Intervention de Martine Pinville

Séance en hémicycle du 31 mars 2015 à 15h00
Modernisation du système de santé — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Pinville :

Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames les rapporteures, chers collègues, la santé est une priorité majeure des Français, c’est pourquoi le Gouvernement a fait le choix, dès le début de cette législature, d’engager de larges réflexions de nature à améliorer notre système de santé tout en garantissant sa pérennité financière. Cette réflexion a été organisée lors des travaux de la stratégie nationale de santé et des nombreux débats qui ont été menés avec l’ensemble des acteurs de la santé.

Si notre système de santé est l’un des plus efficaces, des inégalités sociales et territoriales persistent. C’est à partir de ces constats que nous avons voulu rompre avec les différentes lois relatives à la santé qui, depuis dix ans, se sont traduites par une succession de déceptions et de rendez-vous manqués.

La loi « Hôpital, patients, santé et territoires », adoptée en 2009, en est une illustration. Ses dispositions ont notoirement affaibli les piliers du système. Ce qu’il fallait, c’est donc une réforme sociale qui attaque les inégalités à la racine et renforce les droits des patients ; c’est une réforme de proximité pour une prise en charge adaptée des patients.

Vous avez construit une réforme progressive qui laisse le temps aux professionnels de s’adapter aux évolutions. C’est pourquoi, nous pouvons le dire, il s’agit d’une réforme de structure qui organise une politique publique visant à corriger les manques et à lutter contre les gaspillages de notre système de santé.

L’accessibilité de tous au système de santé reste un enjeu majeur de notre politique. Or, aujourd’hui, un Français sur trois renonce à se soigner, faute de moyens suffisants, faute d’un praticien à proximité, faute encore de la capacité à décrypter la complexité du système de santé et à obtenir les informations nécessaires. Quelque visage qu’elles revêtent, ces inégalités sociales et territoriales demeurent inacceptables.

Ce projet de loi de modernisation de notre système de santé fait précisément de la lutte contre les inégalités sociales et territoriales une priorité, en développant plusieurs mesures visant à prévenir et limiter leurs impacts. L’une d’entre elles est la généralisation du tiers payant. Déjà une réalité en pharmacie et pour la CMU, cette mesure de justice sociale, est plébiscitée par nos concitoyens. Grâce à elle, tous les Français, y compris ceux qui peinent à débourser 23 euros, pourront accéder au système de santé. Cette extension du tiers payant n’a toutefois pas fait l’unanimité : elle a donné lieu à de nombreuses contestations de la part d’une partie des professionnels de santé.

Les inquiétudes de ces professionnels doivent être entendues. Elles l’ont d’ailleurs été par le Gouvernement puisqu’il a été décidé, afin de laisser le temps aux médecins de se familiariser avec la démarche, d’échelonner dans le temps les différentes étapes de sa mise en oeuvre et d’ajourner sa pleine application à la fin de l’année 2017.

Un autre pas important en direction de la prise en compte et de la lutte contre les inégalités sociales de santé est l’extension des tarifs sociaux aux bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, comme c’est déjà le cas pour les bénéficiaires de la CMU complémentaire.

Les répercussions seront importantes puisque plus d’un million de familles supplémentaires verront leurs factures de soins dentaires, optiques et de prothèse auditives diminuer. C’est une façon d’aider ces familles à accéder à une prise en charge sanitaire de qualité mais aussi de prévenir d’autres problèmes de santé car une mauvaise prise en charge des troubles dentaires, auditifs et optiques peut conduire à d’autres difficultés comme le surpoids, facteur de maladies cardiovasculaires ou l’isolement social, cause éventuelle de troubles dépressifs. Qui dit ainsi lutte contre les inégalités de santé dit prévention des problèmes de santé, ces deux démarches étant intrinsèquement liées.

La prévention, véritable priorité du Gouvernement comme nous avons pu le voir lors de l’examen du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement, représente d’ailleurs un autre axe fondateur de ce projet de loi. Prévenir, c’est anticiper et retarder les problèmes de santé. Prévenir, c’est améliorer d’autant l’état de santé de nos concitoyens, et donc leur qualité de vie, sociale et professionnelle, tout en limitant les coûts à la charge des familles mais aussi de notre système de santé.

Trop longtemps, notre système de santé français a été tourné vers une médecine curative tandis que les actions préventives, déployées progressivement, demeuraient « éclatées », faute d’une politique structurée de prévention.

Ce projet de loi représente ainsi une avancée notoire en la matière puisque, pour la première fois, nous allons mettre en avant et donner corps à la mise en oeuvre, dans la loi, d’une véritable politique de prévention en santé publique tout au long de la vie.

