d’un département.
Il fallait que je le confirme ici. De la même façon, dans ce cas de figure, s’agissant du corps préfectoral, un secrétaire général pour les affaires régionales, un SGAR, a été nommé pour nous aider à mettre en place le tout, car les services de l’État ont été très mobilisés. Rien ne nous oblige à avoir deux préfets, rien. L’organisation territoriale actuelle des services de l’État est héritée de la réforme de l’administration territoriale de l’État, la RéATE, que nous sommes effectivement en train de remettre en cause sur un certain nombre de points. J’observe que, après analyse, ils recueillent l’assentiment de beaucoup au sein de la majorité et de certains au sein de l’opposition.
Nous récrivons sans doute l’histoire de l’État mais nous ne pouvons pas la faire coïncider avec les limites de nos collectivités territoriales.
Je viens de le dire.
Création de la métropole de Lyon
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi ratifiant l’ordonnance du 19 décembre 2014 portant diverses mesures relatives à la création de la métropole de Lyon.
Madame la ministre, la métropole de Lyon est née le 1er janvier 2015, comme la loi l’avait prévu. Je note que les ordonnances ont été prises juste à temps. Nous discutons aujourd’hui de leur ratification. Je voterai bien sûr ces deux lois de ratification, puisque j’étais favorable à cette évolution institutionnelle importante.
Si j’ai souhaité intervenir sur cet article, à défaut d’avoir pu le faire lors de la discussion générale, c’est en qualité de député d’une circonscription qui se trouve à cheval sur le département du Rhône et sur la métropole.
Sourires.
L’ordonnance du 6 novembre 2014 n’appelle pas de ma part de remarques particulières. En revanche, il en va tout autrement de l’ordonnance du 19 décembre 2014. Les remarques qui ont été formulées au sujet de cette ordonnance par mes collègues Fenech et Nachury sont très intéressantes. Madame la ministre, je constate que, si l’article 1er fixe le siège de la métropole à Lyon, on ignore toujours où sera fixé celui du département du Rhône créé depuis le 1er janvier.
À Lyon.
Je tiens à dire qu’il est dommage que ce point ne soit pas précisé dans l’ordonnance. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir m’indiquer la position du Gouvernement quant à la ville qui deviendra le chef-lieu de ce département, au même titre que nous connaissons déjà celui de la métropole.
Si l’organisation territoriale des services de l’État est maintenue sur le périmètre de l’ancien département du Rhône, ce qui est judicieux, ce département est toutefois le seul en France à n’avoir à sa tête qu’un sous-préfet.
Vous venez, madame la ministre, de répondre. Il n’en reste pas moins qu’à vous écouter nous n’aurions même pas besoin de préfet ! Si je dois reconnaître que nous avons un bon sous-préfet, je pense qu’à terme, pour l’identité de ce territoire, il serait préférable de disposer au moins d’un préfet délégué auprès du préfet de région pour Rhône-métropole. À terme, en effet, la situation actuelle posera problème.
Se pose également la question du tribunal de commerce et du tribunal de grande instance.
Vous venez, madame la ministre, d’y répondre. Je tiens quand même à préciser que le tribunal de grande instance et le tribunal de commerce de Villefranche-sur-Saône ont une activité qui ne demande qu’à se développer sur l’ensemble du territoire du nouveau Rhône.
Madame la ministre, j’irai dans le même sens que mon collègue Patrice Verchère. Lui est député à la fois de la métropole et du nouveau Rhône, et d’autres collègues ici représentent la métropole. Je suis quant à moi le seul député dont la circonscription s’étende en totalité sur le territoire du nouveau Rhône. En tant que maire de Villefranche-sur-Saône, la ville en théorie chef-lieu de ce nouveau département, je me pose effectivement beaucoup de questions, comme tous les habitants de ce territoire, puisque aujourd’hui ce département n’a ni chef-lieu ni capitale. C’est un département en attente d’une véritable organisation.
Vous comprendrez, madame la ministre, que nombre de nos concitoyens m’ont, pas plus tard que dimanche, dans les bureaux de vote, interrogé en me disant : nous votons pour des élus dont nous ne connaissons pas encore toutes les compétences, et nous ne savons même pas où le conseil général va siéger et comment tout cela va s’organiser. Un peu plus de visibilité serait donc nécessaire, madame la ministre.
La réforme est nécessaire, dès lors qu’un certain nombre de garanties nous ont été apportées. En termes d’organisation administrative, ceci a été dit, on ne peut avoir de département sans préfet. Il s’agit d’une exception à notre organisation administrative et nous attendons d’ailleurs que notre sous-préfet à Villefranche-sur-Saône soit nommé, car ce n’est pas encore le cas, secrétaire-général adjoint, puisque tel devait être son titre. J’attends une réponse précise sur ce point, madame la ministre, puisque le préfet de région, M. Carenco, avait en début d’année annoncé cette nomination.
S’agissant de l’organisation judiciaire, il nous faut là-aussi obtenir très rapidement une réponse. Vous avez dit il y a un instant qu’il n’y avait pas de lien entre la carte judiciaire et l’organisation de notre administration, mais toujours est-il qu’à l’heure actuelle siègent à Villefranche-sur-Saône un tribunal de grande instance, un tribunal de commerce, et un conseil de prud’hommes qui fonctionnent très bien, de façon rapide et efficace. Les juges, l’ensemble des magistrats, les avocats et l’ensemble de la population souhaiteraient savoir très rapidement ce que vont devenir ces juridictions dans le cadre du nouveau Rhône.
Beaucoup d’espoirs ont été placés, notamment par la population, dans cette réorganisation entre la métropole et le nouveau Rhône mais il ne faudrait pas les décevoir. Alors, madame la ministre, devant la représentation nationale, dites-nous ce qui va se passer afin que les habitants de ce nouveau département soient ce soir rassurés.
Madame la ministre, j’ai bien compris votre réponse relative au rectorat de l’académie de Lyon, qui comporte le Rhône, la Loire et l’Ain. Mais chaque département sera-t-il pourvu d’un inspecteur d’académie ? Un inspecteur d’académie supplémentaire est-il prévu pour la métropole ? Il s’agit d’une simple précision, comme celle relative au sous-préfet. Or le nouveau Rhône a une population de 440 000 habitants, équivalente à celle de la Savoie : il mérite, me semble-t-il, un préfet.
Il faut que tout le monde lise bien le texte : il n’y a qu’un seul département, dont une partie, située sur le territoire de la métropole, est gérée par elle. Sur le territoire de la métropole, elle exerce les compétences du département. On a toujours dit que deux départements avaient été créés ; oui, de fait, mais si vous regardez bien les textes, il n’y en a qu’un seul. D’où l’idée, la nécessité et la loi, parce que seul un statut particulier le permet. On ne pourrait effectivement pas le faire sur d’autres territoires. Si nous avons créé le statut particulier, c’est parce qu’une partie du département se situe hors des limites de la métropole. Il n’y a donc bien aujourd’hui qu’un seul département.
Je ne suis pas partisane de la multiplication du nombre de fonctionnaires sur le territoire.
L’opposition, à chaque fois qu’un poste de fonctionnaire est créé, nous hurle dessus. Et, depuis un moment, les députés qui la représentent aujourd’hui me demandent qui une nouvelle cour d’assise, qui un rectorat et qui une inspection d’académie.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
En tant que ministre de la fonction publique, je suis ravie qu’enfin l’opposition réclame, avec des fonctionnaires, la présence de l’État. Je pense en effet que ces fonctionnaires font un excellent travail et qu’ils sont nécessaires.
Je vous confirme qu’en ce qui concerne la carte judiciaire, il n’existe aucune obligation : M. Fenech peut se rassurer. Nul ne peut ester en justice, fût-ce devant l’ordre administratif, sur ce point. S’agissant du rectorat, nous n’allons pas créer, comme quelqu’un me le suggérait hier, une agence, mais on peut effectivement imaginer une inspection d’académie. Il n’y a aucun problème d’organisation.
Nous voulons être pragmatiques et gérer le mieux possible l’État, à proximité des territoires. Mais ce qui sera fait sur le territoire de ce département le sera également dans le reste de la France. D’où, d’ailleurs, la nouvelle charte de la déconcentration et l’adaptation de l’État à la nouvelle carte territoriale, qui va nous conduire à mener une réorganisation, en ne mettant pas tous les services dans la même ville.
J’ai plaidé auprès du Premier ministre et du Président de la République pour que l’on fasse attention à ne pas tout enlever par exemple aux anciennes capitales régionales, ou à ne pas abandonner la moitié du territoire du département du Rhône.
Quant à l’avenir du département du Rhône, je vous lis l’article L. 3621-3 du code des collectivités territoriales : « Le chef-lieu du département du Rhône est fixé par décret en Conseil d’État, après consultation du conseil général du Rhône et du conseil municipal de la commune intéressée. L’article L. 3112-2 est applicable au transfert de ce chef-lieu. »
Nous attendrons bien sûr la consultation des élus et nous verrons à faire au mieux, dans l’intérêt des Lyonnais et de tous les habitants de ce département.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 2 et 4 .
Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement no 2 .
Comme je l’ai souligné dans la discussion générale, il y a un problème évident, auquel vous ne pouvez pas rester insensibles, la question de la parité. La commission permanente du département est paritaire, celle de la métropole ne l’est pas.
C’est contraire à la Constitution et c’est contraire au principe du fonctionnement des collectivités territoriales. Vous nous avez répondu, monsieur Mennucci, qu’il n’y avait pas de parité dans les intercommunalités ; mais ce n’est pas un bon argument car nous ne sommes pas dans une intercommunalité, nous sommes dans une collectivité.
Je ne comprends vraiment pas que vous ne vous rendiez pas compte qu’il y a un problème. Nous qui siégeons maintenant à la métropole, nous voyons bien qu’il y a une difficulté criante, flagrante.
Je vous demande donc vraiment de prendre en compte cet amendement au nom de l’égalité entre hommes et femmes.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement no 4 .
Madame la ministre, mes chers collègues, peut-on sacrifier un principe général qui s’inscrit dans la durée, celui de la parité, aux intérêts particuliers d’un président de communauté urbaine, aujourd’hui de métropole, qui, lui, ne s’inscrit pas forcément dans la durée ?
Comme je vous l’ai déjà expliqué en commission des lois et tout à l’heure, mes chers collègues, le débat a été tranché lors de l’examen de la loi MAPTAM, qui prévoit un scrutin majoritaire sur le modèle de celui qui est applicable aux commissions permanentes des EPCI.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est ici la maison des mots et des phrases qui restent.
Je ne suis pas en train de dire que la métropole lyonnaise est un EPCI, je vous précise ce que prévoit la loi, qui parle de modèle. Votre argument tombe donc, d’autant plus, monsieur Fenech, et j’ai un peu de mal à vous le rappeler, à vous qui êtes un grand juriste alors que je ne suis qu’un vulgaire garagiste à l’origine, que le Conseil constitutionnel a examiné la loi MAPTAM et s’est exprimé sur la question.
