Intervention de Brigitte Allain

Séance en hémicycle du 24 mars 2015 à 15h00
Débat sur le rapport d'information sur l'évaluation du développement des services à la personne

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Allain :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, le débat sur les politiques publiques des services à la personne tombe à point nommé, alors que nous sommes entre les deux tours de l’élection de nos conseillers départementaux, qui auront la charge de leur mise en oeuvre, que le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement a été discuté la semaine dernière au Sénat et que le projet de loi relatif à la santé est en cours d’examen à l’Assemblée. Je tiens à saluer la qualité du rapport rendu en décembre 2014 par Mmes Poletti et Pinville dans la perspective de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, et qui sera la base de nos échanges aujourd’hui.

Mesdames les rapporteures, votre rapport, dense et précis, fait état de la complexité et de certaines défaillances de la politique en faveur des services à la personne. Nous nous préparons à l’avenir. En effet, la France connaîtra d’ici à 2035 un important vieillissement en raison de l’arrivée progressive à l’âge de 60 ans des générations du baby-boom et de l’accroissement de l’espérance de vie. Les personnes de 60 ans et plus représenteront ainsi 31 % de la population en 2035. C’est déjà le cas dans des départements ruraux comme la Dordogne, qui voit sa population augmenter grâce à son attractivité pour les retraités, due à un environnement naturel, agricole, forestier et patrimonial préservé. En 2011, 13 % de la population de Dordogne avait plus de 75 ans, contre 10 % en Aquitaine et 9 % en France métropolitaine. L’Aquitaine fait partie des cinq régions métropolitaines où la proportion de personnes âgées est la plus élevée. Ces Aquitains du quatrième âge sont surreprésentés dans l’espace rural, où l’habitat est très dispersé et le niveau de revenus modeste.

Nous vivons plus longtemps mais le nombre de personnes dépendantes s’accroît. Dans les prochaines années, la population des personnes faisant appel à une aide pour la vie courante va sensiblement augmenter. Des services supplémentaires devront donc être proposés et l’aménagement de l’espace public revu. Les services à la personne concernent bien sûr le maintien à domicile des personnes âgées, qui comptent pour environ un tiers de l’activité des services à la personne, mais plus globalement aussi l’accompagnement de toute personne en perte d’autonomie en raison d’un handicap, d’une maladie ou d’un accident.

Comme le souligne la Cour des comptes, la politique publique des services à la personne poursuit simultanément, depuis au moins un quart de siècle, deux objectifs principaux et distincts : d’une part, le soutien à l’emploi peu qualifié, par des mesures d’abaissement du coût du travail et de résorption du travail dissimulé ; d’autre part, l’aide aux publics fragiles – personnes âgées dépendantes ou personnes victimes de handicap – ainsi qu’aux familles avec enfants en bas âge. La Cour fait de la meilleure articulation entre ces deux objectifs sa première proposition.

Parmi vos quatorze propositions, mesdames les rapporteures, deux vont dans ce sens et retiennent plus particulièrement mon attention : vos propositions nos 4 et 5, qui visent à améliorer la qualité des emplois, grâce à une politique de prévention de la pénibilité dans le secteur de l’aide à domicile et à une meilleure évaluation de la qualité du service rendu. Le rapport met en lumière le grand nombre d’emplois non pourvus. Il est urgent de revaloriser ces formations et ces métiers, et de donner envie à des gens de s’y investir. Nous devons en effet prendre conscience que les métiers de service à la personne ne rentrent pas dans une logique de compétitivité mais recourent à des compétences diverses.

Quand tout est chronométré à des fins de compétitivité – le temps pour une toilette, pour un change ou pour le ménage –, la personne dépendante est ballottée, victime de négligence, et se voit transporter du domicile à l’hôpital, puis à l’établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – l’EHPAD – ou en institut. Dans les services hospitaliers gérontologiques ou médico-sociaux, les personnels malades ne sont pas toujours remplacés. Cette situation crée beaucoup de tensions et induit de fait de la maltraitance. Les propositions du rapport me semblent s’orienter dans la bonne direction.

Je souhaitais également aborder la question de l’accessibilité des services à la personne en termes de distance et de revenu. En effet, en zone rurale, en l’absence de voisins ou de services adaptés, l’éloignement multiplie les besoins de présence humaine ou de contacts innovants. Le développement de la chirurgie ambulatoire risque d’amplifier ces besoins. Mais nous devons également entamer une vraie réflexion sur le statut d’aide à domicile, dont les temps de transport conduisent à un emploi du temps morcelé, synonyme de temps très partiel. Je salue à ce titre la décision du Gouvernement de provisionner pour les aides à domicile une enveloppe de 26 millions d’euros pour revaloriser les frais kilométriques et augmenter les salaires les plus bas.

Enfin, dans un souci de plus grand accès à tous aux aidants à domicile, je soutiens les premières propositions du rapport en faveur d’un ciblage des aides. De même, le dispositif de revalorisation de l’APA à domicile, mesure phare qui va coûter 375 millions d’euros par an, devrait contribuer à soulager les personnes âgées et leurs familles, à condition de péréquations distributives proportionnelles aux besoins.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion