Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, la santé publique n’a pas toujours fait partie des compétences immédiates et structurelles d’un État ou d’une collectivité.
Bien sûr, la médecine, l’enseignement des maladies du corps humain, sont nées sous l’Antiquité, en Europe comme en Chine, mais le traitement des maladies par la puissance publique, pour en éviter la propagation, s’est mis en place progressivement.
Je crois que la construction de la santé publique est assise sur deux piliers : l’idéal d’une part, la réalité d’autre part.
L’idéal d’un accès aux soins pour les plus pauvres qui soit garanti par l’État n’a pas été mieux exprimé que dans le programme du Conseil national de la Résistance, qui proclama, pour en finir avec l’ombre des années d’occupation, qu’il fallait mettre en place « un plan complet de Sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail ».
Si aujourd’hui cet objectif ne pourrait pas être remis en question, il n’a pas toujours constitué une évidence, puisqu’il a fallu attendre 1930 pour que soit créé un ministère de la santé indépendant, l’hygiène et les affaires sanitaires étant auparavant rattachées au ministère de l’intérieur.
Parallèlement à l’idéal, c’est aussi et surtout le réel qui a entraîné les premières mesures dites « de salubrité publique ». Devant les terribles épidémies que subit l’Europe à partir du Moyen Âge, les dirigeants engagent leur administration à nettoyer les rues, pour éloigner les maladies les plus contagieuses, non par altruisme ni par bonté d’âme, mais par sens des responsabilités.
Au nom des valeurs de partage et de prévention qui nous animent, et par esprit de responsabilité, la santé s’est donc imposée comme l’un des points-clés des politiques publiques.
Pardonnez cette courte introduction historique, mais il me semblait nécessaire, madame la ministre, de chercher à inscrire le texte que vous nous présentez aujourd’hui dans une certaine continuité de l’action publique, pour nous poser deux questions.
Deux questions, au fond, assez simples. Quel idéal avez-vous choisi ? Quelle réalité prenez-vous en compte ?
Vous me permettrez de répondre, en tant qu’orateur du principal groupe de l’opposition, à ces deux interrogations.
L’idéal d’abord. Je l’ai déjà dit : avec ce projet de loi, vous ne semblez croire qu’en un modèle suranné, marqué par la mainmise de l’État sur les grands enjeux de la santé. J’en vois quatre illustrations qui, à des degrés divers, sont très inquiétantes.
Premièrement, et vous en avez fait un étendard : la généralisation du tiers-payant. J’avoue que cette idée ne manque pas d’étonner. Alors qu’en France le prix de la consultation chez le généraliste est l’un des moins élevés d’Europe, alors que les pays du Vieux Continent qui ne recourent pas au tiers-payant généralisé, comme la Suède ou la Belgique, sont ceux où le tarif est également très modéré, vous avez décidé de soutenir ce dispositif qui n’était demandé par personne, ni sur le terrain, ni même dans les cercles d’experts et de technocrates que votre parti apprécie tant.
En faisant ce choix, vous imitez la gauche de Lionel Jospin, qui, manquant probablement d’idées, décida en 1997 d’inventer les 35 heures pour marquer les esprits.
Comme les 35 heures, le tiers-payant généralisé est politiquement discutable, techniquement inapplicable…