Intervention de Philippe Waechter

Réunion du 25 mars 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management :

S'agissant de la dynamique macroéconomique, il convient de distinguer deux questions. Premièrement, l'économie européenne ne progresse plus depuis 2011, ce qui n'est satisfaisant pour personne. À court terme, la baisse du prix du pétrole est un moyen de caler l'économie française et l'économie européenne sur une trajectoire de croissance plus élevée. Il s'agit, selon moi, d'un élément important, car nous n'y sommes pas parvenus jusqu'à maintenant. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il faille se satisfaire de la situation actuelle quant à l'utilisation de l'énergie. Nous devons en effet être attentifs aux problématiques qui seront abordées par la COP 21.

Deuxièmement, il existe toute une série de risques en ce qui concerne l'évolution du prix du pétrole. Néanmoins, selon moi, celui-ci va rester bas encore pendant un moment, car je ne suis pas persuadé que les pays producteurs parviennent rapidement à un accord et je ne vois pas qui aurait intérêt à réduire sa production. Telle n'est pas, en tout cas, la logique actuelle.

À l'instar du Venezuela et d'un certain nombre d'autres pays producteurs, la Russie souffre de la « maladie hollandaise ». En 1998, lorsque le prix du pétrole est tombé au-dessous de 10 dollars le baril, elle a connu une situation très dégradée. Cependant, rien n'a vraiment changé depuis lors : tout le monde a profité du prix élevé du pétrole dans les années 2000, mais se retrouve aujourd'hui démuni maintenant qu'il baisse à nouveau. Il s'agit d'une problématique purement interne à la Russie et aux pays qui, comme elle, ont bénéficié de prix élevés des matières premières.

S'agissant du risque de déflation, la baisse du prix du pétrole va se traduire par une contribution négative de l'énergie à l'inflation française et européenne tout au long de l'année. La contribution cumulée des autres composantes de l'indice des prix à la consommation – biens manufacturés et services hors énergie – étant trop faible pour la compenser, le taux d'inflation sera très probablement négatif en 2015. Si les chefs d'entreprise ont ainsi du mal à fixer leurs prix dans le secteur des biens manufacturés et des services, point qui me parait le plus préoccupant aujourd'hui, c'est en raison d'une demande relativement faible. On peut donc s'attendre à ce que cette situation s'infléchisse si nous retrouvons une croissance plus robuste. En tout cas, pour le moment, le contexte est plutôt déflationniste en Europe. Mais n'oublions pas que, si les économistes craignent l'impact déflationniste de la baisse du prix de l'essence, les consommateurs, eux, se réjouissent du gain de pouvoir d'achat qu'elle implique !

Les coûts de production du pétrole de schiste se situent entre 40 et 70 dollars le baril. Les marges sont donc assez importantes. Depuis l'été dernier, plus de 40 % des puits de pétrole ont fermé aux États-Unis. Cependant, la production n'a pas baissé. Dans le secteur énergétique, les entreprises américaines ont tendance à réduire leurs investissements, car la dynamique n'est plus la même. Nous assisterons donc probablement, à terme, à une inflexion de la production d'énergie, mais nous ne l'observons toujours pas dans les statistiques. Rien ne permet donc de penser que le prix du pétrole va connaître un changement de tendance dans les semaines ou les mois qui viennent.

Si le prix du pétrole repart très vivement à la hausse, nous pourrons jeter au panier le scénario d'une reprise de la croissance en France et dans la zone euro. Les contraintes seront nettement plus fortes, et nous aurons beaucoup de mal à améliorer la situation de l'emploi. Donc, profitons de la fenêtre actuelle pour caler l'économie sur une trajectoire de croissance plus élevée. Il faut avant tout enclencher une dynamique plus favorable, qui incite les entreprises à investir et qui s'auto-entretienne, même si nous ne retrouverons sans doute pas les 2 % de croissance d'avant la crise. Nous pourrons probablement, dans un second temps, mettre en place une fiscalité écologique, ainsi que l'a souhaité Patrick Criqui.

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