Intervention de Jacques Dasnoy

Réunion du 19 mars 2015 à 9h00
Mission de réflexion sur l'engagement citoyen et l'appartenance républicaine

Jacques Dasnoy :

Je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de trouver des lieux physiques pour co-construire les politiques publiques. J'évoquerai deux initiatives privées qui permettent une telle co-construction. La première s'appelle Marseille Solutions, lancée par mon prédécesseur au sein du Mouves. Face à la multiplicité des problèmes sociaux et environnementaux, à la défaillance du dialogue entre les entrepreneurs, les collectivités et les associations, Marseille Solutions poursuit plusieurs objectifs parmi lesquels : assurer la mobilité dans les quartiers Nord pour favoriser l'emploi, appliquer une politique « zéro déchet ». Il s'agit de réunir les responsables publics locaux, les entrepreneurs sociaux, les patrons de PME, les patrons de grands groupes, les associations pour, ensemble, trouver des solutions.

Le Mouves est par ailleurs partie prenante d'une initiative prise en charge par la métropole lyonnaise – qui a hérité, depuis le 1er janvier, les compétences sociales du département –, étant entendu qu'elle ne pourra tout assumer seule. Il est donc question de créer un pôle d'innovation sociale rassemblant les grandes entreprises, les PME, les entreprises sociales, la collectivité, autour de besoins sociaux identifiés par la puissance publique qui jouit de la légitimité démocratique. Les solutions envisagées – qui, pour certaines, ont déjà été expérimentées ailleurs – seront mises à incuber au sein de ce pôle.

Ce type d'initiatives tend à fleurir en France ; elles proviennent souvent de la « société civile » et impliquent, donc, les pouvoirs publics. Ce mouvement n'est pas organisé, fédéré, et, s'il se révèle très fort, il n'est pas question, bien sûr, de vouloir co-construire toutes les politiques publiques, mais certaines qui gagneraient à l'être.

En ce qui concerne la révolution culturelle à conduire au sein de l'école au sujet de l'entrepreneuriat, beaucoup a été fait ces dernières années. Je pense à cette formidable initiative, « 100 000 entrepreneurs », promue par Philippe Hayat qui a dirigé avec Fleur Pellerin les dernières Assises de l'entrepreneuriat. L'idée est que, au-delà des manuels scolaires – certes fondamentaux –, il importe de faire intervenir des entrepreneurs dans les classes pour qu'ils racontent leur parcours aux collégiens et lycéens, leur expliquent pourquoi eux-mêmes se sont lancés dans l'entrepreneuriat, leur exposent quel était leur état d'esprit lorsqu'ils avaient quinze ou vingt ans. Le Mouves participe à ce projet pour faire la promotion d'entrepreneurs sociaux. Je constate que l'école s'ouvre petit à petit.

Notre initiative « Passeport avenir » – l'une des trois lauréates de « La France s'engage » – met à disposition de jeunes issus de quartiers populaires qui se sont lancés dans des filières de classes préparatoires technologiques des tuteurs de grandes entreprises – Orange, SFR, Alcatel… Ce projet, auquel l'école s'est ouverte, fonctionne très bien. Il faut donc entretenir cette dynamique et continuer de rapprocher l'école de l'entreprise.

Toutes ces initiatives restent il est vrai assez éclatées : le Mouves promeut chaque mois sur son site internet des entrepreneurs sociaux ; les « Zèbres » d'Alexandre Jardin, d'un autre côté, et les « Rencontres de la Niaque », du leur, mènent d'autres initiatives. Le dialogue entre nous n'en existe pas moins. Ainsi le Mouves, en lien avec les Zèbres, cherche à définir des « pro-solutions » pour les élections régionales qui se dérouleront à la fin de l'année : il s'agit de proposer aux candidats des solutions. Reste qu'en effet, il n'existe pas de plateforme fédérant ces projets. Les pouvoirs publics, à travers « La France s'engage », pourraient éventuellement en prendre l'initiative.

Pour répondre ensuite à la question du président Bartolone, notre rêve, au Mouves, est en effet que soit créé un label « Entreprise sociale ». Nous avions commencé d'y travailler jusqu'à l'adoption de la loi relative à l'ESS qui définit l'agrément « Entreprise solidaire d'utilité sociale » (ESUS) – voilà peut-être, en fait, le label… Mais, pour cela, les décrets d'application à venir ne devraient pas retenir comme seul critère l'épargne solidaire. Ainsi, de nombreuses fondations, en bonne santé économique, ne peuvent que procéder à des dons ; or le don n'a qu'une vie. Si ces fondations étaient autorisées à investir dans les entreprises agréées d'utilité sociale, l'investissement ayant, lui, plusieurs vies, cela permettrait à ces fondations de s'impliquer plus avant dans l'économie sociale et aux entreprises sociales de se rapprocher des grands groupes ou des fondations privées. Il y a là, sans doute, un levier intéressant à activer.

Enfin, en ce qui concerne la reconnaissance de l'engagement des jeunes, pour être honnête, je n'ai pas d'idée précise en la matière. Il n'en reste pas moins que ceux qui s'engagent dans une association pour servir une cause doivent être valorisés auprès de leurs camarades, auprès de l'éducation nationale. Cela doit-il passer par les notes ? Je l'ignore.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion