Intervention de Bérengère Poletti

Séance en hémicycle du 24 mars 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation du développement des services à la personne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, les services à la personne recouvrent une vaste réalité. On estime que plus de 2 millions de personnes travaillent au domicile de particuliers, dans des activités diverses : aide au ménage, aide à la personne fragile, garde d’enfant, soutien scolaire, jardinage, etc.

Les statuts des intervenants aux domiciles des particuliers sont multiples : particulier employeur, salarié d’une association ou d’une entreprise, voire auto-entrepreneur. La plupart des personnes ayant recours à ces services ignorent ces multiples statuts, se noient dans les complexités administratives et fiscales, et méconnaissent parfois totalement leur statut d’employeur.

La quasi-totalité du secteur est soutenue à divers titres. D’une part, au titre des politiques familiales et de solidarité, tout particulièrement dans une logique de solvabilisation de la demande. D’autre part, ce soutien incite à officialiser ces emplois, qui sont malheureusement souvent exercés au noir.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le plan Borloo de 2005 avait pour vocation de dynamiser ce secteur. Ce fut un grand succès : des millions de personnes ont utilisé les mesures qu’il prévoyait. Le CESU, qui a fêté ses 20 ans cet automne, permet de faciliter les démarches des particuliers employeurs et de lutter contre le travail clandestin.

Selon la Cour des comptes, entre les exonérations de charges sociales et les avantages fiscaux, les niches fiscales et sociales liées aux services à la personne coûteraient 6 milliards d’euros à la collectivité ; chaque emploi coûterait ainsi 12 000 euros à l’État. Ce regard est sévère et partial : il vaudrait mieux – bien évidemment – considérer le coût net de ces emplois, lesquels rapportent des recettes à travers la TVA, les impôts et les cotisations sociales. Il nous manque donc une analyse fine, détaillée par secteur, de l’effet de ces aides fiscales.

Dans le contexte actuel, marqué par un chômage important, il faut sans équivoque donner la priorité à la création et à la préservation de l’emploi. Le Gouvernement a bien conscience de l’importance du coût du travail : il a créé le CICE et le pacte de responsabilité précisément pour le faire baisser. Pour le secteur de l’emploi à domicile, chacun sait que, dès que les dispositifs de soutien portant sur les impôts ou les cotisations sociales sont revus à la baisse, le travail clandestin – ou pire, le travail gris – repart à la hausse.

Le rapport d’information que Martine Pinville et moi-même avons rendu en décembre dernier est le fruit d’un long travail, au cours duquel nous nous sommes déplacées sur le terrain et avons auditionné les différents intervenants du secteur. L’une comme l’autre – et bien qu’au bout du compte, nos propositions aient été différentes –, nous avons été sensibles aux deux problématiques importantes qui affectent ce secteur économique.

La première problématique concerne l’accompagnement des publics fragiles, tout particulièrement les personnes âgées dépendantes. La réponse est encore loin des enjeux, et nous savons tous ici que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement ne répond que de très loin à cette question aussi vaste que préoccupante. Les emplois de ce secteur sont presque exclusivement occupés par des femmes ; ils sont souvent pénibles et difficiles. Il faut mettre en place un parcours professionnel incluant une formation et offrant des débouchés valorisants. En la matière, nous n’en sommes qu’au début, avec des moyens très faibles pour le moment.

Mais ce n’est pas en déséquilibrant le marché de l’emploi que l’on répondra à ce problème de manière satisfaisante. Telle est bien en effet la seconde problématique : comment stimuler l’emploi dans un contexte de chômage important ? À ce sujet, Martine Pinville et moi-même nous sommes accordées sur la proposition suivante : l’âge qui ouvre droit à exonération totale des cotisations patronales pourrait être repoussé de 70 ans à 80 ans. Cette mesure représenterait environ 80 millions d’euros d’économies, selon la Cour des comptes. Dans ce cas, cependant, il faudrait élargir les droits des personnes de plus de 60 ans dès leur entrée dans le GIR 5.

Madame la secrétaire d’État, je vous pose une première question au sujet de cette proposition. Il faudrait, dans cette éventualité, que l’ensemble du secteur des services à la personne – particuliers employeurs, entreprises, associations – puisse intervenir, sur prescription des caisses de retraite, pour les personnes classées dans les GIR 5 et 6. Il semblerait que cela soit déjà possible, comme l’a affirmé le responsable de la CARSAT – la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail – de ma région. Pourtant, personne ne le sait : tout le monde pense que seules certaines associations peuvent intervenir ! Pourriez-vous nous dire clairement, madame la secrétaire d’État, si la prescription des caisses de retraite pour les GIR 5 et 6 est possible pour l’ensemble des services à la personne ? Si ce n’était pas le cas, il faudrait faire évoluer les choses sur ce point.

Je vous pose une deuxième question concernant le débat qui vient d’avoir lieu au Sénat, et qui met le secteur en émoi. On sent bien que les services agréés sont en danger ; ils représentent pourtant plus de 100 000 emplois. Le Gouvernement a demandé un rapport, et proposé une expérimentation, mais entend-il tout autoriser ? Nous proposons, au contraire, de diriger les CPOM vers les services agréés et autorisés.

Troisième et dernière question, qui touche au coeur de mon débat avec Martine Pinville : le Gouvernement a-t-il l’intention de modifier l’environnement fiscal et les exonérations sociales de ce secteur ? Je rappelle que cela a déjà été fait dans le cadre des lois de financement de la Sécurité sociale pour 2013 et 2014. Les résultats ne se sont d’ailleurs pas fait attendre : le nombre d’emplois déclarés a déjà baissé. Voulez-vous prendre ce risque dans le contexte économique actuel ?

Je vous remercie d’avance, madame la secrétaire d’État, pour vos réponses.

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