Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 31 mars 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Présentation

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes :

Dans le même temps, j’ai entendu les inquiétudes des médecins libéraux sur leur avenir, sur leurs conditions d’exercice, sur leur place dans le système de santé et dans la société. Ces inquiétudes ne datent pas d’hier, elles ne remontent pas à quelques mois. Leurs craintes à l’égard du projet de loi expriment un malaise plus global, et la grande conférence sur la santé à la fin de l’année permettra de travailler aux conditions de la formation et de l’exercice médical. Dans le même temps, les médecins savent que l’immobilisme n’est pas une voie d’avenir pour répondre aux défis de notre système de santé, et ils le disent.

Pour autant, j’ai voulu répondre à ces craintes sans attendre en faisant évoluer la rédaction du projet de loi à la suite d’un nouveau cycle de concertation.

J’ai ainsi entendu la crainte d’une étatisation du système de santé, dans lequel les médecins ne pourraient plus s’installer comme ils le souhaitent, et l’inquiétude face à des charges administratives trop lourdes.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les évolutions qui ont fait l’objet d’amendements gouvernementaux adoptés par la commission des affaires sociales il y a quelques jours, mais je tiens à en réaffirmer le sens. Les grands principes de notre médecine, plurielle, libérale, ne sont pas et ne seront pas remis en cause. La liberté d’installation des médecins, mais aussi la liberté de choix du médecin par le patient, ne sont pas menacées. L’organisation territoriale des soins sera modernisée, oui, mais elle le sera avec et par les professionnels de santé. Et l’extension du tiers payant à l’ensemble de nos concitoyens – sur laquelle je vais évidemment revenir dans un instant – n’entraînera pas de charge nouvelle pour les médecins, ni administrative ni financière.

La modernisation de notre système de santé pour faire reculer les inégalités – car tel est bien l’enjeu – repose sur trois grands piliers : le renforcement de la prévention, l’organisation des soins en proximité et la progression des droits des patients.

S’agissant tout d’abord du renforcement de la prévention, nous savons que nombre de maladies pourraient être évitées par de meilleures habitudes, de meilleurs comportements. Ces comportements et ces habitudes doivent être promus dès le plus jeune âge, parce que c’est à ce moment que se nouent les inégalités de santé, directement liées aux inégalités sociales.

C’est pourquoi, dans ce projet de loi, nous agissons d’abord en direction des jeunes. En matière de lutte contre le tabagisme, je veux faire de la génération d’enfants qui naît aujourd’hui la première génération d’adultes non-fumeurs. Cela passe notamment par la mise en place du paquet neutre de cigarettes et l’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de douze ans.

Ce programme national de réduction du tabagisme, qui comporte de nombreuses autres mesures, a reçu le soutien unanime des associations antitabac et de la Ligue contre le cancer. Il y a quelques jours à peine, l’Organisation mondiale de la santé a salué publiquement le courage et l’exemplarité de la France. Elle a déclaré : « la France rejoint le peloton de tête des États développant une politique visionnaire en matière de lutte contre le tabac ». Comme j’ai eu l’occasion de le dire, face au tabagisme, j’ai choisi mon camp : celui de la santé publique.

Agir pour la santé des jeunes, c’est aussi créer un parcours éducatif en santé, de la maternelle au lycée, instaurer un délit d’incitation à la consommation excessive d’alcool et améliorer le dépistage des infections sexuellement transmissibles.

Mais faire le pari de la prévention, ce n’est pas seulement se préoccuper des plus jeunes de nos concitoyens, c’est aussi investir des champs nouveaux. Je pense d’abord à la nutrition, alors que le risque d’obésité s’accroît. La multiplicité d’indicateurs dont les formes, les tailles et les couleurs diffèrent selon les produits et les marques rend impossible et incompréhensible une information nutritionnelle de qualité. Nous créons avec cette loi un étiquetage nutritionnel clair, lisible et partagé qui permettra aux consommateurs de mieux s’informer pour mieux choisir.

Contre les addictions aux drogues dures, la France doit s’engager par la prévention, l’accompagnement, en suivant une politique réaliste que portent déjà certains de nos voisins. Ce texte autorisera donc l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque.

Cette mesure, je la défends avec force et avec conviction, par-delà les discours dogmatiques et caricaturaux que nous avons encore pu entendre il y a quelques instants sur les bancs de l’opposition. C’est une mesure de santé publique, parce que de trop nombreux toxicomanes échappent aux circuits de prise en charge et qu’il faut pourtant les soigner. C’est aussi une mesure de sécurité sanitaire. Il est inacceptable que chaque matin, en France, des adultes trouvent des seringues usagées sur les escaliers de la gare, ou que des enfants trouvent sur le chemin de l’école ces mêmes seringues abandonnées sur le trottoir.

Enfin, la discussion parlementaire a permis d’élargir le champ de cette loi aux questions de santé environnementale, déjà présentes dans le texte initial, mais qui ont été étendues, notamment à l’initiative du groupe écologiste. C’est un enjeu majeur pour le XXIe siècle. Les débats que nous aurons ces prochains jours permettront d’enrichir encore ce volet du texte, je le sais au vu des amendements qui ont été déposés.

Voilà donc ce qu’est une politique de prévention cohérente, innovante et efficace. Avec cet arsenal de mesures, nous franchissons une étape historique pour la santé des Français, car c’est la première fois qu’un ensemble de mesures aussi importantes est inscrit dans la loi et fait de la prévention une priorité de notre politique de santé.

Le second pilier de ce projet de loi, c’est le renforcement de la proximité des soins autour du médecin traitant et de ce que l’on appelle les équipes de soins primaires.

Notre système, depuis des décennies, est trop centré sur l’hôpital. Cette organisation répondait à une exigence, la réalité des pathologies à prendre en compte il y a encore quelques années. Mais nous devons désormais accompagner des pathologies chroniques, des patients qui sont malades dans la durée. Nous devons donc organiser notre système autour d’une médecine de proximité, coordonnée par le médecin traitant, avec un hôpital tourné vers la ville et un parcours de soins mieux défini autour du patient.

Avec la reconnaissance des équipes de soins primaires constituées autour de médecins généralistes de premier recours, la loi permettra de mieux prendre en charge les patients en proximité.

Avec les communautés professionnelles territoriales de santé, les professionnels pourront mieux se coordonner entre eux et, le cas échéant, avec des acteurs sociaux et médico-sociaux.

Avec l’instauration du médecin traitant pour les enfants de moins de seize ans, nous renforçons le rôle et la place du médecin généraliste, ou du pédiatre, dès le plus jeune âge.

Avec la création d’un numéro d’appel national unique pour trouver un médecin de garde et celle d’un service public d’information en santé, nous permettrons à nos concitoyens de se tourner en premier lieu vers le médecin de ville. En effet, faute d’information, trop de patients ont aujourd’hui le réflexe d’aller aux urgences.

Avec la création d’une lettre de liaison, adressée par l’hôpital au médecin traitant le jour même de la sortie du patient, nous renforçons les liens entre la ville et l’hôpital.

Dans ce texte, nous rétablissons aussi le service public hospitalier dans la loi, revenant ainsi sur le choix injuste et désastreux de la majorité précédente qui l’avait supprimé.

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