Je ne comprends pas cette discussion. Voici en effet ce que dit le Conseil constitutionnel : Considérant « qu’en troisième lieu, en prévoyant que les délégués de la communauté urbaine de Lyon qui seront élus en mars 2014 exerceront le mandat de conseiller de la métropole de Lyon à compter du 1er janvier 2015 et jusqu’en 2020, le législateur a entendu faciliter la réalisation de la réforme territoriale » – le Conseil constitutionnel comprend ce qu’a fait le Gouvernement, en opportunité, pour installer la métropole lyonnaise –, « qu’il a ainsi poursuivi un but d’intérêt général » et, phrase fondamentale, « qu’eu égard à l’ampleur de la réforme, les mesures adoptées, qui sont transitoires et en adéquation avec l’objectif poursuivi, ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ».
Le Conseil constitutionnel a jugé que cette loi était constitutionnelle.
Vous nous demandez donc de modifier une loi qui a déjà été jugée. Je rappelle que nous sommes en train de ratifier une ordonnance.
Vous étiez déjà intervenus lors du vote de la loi mais le Conseil constitutionnel a tranché. En 2020, je l’ai expliqué lors de mon intervention, cela se passera différemment et la question de la parité sera réglée, comme elle l’est dans les autres départements de France.
Défavorable.
La prochaine fois, ce sera en fonction des élections des conseillers de la métropole et non pas des conseillers départementaux. Nous avons eu un très long débat de près d’une heure et demie pendant la discussion de la loi MAPTAM pour arriver à ce résultat.
Nous avons bien compris que le Conseil constitutionnel avait jugé que la loi MAPTAM était conforme à la Constitution. Néanmoins, vous aviez précisé que le président de la métropole devait être assimilé au président d’un conseil départemental et, comme l’article 1er de la Constitution affirme le principe de parité, on pourrait considérer que la parité doit exister également à ce niveau.
Mais ne parlons même pas de la loi. Vous êtes nombreux dans la majorité à avoir voté la parité pour de nombreuses élections, encore récemment pour les élections départementales d’il y a quelques jours, et pour les exécutifs locaux, et il serait tout de même bizarre que vous ne votiez pas ces amendements introduisant la parité dans la commission permanente de la métropole, qui s’apparente à un département.
Je voulais tout de même souligner le côté cocasse de la situation.
Lorsque cette loi a été votée, il y avait une ministre en charge des droits des femmes, Mme Vallaud-Belkacem, qui siégeait d’ailleurs dans l’ancienne métropole. Est-ce que, quelque part, cela ne vous choque pas, madame la ministre, et je vois bien que vous n’êtes pas très à l’aise à ce sujet ? Accepter qu’il n’y ait pas de parité dans un exécutif aujourd’hui, c’est vraiment faire un affront aux femmes
Protestations sur les bancs du groupe SRC
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je m’adresse à M. Mennucci, député de la République et garagiste de son état.
Monsieur Mennucci, vous ne pouvez pas nous expliquer tous les jours qu’il faut aller vers la parité, ce que nous faisons d’ailleurs tous ensemble dans toutes les élections jusqu’à présent et puis, quand cela arrange M. Collomb, vous asseoir dessus au moins jusqu’en 2020.
La réalité, en effet, il faut dire les choses aux Français, c’est que la parité n’est pas appliquée aujourd’hui à la métropole pour servir les intérêts politiques de M. Collomb.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.
D’abord, je trouve vos propos indélicats mais, connaissant votre délicatesse habituelle, je sais que c’est une erreur.
On voit d’ailleurs que la parité est parfaitement respectée chez vous, vous êtes dix hommes et deux femmes.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
C’était pour sourire.
Vous voulez imposer la parité dans toutes les métropoles et dans tous les EPCI de France. En l’occurrence, il y a un département et une métropole, avec un statut particulier, qui a pris les compétences du département.
Vous avez voté que le renouvellement du mandat des conseillers métropolitains s’effectuerait en même temps que celui des conseillers municipaux et non pas des conseillers départementaux.
Si nous avons retenu des dispositions plus proches du régime du bureau des EPCI, c’est pour des raisons de fonctionnement, pour éviter un renouvellement intégral de la commission permanente, que vous ne demandez pas, à défaut d’accord au moment de l’installation ou en cas de vacance.
Il y aura donc la parité pour les vice-présidents, comme dans les autres collectivités territoriales de ce type, mais vous ne pouvez pas faire une telle demande sans demander que cela s’applique à tous les EPCI de France.
Je ne crois pas que le groupe socialiste et la majorité aient de leçons à recevoir en matière de parité.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons introduit la parité dans les élections régionales et dans les élections législatives. Les formations politiques de la majorité parlementaire sont parmi celles qui paient le moins de pénalités pour non présentation de femmes à des élections législatives. Nous avons imposé les binômes aux élections départementales, ce qui garantit la parité dans l’ensemble des départements, mais nous avons fait le choix, en lien avec les élus locaux,…
…de faire fonctionner la métropole de Lyon de façon parallèle aux intercommunalités. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre ces amendements.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…ce qui peut expliquer ce bricolage.
Vous considérez, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit d’une ordonnance et que l’on ne peut pas y toucher par la loi, mais nous sommes en train de ratifier une ordonnance qui va devenir loi, et ce qui a été voté dans une loi peut être modifié par une autre loi. Si le Conseil constitutionnel a donné son avis sur une loi, cela ne nous oblige pas pour l’éternité à ne pas changer la loi qu’il a validée.
C’est tout de même très surprenant ce que vous êtes en train de faire. Il y a dans ces amendements deux éléments que vous exigez au nom de l’égalité, de la parité, de tous les grands symboles dont vous estimez être les seuls porteurs, la proportionnelle et la parité. On vous propose les deux dans ces amendements et vous n’en voulez pas.
Qu’y a-t-il derrière si ce n’est du bricolage pour permettre à un fief local
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP
cerné de toutes parts par les électeurs depuis dimanche dernier, qui le sera encore plus dimanche prochain, de maintenir des positions pour un avenir très aléatoire. C’est du bricolage, c’est du tripatouillage. J’espère que nous allons voter ces amendements.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
On parle beaucoup de parité et la situation est assez surprenante puisque, dans le département du Rhône, il y aura la parité dans le conseil général, mais pas dans la métropole.
Il faudra expliquer cela. Tout est déjà suffisamment compliqué. Conseil général, conseil départemental, nouveau découpage, on l’a vu lors des élections de dimanche dernier, personne n’y comprend rien.
La parité a été adoptée, très bien. Je voterai ces amendements.
J’ai entendu certains propos un peu choquants ou étonnants. Peut-on m’expliquer pourquoi la parité gênerait la mise en place de la métropole ?
Il est procédé au scrutin.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
L’article 1er, amendé, est adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 3 et 5 , portant article additionnel après l’article 1er.
Sur les amendements identiques nos 3 et 5 , je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. Georges Fenech, pour soutenir l’amendement no 3 .
Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous étions encore en conseil de métropole hier. Il y a des manifestations, des pétitions qui circulent, signées par plus de 40 000 personnes, contre l’augmentation à 2 400 euros des indemnités des membres de la commission permanente,…
…alors que les conseillers métropolitains perçoivent une indemnité de 1 300 euros. Qui a-t-on voulu acheter avec ces indemnités ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous ne pouvez pas refuser mon amendement, car ce serait cautionner un système partisan, qui tient compte uniquement des intérêts de M. Collomb. Cela ne respecte pas la loi. Il y a d’ailleurs un contrôle de légalité qui est en cours. On ne peut pas augmenter les indemnités de plus de 10 %. C’est la loi qui le dit !
Mêmes mouvements.
La parole est à Mme Dominique Nachury, pour soutenir l’amendement no 5 .
C’est un amendement d’appel pour clarifier le système indemnitaire des membres de la commission permanente et revenir au droit commun, soit à l’application de la majoration de 10 % par rapport à l’indemnité prévue pour un conseiller métropolitain. Ce n’est pas ce qui a été voté en conseil de communauté. Au cours de la même séance, on a augmenté les indemnités des élus et les impôts ! Cela passe très mal auprès des habitants de la métropole auxquels on avait promis plus d’efficacité et d’économies. Les pétitions qui circulent ont réuni plus de 50 000 signatures.
Il serait bon de revenir à la raison et d’appliquer le droit commun : une majoration de 10 % de l’indemnité du conseiller métropolitain de base.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante, est reprise à dix-huit heures cinquante-cinq.
suite
Pour résumer l’incident qui vient de se produire, il se trouve que l’un de nos collègues présents en séance a voté à la place de son voisin. Preuve en est : son nom n’apparaît pas dans la liste de ceux qui ont voté, alors que le nom de son voisin y figure. Même s’il n’existe aucun soupçon de fraude, parce que le nom d’une personne absente figure dans ce vote, j’ai pris la décision de faire procéder à un nouveau vote.
Au nom de mon groupe, monsieur le président, je veux vous dire que nous entendons vos explications et que nous apprécions votre position, bien qu’il soit toujours regrettable de devoir procéder à un second vote. J’en profite pour rappeler que le groupe SRC votera contre ces amendements.
suite
Vos propos me satisfont, monsieur le président, car je n’accepterais pas que la sincérité d’un collègue soit mise en doute.
Personne n’a été accusé, monsieur Rochebloine et aucun nom n’a été prononcé.
On parlait, pendant la suspension de séance, de M. Zumkeller qui appartient à mon groupe, monsieur le président !
Les choses sont très claires. Il n’y a aucun élément de fraude, ni aucune intention malveillante. C’est une simple erreur de vote, qui d’ailleurs annule le vote de celui qui l’a commise. Comme le nom d’une personne absente apparaît parmi les votants, j’ai pris la décision de faire procéder à un nouveau vote. Cela doit satisfaire tout le monde.
Il est procédé au scrutin.
L’article 1er est adopté.
Monsieur le président, je n’étais pas assise à ma place et j’ai appuyé sur le bouton de M. Christian Jacob. Par conséquent, pour que le scrutin soit juste, corresponde à la réalité, je demande que mon nom figure sur le procès-verbal à la place du sien.
Il y aura une mise au point à ce sujet, mais cela n’a de toute façon pas d’incidence sur le résultat.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, je reconnais que j’ai tout à l’heure appuyé sur le bouton du pupitre de mon voisin au lieu d’appuyer sur le mien. Mais en fait, comme lui et moi avions la même position contre, le résultat du vote n’en a pas été influencé, le nombre de voix aurait été exactement le même. Vous avez tout de même décidé de procéder à un nouveau vote. Mais cette fois, j’aurais souhaité que vous vérifiiez qu’il y avait bien vingt-sept votants du côté gauche de l’hémicycle parce que je les ai comptés et n’en ai pas trouvé autant lors du scrutin.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Au lieu d’accuser François Rochebloine, certains feraient bien de s’interroger sur leur propre comportement.
Personne n’est en cause. Il n’y a eu aucune malveillance. On a procédé logiquement à nouveau au scrutin parce que le nom d’une personne absente apparaissait parmi les votants.
La parole est à M. Guy Geoffroy.
Monsieur le président, en premier lieu, une simple question : est-il possible de faire revoter sur des amendements après que l’article auxquels ils se rapportent a déjà été adopté à main levée ? Je n’en suis pas persuadé.
