Vous avez constaté que le site internet de la DPSD n'est plus accessible. Celui-ci a été momentanément suspendu après les attentats pour parer à la multiplication des piratages contre les sites gouvernementaux. Nous en profitons pour l'améliorer, en veillant à ce que les informations divulguées ne nous affaiblissent pas.
La DSPD employait effectivement 1 053 personnes à la fin de 2013. Son effectif était de 1 076 à la fin de 2014, avec un droit ouvert à 1 079. Notre perspective pour 2015 était fixée à 1 100, maintenant complétée de 45 recrutements supplémentaires, puis 20 en 2016, dans le cadre des renforts du volet anti-terroriste accordés par le Premier ministre. Nous emploierons 1 145 personnes fin 2015 et 1 165 fin 2016.
Le service, qui comptait 1 500 personnes en 2008, a donc perdu un effectif important dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Je me réjouis que la tendance s'inverse. J'ai lu avec satisfaction que, dans son rapport, la délégation parlementaire au renseignement (DPR) souhaite que notre effectif se monte à 1 300 personnes. C'est à ce niveau que mon prédécesseur avait évalué nos besoins.
Une dynamique positive vient d'être amorcée. Après avoir gagné soixante-cinq postes, nous devrions encore en retrouver quelques-uns, à la faveur de la clause d'actualisation de la LPM. Quand les effectifs globaux ont baissé, l'échelon central a considérablement augmenté les siens au détriment du territorial. Mutualiser certaines fonctions au niveau de la direction centrale était la seule façon de maintenir nos missions avec des effectifs réduits. Nous avons par conséquent centralisé l'exploitation du renseignement, l'appui technique et le soutien, et diminué le nombre de structures hors région parisienne, pour nous adapter à l'évolution de la carte militaire. Mon prédécesseur a réorganisé la centrale, dont les piliers ont été réduits de six à trois : la stratégie ressources d'une part, les centres nationaux d'expertise, qui traitent les aspects techniques d'autre part, et le coeur du service, c'est-à-dire la contre-ingérence.
À mon sens, on est allé trop loin en diminuant les effectifs sur le terrain. Nous manquons désormais d'inspecteurs de sécurité de la défense (ISD), c'est-à-dire d'agents chargés de recueillir le renseignement. La semaine dernière, j'ai visité un poste situé en province, où se trouvent, en temps normal, deux inspecteurs. Le département ne comprend pas moins de deux régiments, deux centres de la marine nationale liés à la dissuasion nucléaire et une petite base de l'armée de l'air, qui héberge plusieurs radars. Un inspecteur ayant été projeté durant six mois en OPEX, l'autre est demeuré seul en poste pendant cette période. Je n'ai pas constaté sur place de menaces très pesantes, mais il faut manifestement renforcer la capacité en renseignement humain, en analyse et en exploitation. Il faut aussi investir les champs de la technologie moderne, tel que le cyberespace, où nous sommes encore trop peu présents.
Quoi qu'il en soit, nous sommes dans une perspective positive. Je souhaite qu'elle le reste. Je sais pouvoir compter sur votre appui dans ce domaine.
Il semble qu'un IMSI-catcher permette de recueillir toutes les données, mais mon objectif n'est pas celui-là. Il est de suivre une cible. J'ai eu un excellent échange à ce sujet avec M. Delarue, président de la CNCIS, avec lequel j'ai établi une relation de confiance. Selon lui, l'IMSI-catcher permet de « pêcher au chalut ». Pour ma part, je cherche à « pêcher à la ligne ». Je veux m'assurer de manière discrète qu'une cible potentiellement nuisible évolue là où nous pensons.
Nous éprouvons quelques difficultés à recruter des personnes qualifiées. Dans ce domaine, la ressource est rare et disputée. Le Service est en discussion permanente avec la direction des ressources humaines du ministère de la Défense (DRH-MD). En cas de concurrence entre les différents employeurs du ministère, le renseignement est considéré comme prioritaire. Mais les services sont plus regardants en matière de sécurité, ce qui élimine de facto des candidatures. Une dernière difficulté tient à la rémunération proposée. Je recrute des cadres de catégorie A débutant à 1 924 euros par mois. Ce salaire n'attire pas un diplômé de sciences-po ou d'une école d'ingénieurs, quel que soit son désir de servir le pays. Nous sommes par ailleurs en concurrence avec le secteur privé. Je note en outre que d'autres services peuvent proposer des salaires plus importants que ceux que je suis en mesure d'offrir. Il faut toute la pugnacité de la sous-directrice de la stratégie et des ressources pour que nous atteignions nos objectifs en matière d'effectifs, comme nous sommes parvenus à le faire en 2014.
Nous disposons d'une petite équipe de formateurs en interne. Trente-deux ISD recrutés lors du dernier concours seront formés durant une année scolaire. Il va de soi que ce type de formation ne peut pas être externalisé. D'autres formations, en revanche, sont mutualisées. L'Académie du renseignement nous offre des places en formation initiale ou dans les cycles supérieurs. Cette aide crée des ponts entre les services : quand des agents ont passé plusieurs semaines ensemble, ils nouent des liens qui permettent d'accélérer la réaction en cas de crise.
Lorsqu'il m'a fallu chercher rapidement le moyen de passer des informations – à un mauvais moment, car les urgences surviennent toujours le vendredi soir ou le samedi –, j'ai mis à profit les liens que mon chef de cabinet a noués avec la DGSI quand il suivait le cycle supérieur de l'Académie du renseignement. Cela ne m'a pas empêché d'appeler ensuite le DGSI, mais je savais que l'information avait été aussitôt diffusée.
Des besoins de formation se font sentir dans le domaine du cyber. Nous ne trouverons toutes les ressources dont nous avons besoin qu'en recrutant des gens que nous formerons ensuite. Le ministère consent un effort important dans ce domaine. Un pôle est en train de se créer en Bretagne, qui nous permettra, je l'espère, de couvrir nos besoins. Il serait désespérant de ne pas arriver à recruter autant qu'on nous autorise à le faire.
Les interfaces avec nos collègues français sont quotidiennes. Les six services travaillent ensemble : la DGSE (direction générale de la sécurité extérieure), la DGSI (direction générale de la sécurité intérieure), la DNRED (direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières), TRACFIN (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), la DRM (direction du renseignement militaire) et la DPSD.
En France, nous sommes surtout en contact avec la DGSI, la DNRED et TRACFIN, mais nous avons également des liens avec la DGSE et la DRM, notamment à l'étranger. Il nous arrive par exemple de détecter sur le territoire des individus qui avaient été repérés au Yémen et arrivent chez nous en passant d'autres pays, comme le Mali. Le dialogue entre les services permet de suivre ces cibles très finement. L'essentiel est qu'il n'y ait pas de « trous dans la raquette ». Il faut à tout prix éviter qu'une personne détectée comme dangereuse à l'extérieur cesse d'être prise en compte à son retour en France.
Nous avons, plusieurs fois par jour, des échanges sécurisés. Nous recevons les agents des autres services et nous allons les voir. Nous bénéficions de l'appui de TRACFIN et de la DNRED, qui nous apportent une aide considérable. Il s'agit de faire vivre le réseau vertueux des six agences de renseignement, contre les réseaux malveillants, qu'ils soient terroristes, cybernétiques ou financiers. Nous partageons l'intelligence sans laisser d'intervalle à l'adversaire.