Vous avez un problème avec l’idée qu’on puisse servir l’intérêt public tout en menant une activité lucrative.
Mais j’oserai cette question : est-ce une raison pour créer une injustice supplémentaire entre le public et le privé, en empêchant les médecins des cliniques de pratiquer des dépassements, contrairement à ceux de l’hôpital public ?
Alors, oui, quand je vois que l’habilitation SPH est à ce point verrouillée par le bras armé de votre ministère, je ne peux que dénoncer la confusion volontaire que vous entretenez entre coordination et centralisation.
Je m’explique : la coordination des politiques de santé dans les territoires est indispensable et nous avons encore du chemin à parcourir en la matière. N’oublions pas cet épisode de la grippe A, lors duquel la médecine libérale a été exclue purement et simplement des opérations de vaccination et gardons en tête toutes ces expériences que nous vivons en tant qu’élus locaux, sur l’absence de dialogue entre l’hôpital et la médecine de ville. Il faut aller plus loin pour améliorer la coordination des moyens, j’en conviens. Mais ici, vous faites de la centralisation, vous faites de la mise sous tutelle.
Sachez-le, vous ne pourrez pas rendre l’offre hospitalière plus efficace dans nos territoires en affaiblissant les cliniques. Vous êtes trop expérimentée pour ne pas croire à la mutualisation. Cette mutualisation – cette complémentarité – est possible, et vous la brisez tout net avec une disposition totalement idéologique et partant, contre-productive.
Troisièmement, encore une preuve de votre idéal étatique : l’open data « Santé ». J’avoue que, dans ce domaine, vous nous donnez presque le tournis. Tout d’abord, entre 2012 et 2014, vous écartez cette idée de vos priorités, alors que si nous avions dans le passé mieux ouvert et croisé les données de santé, nous aurions pu à coup sûr éviter de nombreux accidents sanitaires, comme le Médiator.
En 2014, vous commandez un rapport à une commission, en vous faisant désormais l’avocate de ce virage numérique. Puis, pour terminer, en 2015, vous nous présentez un texte qui fait régresser la transparence des données de santé par rapport à la situation actuelle. Si vous souhaitiez montrer votre appétence limitée pour l’open data, c’est réussi !
Du reste, je ne suis guère surpris par cette absence de fibre démocratique 2.0 de votre part. Le département que vous avez présidé, et sur lequel vous aviez beaucoup d’influence jusqu’à dimanche dernier, ne propose aucune base de données en libre accès et n’est pas membre du mouvement Open Data France, alors que deux départements qui lui sont limitrophes en font partie.
Je ne conteste pas votre manque d’entrain personnel pour la santé numérique et la participation citoyenne, chacun a ses sujets de prédilection.
En revanche, ce que je n’accepte pas, c’est que vous empêchiez les journalistes d’accéder aux données de santé, pour qu’ils informent les patients des risques et des atouts du système de santé. Ce que je n’accepte pas non plus, c’est que la libération des données soit encadrée par un arsenal si dissuasif que les plates-formes de services en santé, les mutuelles, les entreprises et les chercheurs seront découragés.
Oui, la vie privée doit être respectée, mais pas au prix de la santé de nos concitoyens, pas au prix de la liberté d’informer, qui bien souvent, la complète. Là encore, je m’oppose à cette vision d’un État omniscient, jaloux de ses compétences, qui refuse de voir les parties prenantes intégrées dans l’évolution du système de santé.
Quatrièmement et enfin, le guide des stratégies diagnostiques et thérapeutiques que vous souhaitez instaurer à l’article 35 trahit votre lubie hyper-étatiste. Je vois là une atteinte à la liberté de prescrire des médecins, je vois là une erreur dans le traitement de certaines pathologies lourdes, qui ne sera pas sans conséquences, au regard de ce qui s’est passé en Grande Bretagne.
Là encore, vous entretenez une confusion. Cette fois, vous confondez maîtrise des dépenses de santé et vision comptable, alors que s’agissant du médicament, c’est son efficacité qu’il faut avant tout retenir. Je suis opposé à ce guide car je ne crois pas à une santé uniquement dictée d’en haut. Je crois aussi à la parole des médecins, aux retours d’expérience : ce n’est visiblement pas votre cas.
À la question de savoir quel idéal sincère vous poursuivez, nous avons donc la réponse : c’est bel et bien l’administration centralisée, contrainte et étatique de la santé que vous souhaitez.
Mais votre texte n’est pas seulement animé par quelques convictions, aussi effrayantes soient-elles. Il est aussi et surtout marqué par de fausses solutions et par des contresens navrants, qui me semblent au passage insincères, et que je me dois de relever, avec mes collègues du groupe UMP.
Je ne me risquerai pas à une liste trop exhaustive car je sais notre temps limité, mais j’appellerai l’attention de la représentation nationale sur des points particulièrement néfastes de votre texte, qui trahissent une très grave erreur de jugement.
Dans le domaine de la prévention, je vois encore une fois la mainmise de la puissance publique, cette puissance publique souvent absente là où les Français l’attendent, mais oppressante là ils voudraient être libres. Je sais, madame la ministre, que nous devons prévenir les comportements à risque et encourager les bonnes pratiques. Je sais à quel point la France doit redoubler d’efforts face au tabagisme. Je connais les souffrances qu’entraîne l’alcoolisme. Comme vous, je sais que ce sont les plus pauvres qui sont généralement les plus écartés des bonnes pratiques alimentaires ou sportives.