À ce titre, je veux souligner l’instauration de la notion de parcours éducatif de santé qui a pour objectif de permettre à tous les enfants et adolescents « d’apprendre à prendre soin » de soi et des autres et d’éviter les conduites à risque.

Les programmes d’éducation à la santé devront également développer les connaissances des élèves à l’égard des services de santé ainsi que la promotion des liens entre les services de santé scolaire et ceux de la protection maternelle et infantile ainsi qu’avec les autres acteurs locaux de la santé.

Plusieurs mesures déployées pourraient ainsi être mentionnées. Je me contenterai d’évoquer ici la désignation d’un médecin traitant pour les enfants visant à coordonner le parcours de soins de zéro à seize ans, à détecter plus tôt l’obésité, prévenir le tabagisme, la consommation d’alcool, de drogues ou encore l’anorexie ; le déploiement de plusieurs mesures de lutte contre le tabagisme afin de protéger les plus jeunes, mais aussi l’ensemble des citoyens, contre les méfaits du tabagisme, de diminuer les coûts sanitaire et social liés et de contrecarrer le marketing industriel des fabricants ; l’ouverture, pour les consommateurs de substances psychotropes, de salles de consommation à moindre risque. Ce dispositif est d’ailleurs expérimenté avec succès dans plusieurs pays voisins.

Un autre objectif de la loi de santé est bien sûr de mieux organiser l’offre de soins. Nos concitoyens sont trop nombreux à craindre de ne pas trouver un rendez-vous chez un généraliste ou un spécialiste. Cette inquiétude, qui est exprimée au quotidien aussi bien dans les territoires ruraux que dans les zones périurbaines, concourt à ce que j’appellerais un sentiment d’abandon qui peut, nous l’avons vu récemment, entraîner des expressions ou des votes protestataires.

Notre devoir, avec ce projet de loi, est de répondre à ces inquiétudes.

Je tiens à souligner, madame la ministre, le volontarisme politique dont vous faites preuve sur ce sujet depuis le début du quinquennat. Oui, il faut le dire, les mesures que vous avez prises commencent à porter leurs fruits. Pas moins de deux cents maisons de santé ont été créées en 2015, portant leur nombre total à huit cents depuis 2012 et ce sont 1 700 nouveaux médecins qui s’installeront d’ici 2017 grâce à des bourses à l’installation dans les campagnes.

Demain, l’accès aux soins urgents en moins de trente minutes sera une réalité pour 1 million de personnes de plus grâce au développement des médecins correspondants du SAMU.

Par ailleurs, afin de mieux coordonner l’organisation de soins sur chaque territoire, les professionnels de santé ont souhaité être au coeur du système. Ils ont été entendus. Ainsi, une équipe de soins primaires contribuera à structurer le parcours de santé des patients en coordination avec les acteurs du premier recours, dans une optique de prise en charge des besoins de soins.

Parallèlement, des communautés professionnelles territoriales de santé, composées de ces mêmes équipes, seront constituées et contribueront à améliorer la prise en charge des patients dans un souci de continuité, de cohérence, de qualité et de sécurité des services de santé.

Une autre ambition de ce texte est de valoriser les praticiens de proximité comme les infirmiers cliniciens, dont le métier est créé, ou les pharmaciens, qui pourront, à titre expérimental, vacciner contre la grippe.

Des groupements hospitaliers de territoire sont également créés pour lutter contre les déserts médicaux.

Enfin, il est essentiel que les usagers soient pleinement associés à l’élaboration de la politique de santé et que leurs droits soient renforcés.

C’est désormais chose faite avec l’action de groupe. Pour la première fois, la loi ouvre la possibilité d’engager des recours collectifs devant la justice pour demander réparation des dommages subis. Les scandales sanitaires comme l’affaire des prothèses mammaires ont conduit le gouvernement à donner ce droit aux victimes qui se retrouvent seules face à des procédures judiciaires coûteuses. De surcroît, la démocratie sera renforcée dans chaque établissement. La commission des usagers, mise en place par cette loi, sera consultée sur les questions de politique de l’établissement en termes de qualité, de sécurité des soins et d’organisation du parcours de soins.

Au nom des députés du groupe SRC, madame la ministre, je veux vous apporter mon soutien total, ainsi qu’à l’esprit qui a animé le Gouvernement au fil de l’élaboration de ce projet de loi. Je forme le voeu que l’ensemble des députés qui participeront à nos travaux soient dans ce même état d’esprit constructif, ce qui permettra d’enrichir le projet de loi et de répondre aux attentes de nos concitoyens.

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