Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 24 mars 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation du développement des services à la personne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Comme la Cour des comptes et nos rapporteures, il nous semble donc nécessaire de pouvoir évaluer le coût net du dispositif et non son coût brut ; ainsi, nous prendrions en compte ses effets positifs. Il est essentiel de disposer d’une évaluation qui mesure le rapport coût-bénéfice et permette d’apprécier l’efficience des dispositifs.

Par ailleurs, en réorientant les exonérations de charges sociales dont bénéficient les particuliers employeurs de plus de 70 ans s’ils ne sont pas bénéficiaires de l’APA et en portant à 80 ans l’âge requis pour bénéficier de cette exonération, nous ferions l’impasse sur le financement de toute action de prévention en matière de vieillissement. En effet, si notre population vit plus longtemps, il serait, selon nous, erroné de penser que seules les personnes âgées de plus de 80 ans et les personnes en perte d’autonomie devraient être exonérées des cotisations patronales sur les emplois à domicile. Nous craignons que cette mesure, qui permet d’économiser 80 millions d’euros, ne soit qu’une mesure budgétaire sans lien réel avec le développement de l’aide à l’autonomie, support du texte sur l’adaptation de la société au vieillissement.

Cette proposition nous rappelle un épisode de l’examen du PLFSS pour l’année 2015. La commission des affaires sociales s’était prononcée en faveur d’un relèvement généralisé, de 75 centimes à 1,50 euro, de l’exonération de charges sociales pour les particuliers employeurs afin d’enrayer le recul de l’emploi à domicile. En séance publique, un amendement du Gouvernement a été voté pour que la réduction s’applique non pas à tous les salariés intervenant auprès de publics fragiles mais uniquement à ceux qui assurent la garde d’enfants âgés de 6 à 14 ans, dans la limite de 40 heures par semaine.

L’argument avancé était celui du coût budgétaire. Pour nous, radicaux de gauche, il n’est pas concevable de lier une politique de soutien au maintien de l’autonomie à un critère d’âge.

Je suis d’accord avec nos rapporteurs pour ce qui touche à l’attractivité du secteur des services à la personne : il convient de mieux structurer et professionnaliser ce secteur, qui fait face à un important besoin de recrutement. Plus précisément, il est essentiel d’encourager la circulation transversale des salariés entre les trois composantes des services à la personne – le handicap, la petite enfance et les services aux personnes âgées –, notamment en améliorant la formation et les passerelles. La formation aux métiers de l’aide à la personne doit par conséquent être soutenue et encouragée. D’après la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, 322 000 postes, dont 159 000 nouveaux emplois, seraient à pourvoir d’ici à 2022, notamment en lien avec le vieillissement de la population.

Les offres d’emploi dans ce secteur sont nombreuses, mais un grand nombre d’entre elles ne sont pas pourvues : c’est là toute la problématique actuelle. La Cour des comptes a dressé le constat du manque d’attractivité des emplois du secteur de l’aide à domicile, notamment parce que les personnes travaillant dans ce secteur ne considèrent pas leur activité comme une activité principale. Il y a beaucoup à faire pour modifier notre regard sur ces métiers, non seulement dans la formation mais également dans la sensibilisation des jeunes et des demandeurs d’emplois.

Il s’agit, comme le préconisent les rapporteures, d’adapter la formation aux publics concernés, car ceux-ci sont souvent fragilisés, en situation de handicap ou de dépendance. Cela permettra d’améliorer la qualité du service rendu. Nous saluons à ce titre la proposition de nos collègues d’intégrer à la formation des auxiliaires de vie à domicile une formation à la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, ou d’une maladie apparentée.

N’oublions pas que les services à la personne ne sont pas des métiers comme les autres : ce sont des métiers qui placent l’humain au centre du travail, tant pour le salarié que pour l’employeur. C’est aussi pour cela que ces emplois ne doivent pas rester précaires – ne perdons pas cela de vue.

Enfin, je salue le fait que le rapport soit centré sur la tarification des services d’aide à domicile intervenant dans le cadre de l’APA. Il y est notamment question de la responsabilité des conseils départementaux dans la détermination des tarifs. Nous notons qu’une mission de l’IGAS, effectuée en 2010, avait relevé des écarts de tarifs relativement conséquents, variant de 13 euros à 25,17 euros de l’heure. Cette mission avait également constaté que les tarifs départementaux moyens variaient, en 2010, de 16,24 euros à 19,65 euros. Enfin, il est rapporté que « c’est l’imbrication des différents rôles que jouent les tarifs administrés dans le cadre de la mise en oeuvre de l’APA qui fait la complexité de la régulation du champ des services d’aides à domicile pour les pouvoirs publics ».

Face à la complexité de la tarification, la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, les CPOM, nous apparaît très positive, et doit être encouragée. Cela permettrait aux départements de verser aux associations une dotation annuelle globale couvrant leurs frais de fonctionnement tout en fixant des objectifs de prise en charge et en précisant les modalités d’évaluation et de contrôle.

Pour terminer, j’aborderai rapidement la problématique dite du cinquième risque, ou de la cinquième branche. L’objectif est de couvrir les risques de la vie liés à la dépendance, due notamment à l’avancée en âge, à la perte d’autonomie et au handicap. Le budget moyen pour les personnes ayant perdu leur autonomie se situe entre 1 800 euros et 3 500 euros par mois, selon que l’on choisisse le maintien à domicile ou la maison de retraite. Or le montant moyen des pensions de retraite s’élève aujourd’hui à 1 200 euros. L’APA représente 7 milliards d’euros en 2014 ; selon l’INSEE, son coût pourrait exploser et atteindre 20 milliards en 2040.

Le législateur doit donc se pencher de manière plus pointilleuse sur le financement de ce fameux cinquième risque. Nous devrons notamment peser le pour et le contre d’une allocation universelle financée par la solidarité nationale. J’ai bien compris, madame la secrétaire d’État, que ce n’est pas la priorité du Gouvernement. Il n’empêche que le reste à charge pour les personnes âgées et leurs familles augmente de façon exponentielle : cette question se posera à nous très rapidement.

Mes chers collègues, le Sénat a adopté le 18 mars dernier le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Comme vous le savez, notre groupe attend beaucoup de ce projet de loi, qui nous permettra de mieux prendre en compte les situations de dépendance, et de favoriser l’autonomie des personnes âgées à domicile – si tant est que l’on s’en donne les moyens ! À ce titre, ce rapport est un nouvel outil que nous saurons utiliser dans le cadre de l’examen de ce projet de loi en deuxième lecture.

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