Le deuxième secteur où l’on note des différences notables est celui des pathologies. Certaines sont inconnues en métropole, comme celles qui résultent de la dengue, du paludisme ou du chikungunya ; d’autres présentent des prévalences différentes, comme l’infection au VIH ou la drépanocytose. Il en va de même pour le diabète et l’hypertension artérielle, conséquences du surpoids ou de l’obésité. Ces pathologies méritent un dépistage précoce pour une meilleure prise en charge : agir de façon préventive permettrait de diminuer les dépenses élevées en traitement à vie pour le VIH ou très onéreux pour les hépatites.
Le troisième secteur est celui des conduites addictives spécifiques. Le plan de lutte contre la drogue 2013-2017 a noté dans les DOM une précocité des consommations, notamment de l’alcool, chez les jeunes et une poly-consommation de différentes substances. D’ailleurs, de nombreux collègues de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe m’ont fait part de leurs inquiétudes sur ce sujet car ces conduites addictives créent un climat de violences parfois insoutenables, que ce soit dans la sphère publique ou privée. Si nous voulons peser sur les comportements, la prévention de ces problèmes doit intervenir dès le plus jeune âge.
Enfin, le quatrième secteur où les différences sont notoires est celui lié à la faible densité médicale ; un constat valable en milieu hospitalier mais aussi pour la médecine libérale. Si des inégalités flagrantes existent entre l’Hexagone et les territoires ultramarins, elles apparaissent également fortement entre territoires ultramarins. L’exemple de Mayotte mérite d’être soulevé car tout y est à construire, l’accès aux soins se faisant autour l’hôpital. Ce problème se pose également, de façon différente, en Guyane ou à Wallis-et-Futuna.
Face à ces situations diverses et complexes, le projet de loi santé comporte un certain nombre de réponses en termes de prévention et d’offre de soins. La plupart des mesures contenues dans le projet de loi, même si elles ne font pas expressément référence aux DOM, ont vocation à s’appliquer sur tous les territoires français.
Par ailleurs, seul l’article 56 vise spécialement les outre-mer. Il prévoit le recours à des ordonnances pour la mise en oeuvre de certaines modalités d’application de la loi dans les collectivités ultramarines. Néanmoins, ces mesures peuvent paraître encore trop générales et insuffisamment ciblées sur les questions particulières posées par la santé dans nos territoires.
Le rapport de la délégation, intitulé : « La santé outre-mer : des réformes urgentes pour résorber les inégalités », comporte dix-sept propositions pour faire avancer le droit en ce domaine. À la suite de ce rapport, plusieurs amendements ont été déposés en commission et, à mon initiative, ils prévoient : l’intégration, de manière expresse, des problèmes ultramarins dans la stratégie nationale de santé ; la possibilité, pour la réalisation d’un test rapide d’orientation diagnostique concernant un mineur, de se passer du recueil du consentement des titulaires de l’autorité parentale ; l’obligation, pour l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna, en cas d’évacuation sanitaire, de mieux informer le patient sur les modalités et les conséquences, notamment financières, de leur transfert ; l’obligation, enfin, de faire figurer des données chiffrées concernant les départements ou les collectivités d’outre-mer dans toute statistique déclinée au niveau local.
Cependant, encore que fort utiles, ces mesures ne nous paraissent pas tout à fait suffisantes. Je souhaite donc appeler votre attention, madame la ministre, sur quatre autres amendements issus du rapport de la délégation, et que je soutiendrai. Ces amendements proposent la remise d’un rapport par le Gouvernement, d’ici la fin de l’année 2016, indiquant les modalités selon lesquelles il serait possible d’instaurer à Mayotte la CMU-C ; la possibilité, pour les centres hospitaliers ultramarins, de développer des actions de santé visant à améliorer l’accès et la continuité des soins, ainsi que des actions liées à des risques spécifiques, dans les territoires de santé isolés ; l’interdiction de l’affichage publicitaire en faveur des boissons alcoolisées près des établissements scolaires ; et enfin, la limitation de la taille des panneaux publicitaires vantant les mérites de l’alcool.
Sur ce dernier sujet, j’aurai l’occasion d’y revenir aux articles 4 et 5 de la loi car, en outre-mer, l’alcool est une des premières causes de mortalité prématurées, avant le cancer, et, au-delà, c’est un vrai problème de société. Comme pour le tabac, madame la ministre, nous devons nous y attaquer efficacement et ce problème de santé publique ne peut être sacrifié sur l’autel d’un quelconque intérêt économique, comme je l’ai encore entendu à l’instant.
Pour conclure, je souhaiterais vous poser encore une question, madame la ministre. Elle a trait à l’application de l’article 56 du projet de loi dont j’ai parlé plus haut. Cet article peut servir au Gouvernement de base juridique pour arrêter, par ordonnance, des programmes d’actions spécifiques visant à améliorer la prévention et l’offre de soins dans les territoires ultramarins. Pourriez-vous nous confirmer que le Gouvernement, après le vote de la loi, procédera bien, et de manière rapide, à la mise en place de plans spécifiques au sein de nos collectivités ?