En second lieu, bien évidemment, notre collègue Bérengère Poletti n’a pas fait exprès, mais le parallélisme des formes eût exigé d’en tenir compte. En effet, je rappelle que tout à l’heure s’est déjà produite une erreur manifestement involontaire, M. Salen ayant voté à la place de M. Zumkeller, et que le résultat du scrutin était favorable à l’adoption. Vous avez décidé, et c’est votre droit, de procéder à un nouveau vote. Or maintenant qu’une erreur identique, tout aussi involontaire, est commise, vous refusez de prendre en compte la demande de procéder à un nouveau vote. Je trouve cela pour le moins surprenant même si, à n’en pas douter, il donnerait un résultat identique.
Mon cher collègue, la différence, c’est que tout à l’heure les amendements avaient été adoptés à une voix près,…
…ce qui n’a pas été le cas cette fois-ci. Il sera donc seulement procédé à une rectification nominative, à savoir Mme Poletti en lieu et place de M. Jacob.
La parole est à M. François Rochebloine.
Je voudrais revenir sur la question que vient de poser notre collègue Guy Geoffroy : peut-on procéder à nouveau à un vote alors que l’article a été adopté ? J’en suis quelque peu surpris.
Nous vous savons gré d’animer ce débat d’une manière sereine, monsieur le président, mais il est quelque peu surprenant que l’erreur manifeste, en plus reconnue par son auteur, lequel n’a absolument pas voulu altérer le résultat, nous ait obligé à revoter. Raisonnons par l’absurde : si l’ensemble de ceux qui souhaitaient voter pour ces amendements s’étaient tous trompés de pupitre, qu’auriez-vous fait ?
Mon cher collègue, je l’ai dit : la question ne s’est posée que dans la mesure où la différence n’était que d’une voix.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
En tout état de cause, il est déjà arrivé que l’on soit amené à procéder à nouveau à un vote, y compris sur un article – je pense à une situation analogue à celle d’aujourd’hui qui s’est produite il y a quelques mois, et qui s’est réglé de la même manière avec l’approbation de tous.
L’article 1er a déjà fait l’objet d’une mise aux voix avant les rappels au règlement.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.
suite
Monsieur le président, nous sommes vraiment attristés par la manière dont les choses se sont passées. Il s’est produit une erreur matérielle, mais nous étions majoritaires.
Or vous nous avez demandé de procéder à un autre vote, remettant en cause par là même le vote de l’article.
Nous sommes également attristés par la position de la majorité qui, finalement, s’incline devant les volontés de M. Collomb.
Et de la majorité du Sénat !
Ainsi, les règles de parité et de non-cumul ne s’appliqueront pas à la métropole de Lyon. On a conçu un statut spécial pour M. Collomb !
Celui-ci ne sera donc pas frappé par le non-cumul à partir de 2017. En outre, il faudra bien que nous rendions compte à nos électeurs de l’augmentation inconsidérée des indemnités des membres de la commission permanente !
Tout cela est inacceptable et, compte tenu du fait qu’on nous a volé notre vote – puisque nous étions majoritaires –,…
« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Les députés des groupes UMP et UDI se lèvent et quittent l’hémicycle.
Défavorable.
Les indemnités permises par la loi sont de 2 927 euros ; le choix a été fait de retenir 2 444 euros, soit une somme inférieure. Je signale que toutes ces dispositions, celles ayant trait aux indemnités comme celles relatives à la parité, ont été votées par l’ensemble des sénateurs, à l’exception des membres du groupe communiste, républicain et citoyen.
Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.
Le projet de loi est adopté.
La séance, suspendue quelques instants, est immédiatement reprise.
Dispositions applicables à la métropole de Lyon
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi ratifiant l’ordonnance no 2014-1335 du 6 novembre 2014 relative à l’adaptation et à l’entrée en vigueur de certaines dispositions du code général des collectivités territoriales, du code général des impôts et d’autres dispositions législatives applicables à la métropole de Lyon.
Les articles 1er et 2 sont successivement adoptés.
Le projet de loi est adopté.
Sourires.
L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport d’information sur l’évaluation du développement des services à la personne.
La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séance de questions-réponses. La durée des questions et des réponses sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.
La parole est à Mme Martine Pinville.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie, chers collègues, dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a inscrit à son programme de travail l’évaluation du développement des services à la personne. Nous avons ainsi demandé à la Cour des comptes de procéder à une étude générale sur l’ensemble du champ des services d’aide à la personne, qui comprenne un volet plus ciblé sur les services aux personnes âgées en perte d’autonomie. Le rapport nous a été présenté le 10 juillet 2014.
Parallèlement, l’année dernière, ma collègue Bérengère Poletti et moi-même avons travaillé en nous concentrant sur la tarification des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile, l’APA à domicile. Puis nous avons mené un deuxième cycle d’auditions et de tables rondes, en nous fondant sur les constats et recommandations de la Cour des comptes.
Précisons, en préambule, les contours du secteur des services à la personne. Cette politique publique transversale a un impact sur nombre de ménages, de salariés et d’employeurs : elle mobilise des aides publiques – en termes de dépenses fiscales, allégements de charges sociales, formation professionnelle – et soulève des questions de société, qui concernent la petite enfance, le handicap, la perte d’autonomie, ou encore la dépendance. Au terme de nos travaux, nous avons fait une quinzaine de propositions qui s’articulent autour de trois axes : améliorer l’efficience des aides publiques aux services à la personne ; mieux structurer et professionnaliser le secteur ; mieux répondre aux défis du maintien à domicile des personnes âgées. Si nous nous sommes accordées pour donner un nouvel élan aux services à la personne, nos avis divergent quelque peu, si je puis dire, sur la définition du champ des activités éligibles aux aides fiscales et sociales et sur le ciblage de la réduction et du crédit pour l’emploi d’un salarié à domicile.
À titre personnel, dans un contexte budgétaire contraint, je défendrai en effet une logique de réorientation des aides vers les publics fragiles.
Évoquons tout d’abord le débat dont le champ des services à la personne éligible aux aides publiques est l’objet. Ce champ est très vaste, puisque pas moins de vingt-trois activités sont soutenues – le fait est unique en Europe. En vertu de la liste actuelle, n’importe quel couple d’actifs peut, par exemple, bénéficier d’un crédit d’impôt pour des cours à domicile. Pouvons-nous nous permettre de dépenser de l’argent public pour des aides si générales ? Je propose donc de mieux cibler les aides publiques dont bénéficient les services de confort actuellement soumis à un taux de TVA de 20 %, en les réservant aux personnes dépendantes.
Le deuxième débat que nous avons eu a porté sur le ciblage des avantages fiscaux liés à l’impôt sur le revenu.
Avec le système actuel, 22 % des personnes qui déclarent des dépenses de services à la personne n’ont droit à aucun avantage fiscal. Or, parmi elles, il y a des retraités non imposables, c’est-à-dire des personnes aux revenus modestes, dont certaines sont en perte d’autonomie et ont d’importants besoins en termes d’aide à domicile. Les avantages fiscaux liés aux services à la personne et le niveau des plafonds de dépenses éligibles ne pourraient-ils donc être plus justes et plus efficaces ? En effet, ces avantages fiscaux bénéficient plus fortement aux ménages les plus aisés. Par contre, les retraités modestes, comme je l’indiquais, en sont privés.
Nous avons adopté un nouveau barème de l’impôt sur le revenu pour 2015, en vertu duquel seront désormais exonérés des retraités à qui leurs revenus permettraient d’avoir davantage recours à des services d’aide à domicile, d’autant plus qu’ils en ont souvent réellement besoin. Je propose donc d’élargir le bénéfice du crédit d’impôt à tous les bénéficiaires de l’APA, c’est-à-dire les personnes évaluées en GIR 1 à 4. Pour financer cette mesure, je propose d’abaisser à son seuil d’efficacité, c’est-à-dire 7 000 euros, le plafond des dépenses éligibles, tandis que les autres plafonds spécifiques seraient abaissés de façon homothétique. L’idée d’un abaissement de plafond a d’ailleurs recueilli l’assentiment de tous les experts que nous avons entendus.
De plus, la création d’un plafond différencié pour la garde d’enfants de moins de trois ans à domicile pourrait être mise à l’étude, en comparaison avec d’autres améliorations qui pourraient être apportées à la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE.
Enfin, je pense qu’il serait important de réorienter en direction des personnes qui en ont le plus besoin l’exonération de cotisations patronales pour l’emploi d’un salarié à domicile. L’exonération du fait de l’âge date de 1948. L’espérance de vie en bonne santé n’était alors pas celle que l’on connaît aujourd’hui. On pourrait porter à 80 ans l’âge requis pour bénéficier de cette exonération tout en étendant son champ aux personnes en perte d’autonomie – on pourrait commencer à partir du groupe iso-ressources no 5, ou GIR 5. Cela permettrait de préserver son caractère préventif et de tenir compte des fragilités temporaires qui peuvent apparaître.
Les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, pourraient, quant à elles, instituer, à l’échelle intercommunale ou départementale, une démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du secteur des services à la personne, en priorité dans les bassins d’emploi où des postes sont à pourvoir. Ces deux mesures de transversalité et de gestion par bassin d’emploi permettraient de lutter contre le temps partiel subi.
Ajoutons que l’absence de mesure salariale générale dans la branche de l’aide à domicile a entraîné – même si je sais que vous avez procédé à un rattrapage, madame la secrétaire d’État – une baisse du pouvoir d’achat et les salaires ont subi une érosion, pour se trouver à présent au niveau du SMIC, alors qu’ils le dépassaient de 10 % en moyenne.
Dans le but, notamment, d’améliorer l’attractivité de ces métiers, nous devons également envisager d’établir des passerelles entre les métiers du secteur médico-social et du secteur sanitaire. Cela passe notamment par l’unification du diplôme d’auxiliaire de vie sociale et de celui d’aide médico-psychologique, ou AMP. Pour faciliter les parcours professionnels, il serait aussi utile d’instaurer des équivalences de diplômes entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social et de créer des passerelles entre les métiers des services à la personne et ceux exercés dans les établissements.
En ce qui concerne le maintien à domicile des personnes âgées, la coordination des acteurs concernés me semble nécessaire. Rappelons, à cet égard, les enjeux. La mise en oeuvre d’une politique volontariste en faveur du maintien à domicile conditionnera les décisions prises par les personnes et les familles. Elle sera même indispensable, notamment pour réduire le besoin de places d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes, même si on sait que la volonté de ces personnes est déjà, dans la majeure partie des cas – plus de 80 % –, de rester à domicile.
Notre rapport revient sur deux problématiques essentielles : premièrement, la coexistence d’une offre planifiée aux tarifs conventionnés avec une offre aux tarifs libres ; deuxièmement, l’enjeu de mieux coordonner les secteurs de l’aide à domicile et du soin.
Sur le premier point, les conseils généraux, liquidateurs de l’APA, ont aussi un pouvoir de tarification. Ils assurent une planification de l’offre au moyen d’appels à projets. Les services retenus au titre de l’appel à projets sont dits autorisés et font l’objet de cette tarification. En permettant à de nouvelles structures privées aux tarifs libres d’intervenir auprès des personnes dépendantes, le plan Borloo de 2005 a créé des difficultés. Dans certains départements, l’arrivée des acteurs privés a déstabilisé le tissu associatif existant. Certains conseils généraux ont, dès lors, pratiqué des tarifs plus bas pour les services non autorisés, ce qui est problématique au regard du droit de la concurrence – on attend notamment des réponses de la part de l’Europe.
