Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, chers collègues, la question à laquelle notre débat doit répondre est, au fond, la suivante : qu’allons-nous changer dans un sens positif dans la vie des Français ? En inscrivant la démocratie sanitaire au coeur du système de santé, le titre IV, j’en suis convaincue, contient les outils d’une transformation du quotidien du malade et de ceux qui l’entourent.
En 1976, Simone Veil signait la première charte du malade hospitalisé garantissant « le droit pour le malade au respect de sa dignité et de sa personnalité » dans chaque établissement de santé. Depuis ce premier texte officiel, la législation a progressivement reconnu le droit du consentement au soin, finalement confirmé par la loi du 4 mars 2002. Il nous faut désormais revivifier la démocratie représentative par une démocratie participative affirmée.
Ainsi, le titre IV met en lumière l’indispensable concertation entre acteurs du système de santé : l’État et ses déclinaisons régionales, les agences, la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés, les usagers, les professionnels de santé et les élus locaux. La qualité de la démocratie sanitaire se mesurera à l’aune du dialogue entre ces piliers de la politique de santé. Par ce texte, madame la ministre, vous donnez une nouvelle portée au principe d’affirmation de droits individuels, mais surtout collectifs, permettant aux représentants d’usagers de peser sur les politiques de santé.
Dans la nouvelle rédaction proposée par le Gouvernement, l’article 38 renforce les missions des conseils territoriaux de santé – CTS –, qui contribueront au diagnostic territorial partagé. La commission a par ailleurs garanti l’expression des usagers au sein d’une enceinte spécifique des CTS et autorisé la mise en place d’une véritable médiation sanitaire à l’échelon local.
Une partie de ce titre procède à l’amélioration de la place des usagers au sein des agences sanitaires et des établissements publics de santé. Il est notamment prévu une obligation légale de représentation des usagers dans les organes de gouvernance de toutes les agences sanitaires nationales ainsi qu’une modification des missions de la commission des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge – CRUQPC.
Sur ces sujets, je me félicite des enrichissements apportés par la commission des affaires sociales. Cette dernière a élargi les pouvoirs de la CRUQPC, renommée commission des usagers et dotée d’un pouvoir d’auto-saisine sur tout sujet relatif à la politique de qualité et de sécurité de l’établissement. Cette commission jouera aussi un rôle particulier dans le suivi des événements indésirables graves et sera présidée par un représentant des usagers.
Dans le même esprit, l’action de groupe en santé est un droit majeur que nous donnons aux usagers en leur permettant de se rassembler pour pouvoir faire valoir des manquements en termes de produits de santé. Cette volonté d’une plus grande justice, nous l’avons encore renforcée, notamment par la modification des règles d’application, pour que les manquements ayant cessé à la date d’entrée en vigueur de la loi puissent faire l’objet de poursuites.
L’article 42 améliore l’organisation du système des agences sanitaires en regroupant ces dernières dans un nouvel institut, que la commission a souhaité intituler « Santé Publique France ». Il contient aussi une demande d’habilitation destinée à réformer la politique de collecte, de transformation et de distribution des produits sanguins – vous l’avez rappelé, madame la ministre. Nous avons, en commission, réaffirmé les principes de bénévolat, de gratuité et d’anonymat du don de sang.
L’information est également la clé de voûte de la démocratie. À cet égard, je salue l’insertion d’un article, l’article 47, consacré à l’open data en santé. Nous disposons dans le domaine de la santé de bases de données dont la richesse, en termes d’informations contenues, est enviée par beaucoup. Mais il nous faut tenir un équilibre entre, d’une part, l’exploitation des potentialités des données de santé par les usagers, les professionnels, les chercheurs et les start-up et, d’autre part, la protection de la vie privée.
Les procédures d’autorisation par la Commission nationale de l’informatique et des libertés ont été simplifiées sans que son contrôle ne soit affaibli. À toutes les étapes, la compétence d’avis de la CNIL est renforcée. La commission n’a maintenu l’obligation de recours à un intermédiaire que pour les seuls acteurs susceptibles de poursuivre des finalités clairement interdites par la loi.
Cependant, les journalistes font part de leurs inquiétudes relatives à la liberté d’informer, vous l’avez également rappelé, madame la ministre. Je vous proposerai un amendement visant à les rassurer en affirmant notre volonté de ne pas contrevenir à la liberté de la presse.
L’intérêt porté par le législateur aux droits des patients ne peut se limiter à ses droits individuels. Au cours des débats en commission, j’ai entendu à plusieurs reprises l’argument selon lequel les personnes désireuses de s’engager dans ces démarches collectives de démocratie sanitaire n’étaient pas suffisamment nombreuses, pas suffisamment impliquées, pas suffisamment engagées. Cela m’a rappelé les réflexions, entendues après l’adoption en 2001 de la loi sur la parité, sur la difficulté pour les partis politiques de recruter des candidates. En réalité, après le travail effectué en commission et celui qui nous attend dans l’hémicycle, les usagers seront mieux formés et disposeront d’un statut plus adapté à leur intégration dans la démocratie sanitaire.
Le paysage de la démocratie sanitaire va être profondément remanié. En effet, les nouveaux droits conférés aux usagers et l’articulation renforcée entre les acteurs du système de santé contribueront à donner de la transparence et donc de la crédibilité à nos politiques publiques. Madame la ministre, nous entrons ainsi, j’en suis convaincue, dans l’acte II de la démocratie sanitaire.