L’objet des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens est de dépasser la dualité entre ces deux régimes de l’autorisation et de l’agrément. Les CPOM permettront de mettre en rapport les tarifs avec les contraintes de quasi-service public que devront assumer les organismes de service, qu’ils soient agréés ou autorisés. Il est souhaitable, par exemple, qu’ils permettent de mieux rémunérer les organismes de services à la personne qui interviennent en zones rurales, par exemple auprès des personnes isolées.
Sur le deuxième point, la solution passe également par ces CPOM. Nous souhaitons voir se développer les services polyvalents d’aide et de soins à domicile, les SPASAD, qui proposent une offre intégrée autour de la personne âgée mais sont confrontés à une réglementation et un contexte financier complexes – je sais, madame la secrétaire d’État, que vous avez travaillé à cette question dans le cadre de l’élaboration du projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement. Et, pour surmonter la complexité administrative actuelle, d’autres CPOM permettront de définir les missions et les financements conjoints des conseils généraux et des ARS.
Voilà, madame la secrétaire d’État, mes propositions, dont la plupart sont également le fait de ma collègue Bérengère Poletti. J’espère qu’elles permettront un meilleur développement des services à la personne et seront de nature à accompagner la mise en oeuvre de la loi d’adaptation de la société au vieillissement.
À la demande de notre groupe et du groupe SRC, nous entamons cet après-midi un débat sur les services à la personne. Je tiens à féliciter Mmes Martine Pinville et Bérengère Poletti pour leur excellent rapport d’information, qui visait à mesurer l’impact de cette politique publique tant sur l’emploi que sur l’accompagnement des personnes en situation de dépendance.
Nos rapporteures ont bénéficié de l’assistance de la Cour des comptes. Celle-ci a présenté, le 10 juillet 2014, une étude de l’impact de cette politique publique qui, si elle agit sur l’emploi, a pour premier objectif l’accompagnement des personnes fragiles. Elle relève notamment son coût important, qui a doublé depuis 2003 et s’élève aujourd’hui à 6,5 milliards d’euros. Si cette étude a fait apparaître des résultats contrastés et de mauvaises interactions entre les différentes politiques publiques, elle apporte un incontestable éclairage sur ce dispositif qui, il faut le rappeler, a permis le développement d’un véritable secteur d’activité créateur d’emplois.
Ce rapport présente par ailleurs la particularité de confronter deux visions très différentes du service d’aide à la personne, notamment du champ de ses bénéficiaires. À l’horizon 2060, 2,3 millions de personnes âgées seront concernées par les questions de dépendance, mais de nombreuses autres personnes sont concernées par ces aides publiques. Le rapport montre ainsi que pas moins de vingt-trois secteurs d’activité sont éligibles aux aides fiscales et sociales, tels que le soutien scolaire, l’aide à la mobilité, l’accompagnement des personnes handicapées, le jardinage ou encore la garde d’enfants. Le champ des activités éligibles au dispositif est très vaste et même unique en Europe. Cela pose la question d’un éventuel ciblage.
Mme Pinville nous propose de réorienter les crédits et réductions d’impôt en direction des personnes qui en ont le plus besoin, notamment des bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie.
En réservant ces aides aux personnes dépendantes, nous conserverions, certes, un outil de lutte contre l’isolement des plus fragiles, mais nous considérons, nous, radicaux de gauche, qu’il est important de s’assurer qu’une telle décision n’aura pas d’effets pervers en termes d’emploi et d’activité des associations d’employeurs.
Rappelons d’ailleurs que le secteur a perdu plus de 50 000 emplois en équivalent temps plein depuis 2010. Nous veillerons ainsi à ce qu’une telle décision ne pousse pas certains salariés vers le travail clandestin, ce qui serait contre-productif en termes d’emplois et de recettes pour l’État.
Comme la Cour des comptes et nos rapporteures, il nous semble donc nécessaire de pouvoir évaluer le coût net du dispositif et non son coût brut ; ainsi, nous prendrions en compte ses effets positifs. Il est essentiel de disposer d’une évaluation qui mesure le rapport coût-bénéfice et permette d’apprécier l’efficience des dispositifs.
Par ailleurs, en réorientant les exonérations de charges sociales dont bénéficient les particuliers employeurs de plus de 70 ans s’ils ne sont pas bénéficiaires de l’APA et en portant à 80 ans l’âge requis pour bénéficier de cette exonération, nous ferions l’impasse sur le financement de toute action de prévention en matière de vieillissement. En effet, si notre population vit plus longtemps, il serait, selon nous, erroné de penser que seules les personnes âgées de plus de 80 ans et les personnes en perte d’autonomie devraient être exonérées des cotisations patronales sur les emplois à domicile. Nous craignons que cette mesure, qui permet d’économiser 80 millions d’euros, ne soit qu’une mesure budgétaire sans lien réel avec le développement de l’aide à l’autonomie, support du texte sur l’adaptation de la société au vieillissement.
Cette proposition nous rappelle un épisode de l’examen du PLFSS pour l’année 2015. La commission des affaires sociales s’était prononcée en faveur d’un relèvement généralisé, de 75 centimes à 1,50 euro, de l’exonération de charges sociales pour les particuliers employeurs afin d’enrayer le recul de l’emploi à domicile. En séance publique, un amendement du Gouvernement a été voté pour que la réduction s’applique non pas à tous les salariés intervenant auprès de publics fragiles mais uniquement à ceux qui assurent la garde d’enfants âgés de 6 à 14 ans, dans la limite de 40 heures par semaine.
L’argument avancé était celui du coût budgétaire. Pour nous, radicaux de gauche, il n’est pas concevable de lier une politique de soutien au maintien de l’autonomie à un critère d’âge.
Je suis d’accord avec nos rapporteurs pour ce qui touche à l’attractivité du secteur des services à la personne : il convient de mieux structurer et professionnaliser ce secteur, qui fait face à un important besoin de recrutement. Plus précisément, il est essentiel d’encourager la circulation transversale des salariés entre les trois composantes des services à la personne – le handicap, la petite enfance et les services aux personnes âgées –, notamment en améliorant la formation et les passerelles. La formation aux métiers de l’aide à la personne doit par conséquent être soutenue et encouragée. D’après la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, 322 000 postes, dont 159 000 nouveaux emplois, seraient à pourvoir d’ici à 2022, notamment en lien avec le vieillissement de la population.
Les offres d’emploi dans ce secteur sont nombreuses, mais un grand nombre d’entre elles ne sont pas pourvues : c’est là toute la problématique actuelle. La Cour des comptes a dressé le constat du manque d’attractivité des emplois du secteur de l’aide à domicile, notamment parce que les personnes travaillant dans ce secteur ne considèrent pas leur activité comme une activité principale. Il y a beaucoup à faire pour modifier notre regard sur ces métiers, non seulement dans la formation mais également dans la sensibilisation des jeunes et des demandeurs d’emplois.
Il s’agit, comme le préconisent les rapporteures, d’adapter la formation aux publics concernés, car ceux-ci sont souvent fragilisés, en situation de handicap ou de dépendance. Cela permettra d’améliorer la qualité du service rendu. Nous saluons à ce titre la proposition de nos collègues d’intégrer à la formation des auxiliaires de vie à domicile une formation à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, ou d’une maladie apparentée.
N’oublions pas que les services à la personne ne sont pas des métiers comme les autres : ce sont des métiers qui placent l’humain au centre du travail, tant pour le salarié que pour l’employeur. C’est aussi pour cela que ces emplois ne doivent pas rester précaires – ne perdons pas cela de vue.
Enfin, je salue le fait que le rapport soit centré sur la tarification des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’APA. Il y est notamment question de la responsabilité des conseils départementaux dans la détermination des tarifs. Nous notons qu’une mission de l’IGAS, effectuée en 2010, avait relevé des écarts de tarifs relativement conséquents, variant de 13 euros à 25,17 euros de l’heure. Cette mission avait également constaté que les tarifs départementaux moyens variaient, en 2010, de 16,24 euros à 19,65 euros. Enfin, il est rapporté que « c’est l’imbrication des différents rôles que jouent les tarifs administrés dans le cadre de la mise en oeuvre de l’APA qui fait la complexité de la régulation du champ des services d’aides à domicile pour les pouvoirs publics ».
Face à la complexité de la tarification, la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, nous apparaît très positive, et doit être encouragée. Cela permettrait aux départements de verser aux associations une dotation annuelle globale couvrant leurs frais de fonctionnement tout en fixant des objectifs de prise en charge et en précisant les modalités d’évaluation et de contrôle.
Pour terminer, j’aborderai rapidement la problématique dite du cinquième risque, ou de la cinquième branche. L’objectif est de couvrir les risques de la vie liés à la dépendance, due notamment à l’avancée en âge, à la perte d’autonomie et au handicap. Le budget moyen pour les personnes ayant perdu leur autonomie se situe entre 1 800 euros et 3 500 euros par mois, selon que l’on choisisse le maintien à domicile ou la maison de retraite. Or le montant moyen des pensions de retraite s’élève aujourd’hui à 1 200 euros. L’APA représente 7 milliards d’euros en 2014 ; selon l’INSEE, son coût pourrait exploser et atteindre 20 milliards en 2040.
Le législateur doit donc se pencher de manière plus pointilleuse sur le financement de ce fameux cinquième risque. Nous devrons notamment peser le pour et le contre d’une allocation universelle financée par la solidarité nationale. J’ai bien compris, madame la secrétaire d’État, que ce n’est pas la priorité du Gouvernement. Il n’empêche que le reste à charge pour les personnes âgées et leurs familles augmente de façon exponentielle : cette question se posera à nous très rapidement.
Mes chers collègues, le Sénat a adopté le 18 mars dernier le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Comme vous le savez, notre groupe attend beaucoup de ce projet de loi, qui nous permettra de mieux prendre en compte les situations de dépendance, et de favoriser l’autonomie des personnes âgées à domicile – si tant est que l’on s’en donne les moyens ! À ce titre, ce rapport est un nouvel outil que nous saurons utiliser dans le cadre de l’examen de ce projet de loi en deuxième lecture.
Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les services à la personne recouvrent une vaste réalité. On estime que plus de 2 millions de personnes travaillent au domicile de particuliers, dans des activités diverses : aide au ménage, aide à la personne fragile, garde d’enfant, soutien scolaire, jardinage, etc.
Les statuts des intervenants aux domiciles des particuliers sont multiples : particulier employeur, salarié d’une association ou d’une entreprise, voire auto-entrepreneur. La plupart des personnes ayant recours à ces services ignorent ces multiples statuts, se noient dans les complexités administratives et fiscales, et méconnaissent parfois totalement leur statut d’employeur.
La quasi-totalité du secteur est soutenue à divers titres. D’une part, au titre des politiques familiales et de solidarité, tout particulièrement dans une logique de solvabilisation de la demande. D’autre part, ce soutien incite à officialiser ces emplois, qui sont malheureusement souvent exercés au noir.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le plan Borloo de 2005 avait pour vocation de dynamiser ce secteur. Ce fut un grand succès : des millions de personnes ont utilisé les mesures qu’il prévoyait. Le CESU, qui a fêté ses 20 ans cet automne, permet de faciliter les démarches des particuliers employeurs et de lutter contre le travail clandestin.
Selon la Cour des comptes, entre les exonérations de charges sociales et les avantages fiscaux, les niches fiscales et sociales liées aux services à la personne coûteraient 6 milliards d’euros à la collectivité ; chaque emploi coûterait ainsi 12 000 euros à l’État. Ce regard est sévère et partial : il vaudrait mieux – bien évidemment – considérer le coût net de ces emplois, lesquels rapportent des recettes à travers la TVA, les impôts et les cotisations sociales. Il nous manque donc une analyse fine, détaillée par secteur, de l’effet de ces aides fiscales.
Dans le contexte actuel, marqué par un chômage important, il faut sans équivoque donner la priorité à la création et à la préservation de l’emploi. Le Gouvernement a bien conscience de l’importance du coût du travail : il a créé le CICE et le pacte de responsabilité précisément pour le faire baisser. Pour le secteur de l’emploi à domicile, chacun sait que, dès que les dispositifs de soutien portant sur les impôts ou les cotisations sociales sont revus à la baisse, le travail clandestin – ou pire, le travail gris – repart à la hausse.
Le rapport d’information que Martine Pinville et moi-même avons rendu en décembre dernier est le fruit d’un long travail, au cours duquel nous nous sommes déplacées sur le terrain et avons auditionné les différents intervenants du secteur. L’une comme l’autre – et bien qu’au bout du compte, nos propositions aient été différentes –, nous avons été sensibles aux deux problématiques importantes qui affectent ce secteur économique.
La première problématique concerne l’accompagnement des publics fragiles, tout particulièrement les personnes âgées dépendantes. La réponse est encore loin des enjeux, et nous savons tous ici que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ne répond que de très loin à cette question aussi vaste que préoccupante. Les emplois de ce secteur sont presque exclusivement occupés par des femmes ; ils sont souvent pénibles et difficiles. Il faut mettre en place un parcours professionnel incluant une formation et offrant des débouchés valorisants. En la matière, nous n’en sommes qu’au début, avec des moyens très faibles pour le moment.
Mais ce n’est pas en déséquilibrant le marché de l’emploi que l’on répondra à ce problème de manière satisfaisante. Telle est bien en effet la seconde problématique : comment stimuler l’emploi dans un contexte de chômage important ? À ce sujet, Martine Pinville et moi-même nous sommes accordées sur la proposition suivante : l’âge qui ouvre droit à exonération totale des cotisations patronales pourrait être repoussé de 70 ans à 80 ans. Cette mesure représenterait environ 80 millions d’euros d’économies, selon la Cour des comptes. Dans ce cas, cependant, il faudrait élargir les droits des personnes de plus de 60 ans dès leur entrée dans le GIR 5.
Madame la secrétaire d’État, je vous pose une première question au sujet de cette proposition. Il faudrait, dans cette éventualité, que l’ensemble du secteur des services à la personne – particuliers employeurs, entreprises, associations – puisse intervenir, sur prescription des caisses de retraite, pour les personnes classées dans les GIR 5 et 6. Il semblerait que cela soit déjà possible, comme l’a affirmé le responsable de la CARSAT – la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail – de ma région. Pourtant, personne ne le sait : tout le monde pense que seules certaines associations peuvent intervenir ! Pourriez-vous nous dire clairement, madame la secrétaire d’État, si la prescription des caisses de retraite pour les GIR 5 et 6 est possible pour l’ensemble des services à la personne ? Si ce n’était pas le cas, il faudrait faire évoluer les choses sur ce point.
Je vous pose une deuxième question concernant le débat qui vient d’avoir lieu au Sénat, et qui met le secteur en émoi. On sent bien que les services agréés sont en danger ; ils représentent pourtant plus de 100 000 emplois. Le Gouvernement a demandé un rapport, et proposé une expérimentation, mais entend-il tout autoriser ? Nous proposons, au contraire, de diriger les CPOM vers les services agréés et autorisés.
Troisième et dernière question, qui touche au coeur de mon débat avec Martine Pinville : le Gouvernement a-t-il l’intention de modifier l’environnement fiscal et les exonérations sociales de ce secteur ? Je rappelle que cela a déjà été fait dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale pour 2013 et 2014. Les résultats ne se sont d’ailleurs pas fait attendre : le nombre d’emplois déclarés a déjà baissé. Voulez-vous prendre ce risque dans le contexte économique actuel ?
Je vous remercie d’avance, madame la secrétaire d’État, pour vos réponses.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, notre groupe est profondément attaché à deux exigences : la cohésion sociale et l’efficacité économique. Au nom de ces deux exigences, il est nécessaire de maintenir une politique ambitieuse de soutien aux services à la personne. Cette politique concourt aussi bien à la solidarité à l’égard des plus fragiles qu’à la création d’emplois ; en cela, le secteur des services à la personne est unique. Il faut donc le protéger et le soutenir.
Premièrement, les services à la personne concourent tous à améliorer la vie quotidienne. Deuxièmement, leur poids économique est considérable : 1,4 million de salariés sont employés par 4,5 millions de particuliers. Enfin, ces emplois constituent un atout précieux pour lutter contre le drame du chômage : accessibles à tous, ils peuvent être créés facilement et ne sont pas délocalisables. Permettez-moi d’insister sur ce dernier point : cela signifie que le dynamisme de ce secteur ne dépend que de nos décisions, et des vôtres, madame la secrétaire d’État.
C’est pourquoi notre groupe n’a cessé d’alerter le Gouvernement à propos des attaques graves et répétées contre le secteur des services à la personne. Je pense en particulier au plafonnement global des avantages fiscaux, à l’augmentation de la TVA, à la suppression du forfait, à l’instauration d’une durée minimale de travail de 24 heures par semaine, ou encore à la dissolution de l’Agence nationale des services à la personne. Il est urgent d’inverser la vapeur, et de prendre sans délai des mesures courageuses pour soutenir massivement ce secteur essentiel dans la lutte contre le chômage.
Deux chiffres doivent nous interpeller : 160 000 postes d’aide à domicile seront créés d’ici à 2022, et 325 000 postes seront à pourvoir dans la décennie à venir dans les métiers d’aide à domicile et d’assistante maternelle. En outre, sans même parler de la nécessité de lutter contre le chômage, il est évident que les services à la personne seront essentiels pour répondre au défi de la perte d’autonomie. Le nombre de personnes âgées dépendantes pourrait en effet être multiplié par deux entre 2010 et 2060. Seul un secteur des services à la personne structuré et dynamique sera à même de prendre en charge de manière globale le handicap et la dépendance.
Répondre à l’urgence et préparer l’avenir : tels sont les objectifs que nous devons garder à l’esprit, notamment pour mieux cibler les aides publiques aux services à la personne. Cette question a été clairement posée, tout à l’heure, par nos collègues Martine Pinville et Bérengère Poletti ; elle figure également dans leur rapport.
Faut-il diminuer le nombre d’activités éligibles aux aides fiscales et sociales ? Celles-ci sont au nombre de vingt-trois, ce qui est unique en Europe. Un ciblage en fonction des publics pourrait avoir des effets indésirables en termes de travail non déclaré, sans pour autant permettre de réaliser de véritables économies.
Faut-il élargir le bénéfice du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile ? Oui, en particulier aux retraités aux revenus modestes ; nous pensons cependant que cela ne doit pas se faire au détriment des bénéficiaires actuels de ce dispositif.
Faut-il cibler plus précisément les exonérations de cotisations sociales des particuliers employeurs de plus de 70 ans non bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie ?
Nous sommes extrêmement réservés sur la complexité que cela induirait tout comme sur le coût d’une telle mesure pour l’emploi. En tout état de cause, nous croyons qu’en matière de services à la personne, il n’est pas possible de raisonner de manière uniquement comptable, parce que ce secteur est au carrefour des enjeux d’emploi, de solidarité, de lien entre les générations, de développement territorial et d’équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. En définitive, le développement des services à la personne est intimement lié au renforcement du lien social. Son but est, finalement, d’améliorer la vie quotidienne des Français et des Françaises. Ce sont ces objectifs que notre groupe défend depuis le début du quinquennat et qu’il continuera de défendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, le débat sur les politiques publiques des services à la personne tombe à point nommé, alors que nous sommes entre les deux tours de l’élection de nos conseillers départementaux, qui auront la charge de leur mise en oeuvre, que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement a été discuté la semaine dernière au Sénat et que le projet de loi relatif à la santé est en cours d’examen à l’Assemblée. Je tiens à saluer la qualité du rapport rendu en décembre 2014 par Mmes Poletti et Pinville dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, et qui sera la base de nos échanges aujourd’hui.
Mesdames les rapporteures, votre rapport, dense et précis, fait état de la complexité et de certaines défaillances de la politique en faveur des services à la personne. Nous nous préparons à l’avenir. En effet, la France connaîtra d’ici à 2035 un important vieillissement en raison de l’arrivée progressive à l’âge de 60 ans des générations du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Les personnes de 60 ans et plus représenteront ainsi 31 % de la population en 2035. C’est déjà le cas dans des départements ruraux comme la Dordogne, qui voit sa population augmenter grâce à son attractivité pour les retraités, due à un environnement naturel, agricole, forestier et patrimonial préservé. En 2011, 13 % de la population de Dordogne avait plus de 75 ans, contre 10 % en Aquitaine et 9 % en France métropolitaine. L’Aquitaine fait partie des cinq régions métropolitaines où la proportion de personnes âgées est la plus élevée. Ces Aquitains du quatrième âge sont surreprésentés dans l’espace rural, où l’habitat est très dispersé et le niveau de revenus modeste.
Nous vivons plus longtemps mais le nombre de personnes dépendantes s’accroît. Dans les prochaines années, la population des personnes faisant appel à une aide pour la vie courante va sensiblement augmenter. Des services supplémentaires devront donc être proposés et l’aménagement de l’espace public revu. Les services à la personne concernent bien sûr le maintien à domicile des personnes âgées, qui comptent pour environ un tiers de l’activité des services à la personne, mais plus globalement aussi l’accompagnement de toute personne en perte d’autonomie en raison d’un handicap, d’une maladie ou d’un accident.
Comme le souligne la Cour des comptes, la politique publique des services à la personne poursuit simultanément, depuis au moins un quart de siècle, deux objectifs principaux et distincts : d’une part, le soutien à l’emploi peu qualifié, par des mesures d’abaissement du coût du travail et de résorption du travail dissimulé ; d’autre part, l’aide aux publics fragiles – personnes âgées dépendantes ou personnes victimes de handicap – ainsi qu’aux familles avec enfants en bas âge. La Cour fait de la meilleure articulation entre ces deux objectifs sa première proposition.
Parmi vos quatorze propositions, mesdames les rapporteures, deux vont dans ce sens et retiennent plus particulièrement mon attention : vos propositions nos 4 et 5, qui visent à améliorer la qualité des emplois, grâce à une politique de prévention de la pénibilité dans le secteur de l’aide à domicile et à une meilleure évaluation de la qualité du service rendu. Le rapport met en lumière le grand nombre d’emplois non pourvus. Il est urgent de revaloriser ces formations et ces métiers, et de donner envie à des gens de s’y investir. Nous devons en effet prendre conscience que les métiers de service à la personne ne rentrent pas dans une logique de compétitivité mais recourent à des compétences diverses.
Quand tout est chronométré à des fins de compétitivité – le temps pour une toilette, pour un change ou pour le ménage –, la personne dépendante est ballottée, victime de négligence, et se voit transporter du domicile à l’hôpital, puis à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – l’EHPAD – ou en institut. Dans les services hospitaliers gérontologiques ou médico-sociaux, les personnels malades ne sont pas toujours remplacés. Cette situation crée beaucoup de tensions et induit de fait de la maltraitance. Les propositions du rapport me semblent s’orienter dans la bonne direction.
Je souhaitais également aborder la question de l’accessibilité des services à la personne en termes de distance et de revenu. En effet, en zone rurale, en l’absence de voisins ou de services adaptés, l’éloignement multiplie les besoins de présence humaine ou de contacts innovants. Le développement de la chirurgie ambulatoire risque d’amplifier ces besoins. Mais nous devons également entamer une vraie réflexion sur le statut d’aide à domicile, dont les temps de transport conduisent à un emploi du temps morcelé, synonyme de temps très partiel. Je salue à ce titre la décision du Gouvernement de provisionner pour les aides à domicile une enveloppe de 26 millions d’euros pour revaloriser les frais kilométriques et augmenter les salaires les plus bas.
Enfin, dans un souci de plus grand accès à tous aux aidants à domicile, je soutiens les premières propositions du rapport en faveur d’un ciblage des aides. De même, le dispositif de revalorisation de l’APA à domicile, mesure phare qui va coûter 375 millions d’euros par an, devrait contribuer à soulager les personnes âgées et leurs familles, à condition de péréquations distributives proportionnelles aux besoins.
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie.
Monsieur le président, mesdames les rapporteures, mesdames, messieurs les députés, le rapport d’information publié le 9 décembre par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques était extrêmement attendu. Je tiens à saluer le travail conduit par Bérengère Poletti et Martine Pinville. Je m’étais engagée devant la commission des affaires sociales, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, à attendre et à profiter de ce rapport pour améliorer le texte. Les calendriers des deux chambres me permettront de tenir cet engagement.
Avant d’aborder les propositions du rapport, je tiens à vous remercier, mesdames les rapporteures, pour l’état des lieux des services à domicile que vous dressez, qui est extrêmement utile. Je remercie également l’ensemble des orateurs précédents, dont les interventions ont témoigné d’une convergence d’analyse et d’une volonté d’avancer ensemble.
Les quinze propositions du rapport sont structurées en trois thématiques, qui ne relèvent pas toutes de ma compétence propre. Il me tiendra néanmoins à coeur, au cours du débat, de vous apporter un maximum d’éclairage sur la position du Gouvernement. Ces trois thématiques concernent l’efficience des aides publiques aux services à la personne, la structuration et la professionnalisation du secteur et la réponse aux défis de l’accompagnement à domicile des personnes âgées. Je m’attacherai notamment aux deuxième et troisième thèmes, qui sont en lien étroit – plusieurs orateurs l’ont souligné – avec le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, que vous avez voté en première lecture le 17 septembre dernier et qui vient d’être adopté au Sénat à l’unanimité. Je ne voudrais pas insister lourdement mais je tenais à souligner les conditions de cette adoption au Sénat, car l’Assemblée doit bientôt examiner ce projet de loi en deuxième lecture.
Sourires.
Dans les deux chambres, l’examen du projet de loi se déroule dans un climat consensuel, apaisé et constructif, ce dont je me réjouis. Ce texte sera définitivement voté avant la fin de l’année pour une pleine et entière entrée en vigueur au 1er janvier 2016. Il est centré, comme vous le savez, sur l’accompagnement à domicile des personnes âgées, conformément au choix de la majorité de nos concitoyens, qui souhaitent vieillir chez eux.
En lien avec notre débat d’aujourd’hui, le texte a deux ambitions majeures. D’abord, la réforme de l’APA à domicile pour une meilleure réponse aux besoins, une accessibilité financière renforcée et un droit nouveau pour les aidants : plus de 450 millions d’euros par an seront consacrés à ce volet. Le budget de l’APA augmentera de 13 %, ce qui est sans précédent. Je tiens à souligner qu’avec ce financement nouveau, le taux de compensation par l’État aux départements des dépenses liées à l’APA remontera à 36 %, après avoir chuté de 12 points entre 2002 et 2012 – une diminution de 43 % à 31 %. C’est, là encore, un effort sans précédent.
Deuxième ambition du texte, la modernisation des services à domicile pour répondre à ce défi et valoriser les métiers du grand âge. Le projet de loi est une véritable réforme de justice sociale qui permet d’attaquer les inégalités en amont et se concrétisera dans le quotidien de nos concitoyens par des droits nouveaux. Vos interventions témoignent pour la plupart d’inquiétudes sur la situation de l’aide à domicile, notamment en milieu rural – vous y reviendrez probablement lors des questions.
Dès mon arrivée il y a un an, j’ai pris la mesure des difficultés du secteur, même si les situations sont très contrastées d’un département ou d’un territoire à l’autre. J’ai immédiatement mesuré le caractère urgent de la réponse à apporter au secteur de l’aide à domicile pour une meilleure application de la loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. J’ai donc rencontré les fédérations et les départements ; je suis allée sur le terrain, notamment à la rencontre des intervenants à domicile dont les témoignages ont à la fois confirmé les inquiétudes et la diversité des situations. C’est la raison pour laquelle j’ai fait de l’augmentation de la valeur du point salarial dans la branche de l’aide à domicile l’une de mes priorités à l’automne dernier – nous y reviendrons lors des questions.
Pour répondre aux besoins et à l’évolution de ce secteur, ma deuxième priorité est de structurer une offre d’accompagnement à domicile de qualité, solide, innovante et économiquement viable – j’y reviendrai plus en détail lors des réponses aux questions.
Je tiens à répondre à la question de Mme Poletti sur les heures CARSAT pour les GIR 5 et 6. Les prestations sont ouvertes à l’ensemble des services d’aide et d’accompagnement à la personne, les SAAD – publics, privés et associatifs –, sans distinction entre services autorisés et services agréés, à condition qu’une convention air été signée avec la CARSAT, ce qui revient à souscrire à une charte qualité. Cette exigence conduit à réserver ce conventionnement aux structures collectives et exclut les particuliers employeurs. En effet, les CARSAT conduisent une politique d’accompagnement de qualité avec les structures avec lesquelles elles ont signé une convention.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Nous en arrivons aux questions des groupes.
Nous commençons par deux questions du groupe SRC. Chacun s’efforcera de respecter son temps de parole.
La parole est à Mme Annie Le Houerou.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le développement des services à la personne doit répondre à deux objectifs : accompagner les plus fragiles, notamment nos aînés, qui souhaitent vivre le plus longtemps possible à domicile, mais aussi créer de l’emploi, durable et non délocalisable, particulièrement dans les zones rurales où la population vieillit. Cette politique de l’emploi génère non seulement des emplois directs mais aussi des emplois indirects dans le secteur du commerce et l’artisanat.
Selon le rapport de Mmes Pinville et Poletti, cette politique nationale de soutien aux services à la personne s’appuie sur un budget d’environ 6 milliards d’euros qui prend des formes très diverses : exonération de cotisations patronales, déduction forfaitaire de cotisations salariales, réduction d’impôts, crédits d’impôt ou encore taux réduit de TVA. En 2030, un Français sur trois aura plus de 60 ans et le nombre des plus de 85 ans aura plus que triplé. Face à ce besoin croissant, comment faire face au financement de l’aide à domicile ? Il est essentiel d’affirmer que cette recherche de financement se doit d’être fondée sur la solidarité nationale. C’est le choix que le Gouvernement a fait en créant la CASA, prélevée sur les retraites au taux de 0,3 %.
Malgré ces mesures, la contrainte budgétaire est réelle, tant pour la Sécurité sociale – pour ce qui est de la prise en charge du soin à domicile – que pour les conseils départementaux, qui doivent compenser la perte d’autonomie. Le reste à charge des familles devient parfois insupportable. Les personnes, pour pouvoir assumer la charge financière, sont amenées à réduire le nombre d’heures des plans d’aide, pourtant nécessaire à un bon accompagnement.
Le tarif appliqué pour les services à domicile est réglementé et arrêté par les conseils départementaux. Il devrait couvrir les charges liées à la qualification professionnelle des intervenants, mais également les frais liés aux déplacements des personnels pour exercer leur mission, surtout en milieu rural où les domiciles peuvent être éloignés.
Bref, les services à domicile autorisés sont structurellement déficitaires. Madame la secrétaire d’État, quelles mesures envisagez-vous pour réformer la tarification des prestations versées au titre de l’APA ?
Comme vous le savez, madame la députée, la refondation des services à domicile est pour moi une priorité complémentaire des dispositions du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. J’y travaille en lien avec l’Assemblée des départements de France et les fédérations du secteur, et à la lumière des rapports parlementaires, qu’il s’agisse de celui de Mmes Poletti et Pinville ou de celui des sénateurs Vanlerenberghe et Watrin.
Plusieurs restructurations ont déjà porté leur fruit, y compris au sein des associations ADMR – aide à domicile en milieu rural –, grâce à l’action du Gouvernement, au volontarisme de plusieurs départements et à la modernisation des têtes de réseau nationales.
Le Fonds de restructuration de l’aide à domicile a permis de mobiliser 130 millions d’euros depuis 2012 pour soutenir plus de 1 400 services. De même, le budget de la section IV de la CNSA – la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie –, doté de plus de 65 millions d’euros par an, soutient des programmes de modernisation des SAAD et des SPASAD.
Devant des situations encore fragiles, il faut aller plus loin – et je m’y emploie. La réforme de l’APA à domicile améliorera largement l’accessibilité financière des prestations par la diminution du reste à charge. Par exemple, pour une personne en GIR 1 disposant de 1 500 euros de revenus mensuels, le ticket modérateur passera de 400 à 250 euros, soit une économie non négligeable de 1 800 euros par an. Tous les bénéficiaires de l’ASPA – l’allocation de solidarité aux personnes âgées – pourront désormais bénéficier d’une prise en charge totale de leur plan d’aide, sans reste à charge.
La réforme de la tarification des services prestataires constitue pour moi un autre défi majeur. La tarification à l’heure a en effet montré ses limites, notamment pour prendre en compte la réalisation de missions spécifiques comme l’intervention en zone isolée – l’égalité entre les territoires nous tient particulièrement à coeur – ou encore la question des couchers tardifs dans le respect des habitudes de vie des personnes accompagnées.
Dès mon arrivée, j’ai relancé et accéléré la mission d’évaluation que l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, consacre aux expérimentations tarifaires en SAAD conduites dans une quinzaine de départements autour de la contractualisation pluriannuelle. Le rapport de l’IGAS me sera remis avant la fin du mois avril. Il sera analysé dans la foulée et fera l’objet d’une concertation pour, le cas échéant, faire évoluer le projet de loi relatif au vieillissement, lequel arrive en deuxième lecture à l’Assemblée nationale. Ce chantier est largement lié à celui des régimes juridiques d’agrément et d’autorisation que les sénateurs ont souhaité ouvrir.
Les soins à domicile sont une des réponses aux enjeux économiques et sociaux du bien vieillir, comme en témoigne l’excellent rapport de Mmes Pinville et Poletti. Nous ne le répéterons jamais assez : le vieillissement de notre population représente pour notre société une opportunité de promouvoir le « vivre ensemble » et les solidarités de proximité.
Le nombre de personnes âgées dépendantes, qui avoisinait les 1,1 million de personnes en 2010, sera multiplié par 1,4 en 2030. Plus que jamais, il nous appartient d’anticiper les incidences de ce changement à travers la prise en considération de l’aide potentielle aux personnes dépendantes et son évolution.
Il semble donc opportun de prêter une attention toute particulière aux professionnels du secteur de l’aide à domicile comme aux bénéficiaires.
Les professionnels attendent aujourd’hui des clarifications quant aux évolutions de leur environnement professionnel. Je pense notamment au déroulement de leurs carrières, mais également aux régimes très différents auxquels ils sont soumis d’un département à l’autre, voire d’un employeur à l’autre.
Les bénéficiaires, quant à eux, sont dans une situation où il importe de porter à la connaissance de chacun la réalité des coûts et d’assurer la clarté sur les financements.
Madame la secrétaire d’État, nous évoluons dans un contexte financièrement tendu, ce qui n’a pas empêché notre majorité de faire preuve de détermination s’agissant du respect dû à nos aînés. Le Gouvernement a ainsi fait le choix de conforter un financement solidaire de la prévention et de l’accompagnement de la perte d’autonomie. Ce faisant, nous anticipons les risques de pertes d’autonomie, nous adaptons les politiques publiques au vieillissement et nous accompagnons la prise en charge des personnes en perte d’autonomie.
Dans ce cadre, dans quelle mesure et par quels moyens prévoyez-vous de faire des métiers du soin à domicile une filière d’avenir pour mieux nous préparer aux enjeux de demain ?
Vous avez raison, madame la députée, d’aborder la thématique cruciale des salariés du secteur, d’autant qu’il s’agit de femmes à 97 %. J’ai ici la dernière synthèse « emploi et compétences » de la branche de l’aide et des soins à domicile, qui pointe des spécificités importantes : la gestion des deuxième et troisième parties de carrière dans une branche où un salarié sur deux a plus de quarante-cinq ans ; l’évolution des parcours professionnels dans un secteur encore peu attractif ; enfin, l’enjeu crucial de la prévention de la pénibilité pour une branche confrontée à de nombreuses inaptitudes et à un taux d’accidents du travail de 42 % contre 36 % dans l’ensemble des secteurs.
Face à ces constats, l’action du Gouvernement, en lien étroit avec les partenaires sociaux, se concrétise autour de plusieurs leviers. J’évoquerai ainsi le plan en faveur des métiers de l’autonomie, lancé en mars 2013. Son premier volet est effectif depuis un an avec l’accord EDEC autonomie – engagement pour le développement de l’emploi et des compétences. L’État apporte 1,8 million d’euros à ce dispositif. Le deuxième volet est quasiment abouti, avec la refonte des diplômes de niveau V. Dès la rentrée 2015, les diplômes d’auxiliaire de vie sociale et d’aide médico-psychologique seront fusionnés, avec un socle commun de compétences. Comme je l’ai dit, la synthèse prospective « emploi et compétences », récemment publiée par le ministère du travail, fait le point sur l’ensemble de ces métiers.
La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Avec l’allongement de l’espérance de vie, le service à la personne est un secteur en plein développement, porteur d’espoir en matière d’emploi, de maintien des personnes âgées à domicile ainsi que de cohésion sociale. La mise en oeuvre de processus de simplification des procédures d’embauche et de coups de pouce fiscaux en faveur des employeurs à domicile relève de cette logique.
Cette simplification des formalités permet une lutte efficace contre le travail dissimulé et facilite le retour à l’emploi. Il est cependant un domaine où nous nous devons d’exiger un encadrement plus strict : celui de l’aide à la personne dépendante.
Du fait même de sa dépendance, la personne âgée ou handicapée doit pouvoir être assurée d’un service à domicile fiable, de qualité et adapté à ses besoins, de même qu’elle doit pouvoir bénéficier, plus que toute autre, d’une aide dans sa fonction d’employeur, afin d’éviter les dérives parfois constatées d’abus de confiance ou de contrats assortis de clauses abusives.
Le développement du service à la personne en gré à gré, s’il est appréciable dans l’offre nouvelle qu’il apporte dans un secteur en pleine expansion, pose néanmoins un problème de formation de base pour répondre au mieux aux besoins des personnes dépendantes. Il me paraît également nécessaire de mettre en place un suivi permettant d’éviter tout abus et toute dérive au détriment de personnes par définition fragilisées.
La formation de base préconisée serait d’ailleurs profitable aux futurs intervenants, que ce soit pour mieux appréhender les besoins de la personne dépendante ou pour apprendre les bons gestes, notamment lorsqu’il s’agit de soulever, aider au déplacement ou à la toilette. D’une façon plus générale, elle serait bénéfique pour la qualification de l’intervenant et son parcours professionnel.
Ces contraintes sont appliquées dans les réseaux existants, comme celui des ADMR, engagé dans une démarche d’amélioration de la qualité de ses services à travers la qualification de ses intervenants et soumis au contrôle de l’État. Il conviendrait de les étendre à tout intervenant auprès de la personne dépendante.
C’est pourquoi je vous demande ce qu’il est possible d’envisager pour encadrer dès maintenant cette profession de service à la personne dépendante, promise certes à un bel avenir, mais pour laquelle nos concitoyens sont en droit d’attendre un investissement de l’État à la hauteur des enjeux.
Je partage pleinement votre point de vue sur la nécessité de bien distinguer, au sein du vaste ensemble des services à la personne, les prestations dites de confort et les activités d’accompagnement des publics dits fragiles, qui relèvent de ma responsabilité.
Dans cette partie des services d’aide à la personne, vous avez raison de le souligner, l’emploi d’une aide à domicile directement par un particulier employeur ou par l’intermédiaire d’un service mandataire est fréquent, même s’il tend à reculer au profit du recours à un prestataire. Cette orientation possible vers l’emploi direct est l’expression même du libre choix de la personne quant au mode d’intervention et d’accompagnement, et j’y suis très attachée.
Ce libre choix doit s’exercer après que la personne a reçu une information objective et claire. Pour une personne fragilisée, endosser une responsabilité d’employeur est quelque chose qu’il faut mesurer en toute connaissance de cause. Cela relève du rôle des réseaux gérontologiques, comme les centres locaux d’information et de coordination ou les maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer, et des équipes médico-sociales des départements. Les apports des parlementaires au cours de la première lecture du projet de loi relatif au vieillissement ont renforcé à juste titre ce droit à l’information.
Aussi, encadrer davantage l’emploi direct est impossible car cela reviendrait à s’immiscer dans un contrat de travail fixé selon les règles de la convention collective des particuliers employeurs.
Le Gouvernement souhaite toutefois promouvoir la professionnalisation de cette branche en lien avec la FEPEM, la Fédération des particuliers employeurs de France. Il soutient à ce titre les relais d’assistants de vie.
Par ailleurs, la structuration des services à domicile prestataires me semble relever d’un autre débat. Le rôle de la puissance publique est ici primordial : il s’agit d’assurer une bonne couverture territoriale des structures et d’offrir une qualité de service par la professionnalisation et par la promotion de la bientraitance à domicile. C’est le chantier que je vais conduire en concertation avec Mmes Pinville et Poletti, pour rendre le secteur plus lisible et promouvoir la contractualisation avec les départements.
Nous en venons aux questions du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
Le rapport d’information de Mmes Pinville et Poletti fait bien ressortir les questions essentielles que posent les services à la personne.
À l’heure où notre population vieillit et manifeste son souhait de vivre à domicile le plus longtemps possible, ces services sont de plus en plus indispensables, en particulier dans les territoires ruraux.
Le secteur est essentiel en termes d’emploi. Il constitue un vivier formidable alors que le chômage est massif dans notre pays.
Il faut donc trouver un équilibre. Nous devons impérativement aider les populations les plus fragiles à bénéficier d’une aide à domicile et garantir l’accès de tous, notamment les classes moyennes, aux services à domicile. Mais il convient aussi d’éviter de prendre des mesures inconséquentes visant à limiter ces aides, au risque de développer le travail au noir qui a pu prendre une telle importance dans ce secteur et de favoriser l’émergence du travail gris, qui consiste à dissimuler une partie des heures travaillées.
Je tiens aussi à souligner que les multiples modifications législatives et réglementaires sont préjudiciables au secteur. Dans ce domaine comme dans d’autres, la stabilité législative est nécessaire. Or, en 2013, ce gouvernement aura pris pas moins de cinq mesures différentes en douze mois. Les variations incessantes des taux de TVA ont eu des effets dévastateurs.
Par ailleurs, le dynamisme des services à la personne repose en grande partie sur une aide publique importante : 7,6 milliards d’euros au titre des aides fiscales consenties par la Sécurité sociale et 6 milliards au titre des subventions publiques distribuées par les services sociaux des collectivités territoriales. On ne dit pas assez que cette aide, si elle contribue à l’emploi, évite aussi à beaucoup de ces personnes une hospitalisation ou un hébergement collectif, plus coûteux pour la collectivité et se traduisant, ce qui ne laisse pas d’inquiéter, par un reste à charge en constante augmentation.
Je vous demande donc, madame la secrétaire d’État, d’agir avec mesure. Le secteur des services à la personne demande davantage de clarifications et de simplifications, afin d’apporter sécurité et confiance aux bénéficiaires et aux professionnels.
Je voudrais tout d’abord m’assurer que nous parlons des mêmes choses, monsieur le député. C’est non pas en 2012 mais en 2009 que le nombre d’heures déclarées a commencé à décroître. De plus, cette baisse n’est pas corrélée à un essor des pratiques illégales ou aux évolutions réglementaires et fiscales récentes.
Les variations du taux de TVA que vous évoquez n’ont concerné que les services à la personne relatifs aux activités de confort. Les services apportés aux personnes les plus vulnérables n’ont pas été touchés.
En outre, le travail de la Cour des comptes remis en juillet 2014, qui a alimenté le rapport dont nous débattons aujourd’hui, montre que ce sont principalement l’évolution à la baisse du revenu disponible des ménages et la maturité atteinte par le secteur à la fin des années 2000 qui expliquent les évolutions observées.
Il faut analyser les chiffres de manière fine, car le panorama des services à la personne est multiple, tant en termes d’activités qu’en termes de modes d’exercice – emploi direct, mode mandataire, mode prestataire. Ainsi, les chiffres de 2013 montrent que la baisse de 3,5 % des heures rémunérées par rapport à 2012 est imputable au recul de l’emploi direct.
Quant à la diminution du reste à charge et à l’adéquation des services proposés aux besoins des personnes, c’est justement l’objet du projet de loi relatif au vieillissement et des budgets nouveaux consacrés à l’APA – j’ai donné les chiffres tout à l’heure. Les fonds supplémentaires injectés permettront également de soutenir le secteur de l’emploi à domicile.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur les moyens que le Gouvernement compte mettre en oeuvre pour le développement des services à la personne, à destination des personnes âgées résidant dans les territoires ruraux.
Les services à la personne sont synonymes d’emplois pour la population locale et d’aide pour les personnes âgées isolées. Alors que 90 % des Français souhaitent rester à leur domicile le plus longtemps possible, il peut être difficile, dans les territoires ruraux, de maintenir une personne âgée à son domicile, dans la mesure où celui-ci est éloigné du centre-ville, des commerces et des établissements de santé. Les services à la personne sont alors nécessaires.
Cela est souligné dans le rapport : le nombre de personnes âgées sera multiplié par 1,4 entre 2010 et 2030 et doublera entre 2010 et 2060. Mais le vieillissement de la population est très hétérogène sur le territoire. Aussi, il apparaît logique que les services à la personne soient davantage sollicités dans certaines régions. Leur part dans l’emploi salarié est plus importante dans les régions où la présence de personnes âgées de plus de 75 ans est élevée. Il est donc absolument nécessaire que le développement des services à la personne prenne en compte les réalités locales et les besoins de la population.
Vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, la main-d’oeuvre dans ce secteur est plutôt féminine et relativement âgée, dans des territoires en perte d’attractivité. Plus de 90 % des salariés des services à la personne sont des femmes ; 24 % ont plus de 55 ans, alors que la moyenne dans l’ensemble du salariat est de 11 %. Les postes sont des temps partiels, peu rémunérés, avec des conditions de travail souvent éprouvantes. Les perspectives de carrière sont faibles et l’accès à la formation professionnelle continue restreint.
Si l’on veut pérenniser l’emploi dans les services à la personne, la question de la professionnalisation et de sa qualité devra obtenir une réponse rapide et précise. Il s’agit de faire face aux besoins de recrutement que rencontrera le secteur ces dix prochaines années et de faire de ces métiers des vecteurs de qualification et de carrière professionnelle.
Madame la secrétaire d’État, comment attirer une nouvelle génération d’employés dans les zones rurales, pour travailler à leur développement, tout en permettant le maintien des personnes âgées, voire dépendantes, à leur domicile ?
Monsieur le député Paul Salen, j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, aussi bien dans le débat d’aujourd’hui que dans le cadre de l’examen de la loi relative au vieillissement : la structuration territoriale de l’offre à domicile est un enjeu majeur de l’égalité républicaine et de l’égalité entre les territoires. La réflexion sur l’unification des régimes juridiques des SAAD pour personnes âgées ou handicapées s’inscrit dans cette perspective.
L’ensemble des opérateurs, quel que soit leur statut – public, associatif ou lucratif – en conviennent : les 8 000 structures à destination des personnes âgées ou handicapées sont très mal réparties sur le territoire, avec des tailles et des organisations très disparates, ce qui est problématique aussi bien pour les usagers que pour les gestionnaires ou les financeurs. J’ai souvent l’habitude de dire que, si vous habitez un canton rural, vous n’aurez pas le choix entre plusieurs offres, tandis que, si vous résidez non loin d’une station de métro, vous aurez à trier parmi soixante ou soixante-dix établissements, ce qui d’ailleurs rend le choix difficile.
Pour avancer sur ce dossier, je lancerai très prochainement une concertation approfondie, car les inquiétudes et les crispations qui s’expriment depuis quinze jours doivent être apaisées. Il faut user d’une grande pédagogie sur ce sujet complexe. Les gens font souvent l’amalgame entre structures agréées et structures autorisées, entre secteur lucratif et secteur non lucratif. Tous les croisements sont possibles ; on ne peut pas considérer qu’un certain type de structure correspond à un type d’autorisation ou d’agrément. Ainsi, 56 % des associations et centres communaux d’actions sociale – les CCAS – évoluent sous le régime de l’agrément.
En parallèle, une étude nationale des coûts et des prestations est conduite dans cinquante services, répartis dans dix départements. L’outil qui me paraît le plus important est la généralisation des CPOM – contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens –, comme le préconise le rapport de Mmes Pinville et Poletti.
Madame la secrétaire d’État, le secteur des services à la personne était, en 2012, l’un des plus dynamiques et connaissait l’un des plus forts taux de recrutement du pays. Il subit malheureusement une dégradation inédite, ainsi qu’une recrudescence du travail non déclaré. Les raisons en sont simples : l’actuelle majorité a pris plusieurs décisions particulièrement nuisibles à ce domaine d’activité – je pense plus particulièrement à la suppression, en 2013, du régime au forfait, qui a augmenté le coût du travail et incité un grand nombre de particuliers à recourir au travail dissimulé. Ainsi, 29,5 millions d’heures de moins ont été déclarées en 2013 par rapport à 2012, soit près de 16 500 emplois équivalent temps plein détruits. La situation est alarmante : le travail au noir pourrait représenter 45 % des services à la personne d’ici à 2016.
L’allégement de 75 centimes d’euros par heure au titre des cotisations patronales, concédé par le Gouvernement, est largement insuffisant. Son ciblage est trop restreint pour endiguer la destruction d’emplois. Un ciblage plus restreint des exonérations de cotisations patronales, dont bénéficient aujourd’hui les particuliers employeurs de plus de 70 ans non bénéficiaires de l’APA, envisagé par le rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, serait un nouveau coup dur pour les particuliers employeurs.
Madame la secrétaire d’État, afin de remédier à cette situation préoccupante, et alors que les partenaires sociaux des branches s’apprêtent à lancer une campagne nationale de lutte contre le travail non déclaré, le Gouvernement peut-il prendre l’engagement d’une stabilité fiscale du dispositif de soutien aux services à la personne ?
Monsieur le député, je l’ai dit tout à l’heure à l’un de vos collègues : la baisse du nombre d’heures déclarées n’est pas corrélée à l’essor de pratiques illégales. Dans son rapport, la Cour des comptes confirme que rien ne vient étayer cette hypothèse. L’emploi dans les secteurs des services à la personne reste très fortement soutenu par les prestations sociales et les baisses d’impôts : plus de 5 milliards d’euros d’aides directes aux gardes pour la branche famille, plusieurs milliards d’euros de crédits d’impôt, sans compter les exonérations spécifiques pour les personnes âgées ou les publics fragiles.
Du fait de ces avantages fiscaux, dont bénéficient tous les ménages imposables, le travail non déclaré est en réalité plus coûteux. Si un employeur rémunère son salarié 10 euros net de l’heure, les cotisations sociales s’élèvent à 8,47 euros, soit 7,72 euros après réduction de 75 centimes. L’heure de travail revient donc à 17,72 euros et ouvre droit à un avantage fiscal de 50 %. Le coût final pour l’employeur est alors de 8,87 euros, moins que le salaire net versé au salarié. Cela relativise beaucoup l’intérêt à sous-déclarer !
Monsieur le député, vous me demandez si je peux prendre, en quelque sorte, l’engagement d’une immobilité fiscale. Je ne peux pas dire aujourd’hui à Mmes Poletti et Pinville que je n’étudierai pas leurs propositions, qui ont des incidences fiscales. Le seul engagement que je puisse prendre est de travailler avec les rapporteures et d’examiner attentivement leurs propositions avec le ministère des finances.
Madame la secrétaire d’État, le quotidien des salariés du secteur de l’aide à domicile, ce sont des horaires fragmentés, avec des répercussions sur la vie familiale, un temps partiel parfois subi, des durées de trajet importantes entre les différents lieux de travail, la confrontation aux plaintes et aux souffrances des personnes âgées ou handicapées. Ainsi, selon la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, ce secteur figure parmi les plus accidentogènes. Les rémunérations y sont faibles. En 2010, les salariés gagnaient en moyenne 725 euros brut par mois.
Le rapport d’information de Mmes Pinville et Poletti préconise d’engager une politique structurée de prévention de la pénibilité dans ce secteur ; je m’en félicite. Si cette politique est nécessaire, nous devons néanmoins agir pour arrêter l’érosion du pouvoir d’achat des intervenants à domicile. Un avenant a été signé, prévoyant une augmentation de la valeur du point de 1 % au 1erjanvier 2014, mais cette évolution n’a pas été confirmée. Ce blocage sur l’augmentation de la valeur du point a pour effet de réduire les rémunérations des personnes au regard de l’inflation et du niveau du SMIC.
Je suis tout à fait conscient que l’évolution salariale des intervenants à domicile a des répercussions sur le budget des structures d’aide à domicile, sur celui des conseils généraux et, au bout du compte, sur l’impôt payé par les ménages. Mais il me semble juste d’agir en faveur du pouvoir d’achat des salariés de ce secteur, qui s’investissent avec coeur et courage pour prendre soin des personnes qui nous sont chères.
Différentes actions sont possibles. Outre la revalorisation du point, je pense à la juste prise en charge des frais de déplacement, à hauteur des coûts réels. J’ai lu des témoignages de personnes qui étaient indemnisées à hauteur de 3 centimes seulement du kilomètre, soit 17 euros par mois ! Il est essentiel de prendre en compte les usages, en veillant à l’équité entre public et privé.
Monsieur le député, j’ai parlé des deux premières briques que sont le plan en faveur des métiers de l’autonomie, avec l’accord EDEC, et la refonte des diplômes de niveau 5. Vous m’interrogez sur la revalorisation des salaires des 230 000 salariés de la branche aide à domicile. J’ai agréé en décembre dernier l’augmentation de 1 % de la valeur du point, gelée depuis 2009. Cette revalorisation est rétroactive au 1er juillet 2014. L’État compense cette dépense à 100 % auprès des départements, dès 2015, pour un coût de 25 millions d’euros, qui seront pris sur la CASA – contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie –, ainsi que le prévoit un amendement du Gouvernement, adopté la semaine dernière au Sénat.
S’agissant du quotidien, de la reconnaissance et de l’intérêt du travail, je suis convaincue qu’une partie des réponses se trouve dans la promotion des SPASAD, et dans l’ouverture de ces métiers vers les ESPAD. La promotion des SPASAD favorisera le travail en équipe, ce qui apportera une socialisation par le travail et une valorisation de l’estime de soi grâce à l’échange avec les autres intervenants à domicile.
Aujourd’hui, trop d’intervenants de structures diverses se succèdent au domicile des personnes âgées. Ni les aidants – qui sont en quelque sorte les managers des intervenants –, ni les personnes âgées, qui voient défiler des personnes différentes, ni les intervenants ne trouvent leur compte. La création et la généralisation des SPASAD représentent donc un saut qualitatif pour l’ensemble de ces métiers, tout comme le décloisonnement des cultures professionnelles entre les soignants et les non soignants.
Je lis avec attention les blogs des aides à domicile et je suis frappée de ce qu’elles disent de leur isolement, de leur solitude dans le travail et de la mauvaise circulation de l’information entre elles et les autres intervenants. Je crois donc beaucoup au développement des SPASAD.
Prochaine séance, ce soir, à vingt-deux heures :
Questions sur la politique pénale.
La séance est levée.
La séance est levée à vingt heures quarante.
La Directrice du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Catherine Joly